Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie observa les frères et sœurs… Elle était heureuse qu’ils aillent bien. Elle accorda un sourire qui se voulait réconfortant à Suzanne, Fabrice, puis Teilo. Elle avait bien fait d’y aller doucement, de toute façon en faire plus n’aurait pas été nécessaire. Silencieuse, elle suivait le groupe. De retour à l’appartement des Daroux, la blonde adressa un regard à la mère. Elle s’excusa pour le retard, elle lui expliquerait plus tard, de toute façon personne ne semblait avoir envie de revenir sur les événements.
Lorie resta un peu avec Robin et lui montra quelques trucs sur un échiquier pour son tournoi de demain. Avec les dernières astuces, il ne pouvait plus perdre… Enfin si, mais ses chances de victoires venaient de grimper avec une simple méthode. Tout était dans la méthode, Nathaniel avait même atteint un niveau plus qu’honorable.
***
Lorie fut la seconde à se lever le lendemain, Suzanne l’avait fait avant elle. Elle la salua et la remercia pour le petit-déjeuner. La blonde ne chercha pas à reparler des événements de la veille. À la place, elle échangea au sujet du retour d’Ariane. L’appartement allait être encore plus mouvementé. Concentrée sur son repas, l’adolescente leva les yeux lorsqu’on sonna à la porte. Elle vit Teilo s’échapper pour aller prendre le courrier.
Son cœur se serra lorsqu’elle entendit que la lettre reçue venait de sa petite sœur. Elle avait complètement oublié ce détail et pourtant, c’était elle qui l’avait aidé à la poste non-maj’. Le regard sur Teilo, Lorie ne bougea pas, ses yeux suivirent le garçon monter à l'étage, puis peu à peu, ils se perdirent dans le vide. Elle semblait mal, loin du contrôle qu’elle avait montré la veille. Elle semblait vulnérable, touchée, perdue. Elle sortit de son état lorsque Suzanne lui conseilla de le suivre. Lorie regarda Suzanne, la fixa un instant et s’essuya la larme qui coulait sur sa joue d’un revers de main. Elle opina du chef et se leva d’un mouvement lent.
Après de nombreux pas mélancolique, elle se retrouva devant la porte entrebâillé de la chambre de Teilo. Elle n’osa pas la pousser, restant un bon moment devant sans rien faire. Puis après un long soupire, elle poussa lentement la porte. « Teilo ?
Questionna-t-elle alors que sa voix était prise par l’émotion. Je peux entrer ? » Sa gorge était serrée. Elle poussa néanmoins la porte un peu plus loin. Elle ne fit même pas attention au désordre qui régnait dans la chambre du garçon. « Teilo ? » Lorie eut une larme qui coula une nouvelle fois sur sa joue, puis une deuxième, puis une troisième.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Dès les premières lignes, Teilo imagina sans mal la voix de Pensée dans sa tête. C'était comme si elle était venue avec Lorie à Lyon pour lui rendre visite, et que là, elle venait de s'asseoir sur le lit pour lui raconter ce qu'elle avait fait depuis le début des vacances.
Il grinça des dents quand elle lui dit que leur gouvernante avait été 'remerciée', ce qui voulait dire virée, et que les Fleury avaient un emploi du temps encore plus dur à la maison qu'à Beauxbâtons. Puis il sourit en apprenant qu'Elina n'arrêtait pas d'être punie. Il la savait forte tête - ils s'étaient pas mal cherché sur des sujets non-maj cette année - mais pas à ce point !
"1500 lignes... la pauvre" fit le garçon avant de se mordiller les lèvres. "Elle doit avoir trop mal au poignet."
Puis Pensée lui raconta qu'elle avait décidé de lui envoyer sa lettre elle-même en bravant l'administration. Il ne put retenir un petit rire et chuchota au parchemin : "C'est la poste" avant de soupirer lentement, sourire aux lèvres : "Mais oui, tu t'améliores. La preuve, tu vois, je l'ai bien reçue." Les coudes sur son oreiller et le menton contre ses mains, il continuait à lire le parchemin et écouter Pensée. Lorie avait le projet de prendre la poudre d'escampette - ou plutôt de cheminette, mais pour le coup c'était pareil - et fuir leur château avec ses sœurs pour se réfugier chez leur tante Claire, la même Claire qu'il avait croisée à Osse-en-Bazar avec Gio vers Noël. "Ouais, bonne idée", fit Teilo en hochant très sérieusement la tête. Elles seraient forcément mieux avec Tatie Rose qu'avec leur horrible mère. "Franchement, tes parents..." se permit-il même de rajouter avec une grimace.
Mais il ne termina pas sa phrase. Ses yeux restaient bloqués sur le parchemin et ne voulaient pas passer à la suite.
Si tout se passe bien, je devrais pouvoir venir te rendre visite. Je voulais te faire la surprise. Sa gorge s'était subitement serrée. Rien que deux petites phrases de rien du tout le ramenaient à la réalité. Pensée n'avait pas pu venir avec Lorie, finalement. De là où elle était, elle ne pouvait pas lui parler. Elle n'avait même pas de plume pour lui écrire du violet.
Dans un râle d'agonie, Teilo se mit sur le dos et agrippa le bord de son matelas avec sa main gauche. Il serra si fort qu'il s'en fit mal aux doigts. Perdu, son regard se mit à errer vers les dessins au papier noir qu'il avait collé à son mur plein d'étoiles et plus son regard errait, plus il sentait son corps se glacer. Heureusement qu'il ne faisait pas encore nuit. Soudain, il eut envie de taper du pied sur son lit, et il le fit trois fois.
"C'est. Pas. Juste."
Il avait dit ça avec une férocité gutturale qui l'étonna lui-même et puis son pied plâtré lui faisait super mal maintenant mais ça ne suffit pas à le calmer. Trop d'émotions différentes se mélangeaient tout à coup dans sa petite tête et son nez respirait si fort qu'il n'entendit même pas qu'on l'appelait du couloir. Voir la porte de sa chambre s'ouvrir lui fit l'effet d'un électrochoc. Immédiatement il se redressa, s'assit en position de tailleur sur son lit et s'éclaircit la gorge.
C'était Lorie et elle pleurait.
Les joues rouges, Teilo la dévisagea comme si là, à l'entrée de sa chambre, se tenait une créature magique inconnue. Il n'avait de mémoire jamais vu Lorie pleurer. Il croyait en connaître la raison, c'était quand même assez évident, mais il ne comprenait pas pourquoi maintenant. Avait-elle eu des nouvelles ? Des nouvelles... graves ? Il se raidit et blêmit, inspira un grand coup pour se préparer au choc. "Tu peux entrer si tu veux", l'invita-t-il d'une voix nouée, les yeux ronds et sans sourire, avant d'oser demander encore plus faiblement : "Il s'est passé quelque chose ?"
Il grinça des dents quand elle lui dit que leur gouvernante avait été 'remerciée', ce qui voulait dire virée, et que les Fleury avaient un emploi du temps encore plus dur à la maison qu'à Beauxbâtons. Puis il sourit en apprenant qu'Elina n'arrêtait pas d'être punie. Il la savait forte tête - ils s'étaient pas mal cherché sur des sujets non-maj cette année - mais pas à ce point !
"1500 lignes... la pauvre" fit le garçon avant de se mordiller les lèvres. "Elle doit avoir trop mal au poignet."
Puis Pensée lui raconta qu'elle avait décidé de lui envoyer sa lettre elle-même en bravant l'administration. Il ne put retenir un petit rire et chuchota au parchemin : "C'est la poste" avant de soupirer lentement, sourire aux lèvres : "Mais oui, tu t'améliores. La preuve, tu vois, je l'ai bien reçue." Les coudes sur son oreiller et le menton contre ses mains, il continuait à lire le parchemin et écouter Pensée. Lorie avait le projet de prendre la poudre d'escampette - ou plutôt de cheminette, mais pour le coup c'était pareil - et fuir leur château avec ses sœurs pour se réfugier chez leur tante Claire, la même Claire qu'il avait croisée à Osse-en-Bazar avec Gio vers Noël. "Ouais, bonne idée", fit Teilo en hochant très sérieusement la tête. Elles seraient forcément mieux avec Tatie Rose qu'avec leur horrible mère. "Franchement, tes parents..." se permit-il même de rajouter avec une grimace.
Mais il ne termina pas sa phrase. Ses yeux restaient bloqués sur le parchemin et ne voulaient pas passer à la suite.
Si tout se passe bien, je devrais pouvoir venir te rendre visite. Je voulais te faire la surprise. Sa gorge s'était subitement serrée. Rien que deux petites phrases de rien du tout le ramenaient à la réalité. Pensée n'avait pas pu venir avec Lorie, finalement. De là où elle était, elle ne pouvait pas lui parler. Elle n'avait même pas de plume pour lui écrire du violet.
Dans un râle d'agonie, Teilo se mit sur le dos et agrippa le bord de son matelas avec sa main gauche. Il serra si fort qu'il s'en fit mal aux doigts. Perdu, son regard se mit à errer vers les dessins au papier noir qu'il avait collé à son mur plein d'étoiles et plus son regard errait, plus il sentait son corps se glacer. Heureusement qu'il ne faisait pas encore nuit. Soudain, il eut envie de taper du pied sur son lit, et il le fit trois fois.
"C'est. Pas. Juste."
Il avait dit ça avec une férocité gutturale qui l'étonna lui-même et puis son pied plâtré lui faisait super mal maintenant mais ça ne suffit pas à le calmer. Trop d'émotions différentes se mélangeaient tout à coup dans sa petite tête et son nez respirait si fort qu'il n'entendit même pas qu'on l'appelait du couloir. Voir la porte de sa chambre s'ouvrir lui fit l'effet d'un électrochoc. Immédiatement il se redressa, s'assit en position de tailleur sur son lit et s'éclaircit la gorge.
C'était Lorie et elle pleurait.
Les joues rouges, Teilo la dévisagea comme si là, à l'entrée de sa chambre, se tenait une créature magique inconnue. Il n'avait de mémoire jamais vu Lorie pleurer. Il croyait en connaître la raison, c'était quand même assez évident, mais il ne comprenait pas pourquoi maintenant. Avait-elle eu des nouvelles ? Des nouvelles... graves ? Il se raidit et blêmit, inspira un grand coup pour se préparer au choc. "Tu peux entrer si tu veux", l'invita-t-il d'une voix nouée, les yeux ronds et sans sourire, avant d'oser demander encore plus faiblement : "Il s'est passé quelque chose ?"
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie franchit la porte lorsque qu’elle fut invitée à entrer dans la chambre. Son regard se posa sur celle-ci et afficha un sourire qui dénotait beaucoup avec ce que le reste de son corps pouvait afficher. « Non rien » répondit-elle d’une voix détachée alors qu’elle s’avança vers le théâtre que sa sœur avait fabriqué pour Teilo. Elle fixa celui-ci de nombreuses secondes, puis se retourna et s’avança vers le lit. Elle vint s’asseoir délicatement sur celui-ci, sa posture était droite, les jambes jointes. Tandis que ses mains étaient agitées, elle fixa le sol de la chambre.
« J’étais avec elle quand elle a posté la lettre… Lui dit-elle d’une voix étouffée par l’émotion. Je l’ai aidé avec… » Lorie fouilla dans sa petite pochette et en ressortit un livre. C’était l’un de ses manuels de cours sur la guérison. Elle ouvrit délicatement le livre et en ressortit un origami finement plié dans un parchemin violacé. Celui-ci était collé à un autre origami fait d’un autre parchemin argenté représentant une lune. Elle le posa délicatement à côté de Teilo et le fit glisser sur les draps dans sa direction. Le regard toujours vers le sol, le cœur battant dans sa poitrine comme des tambours de guerre, elle rompit alors le silence qui venait de s’installer. « Elle voulait te l’apporter… Au début des vacances, ça lui tenait à cœur. »
Les larmes continuèrent de couler alors que la blonde rangea son livre. Finalement, elle ne voulait pas savoir ce qu’il y avait dans cette lettre. Celle-ci venait de lui rappeler la douleur qu’elle avait ressentie lorsqu’elle avait trouvé sa sœur, inconsciente sur la pelouse du domaine. Lorie se leva, et marcha d’un pas lent vers la sortie dans des sanglots muets. Comment pouvait-elle gérer cela ? Sa petite perle était dans le coma et elle devait rester forte. C’était Lorie Fleury, la championne de Beauxbâtons, mais elle restait une adolescente banale, remplit de faille… Comment allait-elle pouvoir affronter les mages noirs en étant aussi faible ?
Si Teilo venait à retourner le poisson, il pourrait y lire : « Je t'offre ce poisson-lune, parce que je voulais te remercier d'être toi, joyeux, curieux, touchant en espérant que celui-ci éclaire le ciel comme tu as éclairé ma vie. »
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo suivait Lorie de la tête. Plus il la regardait et plus son propre regard devenait humide. La grande quatrième année, Championne de Beauxbâtons, cette même fille dont il n'avait eu de cesser d'admirer la retenue, qu'il avait idéalisé comme un modèle à suivre avait les mains tremblantes et de chaudes larmes sur les joues.
C'était toujours quelque chose de voir les grands craquer. Comme si au final, Maman avait raison, que c'était sans doute mieux de ne pas retenir ses émotions et que c'était pas si grave de pleurer. Pourtant, cette fois encore, Teilo avait voulu faire comme Lorie, comme Nat, comme Drian et Thaïs, et même comme Gio qui pourtant avait son âge. Il s'était senti un peu fier de ne pas avoir pleuré du tout depuis qu'il avait appris ce qui était arrivé à Pensée. Mais pour le coup, il était en colère et ce n'était pas forcément mieux. Les yeux clignant à toute vitesse, il renifla en entendant la voix étouffée de Lorie, qui sortait maintenant quelque chose d'autre de sa pochette. Dès qu'il reconnut la forme de l'origami, les larmes retenues tant bien que mal depuis deux jours débordèrent enfin. C'était la réponse de Pensée au poisson-soleil qu'il n'avait jamais osé lui donner, une réponse qu'il n'avait même pas pu espérer mais qui, miraculeusement, lui tombait dans les mains.
Le regard maintenant fixé sur le pliage en papier, il hocha doucement la tête et renifla bruyamment. Puis il le retourna. Bien sûr qu'il y avait un mot derrière et à sa lecture le garçon trembla des lèvres, comme si elles hésitaient entre un sourire triste ou joyeux. Finalement ce fut une combinaison des deux parce que, Teilo le savait, c'était tout à fait possible d'être triste et joyeux à la fois. Il hocha de nouveau la tête, avec plus d'assurance cette fois.
Suzanne avait raison. Il était vraiment temps pour lui de grandir. Tout ce qui s'était passé depuis l'arrivée de Lorie le prouvait, le mot de Pensée le confirmait.
Lorie partait déjà et elle avait besoin d'aide, même si elle l'avait plusieurs fois assuré du contraire. "Lorie..." l'interpella-t-il d'une voix rauque. Mais son amie ne fit que se retourner et tapoter le montant de la porte avec un sourire, sans doute pour le rassurer. Ohhhh non. Elle n'allait pas s'en tirer comme ça. Maintenant, c'était son tour ! Teilo se leva dare-dare du lit, prit quand même le temps de déposer délicatement le poisson-lune en origami sur sa petite armoire en chuchotant "Reste là, toi", puis, paré de ses chaussettes Donald Duck, courut après son amie dans le couloir.
"Lorie, attends..."
Mince. C'était bien beau de vouloir l'aider mais il ne savait pas du tout quoi lui dire ni quoi faire pour arranger les choses. D'habitude, il changeait de sujet ou faisait une blague ou assurait que rien de tout ça n'était grave, mais là, ça ne collait pas. Par Merlin, c'était pas si facile d'être grand ! se dit-il en la poursuivant dans l'escalier. Il pouvait toujours l'enlacer là, lui faire un gros câlin au milieu des marches mais c'était un peu trop dangereux, un mauvais mouvement et il allait encore se fracasser un pied ou une jambe.
Suzanne les attendait en bas de l'escalier, une main posée sur la table ronde du salon. Son visage qu'elle voulait neutre dissimulait tout de même assez mal son inquiétude. Il ne lui fallut qu'un regard pour constater que celle-ci était justifiée. Qu'est-ce qu'ils s'étaient dit, là haut ? Et merde, pensa-t-elle très fort en grinçant des dents. Réconforter les gens, c'était vraiment, vraiment pas son truc. Elle avait vraiment espéré que Lorie y parvienne avec Teilo, ça lui aurait évité de le faire. Maintenant c'était pire, elle devait s'occuper des deux.
"Qu'est ce que tu comptes faire, là ?" dit-elle simplement à Lorie quand celle-ci fut à son niveau, mais elle n'avait pas bien contrôlé sa voix et ça sortait plus sec que prévu. Puis elle croisa les bras sans la quitter des yeux. Il était hors de question que Lorie sorte dans la rue dans cet état, sorcière ou pas... et parce que oui, Lorie était une sorcière, il ne valait mieux pas pour tout le monde qu'elle sorte dans cet état. Si elle comptait le faire, Suzanne lui barrerait la route.
C'était toujours quelque chose de voir les grands craquer. Comme si au final, Maman avait raison, que c'était sans doute mieux de ne pas retenir ses émotions et que c'était pas si grave de pleurer. Pourtant, cette fois encore, Teilo avait voulu faire comme Lorie, comme Nat, comme Drian et Thaïs, et même comme Gio qui pourtant avait son âge. Il s'était senti un peu fier de ne pas avoir pleuré du tout depuis qu'il avait appris ce qui était arrivé à Pensée. Mais pour le coup, il était en colère et ce n'était pas forcément mieux. Les yeux clignant à toute vitesse, il renifla en entendant la voix étouffée de Lorie, qui sortait maintenant quelque chose d'autre de sa pochette. Dès qu'il reconnut la forme de l'origami, les larmes retenues tant bien que mal depuis deux jours débordèrent enfin. C'était la réponse de Pensée au poisson-soleil qu'il n'avait jamais osé lui donner, une réponse qu'il n'avait même pas pu espérer mais qui, miraculeusement, lui tombait dans les mains.
Le regard maintenant fixé sur le pliage en papier, il hocha doucement la tête et renifla bruyamment. Puis il le retourna. Bien sûr qu'il y avait un mot derrière et à sa lecture le garçon trembla des lèvres, comme si elles hésitaient entre un sourire triste ou joyeux. Finalement ce fut une combinaison des deux parce que, Teilo le savait, c'était tout à fait possible d'être triste et joyeux à la fois. Il hocha de nouveau la tête, avec plus d'assurance cette fois.
Suzanne avait raison. Il était vraiment temps pour lui de grandir. Tout ce qui s'était passé depuis l'arrivée de Lorie le prouvait, le mot de Pensée le confirmait.
Lorie partait déjà et elle avait besoin d'aide, même si elle l'avait plusieurs fois assuré du contraire. "Lorie..." l'interpella-t-il d'une voix rauque. Mais son amie ne fit que se retourner et tapoter le montant de la porte avec un sourire, sans doute pour le rassurer. Ohhhh non. Elle n'allait pas s'en tirer comme ça. Maintenant, c'était son tour ! Teilo se leva dare-dare du lit, prit quand même le temps de déposer délicatement le poisson-lune en origami sur sa petite armoire en chuchotant "Reste là, toi", puis, paré de ses chaussettes Donald Duck, courut après son amie dans le couloir.
"Lorie, attends..."
Mince. C'était bien beau de vouloir l'aider mais il ne savait pas du tout quoi lui dire ni quoi faire pour arranger les choses. D'habitude, il changeait de sujet ou faisait une blague ou assurait que rien de tout ça n'était grave, mais là, ça ne collait pas. Par Merlin, c'était pas si facile d'être grand ! se dit-il en la poursuivant dans l'escalier. Il pouvait toujours l'enlacer là, lui faire un gros câlin au milieu des marches mais c'était un peu trop dangereux, un mauvais mouvement et il allait encore se fracasser un pied ou une jambe.
Suzanne les attendait en bas de l'escalier, une main posée sur la table ronde du salon. Son visage qu'elle voulait neutre dissimulait tout de même assez mal son inquiétude. Il ne lui fallut qu'un regard pour constater que celle-ci était justifiée. Qu'est-ce qu'ils s'étaient dit, là haut ? Et merde, pensa-t-elle très fort en grinçant des dents. Réconforter les gens, c'était vraiment, vraiment pas son truc. Elle avait vraiment espéré que Lorie y parvienne avec Teilo, ça lui aurait évité de le faire. Maintenant c'était pire, elle devait s'occuper des deux.
"Qu'est ce que tu comptes faire, là ?" dit-elle simplement à Lorie quand celle-ci fut à son niveau, mais elle n'avait pas bien contrôlé sa voix et ça sortait plus sec que prévu. Puis elle croisa les bras sans la quitter des yeux. Il était hors de question que Lorie sorte dans la rue dans cet état, sorcière ou pas... et parce que oui, Lorie était une sorcière, il ne valait mieux pas pour tout le monde qu'elle sorte dans cet état. Si elle comptait le faire, Suzanne lui barrerait la route.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie n’eut aucune réaction lorsqu’elle fut interpellée par Teilo. Elle continua de marcher jusqu’à la porte et se retourna alors qu’elle était appuyée contre le montant de celle-ci, elle la tapota légèrement. Elle lui adressa un sourire qui se voulut rassurant, un sourire que l’on pourrait facilement traduire par « ça va aller », « ne t’inquiète pas pour moi », ou encore « je vais bien. » Évidemment ce n’était qu’un sourire de façade, Lorie n’allait pas bien, la lettre lui avait fait un électrochoc. Elle venait de lui rappeler que sa sœur était inconsciente dans l’une des nombreuses chambres de l’hôpital de port au plâtre. Sa petite perle était dans le coma, et même si elle gardait espoir et qu’elle avait confiance en sa sœur, son cœur était déchiré. Celle qui gardait la face du mieux qu’elle pouvait devant les autres, celle qui représentait au mieux les qualités de l’académie, celle qui venait de finir un tournoi éprouvant et prestigieux, venait de craquer.
La blonde descendit les escaliers d’un pas terriblement lent et se retrouva face à Suzanne qui l’interpella. En bas des marches, elle haussa les épaules en guise de réponse. Elle avait besoin de marcher, prendre l’air, être seule, casser des voitures… En réalité, elle ne savait pas quoi faire, ni comment et encore moins ce dont elle avait besoin. Elle essaya de continuer sa route vers la porte d’entrée, mais la grande sœur de Teilo lui barra la route. Lorie s’arrêta, elle releva le menton pour observer la rousse et comprit assez aisément qu’elle n’avait pas l’intention de bouger pour la laisser passer. L’adolescente déglutit alors, et se laissa tomber sur les marches pour s’asseoir. Elle attrapa une fiole de la taille d’une canette dans son sac et tenta de la boire entièrement, cul-sec. Mais Suzanne l'en empêcha. Ainsi Lorie n'eut le temps que de boire un quart tout au plus de la fiole, avant de la perdre de ses mains. Mais c’est de ça qu’elle avait besoin ! Sa potion, celle que sa maîtresse de confrérie lui avait interdite.
Lys s’approcha lentement de Lorie avec un air triste et vint se blottir contre sa maîtresse. Après un long soupire Lorie se recroquevilla sur elle-même. « Je… Elles sont tout pour moi... » finit-elle par lâcher la gorge serrée par l'émotion.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Non non non, certaiiiiinement pas !" Suzanne s'était précipitée sur Lorie pour récupérer la fiole qu'elle venait de sortir de son sac, de force s'il le fallait. Elle avait l'habitude ! Trop tard cependant, Lorie avait déjà bu une partie du contenu. Suzanne tapota du doigt sur la fiole en regardant Teilo mais son petit frère, debout dans l'escalier et un peu ailleurs, lu secoua négativement la tête avant de passer une main sur ses joues humides. Il n'avait aucune idée de la composition de cette potion, il n'avait jamais eu de cours de Guérison.
"J'espère que c'est pas le genre de truc que vos parents vous donnaient", gronda Suzanne en lançant un regard furieux à Lorie. Mais comme celle-ci s'écroulait dans l'escalier, elle n'insista pas pour l'instant et alla dans la cuisine fiole en main non sans avoir au préalable jeté un regard sans équivoque à Teilo. Le message était on ne peut plus clair : veille sur elle.
Mais Teilo n'avait pas besoin que sa sœur lui dise quoi faire. Il le savait déjà, depuis longtemps. Il avait pu repérer des signaux, comme sa mère faisait si naturellement avec tous les petits Daroux, il s'était même inquiété avec Pensée. Sauf que maintenant, il se fichait bien que tout ça le dépasse, qu'il soit trop jeune ou il ne savait quelle autre excuse que les grands sortaient pour l'empêcher de faire ce qu'il avait envie et besoin de faire. Avant de la brûler, il avait appris presque par cœur la lettre que Lorie lui avait envoyé au début des vacances. Dedans, elle avait parlé de gardiens qui veillaient sur elle et la protégeaient. Ne pouvait-il pas en être un ? N'était-ce pas exactement ce qu'elle avait fait pour lui toute cette année, et même pas plus tard que hier soir ?
C'était. Son. Tour. Il l'avait promis.
Lentement, comme s'il avait peur de la brusquer, le garçon s'assit à côté de Lorie dans l'escalier. Il lui lança d'abord un regard interrogateur avant d'enlacer sa taille avec ses bras osseux. La joue posée contre l'épaule de la quatrième année, Championne de Beauxbâtons, il l'étreignit doucement comme il serrait parfois contre lui, les jours de beau temps comme les jours de pluie, ses frères et sœurs.
En fait, ça ne servait à rien de chercher quoi dire. Lorie avait déjà tout dit. Grâce à Nathaniel, Teilo savait maintenant que, parfois, le silence était plus fort que les mots.
Dans la cuisine, Suzanne attendait que l'eau de la bouilloire électrique se mette à frémir. Elle était teeellement soulagée que Lorie n'ait pas cherché à forcer le passage pour sortir dans la rue parce qu'elle n'aurait clairement pas été de poids pour lutter. Maintenant, elle comptait bien lui faire une de ses tisanes spéciales. Ce n'était pas magique mais ça aidait bien Claire dans les moments plus difficiles. De temps en temps, elle s'écartait du comptoir pour jeter un œil sur son petit frère et... oui, son amie.
"J'espère que c'est pas le genre de truc que vos parents vous donnaient", gronda Suzanne en lançant un regard furieux à Lorie. Mais comme celle-ci s'écroulait dans l'escalier, elle n'insista pas pour l'instant et alla dans la cuisine fiole en main non sans avoir au préalable jeté un regard sans équivoque à Teilo. Le message était on ne peut plus clair : veille sur elle.
Mais Teilo n'avait pas besoin que sa sœur lui dise quoi faire. Il le savait déjà, depuis longtemps. Il avait pu repérer des signaux, comme sa mère faisait si naturellement avec tous les petits Daroux, il s'était même inquiété avec Pensée. Sauf que maintenant, il se fichait bien que tout ça le dépasse, qu'il soit trop jeune ou il ne savait quelle autre excuse que les grands sortaient pour l'empêcher de faire ce qu'il avait envie et besoin de faire. Avant de la brûler, il avait appris presque par cœur la lettre que Lorie lui avait envoyé au début des vacances. Dedans, elle avait parlé de gardiens qui veillaient sur elle et la protégeaient. Ne pouvait-il pas en être un ? N'était-ce pas exactement ce qu'elle avait fait pour lui toute cette année, et même pas plus tard que hier soir ?
C'était. Son. Tour. Il l'avait promis.
Lentement, comme s'il avait peur de la brusquer, le garçon s'assit à côté de Lorie dans l'escalier. Il lui lança d'abord un regard interrogateur avant d'enlacer sa taille avec ses bras osseux. La joue posée contre l'épaule de la quatrième année, Championne de Beauxbâtons, il l'étreignit doucement comme il serrait parfois contre lui, les jours de beau temps comme les jours de pluie, ses frères et sœurs.
En fait, ça ne servait à rien de chercher quoi dire. Lorie avait déjà tout dit. Grâce à Nathaniel, Teilo savait maintenant que, parfois, le silence était plus fort que les mots.
Dans la cuisine, Suzanne attendait que l'eau de la bouilloire électrique se mette à frémir. Elle était teeellement soulagée que Lorie n'ait pas cherché à forcer le passage pour sortir dans la rue parce qu'elle n'aurait clairement pas été de poids pour lutter. Maintenant, elle comptait bien lui faire une de ses tisanes spéciales. Ce n'était pas magique mais ça aidait bien Claire dans les moments plus difficiles. De temps en temps, elle s'écartait du comptoir pour jeter un œil sur son petit frère et... oui, son amie.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
La fiole s’éloignait sous les yeux envieux de la blonde. Elle avait même hoché à la dernière phrase de Suzanne. Si c’était ça, elle avait résisté toute l’année du tournoi, malgré les émotions qui l’avait emporté Lorie avait résisté. Mais là, elle revenait à craquer, sa maîtresse de confrérie serait sans nul doute déçu, en fait Lorie aussi était déçue d’elle-même après coup. Elle laissa échapper un léger rire pouffé de nervosité avant de sentir l’étreinte du garçon.
À son tour, Lorie passa son bras dans le dos de Teilo, elle n’allait certainement pas refuser ce geste. Puis, alors qu’elle ferma les yeux, elle s’imagina l’échiquier, le bois vernis lesté entre ses doigts, l’odeur du feutre, tout ce qui la rendait passionnée envers ce jeu. Après une longue inspiration, puis un soupir, elle frotta le dos de Teilo, comme un remerciement, appuya sa joue sur le haut de sa petite tête pleine de cheveux trop court et initia un mouvement pour se relever. Lys s’était déjà réchappé pour disparaître. Elle aimait bien trop se cacher, finalement pour elle, c’était comme un jeu.
Lorie essuya ses larmes, elle qui pensait qu’elle n’en avait plus après sa nuit du dimanche au lundi. Finalement, il lui en restait plein. Elle se sentit un peu mieux malgré le terrible sentiment d’impuissance. Que pouvait-elle faire du haut de ses quinze ans pour sa sœur, alors que tous les guérisseurs compétents étaient sur le cas de Pensée. À son échelle, elle ne pouvait rien faire si ce n’est espérer, attendre et garder la face. Mais cette dernière possibilité n’était pas chose aisée. C’était si dur de gérer toutes ses émotions alors qu’elle avait toujours appris à les garder pour elle. « Merci Tei... Et Suz » se contenta-t-elle de dire avant de prendre la direction de la banquette qui serait bien plus confortable pour larver encore un peu. « Navrée, je t’ai dérangé dans la lecture, c’est juste que… C’est tellement dur et je n’ai jamais trop appris à exprimer. » Finit-elle par dire. Il fallait entendre par là que l’expression de certaines émotions n’était pas au centre des activités lors de son enfance.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Si tu avais l'intention de tout garder pour toi, tu es tombée dans la mauvaise famille", annonça Suzanne avec un petit sourire en coin. Elle revenait de la cuisine avec une tasse blanche et fumante sur laquelle on pouvait lire 'Ma soeur c'est comme le café. Elle a un grain, mais je l'adore !' Debout devant Lorie, elle lui tendit la tasse. "Bois." Sa voix était autoritaire, c'était clairement un ordre mais elle précisa immédiatement : "Enfin, souffle d'abord. C'est super chaud." De la tasse se dégageait clairement une odeur de lavande avec un soupçon de rose. Les nés affûtés pouvaient aussi détecter un petit truc en plus.
Suzanne s'assit à côté de Lorie sur la banquette et soupira fort. La tisane, c'était la limite de ce qu'elle pouvait faire, vraiment. De manière générale, elle évitait les gens tristes parce qu'elle ne savait pas les gérer, et puis les gens tristes tout le temps finissaient par vite la saouler. Suzanne, elle, trouvait qu'être triste était une grosse perte de temps. C'était plus urgent et efficace d'être en colère.
Les jambes et bras écartés, elle observa la blonde à côté d'elle. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir affectée. Lorie brisait enfin sa carapace et c'était tant mieux, ça la rendait beaucoup plus humaine à ses yeux. Elle ne savait pas comment elle aurait réagi si ça avait été une de ses sœurs ou un de ses frères. Bon, si ça avait été Olympia, elle aurait sauté de joie mais...
Non. Même si ça avait été la parfaite Olympia, elle aurait sûrement voulu péter des trucs.
Son regard dévia vers son petit frère qui était resté assis sur les marches de l'escalier, le menton dans les mains et le regard dans le vide. D'un instant à l'autre, ses yeux allaient sourire à nouveau. Il allait trouver une 'super idée' et sortir soudainement de sa léthargie pour bondir d’enthousiasme. Ou pas. Teilo avait changé en un an. Pourquoi ne le constatait-elle que maintenant ?
"Teilo." "Hm ?" fit son petit frère d'un air absent. "Teilo, tu ne veux pas finir de lire la lettre ?" "Hm. Je sais pas."
Suzanne soupira, plus doucement cette fois. Comme elle ne savait pas quoi faire ou quoi dire d'autre, elle se pencha en avant sur la banquette, les coudes sur les genoux et attendit qu'un miracle se produise.
"Ouais, j'y vais." Suzanne releva aussitôt la tête, soulagée d'avoir vu juste. Teilo se levait et remontait déjà l'escalier mais il s'arrêta au bout de deux marches. "Et après, tu m'aides pour mes dessins." "Quoi ?" Elle grommela et dans un profond soupir se réadossa à la banquette. "Teilo, je t'ai déjà dit genre cent fois que le dessin et moi, c'était fini. J'ai pas-" "Tu m'aides. Pour mes dessins." Suzanne cligna des yeux. La voix de son petit frère, juste un instant, avait étrangement ressemblé à la sienne. La main sur la rambarde de l'escalier, il se tenait droit et la ciblait du regard, le visage sévère.
"D'aaaaccoord", concéda-t-elle dans un énième soupir. "Mais juste pour cette fois !" Le visage de Teilo se radoucit aussitôt et il sourit. De là où elle était, Suzanne crut enfin la voir, cette petite lueur de malice dans le regard, cette lueur avec laquelle il semblait être né et qui d'habitude ne le quittait jamais. Teilo remonta l'escalier plus vite malgré son plâtre tout en s'exclamant avec étonnement : "J'ai une idée. Non, j'ai deux idées !" Cinq marches après seulement, il s'arrêta une nouvelle fois pour regarder vers en bas : "Oh, Lorie, tu sais quoi ? Suzanne dessine super bien. Elle devrait te montrer !" Puis il disparut en haut.
Suzanne se retourna vers Lorie et évita son regard en agitant sa main gauche : "L'écoute pas." Ses joues pâles rosissaient un peu. Elle pointa la tasse d'un doigt autoritaire. "Bois ! Et... je suis là si tu veux parler de Pensée..." Elle haussa les épaules et chercha enfin, un peu gênée, le regard de Lorie : "ou de ce que tu veux."
Suzanne s'assit à côté de Lorie sur la banquette et soupira fort. La tisane, c'était la limite de ce qu'elle pouvait faire, vraiment. De manière générale, elle évitait les gens tristes parce qu'elle ne savait pas les gérer, et puis les gens tristes tout le temps finissaient par vite la saouler. Suzanne, elle, trouvait qu'être triste était une grosse perte de temps. C'était plus urgent et efficace d'être en colère.
Les jambes et bras écartés, elle observa la blonde à côté d'elle. Elle ne pouvait pas s'empêcher de se sentir affectée. Lorie brisait enfin sa carapace et c'était tant mieux, ça la rendait beaucoup plus humaine à ses yeux. Elle ne savait pas comment elle aurait réagi si ça avait été une de ses sœurs ou un de ses frères. Bon, si ça avait été Olympia, elle aurait sauté de joie mais...
Non. Même si ça avait été la parfaite Olympia, elle aurait sûrement voulu péter des trucs.
Son regard dévia vers son petit frère qui était resté assis sur les marches de l'escalier, le menton dans les mains et le regard dans le vide. D'un instant à l'autre, ses yeux allaient sourire à nouveau. Il allait trouver une 'super idée' et sortir soudainement de sa léthargie pour bondir d’enthousiasme. Ou pas. Teilo avait changé en un an. Pourquoi ne le constatait-elle que maintenant ?
"Teilo." "Hm ?" fit son petit frère d'un air absent. "Teilo, tu ne veux pas finir de lire la lettre ?" "Hm. Je sais pas."
Suzanne soupira, plus doucement cette fois. Comme elle ne savait pas quoi faire ou quoi dire d'autre, elle se pencha en avant sur la banquette, les coudes sur les genoux et attendit qu'un miracle se produise.
"Ouais, j'y vais." Suzanne releva aussitôt la tête, soulagée d'avoir vu juste. Teilo se levait et remontait déjà l'escalier mais il s'arrêta au bout de deux marches. "Et après, tu m'aides pour mes dessins." "Quoi ?" Elle grommela et dans un profond soupir se réadossa à la banquette. "Teilo, je t'ai déjà dit genre cent fois que le dessin et moi, c'était fini. J'ai pas-" "Tu m'aides. Pour mes dessins." Suzanne cligna des yeux. La voix de son petit frère, juste un instant, avait étrangement ressemblé à la sienne. La main sur la rambarde de l'escalier, il se tenait droit et la ciblait du regard, le visage sévère.
"D'aaaaccoord", concéda-t-elle dans un énième soupir. "Mais juste pour cette fois !" Le visage de Teilo se radoucit aussitôt et il sourit. De là où elle était, Suzanne crut enfin la voir, cette petite lueur de malice dans le regard, cette lueur avec laquelle il semblait être né et qui d'habitude ne le quittait jamais. Teilo remonta l'escalier plus vite malgré son plâtre tout en s'exclamant avec étonnement : "J'ai une idée. Non, j'ai deux idées !" Cinq marches après seulement, il s'arrêta une nouvelle fois pour regarder vers en bas : "Oh, Lorie, tu sais quoi ? Suzanne dessine super bien. Elle devrait te montrer !" Puis il disparut en haut.
Suzanne se retourna vers Lorie et évita son regard en agitant sa main gauche : "L'écoute pas." Ses joues pâles rosissaient un peu. Elle pointa la tasse d'un doigt autoritaire. "Bois ! Et... je suis là si tu veux parler de Pensée..." Elle haussa les épaules et chercha enfin, un peu gênée, le regard de Lorie : "ou de ce que tu veux."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie observa Suzanne lui apporter à boire. Elle fut un peu décontenancée lorsqu’elle lui indiqua qu’elle était tombée dans la mauvaise famille, pour ce qui était de tout garder pour soi. Lorie souffla un rire en attrapant la tasse. « Oui, finalement, c’est ma famille qui est détraquée… Enfin, mes parents surtout. » Et les parents de ses parents. Gentiane aussi était détraquée, sadique… Son oncle… Il était inexistant finalement. Finalement, seule sa tante Claire était quelqu’un de bien et équilibrée aux yeux de Lorie. Loin de la richesse et de tout ce qui orbitait autour.
La blonde souffla sur la boisson chaude, comme conseillée par Suzanne. Elle observait Teilo qui semblait ailleurs. Puis, elle afficha un sourire quand celui-ci remonta pour finir de lire la lettre. Il avait pris la bonne décision. Lorie n’avait aucune idée du contenu de cette lettre, mais elle connaissait suffisamment sa sœur pour savoir qu’elle serait remplie de joie. « Je serais ravie de voir l’artiste à l’œuvre. » Lui répondit-elle sur un ton plus léger bien qu’elle ne se sentît toujours pas au meilleur de sa forme.
Visiblement, Suzanne n’était pas d’accord et elle arriva à arracher un sourire d’amusement sincère à Lorie. L’adolescente porta la tasse jusqu’à ses lèvres et la but d’une traite. Elle sentit la chaleur l’enivrer et finalement, elle déposa la tasse sur la table basse. « Je comptais passer plus de temps avec mes sœurs cet été… Avec le tournoi, je me suis beaucoup isolée et je n’ai pas pris le temps d’être tout à fait disponible pour elles. Ce tournoi où l'on se doit être parfait pour espérer représenter l’Europe lors du Grand tournoi international, m’a pris beaucoup trop de temps et cet été, je ne pourrai même pas rattraper un soupçon de ce temps avec l’une d’entre elles… Lorie observa Suzanne. Je te dis cela alors que vous n’avez pas vu Teilo de l’année… Lorie compatissait et était désolée pour Suzanne, finalement elle avait de la chance. Mais la voir dans cet état… Je suis impuissante, je n’arrive même pas à savoir si je suis en colère, triste ou en proie à la peur… On me demande d’attendre, sans que je ne puisse rien faire, cela m’est insupportable. »
Lorie haussa les épaules, comme pour dire qu’elle avait fini. Elle se sentait toutefois un peu plus légère, cela pouvait se voir.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Suzanne ne fit pas de nouveau commentaire sur la famille de Lorie qui savait déjà tout le bien qu'elle pensait de ses parents. Elle se contenta juste d'un haussement de sourcils en pensant très fort que certaines personnes méritaient la prison ou pire pour la manière dont ils traitaient leurs enfants. Lorie n'avait-elle pas été cherché de l'aide ? Ses parents étaient-ils si influents qu'ils pouvaient échapper à la justice qu'ils méritaient pourtant ? Comment les autorités des sorciers traitaient ce genre d'histoire ? Plein de questions lui venaient en tête mais ce n'était pas le moment.
Plus Lorie parlait, plus Suzanne se détendait dans la banquette. Elle était toujours un peu gênée mais heureuse que la petite sorcière blonde ait décidé de se confier à elle. Elle n'était clairement pas la personne la plus indiquée pour ça ! Mais pour le coup, ça ressemblait un peu aux discussions qu'elle pouvait avoir avec Claire les soirs ou Nico était... indisposé. La jeune Daroux aux cheveux châtain ramena ses pieds sur le bord de la banquette et posa sa tête sur ses genoux, la penchant du côté de Lorie. Pour s'occuper, sa main gauche venait lisser quelques mèches. Ce que disait la blonde résonnait en elle. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire fugace à la mention de l'absence de Teilo cette année mais elle ne voulait pas couper Lorie dans sa lancée et attendit tranquillement qu'elle termine.
"Tu me fais vraiment penser à ma grande sœur", commença-t-elle avec un fin sourire. "Elle aussi, elle devait être parfaite pour être admise comme danseuse de l'Opéra. Pour le coup, elle a toujours tout bien fait à la maison aussi. C'était insupportable." Elle soupira. "Quand j'étais petite, je voulais tout le temps jouer avec elle, parler de tout avec elle mais elle n'avait jamais le temps. J'ai fini par penser que l'école de l'Opéra me l'avait volée pour la remplacer par un double robotique. Le pire, c'est que Maman la félicitait tout le temps. Oh, Olympia, comme tu es bien coiffée. Et tu as si bien rangé ta chambre. Oh, Olympia, félicitations pour ton dix-huit sur vingt en histoire-géographie ! C'était avec elle qu'elle sortait le plus, avec elle qu'elle parlait le plus. Et elle n'a jamais raté une occasion de me le faire savoir. J'en. Pouvais. Plus. J'ai toujours su que je pourrais jamais être aussi bien qu'elle, aussi... parfaite."
Elle serra ses mains contre ses jambes. Parler de ça ravivait des souvenirs qu'elle préférait garder enfouis mais si Lorie avait fait l'effort, elle le ferait aussi. "T'as raison. Finalement, c'est juste du temps perdu. Mais au moins, elle a réussi. Elle vit sa meilleure vie à l'Opéra avec son parfait petit ami, elle va déménager avec l'année prochaine. Et moi, c'est quoi mes projets de vie ? Zéro. Nada. Que tchi."
Suzanne ferma les yeux et pencha sa tête en arrière. Après une longue inspiration qui se termina par un aussi long soupir, elle se rassit normalement sur la banquette et se pencha vers Lorie. "Pour Pensée, je sais pas quoi te dire. Je la connais pas mais je suppose que c'est une super petite sœur, qu'elle est pas chiante comme moi. C'est normal si t'es en colère, si t'as peur ou si t'es triste. On peut vraiment rien faire et ouais, ça donne envie de tout casser. Mais quand elle ira mieux, tu sais ce que tu dois faire." Elle se rapprocha encore de Lorie, le visage grave et les yeux froids : "Pas être un pu**in de robot."
Plus Lorie parlait, plus Suzanne se détendait dans la banquette. Elle était toujours un peu gênée mais heureuse que la petite sorcière blonde ait décidé de se confier à elle. Elle n'était clairement pas la personne la plus indiquée pour ça ! Mais pour le coup, ça ressemblait un peu aux discussions qu'elle pouvait avoir avec Claire les soirs ou Nico était... indisposé. La jeune Daroux aux cheveux châtain ramena ses pieds sur le bord de la banquette et posa sa tête sur ses genoux, la penchant du côté de Lorie. Pour s'occuper, sa main gauche venait lisser quelques mèches. Ce que disait la blonde résonnait en elle. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire fugace à la mention de l'absence de Teilo cette année mais elle ne voulait pas couper Lorie dans sa lancée et attendit tranquillement qu'elle termine.
"Tu me fais vraiment penser à ma grande sœur", commença-t-elle avec un fin sourire. "Elle aussi, elle devait être parfaite pour être admise comme danseuse de l'Opéra. Pour le coup, elle a toujours tout bien fait à la maison aussi. C'était insupportable." Elle soupira. "Quand j'étais petite, je voulais tout le temps jouer avec elle, parler de tout avec elle mais elle n'avait jamais le temps. J'ai fini par penser que l'école de l'Opéra me l'avait volée pour la remplacer par un double robotique. Le pire, c'est que Maman la félicitait tout le temps. Oh, Olympia, comme tu es bien coiffée. Et tu as si bien rangé ta chambre. Oh, Olympia, félicitations pour ton dix-huit sur vingt en histoire-géographie ! C'était avec elle qu'elle sortait le plus, avec elle qu'elle parlait le plus. Et elle n'a jamais raté une occasion de me le faire savoir. J'en. Pouvais. Plus. J'ai toujours su que je pourrais jamais être aussi bien qu'elle, aussi... parfaite."
Elle serra ses mains contre ses jambes. Parler de ça ravivait des souvenirs qu'elle préférait garder enfouis mais si Lorie avait fait l'effort, elle le ferait aussi. "T'as raison. Finalement, c'est juste du temps perdu. Mais au moins, elle a réussi. Elle vit sa meilleure vie à l'Opéra avec son parfait petit ami, elle va déménager avec l'année prochaine. Et moi, c'est quoi mes projets de vie ? Zéro. Nada. Que tchi."
Suzanne ferma les yeux et pencha sa tête en arrière. Après une longue inspiration qui se termina par un aussi long soupir, elle se rassit normalement sur la banquette et se pencha vers Lorie. "Pour Pensée, je sais pas quoi te dire. Je la connais pas mais je suppose que c'est une super petite sœur, qu'elle est pas chiante comme moi. C'est normal si t'es en colère, si t'as peur ou si t'es triste. On peut vraiment rien faire et ouais, ça donne envie de tout casser. Mais quand elle ira mieux, tu sais ce que tu dois faire." Elle se rapprocha encore de Lorie, le visage grave et les yeux froids : "Pas être un pu**in de robot."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
D’une oreille attentive, Lorie écouta Suzanne. Elle semblait avoir développé une jalousie maladive envers sa sœur. Pourtant, au fond, ce n’était pas le problème… Lorie n’avait pas envie d’être l’Olympia de la famille, pourtant depuis le tournoi ça semblait prendre cette voie. Pensée avait toujours été la préférée de sa mère, Elina celle de son père, quoi que, Lorie avait un doute. Mais depuis peu, tout le monde n’avait d’yeux que pour elle. La championne de Beauxbâtons celle qui avait été choisie pour participer à un événement qui résonnait à l’international, elle avait été sous les feux des projecteurs et… Ce n’était pas pour ça qu’elle avait participé. Suzanne avait raison et Lorie se devait d’être là désormais. Elle n’avait pas compris ce qu’était un robot, mais elle se doutait que ce ne fût pas positif.
« Je suis navrée que tu n’as pas trouvé ta voie… Viendra un jour où tu la trouveras, pour ça, il te faut faire la paix avec toi-même, c’est important. Lorie plongea son regard dans celui de Suzanne et sembla embêtée. Tu sais, moi-même, je ne suis pas certaine de ce que je veux faire. Je voulais faire guérisseuse pour aider les autres, prendre soin d’eux… J’ai toujours été une fille banale avec pas mal de chance, beaucoup de chance, mais je ne sais pas quel est mon but. Le tournoi devait m’aider pour trouver des réponses, descendante de Perceval, je ne sais même pas ce que ça veut dire puisque la salle de la table ronde est corrompue… Puis quand je quitterais l’académie, cela n’aura plus d'importance. Lorie soupira et ses yeux scrutèrent les escaliers, prenant soin de faire en sorte que Teilo ne descende pas. Cette année, j’ai emprunté une voie, une voie qui va me pousser à l’affrontement contre les forces du mal, ils me traqueront et je les traquerai… Ils l’ont déjà fait, j’ai vu leur méthode pour me kidnapper, mais ce combat dure depuis des siècles et… Je ne sais pas s’il aura une fin. » Elle avait choisi cette voie, elle ne la regrettait pas, mais est-ce que cela avait vraiment du sens ? Elle, qui voulait aider les autres, ne serait-elle pas plus utile autre part ? « Ne répète pas tout cela à Teilo. Elle afficha un sourire complice à Suzanne. C’est difficile de trouver sa place dans ce monde, mais on finira par trouver la nôtre même si ça prend du temps. Peut-être que le véritable sens et de prendre soin de ceux qu’on aime avant qu’ils ne soient plus là… Le reste c’est, du fun ? » Elle n'était pas certaine du dernier mot, mais finalement l'important était de se faire comprendre.
Le poids sur les épaules de Lorie s’allégea un peu. Elle souffla et vint s’avachir sur la banquette. « Je comprends mieux pourquoi tout le monde se laisse tomber comme ça… Ça fait un bien fou. Pourquoi tu es en colère contre tout le monde ? » Demanda Lorie en fixant le plafond.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Suzanne s'était recroquevillée sur la banquette, le menton sur les genoux. Elle écoutait Lorie, la fille banale, lui parler de tournoi international de sorcellerie, d'ancêtre chevalier de la table ronde, de kidnapping, de combat millénaire contre les forces du mal et elle ne savait toujours pas quoi en penser. C'était comme ça depuis que la sorcière était arrivée chez eux : elle la touchait en lui montrant qu'elle était humaine comme elle, avec ses doutes et ses failles, pour aussitôt lui rappeler sans le faire exprès que non, elles n'appartenaient décidément pas au même monde.
Et elle n'aurait clairement pas aimé être à sa place. A côté de Lorie, ses problèmes et dilemmes paraissaient bien plus petits.
Les yeux dans le vague, la jeune Daroux imaginait Lorie et Teilo dans une forêt lugubre, baguette en main et l'air héroïque, lancer des grosses boules de feu sur des créatures mi-hommes mi-loups aux yeux injectés de sang. C'était comme dans un des bouquins dont Fabrice aimait tant parler. Depuis hier soir et l'explosion des SUV, c'était pourtant et soudain devenu très réel, même pour elle.
"Je sais pas. J'ai l'impression que tu as déjà trouvée, ta voie", fit-elle après ce qui devait être son cinquante troisième soupir depuis dix minutes. Elle pencha la tête vers Lorie et lui sourit en coin : "Tu dois combattre les méchants. Même si ça sert pas à grand chose." Lorie l'avait dit elle-même, le combat ne se finissait jamais. De toute façon, Suzanne avait du mal avec ces notions de mal et de bien que Fabrice embrassait avec tant d'enthousiasme. Pour elle, le monde était surtout composé d'imbéciles et de profiteurs et, peut-être en fouillant bien, on pouvait trouver des gens corrects. Puisque les sorciers étaient des humains aussi, ça devait être pareil chez eux. Ça prenait juste des proportions bien plus grandioses.
Suzanne entortilla une de ses mèches autour de son index. "Et ouais. Prendre soin des autres s'ils le méritent, c'est pas mal ça. A commencer par tes sœurs." Elle avait volontairement omis la référence au fun. Le fun, c'était pour les insouciants comme ses frères.
Lorie se détendait, son corps se relâchait sur la banquette beige et, à voir son visage, elle commençait à aller mieux. Suzanne sourit plus franchement, soulagée d'avoir réussi ça, avant de répondre à la question que sa propre mère devait silencieusement se poser chaque jour. Mais pourquoi était-elle toujours en colère ?
Elle n'en savait rien. C'était comme ça depuis longtemps. "Et encore, je me suis calmée. T'aurais du me voir y'a un an ou deux", tenta-t-elle d'abord pour esquiver le truc. De l'ongle rongé de son majeur, elle tentait d'enlever la petite boule de tissu qui s'était formée sur son genou parce qu'elle avait mis son pantalon en lin acheté en seconde main dans la machine prévue pour le linge. "Parce que y'a de quoi s'énerver, tu trouves pas ? Suffit de regarder les infos ou juste, je sais pas moi, d'ouvrir les yeux ? Ou alors... peut-être que je fais ça pour me démarquer des autres Daroux. Ils sont tous siii compréhensifs et si gentils, faut bien que quelqu'un soit lucide dans cette famille." Elle fit semblant de commencer à vomir avant de pouffer.
Ses yeux divaguèrent à nouveau. "Un jour, mon père m'a dit un truc, ça m'a beaucoup marqué. Il a dit 'Suzanne, nous vivons tous dans le même rêve, un rêve que nous faisons tous ensemble. Beaucoup d'entre nous cherchent à le transformer en cauchemar. D'autres comme Olympia sont juste heureux de vivre le rêve. Fabrice et Teilo veulent l'enchanter plus encore. Et toi, tu cries très fort pour que tout le monde se réveille."
Elle resta à regarder Lorie un petit moment puis haussa les épaules et pouffa. "Mon père, ce poète." "Lorie ?" fit la voix chétive et écorchée de Teilo dans l'escalier. Il n'avait descendu que quelques marches et regardait le mur droit devant lui. Dans sa main, il tenait fébrilement la lettre de Pensée. "Tu peux monter, s'il te plaît ?" C'était dit gentiment mais avec urgence.
Suzanne se raidit sur la banquette. Et merde, c'était reparti. "Vas-y", glissa-t-elle à la sorcière avec un coup de menton vers l'escalier. "Et n'oublie pas ta tisane. Cousine Suze a dit qu'il fallait tout bien boire."
Et elle n'aurait clairement pas aimé être à sa place. A côté de Lorie, ses problèmes et dilemmes paraissaient bien plus petits.
Les yeux dans le vague, la jeune Daroux imaginait Lorie et Teilo dans une forêt lugubre, baguette en main et l'air héroïque, lancer des grosses boules de feu sur des créatures mi-hommes mi-loups aux yeux injectés de sang. C'était comme dans un des bouquins dont Fabrice aimait tant parler. Depuis hier soir et l'explosion des SUV, c'était pourtant et soudain devenu très réel, même pour elle.
"Je sais pas. J'ai l'impression que tu as déjà trouvée, ta voie", fit-elle après ce qui devait être son cinquante troisième soupir depuis dix minutes. Elle pencha la tête vers Lorie et lui sourit en coin : "Tu dois combattre les méchants. Même si ça sert pas à grand chose." Lorie l'avait dit elle-même, le combat ne se finissait jamais. De toute façon, Suzanne avait du mal avec ces notions de mal et de bien que Fabrice embrassait avec tant d'enthousiasme. Pour elle, le monde était surtout composé d'imbéciles et de profiteurs et, peut-être en fouillant bien, on pouvait trouver des gens corrects. Puisque les sorciers étaient des humains aussi, ça devait être pareil chez eux. Ça prenait juste des proportions bien plus grandioses.
Suzanne entortilla une de ses mèches autour de son index. "Et ouais. Prendre soin des autres s'ils le méritent, c'est pas mal ça. A commencer par tes sœurs." Elle avait volontairement omis la référence au fun. Le fun, c'était pour les insouciants comme ses frères.
Lorie se détendait, son corps se relâchait sur la banquette beige et, à voir son visage, elle commençait à aller mieux. Suzanne sourit plus franchement, soulagée d'avoir réussi ça, avant de répondre à la question que sa propre mère devait silencieusement se poser chaque jour. Mais pourquoi était-elle toujours en colère ?
Elle n'en savait rien. C'était comme ça depuis longtemps. "Et encore, je me suis calmée. T'aurais du me voir y'a un an ou deux", tenta-t-elle d'abord pour esquiver le truc. De l'ongle rongé de son majeur, elle tentait d'enlever la petite boule de tissu qui s'était formée sur son genou parce qu'elle avait mis son pantalon en lin acheté en seconde main dans la machine prévue pour le linge. "Parce que y'a de quoi s'énerver, tu trouves pas ? Suffit de regarder les infos ou juste, je sais pas moi, d'ouvrir les yeux ? Ou alors... peut-être que je fais ça pour me démarquer des autres Daroux. Ils sont tous siii compréhensifs et si gentils, faut bien que quelqu'un soit lucide dans cette famille." Elle fit semblant de commencer à vomir avant de pouffer.
Ses yeux divaguèrent à nouveau. "Un jour, mon père m'a dit un truc, ça m'a beaucoup marqué. Il a dit 'Suzanne, nous vivons tous dans le même rêve, un rêve que nous faisons tous ensemble. Beaucoup d'entre nous cherchent à le transformer en cauchemar. D'autres comme Olympia sont juste heureux de vivre le rêve. Fabrice et Teilo veulent l'enchanter plus encore. Et toi, tu cries très fort pour que tout le monde se réveille."
Elle resta à regarder Lorie un petit moment puis haussa les épaules et pouffa. "Mon père, ce poète." "Lorie ?" fit la voix chétive et écorchée de Teilo dans l'escalier. Il n'avait descendu que quelques marches et regardait le mur droit devant lui. Dans sa main, il tenait fébrilement la lettre de Pensée. "Tu peux monter, s'il te plaît ?" C'était dit gentiment mais avec urgence.
Suzanne se raidit sur la banquette. Et merde, c'était reparti. "Vas-y", glissa-t-elle à la sorcière avec un coup de menton vers l'escalier. "Et n'oublie pas ta tisane. Cousine Suze a dit qu'il fallait tout bien boire."
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