Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Derrière la porte, Lorie entendit la voix de Teilo. Bonne nouvelle, il allait bien ! Mauvaise, Lorie attendrait encore quelques secondes derrière la porte. Respectueuse de l'espace vital de Teilo, la blonde souriait et attendit simplement qu'il lui ouvre la porte. L'adolescente n'avait aucune idée ce qu'il trafiquait à l'intérieur, mais l'attente lui sembla étonnamment longue pour une simple ouverture. Était-il en train de se changer pour que Lorie ne puisse pas le voir en pyjama ?
Le mystère fut vite résolu puisque la porte s'entrebâilla, laissant apparaître la petite tête du garçon. Elle lui adressa un sourire et un regard interrogateur. « Je vais bien merci. » Se contenta-t-elle de répondre dans un premier temps. Son sourire s'agrandissait à mesure que le garçon parlait. « J'imagine effectivement… Il doit même être colossal.» S'amusait-elle à dire tout sourire aux lèvres. Devait-elle au moins le prévenir ou devait-elle le laisser finir ? Lorie posa ses yeux sur sa montre sertie de diamants avant de les relever sur Teilo qui commençait à re-disparaître. « Il est dix-huit heures Teilo » finit-elle par avouer le regard complice. Elle ne pouvait décemment pas le laisser hors du temps comme ça, ce n'était pas lui rendre service. « Mais oui, on se voit après. » Lorie laissa échapper un petit rire.
Décidément, toute la famille Daroux était haut en couleur… Bon pour Teilo elle le savait déjà, mais elle aimait bien ce genre de rappel. Cela prouvait qu'il restait fidèle à lui-même. « A tout à l'heure ? »
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Sérieux ?"
Il la regarda un instant, l'air de ne pas y croire. Il ne pouvait pas être déjà dix-huit heures ! Si ? Il avait passé combien de temps exactement sur ce projet ? "Euh... bon, je me dépêche, promis ! A tout à l'heure !" Il referma doucement la porte sur le sourire de Lorie et la rouvrit quelques secondes après, juste le temps de lui glisser un fugace mais sincère "Merci !"
La porte a nouveau close, il se laissa tomber sur son lit et, regard fixé sur le mur d'étoiles, joua distraitement avec un des papiers en boule qui trainait sur les draps. Est-ce que son nouveau concept était si bon que ça ? Peut-être qu'il valait mieux reco- "Non, non non non", dit-il à voix haute pour mieux se convaincre. "Allez, hop !" Il étira ses jambes en l'air à la verticale, prit appui sur ses mains pour faire un mini-poirier... et abandonna vite l'idée. "Pfou, non." Il allait juste se faire mal au dos. C'était ça aussi, de pas s'être assez entraîné à Beauxbâtons !
Aussitôt la porte de la chambre de Teilo refermée, Lorie entendit une voix familière dans le couloir. C'était Robin qui la cherchait et lui proposait une revanche aux échecs. Il avait rendez-vous à son club le lendemain pour un tournoi amical et il voulait "leur mettre la pâtée du siècle". En plus, maintenant, il savait jouer sur les roques opposés. Ça ne l'empêcha pas de perdre son premier, deuxième et troisième match, de râler et bouder à chaque fois, mais pas longtemps, et il n'accusa même pas Lorie de tricher.
Suzanne et Armelle rentrèrent à la maison alors que le troisième match se terminait. Maman appella toute sa petite famille et leur invitée à la rejoindre en bas. Fabrice fut le premier à descendre en chantonnant "le mardi, c'est crêperie", suivi de Teilo qui, quoique aussi enthousiaste que son grand frère, prit bien son temps pour ne pas déraper dans l'escalier et se briser l'autre jambe. "Incroyable", commenta Suzanne avec un regard approbateur pour Lorie. "C'est pas Perceval ton ancêtre, c'est Mary Poppins." Attablés à la terrasse de Suzette & Co devant leurs choix de crêpes variées, les Daroux s'informèrent mutuellement de ce qu'ils avaient fait de leur journée. Fabrice fut très heureux de raconter qu'il avait 'embrigadé' Lorie pour une session de jdr le lendemain soir. Entre deux bouchées de sa crêpe champignons-chèvre, Suzanne grimaça et leva les yeux au ciel. "Sinon, y'a la vraie vie, c'est pas mal aussi, t'y as jamais pensé ?" Habitué à de tels commentaires, Fabrice haussa simplement les épaules et ne prit pas la peine de répondre. "Et toi, tu vas le suivre là-dedans ?" continua Suzanne en fixant Lorie. "C'est bête, je voulais t'inviter avec Claire et Nico demain soir."
Le frère, à droite de Lorie, et la soeur, à gauche, guettaient sa réponse, lui avec intérêt, elle avec un désintérêt entièrement feint. Armelle ne put retenir un sourire compatissant pour Lorie. Teilo, lui, se faisait prendre en photo par Robin avec sa crêpe chocolat-chantilly à la main. C'était comme s'il voulait donner sa crêpe au smartphone, à qui il souriait tendrement.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
La porte se refermant, la blonde observa celle-ci avant de détourner le regard lorsqu’elle entendit une voix l’interpeller. Robin voulait jouer aux échecs, et cela tombait bien puisque Lorie ne refusait jamais une partie d’échecs… Ou presque. Ainsi, elle accepta sans mal la partie, d’autant plus qu’elle allait la jouer de façon pédagogique. Aidant par moment Robin à faire des bons choix dans certaines positions. Le faisant réfléchir sur les coups qu’il jouait tout en essayant de lui donner une autre vision. Cela avait semblé marcher puisque le garçon lors de la troisième partie avait réussi ce que Lorie attendait de lui. Certes, il avait perdu, mais sa partie avait été de loin la meilleure qu’il lui avait offerte depuis son arrivée. Maintenant, il devrait s’entraîner à jouer à l’aveugle pour mieux visualiser et surtout mieux calculer. Elle lui donna une méthode qui se voulait infaillible à son niveau.
L’animation reprit lorsque Suzanne et sa mère arriva dans la maison. Tout le monde fut convié à la crêperie. La remarque de Suzanne amusa Lorie, elle ne savait pas qui était cette Mary Poppins mais elle devait être une chouette fille.
À la table de la crêperie Lorie avait pris une galette salée tout ce qu’il y avait de plus basique. Il fallait avouer que le basique avait du bon, la simplicité aussi. À l’écoute des discours des Daroux, Lorie était heureuse d’être restée quelques jours avant e reprendre sa vie normale. Bien que chez sa tante, peut-être que la normalité se rapprocherait de celle de Teilo. Sa fourchette s’arrêta devant sa bouche quand Suzanne la fixa. Est-ce que c’était mal ? Lorie cligna plusieurs fois cligna plusieurs fois des yeux lorsqu’elle entendit l’invitation de la sœur de Teilo. Elle déglutit alors et chercha la meilleure réponse, elle serait mesurée malgré ses yeux pétillants d’excitation. « Je me suis engagée envers Fabrice alors il serait mal venu d’annuler, mais peut-être est-il possible de décaler à après-demain soir ? » Ses yeux fixaient Suzanne, s’ils pouvaient parler sûrement que tout le monde entendrait « S’il te plaît dis oui ! » Ou quelque chose du genre… « Je t’offre un joker si tu acceptes, dit finalement Lorie avec entrain. Je ne pourrais pas dire non… Sauf si c’est en rapport avec… L'internat. » Précisa-t-elle avec un sourire aux lèvres. Il ne restait plus qu’à attendre sa réponse.
Finalement, elle mit enfin sa fourchette dans la bouche, les yeux pendus à Suzanne avant de finalement les poser sur Teilo qui était en train de prendre une photo ?
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Seule Suzanne gardait le visage fermé. Elle avait posé ses couverts et observait simplement Lorie. Finalement, elle sourit à son tour mais le sourire avait un petit quelque chose de diabolique. "Oh, subtil", commenta-t-elle quand sa voisine lui rappela très finement la boulette qu'elle avait failli commettre au magasin le matin même. "D'accord. Je trouverai quelque chose de fun pour toi, fais moi confiance." Tout sur son visage indiquait qu'il ne fallait pas, mais c'était trop tard. Le pacte était scellé.
Quoique discrète, Armelle semblait beaucoup s'amuser à regarder tous ses enfants interagir avec Lorie. Un clic venant du smartphone de Robin attira l'attention de tout le monde et Teilo, sa crêpe pas encore entamée dans la main, cligna plusieurs fois des yeux en voyant les têtes se tourner vers lui. "Oh, c'est pour mon projet !" précisa-t-il en souriant. Les Daroux trouvèrent cela tout à fait normal et le laissèrent tranquille. Ainsi, le repas se termina comme il avait commencé, entre air chaud du soir, conversations légères, lèvres sucrées, rires et clics de téléphone.
Après le repas, Suzanne et Fabrice eurent, chose rare, la même idée : celle d'amener Lorie au Lycée Ampère, leur lycée. C'était à deux pâtés de maison. Teilo les accompagna malgré son pied plâtré tandis qu'Armelle et Robin rentrèrent directement à la maison. Sur le chemin, Fabrice parla de l'histoire de l'établissement, qu'il connaissait bien entendu par cœur, et lista avec une admiration évidente toutes les personnes célèbres qui l'avaient fréquenté avant eux : André-Marie Ampère, Charles Baudelaire, Alphonse Daudet, Robert Badinter... Suzanne, elle, se mit à parler de ses années collège qui avaient été un "enfer". "Je détestais mes camarades, je détestais mes profs, j'ai vraiment dé-tes-té le collège. J'arrêtais pas de me faire coller parce que je parlais mal, Maman était vraiment pas contente." "C'était ses années punk, dommage que tu aies raté ça", commenta Fabrice avec un sourire presque nostalgique malgré son jeune âge. "Mais ça a pas vraiment changé : tu détestes toujours tout le monde." "Pas vrai. Y'a des gens que je tolère maintenant. Y'en a même que j'apprécie."
Ils étaient arrivés devant la façade imposante du lycée, classée patrimoine historique, et partageaient avec Lorie leur ennui des cours qui se tenaient à l'intérieur en période scolaire. Fabrice parce qu'il avait l'impression d'apprendre trop lentement, Suzanne parce qu'elle avait l'impression de ne rien apprendre d'intéressant ou de vraiment utile. Teilo, qui était resté silencieux à les écouter jusque là, regardait la façade semi-éclairée du lycée d'un air songeur. Profitant d'un silence, il fit un simple commentaire d'une voix un peu sèche : "J'irai jamais ici."
Son frère et sa sœur se tournèrent vers lui. Ils connaissaient ce ton. Fabrice posa immédiatement une main sur l'épaule de Teilo : "T'inquiète pas, tu rates pas grand chose. Et puis entre nous, ton internat doit être mille fois mieux. Pas vrai Lorie ?" "C'est clair, je vois pas pourquoi ça te rend triste, Teilo." "Je sais pas", commenta sincèrement leur petit frère en haussant les épaules, les sourcils froncés.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Peut-être que la proposition de Lorie n’était pas particulièrement une bonne idée. Un doute s’immisça en elle quand elle vit le petit sourire diabolique. Néanmoins, c’était trop tard, ce qu’elle venait de dire, elle ne pouvait pas le retirer. Elle composerait donc avec, puis ça ne pouvait pas être si terrible que ça… Si ? Lorie s’amusa de la situation et comme toutes les têtes à la table, elle fut happée par la sonnerie du téléphone. « Je dois admettre que cet objet est bien pratique » dit-elle en fixant le téléphone qui venait de sonner. Elle l’avait étudié en cours, et même à la chapelle, elle en avait déjà eu en main, mais on lui avait dit que le téléphone était une brique dans ses mains. Quoi qu’il en fût, Teilo devait travailler sur un projet intéressant pour qu’il occupe son esprit de la sorte.
Acceptant l’idée des deux adolescents, Lorie les suivit, hochant parfois de la tête aux explications de Fabrice. « Je n’ai aucune idée de qui sont ces gens, avoua Lorie qui avait un doute sur Baudelaire... Elle avait déjà vu ce nom, de là à se rappeler où ? Enfin, Baudelaire me dit tout de même quelque chose. » Suzanne raconta ses années collèges et Lorie ne put s’empêcher de lui adresser un regard empathique. Elle savait que cela pouvait être difficile pour certains, cela ne changeait pas entre les deux mondes finalement. « Oh, je pense en avoir une idée… » S’amusait la blonde en répondant à Fabrice. Son imagination n’avait pas de mal à imaginer Suzanne dans des années révoltées, enfin bien plus révolté que ce qu’elle pouvait voir actuellement.
Puis, Teilo fut tristounet de ne pas pouvoir mettre les pieds dans le lycée. Lorie se plaça derrière lui et observa la façade du bâtiment en lui mettant les mains sur les épaules. « Peut-importe que le lycée ou l’académie soit mieux, chaque lieu à ses défauts comme ses qualités… Mais ce que tu as trouvé à l’académie, tu ne l’aurais jamais trouvé ici et inversement... Ne soit pas triste de ce que tu n'as pas, mais soit heureux de ce que tu as. Dit Lorie d’une voix calme. Ceci-dit… » Lorie retira ses mains des épaules du garçon et s’avança vers l’entrée, elle se retourna vers lui et lui fit un clin d'oeil. Y avait-il un moyen de rentrer ? La blonde passa sous l’arche et s’enfonça dans le long couloir formé entre les bâtiments pour rejoindre la cour. La baguette dans son chignon, elle était prête à la récupérer si besoin.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Oh... je pense que c'est une trèèès mauvaise idée", fit Fabrice avec emphase. Suzanne lui mit un léger coup d'épaule en passant devant lui pour rejoindre Lorie. "Et alors ?" Fabrice chercha alors le regard de Teilo qui levait justement la tête vers lui, un soudain sourire aux lèvres. "Vraiment ?" Teilo haussa les épaules en souriant de plus belle. "Lorie est une déléguée." "Elle n'a pas de juridiction ici, tu sais." "C'est une championne. Avec elle, il va rien nous arriver." Sans attendre plus longtemps, Teilo se mit à courir en claudiquant un peu après Suzanne et Lorie. Son plâtre faisait un bruit sec sur les pavés du passage.
Fabrice resta coi et immobile quelques secondes, puis leva les yeux sur la façade de son lycée. "Maman va nous tuer." Il soupira profondément et se mit lui aussi en marche pour rattraper la petite troupe.
Un peu plus loin , une arche délimitait l'entrée de la cour de l'établissement. Sur l'arche était fixée une plaque de marbre sur laquelle on avait gravé une inscription dans une langue que Teilo ne comprenait pas. Le passage n'étant pas très bien éclairé, il plissa les yeux pour la lire dans la pénombre. "Colléjioume Trinitati Sacroume..." "Laisse tomber, ça veut rien dire, c'est du latin", l'interrompit Suzanne. "Je sais ce que ça veut dire", intervint Fabrice avant de s'éclaircir la gorge. "Toi qui Entre dans ce Collège Sacré de la Trinité, N'oublie pas d'y laisser un Peu de ton Âme pour Sustenter les Esprits Impies et en Peine qui Errent Inlassablement dans Ses Couloirs..." "N'importe quoi", commenta Suzanne, ce qui n'empêcha pas Fabrice de continuer : "Et Ainsi Cesteux Trimant Toutes les Nuits, Week-Ends et Vacances Sans Compter Leur Labeur, Pour Racheter Leurs Terribles Pêchés Auprès de Leur Maître à Toustes, Le Saint CPE Monsieur Poirot..."
Suzanne pouffa de rire et échangea un rare sourire complice avec Fabrice. Teilo, qui n'avait pas tout compris, tira sur la manche de son grand frère tout excité : "Donc ici aussi, y'a des fantômes !" "Bien sûr qu'il y a des fantômes au lycée Ampère" confirma son grand frère en reprenant son sérieux. "Maxence et moi, on en a vus." Suzanne, le pas léger et la mine plus joviale que d'ordinaire, alla se poster juste à côté de Lorie et pencha la tête vers elle. "Alooors, c'est quoi le plan, Madame Poppins ? Rassure-moi, t'as bien un plan ou... tu veux juste savoir comment ça se passe, une garde à vue ?"
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Les pas de Lorie résonnaient légèrement dans le passage tandis qu’elle continuait d’avancer vers l’entrée. Sans se soucier de savoir si elle était suivie ou pas, la blonde observait la grande cour entourée de bâtiment. Une porte se démarqua et elle en déduisit que c’était l’entrée principale. « Hum » laissa-t-elle échapper alors qu’elle s’avança et qu’elle essaya de pousser la porte. Comme elle s’en doutait, celle-ci était fermée. Elle prit le temps de réfléchir quelques secondes et alors qu’elle fouilla dans son sac, elle observait Fabrice. « Si esprits il y a, je saurais les bannir de ce lieu » il en fallait plus à Lorie pour être dissuadée d’entrer.
Elle sortit alors un parchemin et une enveloppe de son sac, puis une plume et commença à griffonner une lettre. Son regard se détourna vers Suzanne tandis que sa main continuait d’écrire. « Je sais déjà comment se passe une garde à vue… Ils me l’ont expliqué suffisamment longtemps, et je ne compte pas les laisser me rattacher avec leurs bracelets en métal de sitôt. » Finit-elle par dire sur un ton amusé en attribuant un clin d’œil à la grande des Daroux. Elle cacheta l’enveloppe et comme prévu, une fée postale apparut avant d’emmener son courrier. « Arthur Rosecieux » avait-elle dit.
Il se passa quelques minutes, puis une seconde venait d’apparaître, elle ouvrit la grosse enveloppe. Elle ne savait pas vraiment comment l’objet qu’elle en sortait fonctionnait, mais elle fut forcée de constater que son oncle était un artisan hors pair puisqu’elle put ouvrir la porte sans le moindre problème. « Prodigieux… J’aurais dû choisir l'artisanat magique… » Commenta la blonde avant d’entrer dans les lieux d'un pas léger.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Fabrice croisa les bras et fit mine de réfléchir. "Hmmm... non, c'est forcément un gentil. Il ne hante que les casiers des élèves qui ont une âme sombre. Tiens, ça me rappelle cette légende du garçon qui a été oublié dans les casiers une veille de vacances. Il était en première et.."
Teilo et Fabrice s'étaient assis sur les marches devant l'entrée du lycée. Le petit frère, accroché au bras du grand, était tout autant suspendu à ses mots. Suzanne, quant à elle, voulait une autre histoire. Restée à côté de Lorie pendant que celle-ci écrivait sa lettre, elle avait croisé les bras et la scrutait du regard. "Les bracelets en métal, on appelle ça des menottes", précisa-t-elle. Elle voulait aussi lui demander la raison de sa garde à vue. C'était pour les voitures ou autre chose ? Mais Lorie pourrait considérer cette question comme un joker alors elle se retint de la poser.
Pour autant, les questions continuèrent à essaimer dans la tête de la jeune Daroux qui, les yeux toujours rivés sur Lorie, entortillait une mèche de ses longs cheveux autour de ses doigts. Qu'est-ce que la sorcière écrivait, là ? Qui était cet 'Arthur' ? Qu'est-ce qu'elle attendait maintenant ? Puis Suzanne se souvint qu'elle était sensée être blasée de tout et s'adossa nonchalamment au mur près de la porte, les bras croisés. Pour patienter, elle écouta distraitement la conversation entre ses deux frères tout en cultivant son air de désintérêt.
La porte finit par s'ouvrir, attirant l'attention des trois Daroux. Teilo sourit au commentaire de Lorie sur l'utilité de l'artisanat magique. C'était une spécialité des Lug comme lui ! Peut-être qu'un jour, lui aussi, il saurait faire des clefs qui ouvrent toutes les portes.
Lorie et les deux grands entrèrent dans un espace vaste, sombre et peu cloisonné, le genre qui permettait une gestion efficace des flux. Suzanne, qui était celle qui connaissait le mieux les lieux, courut activer l'interrupteur le plus proche mais celui-ci ne produisit qu'un effet sonore, un clic dans le silence. "Oh. Ils ont coupé le courant." "C'est bien, non ? Ils économisent l'énergie pendant les vacances. Tu devrais être contente", lui envoya un Fabrice railleur. "Oui, mais ça nous arrange pas. Sauf si notre sorcière bien aimée à un autre tour dans son sac ?"
Fabrice s'aventura vers le milieu du grand hall. Teilo, qui était resté dans la lumière crépusculaire de l'entrée, le voyait s'engouffrer dans l'obscurité sans aucune peur. "Le lycée est vraiment... étrange la nuit", s'enthousiasmait au contraire son grand frère. Même s'il parlait doucement, sa voix résonnait dans le vide. "Tout est bien là, l'escalier vers les classes, le couloir vers le réfectoire, et la bas, le jardin qui mène à la chapelle." "Les casiers sur la gauche et puis le gymnase", compléta Suzanne. "Mais c'est quand même différent. Oh, ça me rappelle un film. Il était vraiment pas terrible."
"Vous êtes surs que c'est une bonne idée ?"
Les Daroux se tournèrent à l'unisson vers leur petit frère qui n'avait toujours pas bougé de l'entrée et n'avait vraiment pas l'air rassuré. "Tu voulais voir le lycée, pas vrai ?" fit Suzanne. "C'est un peu tard pour changer d'avis maintenant." " Mais je pensais pas qu'il ferait si sombre dedans." "T'as toujours peur du noir ? Je croyais que c'était fini, ça." "Oui. Moi aussi..." Mal à l'aise, Teilo soupira en repensant à son escapade nocturne avec Pensée dans les couloirs de l'Académie, deux mois plus tôt. A ce moment là, il avait su trouver du courage sans aucun problème et il n'avait quasiment pas eu peur, sauf à l'apparition soudaine de Lorie.
Mais là, bizarrement, malgré la présence rassurante de Lorie et d'une partie de sa famille, il était tétanisé, comme la fois ou Oscar lui avait lancé ce maléfice dans le labyrinthe. A chaque fois qu'il regardait au bout du hall, dans le noir complet, le noir total et sans la moindre petite bribe de lumière, il avait une drôle de sensation et son souffle se faisait plus court.
"Hmm, dommage. J'aurais vraiment aimé explorer les mystères et légendes nocturnes du lycée Ampère", fit Fabrice en tentant de cacher sa déception. Ses épaules étaient quand même retombées. "Franchement Teilo, grandis un peu, t'as douze ans", commenta durement Suzanne. Elle était agacée et elle le montrait. "Et arrête d'écouter Fabrice. Y'a pas de fantôme et l'obscurité ne va pas te manger." "On ne va pas te forcer, Tei. Tu peux rester ici, comme ça tu nous préviens si quelqu'un arrive !" proposa Fabrice, content d'avoir trouvé une solution de compromis. "Ouais, on fait comme ça." Les mains sur les hanches, Suzanne se tourna vers Lorie avec espoir : "Allez, let's go Lolo !"
Les pieds campés sur le marbre du palier, la main sur la lourde porte en bois, Teilo serrait les dents et baissait la tête.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Évidemment que Lorie était capable de bannir les esprits, elle ne manqua pas de le signaler à Fabrice avant d’ajouter à l’attention de Teilo qu’elle lui expliquerait plus tard. La conjuratrice, reprenait alors ses occupations lorsque Suzanne lui donna le mot qu’elle n’avait pas. « Des menottes ? hm… Je n’aime pas trop cet objet » finit-elle par commenter.
À l’intérieur, Lorie scruta les environs. Elle aurait bien envoyé Lys faire une ronde rapide, mais peut-être était-ce préférable qu’elle reste discrète comme elle en avait l’habitude. La blonde détacha la sangle de ses talons et se retrouva alors pieds nus sur le sol du lycée. Cela ferait sans nul doute moins de bruit que le "clac" répété lorsqu’elle marcherait. Les tenant du bout des doigts, elle longea un mur tout en laissant ses doigts libres le parcourir. D’après Suzanne, le petit groupe devrait composer dans la nuit, et, il fallait bien admettre que ça ne dérangeait pas le moins du monde Lorie.
Néanmoins, la voix de Teilo l’interpella, suffisamment pour qu’elle se retourne et le regarde. Suzanne comme à son habitude était… Incisive… Sauvage. Pour autant, la sorcière avait vu qu’elle avait de l’amour pour lui et elle ne releva pas cette méthode, pour le moins contre productive à ses yeux. Fabrice aussi s’y mettait ? Les deux frangins allaient vraiment laisser le plus petit tout seul devant la porte pour faire le guet ?
« Attends Suzanne » Lorie adressa un sourire à Suzanne et s’approcha d’un pas lent et gracieux vers Teilo. De ses doigts fins, elle remonta le menton du garçon. Son regard bleu se posa dans le sien. Il se voulait rassurant. « On ne te forcera pas à venir et si tu ne veux pas, je resterais avec toi. Lui dit-elle d’une voix calme et rassurante. Lorie fouilla dans son sac et en sortit une cape "couleur d’ailleurs" qu’elle déposa sur les épaules de Teilo. Aussitôt, elle se mit à luire et à éclairer les alentours de sa douce lumière. Cette cape repousse les créatures maléfiques, avec elle les ombres ne t’atteindront jamais. » Lorie venait épingler alors la cape avec sa broche de confrérie. Teilo avait un peu l’allure d’un super-héro. « Lys ?! La petite hermine bondit de nulle part et vint se poser sur l’épaule de Lorie. Veille sur lui, tu veux bien ? » L’hermine opina du chef et s’empressa de parcourir le bras de Lorie pour se poster sur l’épaule du garçon. « Alors, préfères-tu que l’on reste ici ou tu te sens capable d’affronter les ombres chevalier Teilo ? »
Les yeux scrutant le garçon, elle semblait attendre une réponse. Qu’allait-il choisir maintenant que le lieu baignait dans une lumière dont il était le porteur ?
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
La cape de lumière qu'elle sortit de son sac illumina les yeux du petit Lug. Depuis le début des vacances, Maman lui avait interdit de porter, d'arborer ou d'utiliser le moindre ustensile/outil/artefact magique. Sa baguette, son amulette, sa pierre étaient dans les tiroirs de sa chambre et devaient y rester. Il se laissa vêtir sans chichis et eut un frisson en sentant les petites pattes de l'hermine de Lorie sur son épaule. Ça lui donnait chaud au ventre. Souriant, il dut se tordre un peu le cou pour la regarder et lui chuchoter : "Merci beaucoup, Lys."
La remarque de Lorie lui fit hocher la tête de gauche à droite. L’œil malicieux, il rétorqua : "Mais tu sais bien que je suis pas le chevalier, moi je suis le fou !" Une allusion qu'elle seule dans la compagnie présente pouvait comprendre. Le fou était le rôle qu'il avait pris dans la scène de théâtre que lui et tous ses amis avaient semi-improvisé pour Lorie en février dernier. Depuis longtemps, Teilo en était convaincu : le fou maladroit, dansant, chantant et rigolo était le rôle dans lequel il excellait vraiment. En tout cas, son public en avait toujours redemandé. "Alors on va t'appeler... hmm.. Teilo Le Fou, Porteur de Lumière", décida un Fabrice souriant et très content de son idée. Suzanne, elle, avait les bras croisés, le visage fermé et ne disait rien. Elle n'avait pas envie de gâcher l'ambiance.
"On y va", asséna Teilo d'une voix sûre, et il avança dans le hall obscur comme Link dans l'un des cent vingt sanctuaires de Breath of the Wild. A chaque nouveau pas qu'il faisait, les ombres reculaient dans une danse apeurée. Il augmenta la cadence, recula, fit des pirouettes et des pas de côté, juste pour voir la nuit réagir, se fendre, disparaître, revenir et s'enfuir à nouveau, et il se dit que, peut-être, il faudrait donner cette cape à Pensée. Mais les médecins avaient sûrement déjà eu l'idée.
"Quand t'auras fini de faire mumuse..." chuchota Suzanne. "On commence par quoi ?" "Les salles de classe", répondit Fabrice. "Faut prendre le grand escalier, là. Hé, Porteur de Lumière, donne moi la main." Teilo, la gorge un peu sèche, posa sa paume contre celle de son grand frère et la serra fort.
Le petit groupe monta donc à l'étage et prit d'assaut, en toute discrétion, une salle de classe vide pour s'installer sur les tables de devant, ce que Fabrice comme Suzanne ne faisaient jamais d'habitude. Le grand frère de Teilo se mit en tête d'imiter son professeur d'anglais, Madame Chollet, une petite femme frêle et redoutable, qui l'avait dans le pif depuis le début de l'année et lui mettait des sales notes alors qu'il était bon, en fait. "Je l'ai eue l'année dernière. Elle me dé-te-stait !" lui fit remarquer Suzanne. "Tu l'avais ? Et tu me l'as jamais dit ? Mais.. ah mais, je comprends mieux pourquoi elle me saque, alors. Elle a vu que je m'appelais Daroux."
Puis ce fut au tour de Teilo d'aller au tableau. Lui aussi voulait imiter un professeur de son Académie, et son choix se porta sur le plus gentil de tous, celui qu'il préférait, Monsieur Delalande. En se caressant une barbe imaginaire mais fournie, il se mit à parler d'une formule alchimique fantaisiste, digressa en évoquant le dernier repas servi au réfectoire et qui était vraiment à ravir les papilles, se trompa dans des dates, se corrigea suite à l'intervention imaginaire d'un élève, précisa qu'il fallait insérer sa baguette dans la narine droite, puis dans la gauche et se cogner la tête trois fois sur le bureau en disant 'Ouille !' et pas 'Aïe !' sinon la formule ne fonctionnerait pas. Aliaume finit son cours en souhaitant avec bonhommie un "joyeux noël à tout le monde, on se revoit en septembre !" Fabrice, bon public, rigola tout du long, et même Suzanne laissa transparaître un petit sourire amusé sur ses lèvres.
Ils redescendirent les escaliers aussi discrètement qu'ils les avaient monté et prirent la direction du gymnase. En passant devant les grands casiers longilignes attribués aux demi-pensionnaires, Fabrice attira l'attention de Teilo sur un en particulier. "Tu sais, l'histoire du garçon qui est resté enfermé juste avant les vacances... moi et Maxence, on pense que c'est lui, le fantôme. Des camarades l'avaient enfermé pour rigoler, et depuis, il se venge sur tous les élèves qui font ce genre de blagues aux autres." "On appelle ça des harceleurs, Fabrice." "Chuuut."
Teilo, avec sa cape de lumière, avec Lys sur son épaule, ne se démonta pas. Il plissa les yeux. "Et tu vas me dire qu'il est dans le casier, c'est ça ?" "Ben je sais pas. T'entends rien ? Y'a comme un grattement..." La bouche torve, il décida quand même de jouer le jeu et colla son oreille contre le casier. "J'entends rien du tout." "Mais si, écoute bien." "Hmmm..." Fabrice, qui était derrière son petit frère, approcha trèèès doucement sa bouche de son oreille et sa main de sa nuque. En même temps qu'il lui effleura la peau du bout des doigts, il lui murmura d'une voix éthérée : "Teiloooo...."
"HAA !"
Teilo bondit en même temps que son propre cœur. "Trop, trop facile", fit son grand frère hilare. Suzanne, elle, ne trouvait pas ça drôle du tout. En chuchotant, elle réussit à faire passer toute sa colère : "C'est malin ! Si quelqu'un l'a entendu, on est morts." "Pardon mais c'était vraiment trop tentant. Hm ?" L'hermine sur l'épaule de Teilo gazouillait quelque chose à Fabrice d'un air réprobateur. "Ouais. Ouais, t'as raison, Lys", approuva Teilo en reprenant son souffle, et ce fut au tour de Fabrice de sursauter. "Attends... quoi ? Tu peux lui parler ? Qu'est ce qu'elle a dit ?" Teilo ne répondit pas. Il se contenta d'un petit sourire pour Lorie avant de reprendre sa route. Fabrice lui emboîta aussitôt le pas. "Tei c'est bon, je m'excuse. Allez, s'il te plaît, dis-moi ce qu'elle a dit."
Leurs pérégrinations ne furent interrompues par aucun adulte ni aucune espèce d'autorité. Ils atteignirent sans obstacle le "clou de la visite" d'après Fabrice, l'endroit le plus prestigieux et chargé d'histoire du lycée Ampère. La porte pour y accéder était fermée mais ne résista pas longtemps au Dévérouilleur Universel de Lorie. Enfin, c'était le nom que lui avait donné Teilo.
Ainsi, les quatre aventuriers d'un soir purent pénétrer dans la chapelle de la Sainte-Trinité. C'était un "joyaux baroque", d'après Fabrice, "construit au début du dix-septième siècle. Napoléon 1er est venu ici. Vous voyez les arches ? Elles sont en marbre de Carrare, rien que ça. Et le dôme la bas, il est blanc et bleu, c'est vraiment beau." Lui-même semblait touché par l'aura du lieu et chuchotait à peine. "C'est dommage, la nuit on voit pas les couleurs", commenta Teilo en s'approchant d'une sculpture d'ange ailé qui avait les yeux fermés et les bras croisés sur la poitrine. Avec la lumière provenant de sa cape, la sculpture était plus blanche encore.
Suzanne, restée à l'entrée de la chapelle, ne put retenir un bâillement devant ce qu'elle voyait. "Hé, faudrait peut-être qu'on rentre avant que Maman se demande où on est passés."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Le sourire aux lèvres Lorie observait son animal de lien sur l’épaule de Teilo, reconnaissant de sa compagnie. Puis à sa remarque elle laissa s’échapper un rire retenu d’amusement avant de hocher plusieurs fois la tête. « C’est vrai, tu seras donc le fou » dit-elle avant que le grand frère ne dise la même chose. Le courage retrouvé, Lorie observa le garçon danser dans les ombres. Elle avait devant elle l’exemple parfait du pourquoi elle voulait prendre soin des autres. Les tirer vers le haut non sans les casser, mais en leur montrant peut-être un chemin différent, une autre vision du monde.
Dans les salles de classe, Lorie avait suivi le groupe, attentive à son environnement. Toujours prête à dégainer sa baguette si cela était nécessaire, elle s’était adossée à un mur et regardait Fabrice imiter le professeur d’anglais qu’il avait eu au lycée. Suzanne aussi visiblement, non sans être amusée par l’interaction entre les deux Daroux. Est-ce que son professeur de conjuration détestait également Lorie ? La blonde haussa les épaules pour elle-même, elle n’en avait rien à faire finalement de ce que pouvait penser les autres. Peut-être irait-elle le voir à la rentrée, elle qui devait reprendre certaines habitudes apprises lors de ses cours…
L’imitation de Teilo eut le mérite de faire sourire l’adolescente. Il était bien imité, bien qu’elle n’ait pas la chance de l’avoir en cours, elle avait passé suffisamment de temps à ses côtés depuis son engagement envers la voie blanche pour reconnaître certaines mimiques. « Je vous trouve bien moqueur monsieur Daroux, n’avez-vous pas autre chose à faire de vos journées ? » Fit Lorie d’un air faussement réprobateur le visage crispé. Elle s’avança vers lui en traînant la patte. Teilo n’avait jamais eu le professeur Vaillant, mais impossible qui passe à côté de son imitation.
En direction d’une autre salle, Lorie fut témoin de la blague de Fabrice. Elle ne trouvait celle-ci pas vraiment amusante et ce sentiment était partagé avec le reste de la troupe. Lys se permit même de le faire remarquer. Décidément, cette hermine était fantastique. Un sourire complice pour Teilo elle s’approcha de Fabrice et se pencha vers lui. « Ne t’inquiète pas, je l’empêcherais de venir te grignoter dans la nuit » elle passa devant Fabrice se retourna et lui asséna un clin d’œil. Avant de lui révéler que cela était une plaisanterie.
La chapelle était somptueuse et elle n’avait rien à envier à celle de l’académie. Finalement les non-maj’ avaient des lieux similaires à ceux des sorciers. Profitant du spectacle, elle acquiesça tout de même aux paroles de Suzanne. Ils ne devaient pas traîner.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo dégagea son épaule et retourna sans répondre à l'entrée de la chapelle, ce qui laissa le grand frère pantois. D'habitude, Teilo était super bon client pour ses histoires. Y avait-il été trop fort avec celle du fantôme dans le casier ? A en juger par la petite blague que lui avait faite Lorie juste après, non. Alors, quelle mouche piquait son petit frère ? Il l'observa s'approcher de Suzanne et de son sempiternel air blasé pour tenter d'engager une conversation avec elle. "Tu sais Suze, à Beauxbâtons dans notre chapelle, y'a un arbre gi-gan-tesque." "Ah ouais ?" "Ouais. Et la manière dont c'est fait, c'est comme si les architectes avaient décidé de construire la chapelle tout autour de l'arbre." "C'était forcément des gens bien", commenta Suzanne avec un petit sourire, ce qui fit à son tour sourire Teilo.
Assez vite, presque naturellement, le petit groupe quitta le faste baroque de la chapelle et reprit le chemin du couloir menant à l'entrée du lycée. "Finalement, c'est pareil qu'à Beauxbâtons... et quand même différent", se dit Teilo à voix haute. Ca lui allait comme conclusion, même si elle était paradoxale. Et il était content d'avoir vu l'intérieur du lycée non-mag où avaient étudié et étudiaient encore ses frères et sœurs et où lui n'irait jamais. Habitué à la lumière qui émanait de sa cape, le garçon devenu téméraire était passé en tête du groupe et trottait d'un pas bien plus assuré et rapide vers la sortie.
"Il y a quelqu'un ?"
Teilo se figea sur place. La nouvelle voix, féminine, sourde et légèrement chevrotante venait de tout droit dans le couloir. Un faisceau de lumière balayait l'obscurité mais était encore trop lointain pour se poser sur lui. "Lys, attention", fit-il en enlevant sa cape pour la mettre en boule et la lancer à Lorie comme il l'aurait fait d'un ballon de rugby.
"Si c'est une blague, montrez vous maintenant. Et ne jouez pas avec moi ! Sinon j'appelle la police !" "Meeeerde", lâcha Suzanne en se précipitant vers une des nombreuses fenêtres pour tenter de l'ouvrir. Mais, comme toutes les autres fenêtres du couloir, elle avait des barreaux. "Ne pas paniquer. Ne pas paniquer", préconisait Fabrice en respirant par le nez. "Je crois que c'est la vieille gardienne." "Madame Martin ? Elle me déteste." "Tous les adultes du lycée te détestent. Mais moi, elle m'aime bien. Je peux tenter de la persuader." "Non, nul. Elle connaît Maman ! Faut qu'on se casse d'ici sans qu'elle nous reconnaisse !" "Bon, Lorie, t'as une meilleure idée ?"
Teilo, broche d'Ogme dans la main, avait reculé pour rester près du groupe. Il fixait le faisceau de lumière qui louvoyait dans leur direction. Dans quelques instants, ils seraient dans la ligne de mire.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
De son côté, Lorie observait les Daroux non sans une certaine jalousie. Evidemment avec ses sœurs tout se passait bien, mais il y avait une proximité en eux, qu’elle n’avait pas eut la joie de découvrir avant Beauxbâtons. Rose, était partie alors qu’elle en était sans nul doute la plus proche de Lorie. Bien sûr, elle avait Pensée et Elina… Enfin juste Elina, pour l’instant. Quoi qu’il en fût-ce n’était pas pareil, les sœurs n’étaient pas habituées à se confier ou échanger comme c’était le cas chez les Daroux.
Suivant le groupe depuis l’arrière de celui-ci Lorie observa Teilo prendre les devants pour finalement se figer dès qu’une voix fit son apparition. Lys sauta de l’épaule de Teilo et vint se poster sur la sienne, elle semblait attendre les instructions. Lorie n’eut pas la moindre augmentation de son rythme cardiaque, qu’était un non-maj’ à côté de ce qu’elle avait affronté durant la précédente année scolaire ? Non, la blonde n’avait pas peur, elle avait rangé la cape dans le plus grand des calmes, mais elle comprenait celle de frère et sœurs qui étaient dans un endroit habituel et qui n’avait rien à faire là. Eux, ils avaient tout à perdre.
Calme, elle mâchait une gousse d’arbre cœur quand on lui demanda si elle avait une meilleure idée. Elle ne pouvait utiliser la magie, enfin si, mais elle se voyait mal justifier auprès des autorités magiques qu’elle avait lancé un sortilège sur une non-maj’ juste parce qu’elle voulait explorer un lieu qui lui était interdit. Lorie s’avança et soupira vers la lumière. Elle ferait gagner du temps au petit groupe pour qu’il prenne la fuite en toute discrétion. La blonde s’avança alors vers la lumière les mains en l’air comme pour signifier qu’elle n’était pas hostile. « Bonsoir madame ! Nul besoin d’appeler la police, je vous l’assure… Êtes-vous la gardienne des lieux ? Lorie décala sa tête alors qu’elle entrait dans la lumière. Je vous cherchais, vous avez laissé la porte d’entrée ouverte et quelqu’un en est ressorti avec un air louche, je voulais simplement vous prévenir, je crois qu’il a pris un faux squelette dans l’une des salles de science, vous devriez aller vérifier. » Désormais à côté d’elle, elle lui adressa un sourire bienveillant. « Navrée, je ne voulais pas vous faire peur, est-ce le cas ? » Lorie dégageait une aura sereine, pleine de calme.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
C'était un soupir d'exaspération mêlé d'un râle, une des marques de fabrique de Madame Martin. Dissimulé tant bien que mal derrière une rangée de casiers, Fabrice se retint de pouffer. "Mais elle fait quoi Lorie ?" chuchota Suzanne, juste derrière lui. "Elle nous sauve les miches", murmura un Teilo tendu mais confiant, juste derrière elle. "Ça fait vingt fois que je dis au proviseur qu'il faut changer la serrure ! Mais il dit que ça doit être voté au CA, et ça tarde, ça tarde, je sais pas ce qu'ils attendent ! Maintenant qu'ils viennent pas se plaindre si y'a des intrusions et des vols, moi j'avais prévenu !" La dame baissa enfin sa lampe torche vers le sol. "C'est Monsieur Grimbert qui va gueuler si on a encore piqué un de ses squelettes ! Et juste au début des vacances en plus, comme si j'avais que ça à faire. J'suis même pas d'astreinte, normalement, vla-t-y pas que l'intendant m'appelle parce qu'il a une alarme mais il est indisposé. Comme par hasard !"
Fabrice leva un index pour son frère et sa soeur et l'abaissa.
"Rohlalaaa", fit Madame Martin. Dans la quasi obscurité, Lorie pouvait distinguer qu'elle portait des lunettes carrées et avait des cheveux coiffés en arrière qui lui retombaient sur la nuque. La dame, quoique assez âgée, dégageait une certaine force et se tenait bien droite. Elle fit un signe de tête à Lorie avant de lui indiquer l'escalier en pointant le faisceau de sa torche dessus. "Bon ben venez, on va vérifier ! Va encore falloir que je fasse un rapport. Vous fichiez quoi devant le lycée à cette heure, vous ?"
"Je crois que... ça marche", constatait Suzanne avec étonnement derrière les casiers. "Bien sûr que ça marche", lui murmura Teilo en voyant Lorie et la dame s'éloigner d'eux. Lorie assurait toujours.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Pleine d’assurance Lorie opina du chef une première fois lorsque la vieille dame lui indiqua qu’elle n’avait pas peur. Puis une seconde fois lorsqu’elle mit en évidence que la porte était ouverte. « En effet madame, je ne suis pas du lycée, je fais ma scolarité à l’étranger une année sur deux, le reste du temps, je suis dans un internat catholique dans le sud-ouest de la France. »
Elle écouta les complaintes de la vielle dame avec un air compréhensif. Décidément ce lycée non-maj’ était pour le moins animé. Ce qui titilla Lorie fut la notion d’alarme… Comment diable avait-elle pu oublier ce détail ? Évidemment que les lieux non-maj’ avaient des alarmes, maintenant qu’on venait de lui souffler la réponse, elle s’en souvenait. « Je suis navrée que l’on vous ait dérangé madame » dit-elle toujours avec une moue compréhensive.
Lorie se mit à suivre la dame qui pour son âge, était en forme. La question de la dame prit l’adolescente légèrement au dépourvu, mais elle resta néanmoins calme. « Je suis en vacances à Lyon et j’aidais un ami à prendre des photographies de la ville de nuit, il voulait me prendre en photo devant le lycée, mais je crois que c’était surtout un prétexte pour passer un moment seul avec moi. Lorie se pencha légèrement vers la dame. Je pense qu’il me courtise. Lui dit-elle sur le ton de la confidence. C’est là que l’on a vu sortir une personne avec quelque chose sur l’épaule, je me suis dit qu’il fallait vous prévenir que la porte était ouverte. J’ai bien essayé d’appeler, mais personne ne m’a répondu. »
Lorie continua de suivre la vielle dame et les deux se retrouvèrent très vite devant les salles. Elle était calme et assurée. Comme si tous les mensonges qu’elle venait de dire étaient purement la réalité. C’était certain, l’Occlumencie l’avait fait gagner en niveau. Elle était loin la fille qui se faisait démasquer au premier mensonge.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Madame Martin continuait à déblatérer en grimpant les marches deux par deux. Fabrice, Suzanne et Teilo n'entendirent bientôt plus qu'un distant écho incompréhensible.
"C'est notre chance. Go go go", fit Fabrice en simulant un signe de la main qu'il avait du voir dans un film de guerre. Suzanne et Teilo s'exécutèrent sans faire d'histoire et quand Teilo s'arrêta, sans doute par peur du noir, Suzanne lui attrapa la main. A pas de loups, ils atteignirent la porte qui menait à la cour. Suzanne s'arrêta juste avant de l'ouvrir. "J'ai bien envie de tagger un message sms genre : Martin tkt on te coeur. Dommage, j'ai pas ma bombe." "Contentons nous de sortir", commenta Fabrice en hochant la tête. "Et Lorie ?" s'inquiéta soudain Teilo. "Ouais, c'est vrai." Fabrice se retourna, prit une grande inspiration et d'une voix solennelle murmura : "Merci, Lorie Fleury, pour ton sacrifice. La famille Daroux te sera éternellement reconnaissante." "Arrête. Teilo a raison, on peut pas la laisser là", gronda Suzanne. "C'est bon, elle va s'en sortir. Cette fille est douée." "Et si Madame Martin appelle les flics ?" "Hmmm..." Fabrice se caressa le menton de la main. "J'ai une idée."
En haut de l'escalier, dans le premier labo de sciences, Madame Martin ne semblait pas vouloir s'arrêter de parler. "Et votre ami là, qui voulait vous prendre en photo, il a mis les voiles dès qu'il a vu du grabuge ? Alors lui, il est gonflé. Ah, ça, pour draguer ils savent faire, mais au moindre problème y'a plus personne. Les jeunes d'aujourd'hui n'ont plus aucun sens de l'éthique. Ils savent même pas ce qu'éthique veut dire. Heureusement qu'il en reste des comme vous. Bon... le squelette de Mme Pils est là. Alors peut-être chez Monsieur Grimbert..."
Mais chez Monsieur Grimbert, le squelette était aussi là, et avec tous ses os. Madame Martin resta perplexe deux secondes avant de braquer de nouveau sa lampe torche sur Lorie. "Vous êtes sûre que c'était un squelette ? On en a que deux et ils sont là." Puis elle parut réfléchir et laissa retomber ses bras. "Rohlalaaa. Me dites pas que c'est pas vrai. Vous êtes pas en train de couvrir votre petit ami ? Pas vous ?"
Lorie pouvait sentir toute la déception dans sa voix.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie adopta une mine songeuse. Elle se tenait le menton comme un détective le ferait. Elle ignora la lampe ou le ton de la vieille dame, elle ne devait pas laisser transparaître la moindre faille. « Mon petit ami ? Réagissait-elle surprise. Malédiction serait sur moi si je venais à batifoler avec un garçon à mon âge madame, non, je ne couvre personne, je serais une piètre déléguée dans mon internat si je m’essayais à ce genre de comportement, que dieu m'en garde… Néanmoins tout cela est intriguant… Vous savez, je ne suis certaine de rien, c’est mon ami qui a suggéré que c’était un squelette de la salle de science, j’ai juste vu une ombre, sans mes lunettes, il m’est difficile d’y voir claire surtout dans le noir. Mais apparemment, les reflets gâchent les photos. Lorie soupira. Je suis navrée de ne pas pouvoir vous aider correctement, je pense que si vol il y a eu, il faudrait prévenir la police en l’état des choses, je ne peux pas plus vous aider… Je ne suis qu’une adolescente banale qui cherche à aider son prochain. »
Lorie laissa pendre ses bras le long de son corps. Ses épaules tombèrent, signe d’abandon. « Je vous ai suffisamment pris de votre temps madame, peut-être que je devrais songer à y aller… Auriez-vous l’obligeance de me raccompagner jusqu’à la sortie ? J’ai peur de me perdre dans tous ces couloirs inconnus… » Lorie attendit une réponse. Normalement, si tout allait bien, Lys était encore avec Teilo. Dès qu’elle entendrait la voix de Lorie au loin, elle guiderait le groupe au loin pour que tout le monde soit caché. Elle espérait juste que personne n’avait rien fait de stupide. L’improvisation avait ses limites.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Les trois Daroux sortaient discrètement du lycée Ampère en chuchotant. Il faisait complètement nuit, il n'y avait aucune lumière dans la cour et Teilo épiait les alentours en tenant la main de Suzanne. "Oui mais ça attirerait l'attention de Madame Martin vers l'entrée..." "Lorie lui a dit qu'elle était rentrée seule. Tu vas tout gâcher !" "Ça lui donnerait l'occasion de s'échapper." "Lys elle est pas d'accord."
Les deux grands se tournèrent vers leur petit frère. "Pardon ?" "Lys, elle est pas d'accord. Elle veut pas qu'on retourne à l'intérieur." Sur l'épaule de Teilo, l'hermine gazouillait de la même manière qu'elle avait fait pour Fabrice après sa mauvaise blague. "C'est ce qu'elle t'a dit, là ?" fit Fabrice, les bras croisés. Teilo soutint son regard quelques secondes puis soupira. "Non, je sais pas parler aux animaux." "Ah ? Mais tout à l'heure..." "Il t'a menti, Fabrice." "Teilo ? Tu mens maintenant ?" "On s'en fiche !" Sous le coup de l'énervement, Teilo avait haussé un peu le ton. "Pas besoin de parler l'hermine pour comprendre qu'elle est pas d'accord. Alors on se tire d'ici et on fait confiance à Lorie, c'est bon ?"
Sans même attendre que les grands n'approuvent son idée, il les planta là et se mit à traverser la cour toute noire tout seul, vers le passage qui rejoignait la rue. Non, pas tout seul. Il avait Lys. "C'est de ma faute. J'aurais pas du m'inquiéter pour elle, pardon", fit-il doucement à l'hermine. Lorie lui avait pourtant assez dit, dans sa dernière lettre, de ne pas s'inquiéter mais c'était plus fort que lui parfois. Après une vingtaine de mètres, inquiet, il jeta un coup d’œil par dessus son épaule. Ouf, Suzanne et Fabrice le suivaient.
A l'étage, bras croisés, Madame Martin écoutait les explications de Lorie. Son esprit critique s'était réveillé, sa méfiance aussi. Elle voulait bien ne pas tomber dans le panneau, ne pas être prise pour une cruche, Madame Martin. Mais la fille en face de lui, comme par magie, lui disait tout ce qu'elle voulait entendre. C'était une bonne enfant, chaste, déléguée, croyante, qui portait des lunettes et s'exprimait avec la politesse et le respect requis. Elle cochait toutes les cases de l'enfant que Madame Martin n'avait jamais eu. Comment pouvait-elle douter une seconde de la bonne foi de quelqu'un d'aussi pur ?
"Pardon, mademoiselle", finit-elle par dire d'une voix plus douce, presque maternelle. "Vous avez cherché à redresser un tort et moi je vous accuse d'être complice ! Vous êtes la dernière personne qui peut être mêlée à cette histoire. Vraiment, je... Rohlala, je m'empêtre toute seule ! Venez, je vous raccompagne. J'appellerai la police après."
Ainsi fut fait et Lorie dut traverser la cour et le passage pour retrouver les trois Daroux. Ils furent tous très soulagés de la voir. "Je sais pas comment tu fais mais tu gères !" s'exclama Suzanne en la serrant entre ses bras. Visiblement surprise elle-même pas son geste, elle s'écarta tout aussi rapidement. Fabrice, lui, souriait franchement. "Faudra que tu nous racontes comment t'as embobiné la vieille." "Fabrice avait une idée vraiment pourrie pour attirer son attention mais on a bien fait d'écouter Lys." "Ahem." "Enfin, Teilo et Lys." "Merci." Teilo, sourire fier au visage, s'approcha de Lorie pour que l'hermine puisse sauter sur son épaule.
Suzanne sortit son portable de sa poche et consulta l'heure. "Booon.... 21h30. On a du passer une bonne demi-heure là-dedans. Qu'est ce qu'on va dire à Maman ?"
Les trois Daroux regardaient tous Lorie.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie observa la vieille femme et lui adressa un sourire. « Merci madame disait-elle alors qu’elle allait se faire raccompagner. Ne soyez pas trop dure avec vous-même, vous ne faites que votre travail madame, et pour quelqu’un qui n’est pas d’astreinte vous le faite merveilleusement bien. » La démarche gracieuse, Lorie suivait la vieille dame. Elle passa la porte et se retourna pour lui adresser un sourire. « Merci beaucoup madame, je vous souhaite bien du courage dans cette affaire et une agréable nuit… J’espère qu’elle ne sera pas de nouveau interrompue. » Lorsque la porte se referma, Lorie se tourna. Il ne restait plus qu’à rejoindre le petit groupe qui avait disparu.
Elle traversa le passage, et fut surprise par Suzanne qui l’a pris dans ses bras. Elle lui rendit l’étreinte et lui offrit un sourire. « J’ai, disons quelques facultés pour entourlouper les professeurs ou mes précepteurs » dit-elle amusée. Lorie raconta de A à Z son interaction avec madame Martin puis elle leur indiqua qu’ils avaient bien fait d’écouter Teilo. Elle lui fit même un clin d’œil, elle était fière de lui, il avait agi avec sagesse.
Lorie s’apprêtait à répondre à Suzanne, lorsqu’un sifflement l’interpella. Une voix retentit alors dans la rue « C’est une jolie montre ça… » Les yeux de Lorie se détournèrent pour voir, un petit groupe de quatre jeunes hommes habillés de noir et encapuchonné. « Elle doit valoir un paquet d’oseille… Tu nous la donnes la princesse ? » Lorie se mit naturellement entre eux et les Daroux. « C’est du toc » « Ouais ouais, c’est ça et moi, je suis le père Noël… Oh, mais tu as aussi de jolis bijoux et tes copains ont des super téléphones. » Le jeune sortit un couteau et pointa la lame vers Lorie. Il devait être à vue d’œil, à cinq ou six mètres d’elle… S’ils couraient vers elle, cela pourrait être dangereux. « Vous seriez prêt à prendre une vie pour quelques malheureux objets ? » « Jsais pas ça peut vite dégénérer » Lorie le scruta, il ne mentait pas. « Donc ma vie est en danger ? » « D’après toi Einstein ? J’ai un couteau, tu crois que ça sert à quoi ? » « Ma vie, est-elle en danger ? » Répéta Lorie sur un ton sérieux. « Oui ! Aller bouge-toi ! » Il ne mentait toujours pas. « Parfait » se contenta-t-elle de répondre alors qu’elle posa sa main sur sa baguette logée dans son chignon. Ses cheveux se lâchèrent et tombèrent le long de son dos. Les quatre étaient intrigués, mais ils firent un pas en avant. Lorie prit une grande inspiration. « C’est votre dernière chance pour reculer et partir… » La seule réponse fut des rires moqueurs. Le regard de Lorie scruta rapidement chaque fenêtre des alentours. Personnes, n’étaient là aucun témoin. Les vils mécréants se mirent alors à courir vers elle.
« Waddiwasi » formula-t-elle avant que deux SUV stationnés de part et d’autre de la rue ne vinrent se fracasser entre eux juste devant elle. Le souffle de l’impact fit voler les cheveux de la blonde tandis que les deux automobiles étaient méconnaissables. La barrière de la taule froissée eut pour effet de stopper la course des quatre délinquants qui affichaient une mine apeurée, mais Lorie montait déjà sur les restes de voitures. Debout sur les vestiges, elle faisait face aux quatre garçons qui voulaient prendre la fuite et après deux formules de plus, tous furent rendu béat en un instant. « Auxilio » finit-elle par prononcer pour appeler les agents du ministère. Certes, ils n’avaient pas besoin de cela pour être avertis, la trace se suffisait à elle-même. Mais c’était pour la forme et il serait plus facile de se justifier. Elle retira alors ses bijoux, il étaient source de bien trop de convoitise dans ce monde.
Deux membres du ministères transplanèrent rapidement. Lorie expliqua toute la situation, sans omettre le moindre détail. Elle était dans son bon droit, elle avait même des témoins : sa vie était en danger, celle de Teilo également. Elle n’avait fait que protéger celle-ci. Sans oublier Suzanne et Fabrice. Il ne fallut pas longtemps pour que les quatre délinquants soient oubliettés et que les deux voitures soient remises en place. C’était comme s’il ne s’était rien passé. Le tout avait pris quelques minutes, mais finalement, Lorie s’en tirait bien seulement un avertissement. Elle devait faire plus attention. Elle signa même un autographe pour le petit garçon de l'un des agents. Les membres disparurent comme ils étaient arrivés.
La blonde se tourna alors vers la famille. « Vous allez bien ? Demanda-t-elle alors qu’elle refît un chignon qu’elle bloqua à l’aide de sa baguette. On devrait rentrer. » Finit-elle par dire sur un ton qui se voulait légèrement directif.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Le premier mouvement de Suzanne fut, à l'instar de Lorie, de protéger Teilo qui, voyant le couteau à la faveur d'une lueur de lampadaire, s'était une nouvelle fois figé. La grande sœur, cœur ballant, s'était mise devant le petit frère en regrettant de ne pas avoir sur elle son attirail anti-agression. L'instinct de Fabrice lui avait ordonné dans l'ordre de parlementer, puis non, de tout donner, puis de juste courir vite et loin, mais constatant que personne ne semblait avoir eu les mêmes et saines bonnes idées que lui, il s'était mis à hésiter avant de finalement rester sans savoir trop quoi faire sinon s'agiter nerveusement.
Heureusement, Lorie avait pris les devants et monopolisé l'attention des jeunes encagoulés. "Reculez !" cria Teilo à la ronde de sa voix fluette en la voyant récupérer sa baguette. Personne ne sut, pas même lui, s'il s'adressait à son frère et sa sœur ou aux méchants, ou à tout le monde sauf Lorie. Suzanne et Fabrice eurent la présence d'esprit de l'écouter et bien leur en prit.
Le spectacle qui suivit fut digne d'un film d'action à gros budget. Sauf que, et Fabrice le constata amèrement, ils étaient dans l'écran. Malgré la distance qu'ils venaient de prendre, la chaleur de l'explosion des SUV leur parvint et les fit grimacer. La soudaine lumière provoqua chez eux autant d'émerveillement que d'effroi. Lorie qui gravissait les débris les cheveux défaits semblait soudain devenue une autre personne aux yeux de Suzanne, cette autre sorcière, celle qui avait détruit sans état d'âme la collection de voitures de sport de son père. L'écouter en parler avait été une chose, la voir en action en était une autre.
A côté d'elle, Suzanne et ses récents discours enflammés pour la planète, Suzanne et ses sempiternelles envolées contre tout et tout le monde et qui n'allaient quasiment jamais jusqu'à l'action, n'était pas grand chose. A côté d'elle, Fabrice et sa volonté de devenir un grand magicien lui aussi sans en avoir le courage ni les capacités, n'était pas grand chose. Et Teilo, les yeux grands ouverts et le souffle un peu court devant ce qui s'apparentait à un glissement soudain de son nouveau monde dans l'ancien, ne savait pas quoi penser. Aurait-il du désobéir à Maman et avoir baguette, amulette et pierre sur lui ? Qu'aurait-il pu faire, de toute façon ? Les aveugler avec un gros Lumos ? Leur lancer un maléfice de Chatouillis ? Suçoter une gousse d'arbre-coeur en regardant le spectacle ?
Quand les agents du Ministère apparurent de nulle part pour constater les dégâts et entendre le témoignage de Lorie, la famille Daroux resta à l'écart sans rien dire. Ils se tenaient juste la main. Teilo ne savait pas s'il devait rester là avec Fabrice et Suzanne ou s'il devait, en tant que sorcier lui aussi, s'avancer pour apporter également son témoignage. On regarda bien dans sa direction quelques instants mais on ne l'invita pas à s'avancer, alors il ne bougea pas.
"Ils vont nous faire tout oublier, tu crois ?" murmurait Suzanne à Fabrice. Teilo sentit son grand frère frissonner à cette idée et, à son tour, il fut pris d'une sensation glaçante. Il était hors de question que sa famille oublie quoi que ce soit mais, encore une fois, que pouvait-il y faire ? "Non, je crois pas", répondit-il à la place de son grand frère. "Mais vous ne dites rien. A. Personne." Il les regardait tour à tour et, devant son air inhabituellement sérieux, Suzanne et Fabrice ne purent que hocher gravement la tête.
Finalement, les agents disparurent, les voyous oublièrent et les SUV retrouvèrent, au grand dam de Suzanne, tout leur lustre et leur brillant. Il ne s'était rien passé. La sorcière revenait sereinement vers eux. "Oui, on va bien", répondit Suzanne, un peu raide. Comment diable Lorie pouvait-elle prendre tout ça si calmement ? "Merci, Lorie", fit timidement Fabrice, la tête basse. Quant à Teilo, il était bien décidé à ne pas montrer à quel point tout ça le chamboulait encore. Ça faisait vraiment beaucoup d'émotions pour une seule soirée mais il n'allait pas encore se laisser déborder. Il approuva simplement de la tête à la suggestion directive de Lorie, "Oui, on rentre", et marcha en tête à grandes foulées. Malgré ce fichu plâtre qui le gênait, il voulait retrouver le plus rapidement possible sa maison.
Armelle les avait attendu. Elle devait sortir et Robin ne pouvait pas rester seul. A la mine de ses enfants, leur mère sut immédiatement qu'il s'était passé quelque-chose mais devant leur insistance que tout allait bien, elle remit cette conversation à plus tard.
Cette nuit là, Teilo dut encore mettre sa veilleuse pour pouvoir enfin sombrer dans le royaume des songes.
Chez les Daroux
Suzanne s'était levée en premier et avait préparé le petit déjeuner pour tout le monde. C'était rare. A la descente de Lorie, elle la salua comme si de rien n'était et esquiva plus ou moins habilement tout sujet de conversation à propos de la veille, dérivant toutes les conversations sur l'arrivée d'Ariane, son autre sœur, en début d'après-midi. Teilo fut le suivant à descendre. Il s'était déjà changé et douché mais ses cheveux mouillés étaient en pagaille. En mangeant ses céréales, il frotta régulièrement ses yeux embrumés. A neuf heures vingt, Fabrice et Robin dormaient encore, probablement. Armelle, quant à elle, était déjà partie régler quelques affaires administratives au théâtre, comme l'indiquait le mot collé au frigidaire.
A neuf heures trente, comme presque tous les matins, le facteur sonna. C'était au tour de Teilo de descendre. Quand il remonta, il posa les enveloppes sur la table ronde du salon et les parcourut du regard. Des factures, des prospectus (les Daroux acceptaient la pub), et une lettre au timbre vert qui lui était nommément adressée. Il la saisit et reconnut immédiatement la main qui avait écrit son prénom, son nom et son adresse.
"C'est pour toi ? C'est de qui ?" lui demanda Suzanne de la cuisine avec un sourire. "C'est la lettre de Pensée", répondit-il avec émotion avant de déglutir. "Oh." Teilo, sans se soucier de son plâtre, remontait rapidement l'escalier en tenant la petite enveloppe comme un sésame. Suzanne chercha le regard de Lorie. "Euh..." Étonnamment, elle ne savait pas exactement quoi dire ni comment le dire. Elle s'entortilla les cheveux. "Peut-être que tu... devrais aller avec lui ? Enfin, peut-être qu'il veut pas. Mais peut-être qu'on s'en fiche." Dans un soupir, elle précisa : "Franchement, je sais pas ce qui est le mieux." Elle n'ajouta pas que ça devenait un peu trop une habitude, dernièrement.
Teilo referma la porte de sa chambre derrière lui mais il n'avait pas poussé suffisamment fort. Tant pis, elle resterait entrebâillée. Il se jeta aussitôt sur son lit et déchira le haut de l'enveloppe avec ses doigts et ses ongles avant d'en tirer... un parchemin. Et il y avait autre chose... une fleur ? Une belle fleur violette qu'il s'empressa de renifler à pleins poumons. Le trajet de la poste avait déjà eu raison de la puissance de son parfum, mais elle sentait encore bon.
Il sourit, posa délicatement la fleur sur son oreiller et déplia le parchemin qu'il se mit avidement à lire, à plat ventre sur son lit.
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