Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
La suite le surprit à plus d'un titre. Non seulement l'adulte fit comme si de rien n'était - ouf, ils allaient pouvoir rester - mais elle les invitait même toutes et tous à boire un bon chocolat chaud. Ca aurait pu être n'importe quelle autre boisson mais non : c'était un chocolat chaud, exactement la fin d'aventure qu'il avait rêvée quand ils étaient encore dans le passage secret. Ce château était-il encore plus magique qu'il ne pensait ? Perplexe, il écouta d'une oreille l'échange entre les deux plus grandes Fleury, ne s'intéressant vraiment à la conversation que quand Rose qualifia Suzanne de petite amie de Lorie. Cette dernière ne tarda pas à le nier mais avec un air affolé qu'il ne lui connaissait pas d'habitude.
Il leva un regard interrogatif vers sa grande soeur pétrifiée et qui n'était plus composée que d'une seule couleur : le rouge. C'était comme si ses vêtements avaient déteint sur son visage et c'était drôle. Au moins, elle avait abandonné l'idée de le fourrer dans la gueule d'un canon. Son grand rictus se détourna vers Pensée exprimant son envie d'un chocolat chaud. "Avec pas trop de sucre, sinon ça déséquilibre !" pointa-t-il malicieusement en levant un index professoral. C'était une des toutes premières leçons que Pensée lui avait données, quand il lui avait fait goûter ses génoises vraiment trop sèches et trop sucrées.
"Va falloir qu'on retourne dans la pièce secrète", affirma le garçon en emboitant le pas de Lorie. Ses yeux trahissaient son excitation à peine retombée. "Y'a encore trois passages à découvrir." "Tei." "Ouiii ?" "Ton épaule."
Teilo s'arrêta. Suzanne s'approchait de lui en claudiquant et, une fois à son niveau, elle posa sa main sur son épaule. Bon prince, il passa un bras autour de la taille de sa soeur pour la soutenir dans sa marche. "Tu sais, je le savais déjà", chantonna-t-il à Suzanne qui retrouvait un peu de pâleur. "Fais pas ton malin, tu sais rien." "A Noël, Lorie a passé presque toute la soirée avec toi." Il en avait d'abord été un peu beaucoup triste, puis il s'était dit que si sa rendait sa ronchonne de soeur plus heureuse, ça valait le coup. "Te mêle pas de ça, crevette. Tu l'as entendue, y'a rien du tout", grogna Suzanne en décidant, finalement, de se passer de son soutien et de forcer un peu sur son pied blessé pour ne pas se laisser trop distancer par les soeurs Fleury. "Hé, me laissez pas avec les petits !"
Teilo haussa les épaules, habitué à ce que Suzanne l'appelle comme ça. En continuant tranquillement sa route à travers les voitures explosées, il fit les yeux ronds à Pensée, faussement offusqué : "Crevette ? Franchement, elle s'est pas regardée."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Diantre ! Suzanne ! Comment Lorie avait pu la laisser derrière avec son pied ? Rose s’était toujours amusé de ce genre de situation inconfortable, ce qui pouvait être agaçant pour certaine personne. La championne se retourna dès qu’elle entendit son amie l’interpeller. Elle opéra même un demi-tour et d’elle-même vint passer son bras autours de sa taille pour lui garantir un support sur son épaule. « Attends je vais t’aider, désolée elle… » Le regard de Lorie croisa sans grande surprise celui de sa grande sœur qui s’était retourné avec un petit sourire aux lèvres.
« Vous êtes chou » fit Rose la main pour cacher son sourire.
Lorie rougissait a vu d’œil mais continuait de marcher à un rythme calme pour que Suze ne soit pas en difficulté.
« Je suis jalouse Suzanne, j’ai toujours rêvé d’avoir un chevalier servant » la plus grande Fleury laissa échapper un petit gloussement étouffé et caché par sa main.
« Rose ! s’exclama Lorie gênée et encore plus rouge que la robe de Suzanne, je suis avec Drian… »
Le visage léger de Rose s’estompa aussi soudainement qu’il était apparu, laissant un petit air de dégout remplacer l’amusement.
« Je préfère largement Suzanne » répondit-elle sèchement avant de tourner les talons visiblement énervée.
« Rose tu… »
« Ah non hein ! La grande des Fleury s’était retourné avec l’index pointé vers le haut Drian est un connard ce n’est pas moi le problème. »
« Je n’ai pas dit ça ! S’exclama Lorie avant d’ajouter et ce n’est pas… »
Visiblement choquée Rose observa sa sœur et n’attendit pas qu’elle ait fini pour parler.
« Okay ce n’est pas un connard… Il ne t'a pas envoyée prendre une barrière magique en pleine poire pour s’amuser, il n’a pas détruit le cœur de toutes les filles de l’académie, il ne s’est pas énervé et fait une crise quand TU lui as offert SON Abraxan pour éviter que quelqu’un d’autre puisse l’acheter et qu’il ne le revoie jamais… Il aurait pu dire « Merci Lorie » Ou « Je sais pas quoi dire » mais non, il a piqué une crise comme un gamin pourris gâté en envoyant chier la petite Dagda ! Comment elle s’appelait déjà ?… »
Lorie n’arrivait pas à en placer une et se contenta de crisper ses doigts sur la taille de Suzanne.
« … Il ne ment pas comme il respire, il a vachement pris ta défense auprès de son oncle quand tu te faisais harceler par celui-ci, mais enfaite petite sœur raconte-moi ? Il a fait quoi ? Ah oui un pique-nique… Et sinon vos discussions sont toujours super intéressantes ? »
« Rose… Essayait de tempérer Lorie, il est peut-être... »
« Mais ta gueule, Rose adopta un ton tellement blasé qu’elle se sentit obligée de se face-palm, et ce n’était pas de la comédie. Il sort avec toi parce que tu es la championne du tournoi ! la grande sœur se posta devant la championne et claqua des doigts plusieurs fois devant son visage. Allo clac. Allo. clac réveille-toi petite sœur, c’est un connard même Lys à un problème avec, et pourquoi elle a un problème avec ? »
« Allo ?... Je ne sais pas, c’est une hermine, je ne parle pas l’hermine ! » Loin de se douter que Lys eût vu Drian pointé sa baguette sur elle sous les yeux de Lys.
Rose se tourna vers Suzanne non sans soupirer.
« Mais par pitié sauve là… » Dit-elle en roulant les yeux au ciel avant de plonger son regard dans les yeux de sa petite sœur.
« Cite-moi trois bonnes raisons de rester avec… Lorie resta silencieuse, c’était compliqué, sa relation avec Drian était compliquée surtout qu’il était très renfermé. Précisément. » Conclut la grande sœur avant de tourner les talons pour prendre la direction du salon.
Lorie se mordillait la lèvre en l’observant tandis que Pensée s’était penchée vers Teilo pour lui faire un petit commentaire.
« Elle n’aime pas trop Drian… Et Lorie ne l'aimait pas trop non plus à la base... »
Lorie se racla la gorge avant de décrisper un peu sa main de la taille de Suze.
« Viens Suze… On va… Désolée pour ça… »
La sorcière ne prit pas la peine de finir sa phrase et initia un petit mouvement pour se remettre en route.
Pensée afficha un sourire gêné à Teilo et suivit le mouvement.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
C'était ce que Suzanne avait trouvé de mieux à dire à son fouineur de petit frère. Elle détestait quand Teilo, ou quiconque d'ailleurs, se mêlait de ses histoires. Bien sûr, il reviendrait à la charge plus tard, ça lui prendrait quelques minutes ou quelques heures tout au plus. Avec de la chance, il trouverait le moyen de se perdre dans le château avant.
En attendant, elle préférait largement être soutenue par Lorie. Il avait suffi d'un appel pour que son amie revienne à elle. Exagérer sa douleur servait un double objectif : d'abord, ça incitait Lorie à la soutenir un peu plus et puis, ça lui évitait de trouver des choses à dire. L'ironie de la situation ne lui échappait pas. Elle avait toujours refusé de se laisser guider par qui que ce soit.
Elle fut donc la spectatrice silencieuse d'un dialogue entre Lorie et sa grande soeur, le genre de discussion qui abondaient dans les couloirs de son lycée et qu'elle avait l'habitude de railler parce qu'elle était vraiment au dessus de tout ça. Mais là discussion à laquelle elle assistait maintenant avait quelque chose de particulier, d'étrange et de nouveau : elle en était au centre. Si elle avait eu envie, au début, de rabrouer Rose exactement comme elle l'avait fait avec Teilo, de lui dire sèchement de se mêler de ce qui la regardait, sa volonté avait rapidement fondu. Pour une fois, ça l'intéressait.
Drian, dont Lorie lui avait déjà parlé, était donc d'après la grande soeur menteur, mesquin, opportuniste, égoïste, colérique, manipulateur et même pire : ennuyant. Bref, c'était un garçon. Lorie le défendait et lui cherchait des excuses, c'était une fille. Suzanne retint un soupir. Elle avait souvent l'impression de ne pas être sur la même planète que les autres. C'était incroyable comme les jeunes de son âge pouvaient s'attacher à des imbéciles libidineux qui les traitaient comme de la fiente de pigeon. Bien sûr, elle n'était jamais tombée dans le panneau. Elle savait très bien, elle, que personne ne valait vraiment le coup. A quelques très rares exceptions près.
Le problème était qu'elle ne convainquait qu'elle même. Aussi, quand Rose l'implora, la supplia presque de sauver Lorie, elle la regarda avec des yeux de merlan frit. Elle avait déjà beaucoup donné avec sa meilleure amie Claire, lui avait prouvé par A + B que son petit ami Nico était un idiot qui allait finir par la faire souffrir et, aux dernières nouvelles, ils étaient toujours ensemble.
Lorie, qui ne savait plus ou se mettre, commençait à s'excuser. "Bah." Elle était bien incapable d'en dire plus, persuadée que cette fois-ci, elle pouvait dire ce qu'elle voulait, ça n'arrangerait rien à la situation de son amie. Peut-être que Rose en faisait trop, aussi. Ne savait-elle pas que Lorie pouvait détecter les mensonges ?
Peut-être qu'elle-même était finalement aussi cruche que les filles du lycée Ampère qu'elle s'amusait à railler. C'était sans doute un peu trop beau ces quelques jours d'été à Lyon, ce sentiment de perte qu'elle avait ressenti au départ de la sorcière, ces lettres échangées depuis.
Non, il fallait quand même qu'elle dise quelque-chose. "Baaah sois pas déso, Lolo. Il a sûrement plein de qualités, ton Dridri, il a juste du mal à les exprimer. Les garçons sont tous des incompris, on est clairement pas à leur niveau." Après un petit sourire en coin pour bien signifier à son amie qu'elle était en train d'ironiser, elle ajouta : "Allo, c'est la première chose qu'un non-mag dit quand il répond au téléphone. C'est comme bonjour."
La conversation entre Rose et Lorie n'avait pas non plus échappé à Teilo, et, à la remarque de Pensée, il ne put s'empêcher de hausser les épaules : "Les grands se compliquent vraiment trop la vie." Dans tout ce qu'il avait entendu, une seule chose l'avait fait un peu tiquer et c'était Lys. Maintenant qu'il avait commencé les cours de créatures magiques avec Monsieur Kieffer, il avait appris deux trois trucs sur l'instinct animal. Pourquoi Lys n'aimait pas Drian ?
Bon. De toute façon, sa soeur avait été claire : il ne devait pas s'en mêler. Ca l'arrangeait un peu d'accéder à sa requête et de laisser les plus grands se prendre la tête. Pendant ce temps là, il se délecterait d'un excellent chocolat chaud et après, il retournerait à la chasse au trésor avec Pensée.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Silencieuse, la mage blanc continuait de supporter le petit corps meurtri de Suzanne. Elle écouta chaque mot et le pesa avec soin, bien sûr, elle avait capté l’ironie de la non-magique. Pour autant, Lorie prenait tout cela très au sérieux. Ce n’était pas la première fois qu’elle en parlait, la dernière fois – durant l’été – elle avait fait exactement la même remarque. C’était bizarre, la relation était bizarre. Lorie n’y était pas particulièrement attachée, c’était Drian qui avait fait le premier pas et pourtant, Lorie n’arrivait jamais à avoir une discussion avec lui. Ce qu’il trouvait important, ne l’était pas spécialement pour elle et inversement. Au final, la blonde ne savait toujours pas réellement ce qu’il voulait faire plus tard, comme elle en connaissait peu. C’était étrange, comme si tout cela stagnait.
En parlant de stagner… Lorie était tellement plongée dans ses pensées qu’elle en arrêta de marcher. Sourcil froncé, l’air grave, elle entendit bien évidement les explications sur le "allo" non-mag’ mais n’y faisait pas attention pour autant. Étrange… Ceci dit sa sœur n’avait pas tout à fait tort… De toutes les filles de l’académie il était allé au bal avec Lorie… Pourquoi elle ? Alors qu’ils peinaient à se parler. À cause de la salle à double tour ? Etrange… Le cerveau en surchauffe de Lorie bouillonnait tellement qu’elle en eut une petite sueur, qu’elle contra en faisant un éventail avec sa main. Au brésil, Drian ne le lui avait pas particulièrement manqué… Il fallait dire que c’était difficile d’être intime avec un mur. Non, non, non, quoi que…
« Pourquoi allo ? » Murmura Lorie avec le regard dans le vague, simplement pour répondre à Suzanne pour ne pas l’attirer dans sa guerre intérieure de compréhension. La liste était étrange, mais elle n’avait pas parlé de Lys à Drian. Peut-être qu’elle ne lui faisait pas trop confiance, les mensonges ? La barrière… Lys qui n’aimait pas le garçon pour une raison obscure… Était-elle jalouse ? Ça ne faisait pas de sens… Si c’était une partie de son âme… Elle n’était pas jalouse des autres, ceux avec qui la lumière du soleil l’illuminait.
Le regard toujours dans le vide, elle reprit sa marche machinale. Peut-être que les pensées de la blonde trouvaient enfin une piste. Étrange. Sans vraiment avoir conscience de son environnement, la blonde arriva dans le salon. Elle prit place dans un fauteuil sous le regard de Louise qui se contenta de lui servir un chocolat chaud. Rose, elle, avait soigné le pied de Suze comme annoncé. Pensée profitait de son chocolat en rigolant avec Teilo. Elina avait mis de la mousse sur le nez de Pensée et Lorie boguait toujours en observant le vide tout en tournant son chocolat d’un geste de poignet alors qu’il devenait froid. Étrange. Pourquoi restait-elle avec ? Elle faisait sa vie et lui la sienne…
Lorie porta enfin la tasse à ses lèvres et prit une gorgée.
« Je vais le quitter » lâcha-t-elle alors que son regard était toujours dans le vide et que sa tête hochait comme la balançoire à ressort dans un parc pour enfant. Allait-elle réellement le faire ? Au pire, ils pourraient rester en bon terme ? Comme avec Andrea…
Le regard de Rose l’illumina, Pensée et Elina fixait Lorie sans trop comprendre. Et Lorie haussa les épaules avant de finir cul-sec sa tasse de chocolat chaud en se laissant tomber au fond de son fauteuil sous les yeux encore plus incompréhensif de Louise.
« Si ça te permet de revenir dans notre monde, bon retour Lorie » souffla madame Louise non sans s’amuser de la situation.
« Même les parties d’échecs sont moins longues… » Ironisa Pensée, avant de se faire reprendre par Elina « Elles durent 8h ses parties » « Mais… C’était une blague ! » « Oh… Pardon »
Lorie afficha un regard complice à Suzanne, suivit d'un sourire « Alors tu veux faire quoi après cet atelier d'art ma chère ? »
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Suzanne n'en avait aucune idée. Et puis, c'était si important que ça de savoir pourquoi les non-mags disaient allo quand ils répondaient au téléphone ? "Je demanderai à Fabrice si tu veux", grinça-t-elle. Son frère, ce génie, aurait forcément la réponse. Elle aurait juste à supporter son petit air arrogant qui lui rappelait à chaque fois ô combien elle était moins cultivée que lui.
Elle et Lorie n'échangèrent plus jusqu'à leur arrivée au salon. Pas plus après, quand Rose soigna sa voûte plantaire meurtrie d'un sortilège bien placé, ni même lors de la dégustation de chocolat chaud. C'était un peu inquiétant, quand même, de voir Lorie dans cet état. Mais Suze se reconnaissait un peu : combien de fois ça lui était arrivé de vouloir juste rester seule avec ses pensées ? La plupart du temps, par contre, elle préférait monter dans sa chambre et mettre la musique à fond. Lorie faisait ça devant tout le monde.
Ca n'inquiétait pas Teilo, en tout cas. Son petit frère semblait passer un excellent moment à rigoler d'eux-seuls savaient quoi avec la petite Fleury. Tant que ce n'était pas d'elle, ça allait. La crevette s'amusait même à se mettre de la mousse sur le nez, visiblement inspiré par Elina qui avait fait ça sur celui de Pensée. Suzanne leva les yeux au plafond en les regardant se marrer. Pff, qu'est ce qu'ils étaient gamins.
"Je vais le quitter."
Suzanne cligna des yeux en entendant la première phrase de Lorie depuis plusieurs minutes. Se pourrait-il que les efforts combinés de Rose - et elle, dans une moindre mesure - aient eu raison de son aveuglement ? Elle reprit une gorgée de chocolat chaud pour cacher le sourire naissant sur ses lèvres, puis se râcla la gorge et, à la suite de Madame Louise, déclara : rien du tout. Elle n'en eut pas l'occasion, entre l'intervention de Madame Louise, la blague de Pensée qui faisait sourire Teilo et la proposition de Lorie elle-même de juste passer à la suite.
"Hé bieeeeen", fit Suzanne en s'avachissant sur son fauteuil... elle s'était attendue à ce que les Fleury mènent la danse, mais oui, elle avait bien quelques idées. Lorie lui avait déjà parlé du Château Fleury et de ses aménités à longueur de lettres et quelques unes d'entre elles avaient particulièrement attiré son attention. "Atelier sauna ? Un petit bain de soleil au bord de la piscine, ce serait juste par-fait."
"La piscine ?" intervint Teilo avec sa moustache en mousse. "Mais on est au bord de la mer !" "Ouhhh, nonon, ça c'est sans moi. La mer, y'a du sable, du sel et des gens." Son petit frère fronçait le nez en la regardant. "Mais pas de souci, hein ! Tiens, vous avez qu'à y aller avec Elina et Pensée", proposa Suzanne avec un air innocent. "Si Madame Louise veut bien vous emmener." Elle retint un clin d'oeil pour Lorie. Si ça prenait, elles seraient débarassés des petits ET de la gouvernante pour quelques heures. Quant à Rose, elle pouvait rester. Elle était sympa.
"Vous voulez bien ?" proposa Teilo avec un grand sourire aux deux plus jeunes des soeurs. "Ca ne vous embête pas, Madame Louise ?"
"Enfin ! WOOH-OOH !"
Suzanne débarquait dans l'immense piscine privée, magique et couverte du domaine, vêtue d'un t-shirt noir au motif du groupe Ghost, de lunettes noires et d'un short de bain orange qu'elle avait bien pris soin de mettre dans sa valise au moment de partir. La coupole géante qui recouvrait les deux étages du bassin semblait augmenter la puissance des rayons de soleil qui la traversaient. Il faisait vraiment super bon ici pour un début de mois de janvier et elle eut un rictus en pensant aux plus jeunes qui devaient se geler à cet instant précis.
Dans le bassin du haut, qui surplombait en partie celui du bas, il y avait un aquarium pour nager avec les petits poissons. Dans celui du bas, l'eau était claire, limpide et calme. Mais qui s'en fichait ? Elle n'était pas là pour nager, elle était là pour bronzer un peu. Aussi s'était-elle dirigée, pieds nus sur le bois, jusqu'aux transats larges et jaunes avec leurs parasols rectangles et blancs.
"Ha !"
Elle s'installa sur le premier venu, détendit ses muscles et cala ses mains derrière sa nuque avant de prendre une grande respiration. C'était le pied. Température idéale, transat super comfy et surtout pas de gamins piailleurs pour l'empêcher de profiter simplement du moment. Le seul truc qui clochait, c'était Lorie. Elle avait pris de l'avance sur elle mais n'était nulle part en vue. Une Fleury pouvait-elle se perdre en son propre château ?
Bien couverts pour affronter l'après-midi blafarde et venteuse de ce début janvier, ils avaient marché dans les rues de Cannes, au milieu des non-mags qui ne soupçonnaient rien de leur monde. Avec enthousiasme, Teilo avait répondu dans la limite de ses connaissances aux questions de Pensée et d'Elina sur les types de magasin qu'ils croisaient, ou les objets bizarres que certains passants pouvaient parfois tenir dans leurs mains. Mais plus ils avançaient, plus le petit Daroux marchait vite. Il sentait l'air iodé de la mer et il lui tardait vraiment d'y être.
Quand enfin ils déboulèrent sur la plage du midi, très étendue et très peu fréquentée vu le ciel nuageux, le soleil pâle et le drapeau orange qui flottait au dessus du poste de secours, Teilo enleva aussitôt ses baskets bleues et se mit à courir pieds nus dans le sable vers les vagues houleuses. Ce sable mou lui faisait une drôle de sensation, comme de voir l'immensité de cette mer agitée qui semblait vouloir venir vers lui en avalant tout sur son chemin.
Cette mer formidable et agitée s'étendait à l'horizon jusqu'à ne plus faire qu'une avec le ciel. Teilo s'arrêta au beau milieu de la plage, chaussures en main, droit comme une lance. Sa longue écharpe bleue et jaune et verte et rose s'était échappée de son col pour flotter librement à sa gauche. Son regard était figé sur le point fixe, attrayant mais si lointain, là où bleu et bleu se mélangeaient.
"C'est vraiment...", souffla-t-il avant de se tourner vers le groupe féminin qui l'avait suivi pour leur avouer avec des yeux ronds, une voix émue : "C'est la première fois que je viens à la mer." Toute sa famille était comme Suzanne, vraiment pas fan, sauf la plus grande Olympia qu'il aurait pu rejoindre en août dernier pour sa première expérience balnéaire. Mais il s'était passé tellement de choses pendant les grandes vacances que finalement, ça n'avait pas été possible.
Le garçon sourit à Madame Louise, Elina et Pensée. Il était là maintenant, c'était tout ce qui comptait.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Dans la salle de bain de sa chambre, Lorie se préparait pour la piscine. Elle laissa sa robe glisser le long de ses jambes fines et une fois dénudée, mis un coup de brosse dans ses longs cheveux blonds. Elle fit un tour rapide avec un ruban, non sans oublier le nœud pour faire une queue-de-cheval, puis récupéra le maillot de bain une pièce de couleur bleu ciel et argenté qu’elle avait déposé sur le porte-serviette et l’enfila. Voilà, c’était parfait, la matière était si agréable qu’elle en étira son corps, puis d’un geste rapide, elle attrapa sa serviette qu’elle posa sur son épaule.
La petite blonde se mit route pour la piscine du château. Jamais elle n'y était allée dans le simple but de profiter, auparavant elle avait toujours été sous la supervision d’un adulte pour en faire une activité physique. Après quelques bifurcations dans les couloirs, elle poussa l’énorme porte en bois massif et y découvrit une Suzanne qui était déjà en train de lézarder sur un transat. La chaleur était si agréable, c’était chaleureux, presque chatoyant. Lorie ferma les yeux un instant puis déposa sa serviette sur le transat à côté de celui de Suzanne. Elle posa ses yeux sur son amie et détourna le regard en arrivant à ses jambes. D’un mouvement de danseuse, elle prit la direction de l’eau, y glissa un orteil et comme d’habitude, l’eau était parfaite. La magie adaptait les températures en fonction de l’envie et du besoin.
« Tu bronzes en t-shirt ? » Questionna-t-elle en tournoyant pour faire de nouvelles face à son amie.
Puis, d’un petit bon tout gracieux, elle disparaissait dans l’eau claire qui resta étonnement limpide et lisse. Quand Lorie fit de nouveau surface, elle s’accouda sur le bord de la piscine et posa sa tête sur ses bras croisés en observant la Lyonnaise.
Ce n’était pas la première fois que Pensée ou même Elina se baladait dans Cannes. La mère – anciennement Fleury – avait pris l’habitude de parfois les sortir une par une sur la Croisette ou sur le bord de la mer. L’odeur iodée des côtes avait quelque chose de particulier. Pensée resta à proximité de Teilo, non sans se faire fouetter par son écharpe virevoltant au grès du vent. Mais ce n’était pas ça qui choqua la petite Fleury, c’était plutôt le fait que Teilo n’ait jamais eut l’opportunité de découvrir la mer auparavant. Alors, dans un élan de confiance, Pensée attrapa la main du garçon. Elle retira ses chaussures, puis fit un pas en avant. Le guidant vers la frontière entre le sable assombri par l’écume et le sable clair séché par le soleil qui peinait à se trouver une place dans le ciel.
« J’ai toujours beaucoup aimé la mer » commenta Pensée en observant les bouées jaunes qui marquaient la fin de l’ère de baignade.
Une vague vint s’échouer pour repousser encore un peu plus le territoire du sable clair. S’échouant sur les premiers obstacles sur son passage. Pensée adorait cette sensation sur ses pieds. Puis quand la vague se retira pour rejoindre les flots, Pensée tourna la tête vers son camarade de Lug pour lui faire un grand sourire. La fillette fit de nouveau un pas en avant et surprise, elle releva son pied-droit. Elle venait de marcher sur quelque chose de rocailleux, à l’exception près qu’il s’agissait d’un coquillage dont la mer avait poli la somptueuse coquille blanche. La petite blonde s’empressa de le ramasser, l’observa attentivement, comme cherchant un signe de vie et quand elle s’aperçut que l’hôte avait quitté sa maison, elle l’offrit à Teilo.
« Tiens, on dit que le premier trouvé porte chance. »
Bon elle avait totalement inventé cette histoire, mais la symbolique lui paraissait belle.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
La respiration lente et plus paisible que d'ordinaire, elle continua d'observer son amie tester l'eau du bout du pied et ne se redressa même pas quand Lorie lui fit de nouveau face pour lui parler de son t-shirt. De pourquoi elle ne l'enlevait pas. "Je teste les rayons de ton soleil magique sur mes jambes d'abord. J'suis une carcohl, j'ai pas pensé à prendre ma crème anti UV. Vis ma vie de rousse." Elle soupira ostensiblement. Elle n'avait pas particulièrement envie de s'étendre sur cet aléa du destin qui avait rendu sa peau pâle hypersensible au soleil. C'était juste pas de chance : des Daroux, elle était la seule à vraiment mériter ce nom et à devoir se badigeonner de crème dès qu'il s'agissait de sortir dans la rue en été. C'était ça ou sa peau se mettait à bruler et pêler. Sans parler des cloques, c'était l'horreur.
Quand Lorie resurgit de l'eau et s'accouda au bord du grand bassin, Suzanne la regarda en silence un instant.
"Quoi ?" lança-t-elle sans bouger. Puis, après d'autres secondes : "Ah, maiiis j'ai jamais dit que j'allais me baigner. J'aime pas l'eau." Ses lèvres étirées en un sourire, elle conclut : "Mais vas-y, éclate toi, ma Lolo ! Ca me dérange pas de regarder."
Sa main dans celle de Pensée, Teilo avait lâché ses baskets dans le sable pour se laisser guider vers la mer avec un sourire aux lèvres. Il était presque étonné de ne pas avoir peur de la masse bleue, blanche, mouvante et immense devant lui, ni même des vagues qui pouvaient engloutir bien des téméraires. Arrivée à l'orée de ces vagues, il contempla un instant l'écume mousser autour de ses pieds. C'était froid mais doux quand même.
Son amie lui avoua qu'elle avait toujours beaucoup aimé la mer. "Moi aussi", répondit-il en hochant la tête vers l'horizon. Puis il fronça le nez : c'était ridicule, comment pouvait-il avoir toujours aimé quelque-chose qu'il découvrait pour la première fois ? Jusque là, ses connaissances sur la mer n'étaient que théoriques ou tirées de fictions. Son petit doigt lui soufflait que son attirance était forcément liée à son élément alchimique de coeur, qu'il avait découvert il y a plus d'un an en rentrant pour la toute première fois dans sa cabane à Lug.
C'était plus que certain. Teilo aimait l'eau.
Pensée avait marché sur quelque-chose, une sorte de coquille toute blanche qu'elle décida sur le champ de lui offrir en cadeau. Ha bon, ça portait chance ? Perplexe, il hésita d'abord à la prendre. Si ça portait chance, Pensée en avait sans doute plus besoin que lui. Depuis la rentrée, il n'avait jamais osé lui reparler de son séjour à l'hopital de Port-au-Plâtre cet été ni même des visites de contrôle qu'elle avait du faire depuis. Inutile, ça rappelait trop de mauvais souvenirs. Et puis si elle n'allait pas bien, il s'en serait sans doute rendu compte.
Son amie lui faisait un cadeau : il ne pouvait pas le refuser. Délicatement, Teilo saisit la petite coquille entre son pouce et son index et la retourna pour l'observer avec attention. Repensant à une histoire de Fabrice, il la posa contre son oreille et se mit à rire doucement. Alors c'était vrai. Puis il colla doucement la coquille contre l'oreille de Pensée, non sans avoir écarté délicatement avec ses doigts les quelques mèches de cheveux blonds qui gênaient le passage.
"Ecoute", murmura-t-il en la regardant de face. Il avait arqué les sourcils pour se donner un air malicieux. "N'entends-tu pas la mer qui chante ? Qu'est ce qu'elle peut bien te raconter ?"
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
« Unh-unh… Comme tu veux ! »
Lorie lâcha le bord et se laissa flotter sur la surface de l’eau, face à la coupole elle observa le ciel. Le son résonnait différemment, c’était amusant… Ou alors c’était parce que ses oreilles étaient immergées, elle entendait le rythme de son cœur, les quelques ruissellements de la piscine à étage déborder dans le bassin ou elle se trouvait. Son corps, qui flottait, tournoyait lentement, elle laissa son corps à la dérive. Puis le regard de la blonde se posa sur la rousse qui se prenait pour un lézard, lézard craignant le soleil… Elle entendit le rythme de son cœur légèrement accélérer. « Uhm » laissa-t-elle échapper avant de plonger vers les profondeurs du bassin.
De mémoire, il y avait… Son regard fut happé par une sorte de tunnel. « Blabloup » laissa-t-elle échapper alors que le son était paradoxalement étouffé par l’eau. Lorie remonta à la surface et nagea vers le bord de la piscine dans une nage indienne parfaitement maîtrisée. Elle se hissa et vint s’asseoir sur le bois chaud, puis d’un petit mouvement pivota et se mit en route vers le bassin du haut. Elle se rapprocha du bord, là où l’eau débordait pour se jeter dans le bassin du bas, puis observa le tunnel au travers de l’eau limpide.
La petite blonde s’élança tête la première et arriva bien droite, l’élan gagné par les trois mètres de saut furent juste suffisant pour lui faire atteindre le passage assez large, elle se glissa à l’intérieur et nagea comme pouvait le faire un dauphin ou une sirène. Après seulement quelques mouvements, elle put remonter de l’autre côté, loin de se douter que Lys, sur le bord de la piscine, semblât complètement perdue et gazouillait, elle hésitait à se lancer dans l’eau avant de se raviser. Elle avait beau sentir Lorie pas loin, la perdre de vue lui semblait être une épreuve.
La grotte souterraine donna sur une fausse vallée qui tomba sur une cascade qui… Remontait ? La magie donnait des effets fascinants… À moins que la grotte souterraine serve de recyclage d’eau ? Pour la renvoyer en haut ? Intriguant… Surtout qu’elle voyait la coupole et non l’aquarium.
Face à la mer, la petite blonde se perdait dans les remous de celle-ci, portée par la voix du coquillage. Le chant de la mer était comme une douce musique, elle était comme hypnotisée par le côté enchanteur du coquillage. Petit à petit, la bouche de Pensée s’ouvrait et ses yeux se fermaient, elle ne se rendit même pas compte que son corps se balança d’un pied à l’autre.
« C’est magnifique, osa Pensée qui n’avait aucune idée de ce que la mer pouvait bien lui raconter. C’est comme une poésie, un chant. »
La respiration lente, la petite blonde se tourna vers Teilo, puis observa le coquillage. Un sourire aux lèvres, elle zyeuta où était sa sœur et madame Louise. Elina semblait faire un château de sable et analyser l’architecture. Louise, elle, se contentait de surveiller toute la petite clique en prenant soin de leur laisser de l’espace.
Pensée fit alors un pas en avant. L’eau fraîche, presque froide, puis elle en fit un deuxième avant d’enchaîner avec un troisième. Très vite, Pensée se retrouva avec les genoux à peine au-dessus de l’eau, le froid mordant fit frissonner un peu la fillette.
« Il fait un peu froid pour nager… Puis Pensée remarqua qu’elle était toujours en robe et son regard croisa celui de Louise. Il faut que tu reviennes en été ! » S’exclama la petite blonde.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Suzanne pouvait donc continuer à rougir au soleil en regardant la sirène au maillot bleu et gris se mouvoir dans le bassin, danser, remonter, plonger de plusieurs mètres de haut avec grâce et style. Ca venait sans doute d'un entraînement rigoureux - encore une preuve que Beauxbâtons avait bien choisi sa championne. Si elle avait aimé l'eau, Suzanne l'aurait suivie mais non. La simple pensée de rester immergée plus de quelques secondes la faisait trembloter d'angoisse. On voyait flou dans l'eau, on entendait flou aussi. Et surtout, l'eau n'était pas un élément naturel pour les humains qui avaient besoin de re-spi-rer. Respirer, c'était bien.
Elle inspira à fond pour remplir ses poumons, expira pour les vider, les yeux levés vers la coupole. Elle ne sentait pas ses jambes brûler, peut-être que la magie des lieux annulait aussi l'effet des UV ? Elle espérait que oui mais il était encore un peu tôt pour le savoir.
Des petits gazouillis attirèrent soudain son attention et Suzanne se redressa au moyen de ses coudes. C'était l'hermine de Lorie qui s'agitait près de l'eau et semblait prête à sauter pour rejoindre sa, euh, maîtresse ? "T'en fais pas Lys, elle ne va pas t'abandonner", lâcha-t-elle en s'efforçant d'être douce. Mais la question se posait : ça faisait combien de temps que la sorcière avait disparu de la surface ? Trente secondes ? Une minute ? Plus ? Suzanne n'avait pas compté.
Mine de rien, ça commençait à être inquiétant. Alors en grognant, elle se leva de son transat et s'approcha de Lys pour jeter un oeil dans le bassin. Pas de Lorie en vue. Son coeur rata un battement. L'eau avait beau être limpide, elle avait du mal à distinguer le fond. C'était quoi, là, la tâche sombre ? Lorie ? Un tunnel ? Pourquoi il y avait un tunnel ? Elle n'y était pas allée quand même ? Avec une furieuse et soudaine envie de se ronger les ongles, Suzanne s'assit sur le rebord et laissa ses jambes s'agiter dans l'eau. "Tu sais si elle est bonne en apnée ?" demanda-t-elle à Lys comme si l'hermine pouvait lui répondre d'un hochement de tête et ainsi la rassurer.
Avec un sourire qui grandissait à chaque seconde, Teilo regardait Pensée se faire bercer par 'le chant de la mer'. Il était persuadé depuis petit que la magie était partout. Maintenant qu'il était un sorcier, il savait que cette magie gardait et garderait toujours des mystères, qu'elle pouvait prendre plusieurs formes dont certaines n'étaient pas enseignées à Beauxbâtons. Certaines mêmes n'étaient pas encore découvertes ou restaient à inventer. Il approuva d'un hochement le tête le commentaire de son amie et ne prit pas ombrage du fait qu'elle n'ait pas exactement répondu à sa question. Pensée voulait peut-être garder pour elle le secret que la mer venait de lui confier. Il espérait juste très fort que c'était une bonne nouvelle.
Il ne suivit pas le regard de Pensée vers Elina et Madame Louise. Elles étaient bien présentes au seuil de sa conscience mais Teilo leur préférait de loin l'incroyable spectacle des cheveux de son amie qui ondulaient avec le vent.
Mais déjà Pensée s'avançait dans l'eau. Teilo mit quelques secondes à réagir et à lui emboîter le pas en empochant son coquillage magique. L'eau salée et mouvante trempa aussitôt le bas de ses jeans. Elle était assez froide pour lui faire reprendre un peu ses esprits et approuver, une nouvelle fois, à ce que disait la fille juste à côté de lui. Se baigner maintenant n'était vraiment pas raisonnable mais cet été...
"On ira jusqu'à là-bas", affirma-t-il le bras levé, son index pointé sur la toute dernière bouée jaune. Après il n'y avait plus rien que la mer. Celle qu'on voyait se perdre à l'horizon et celle dont il ne faisait encore qu'imaginer les profondeurs, là où les Laminariens tressaient leurs algues, où vivaient les poissons-clowns et les mystérieuses Sirènes, où se terraient les terribles requins et Vogeottes...
Teilo inspira un grand coup. La mer devant eux était belle mais formidable. Elle n'avait vraiment pas l'air de plaisanter, et il pouvait faire sombre en bas. Il avait ce sentiment étrange que ce n'était pas exactement la même obscurité qu'il avait affronté tout à l'heure, sur terre, et que malgré les trésors qu'elle cachait, elle serait bien plus difficile à apprivoiser. Pour conjurer sa peur, il sourit à Pensée : "Si on se perd, on pourra toujours demander à un Luminade."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
La main de Lorie se posa sur la surface rocheuse de la grotte artificielle, glissant sur cette surface légèrement humide ou l’eau perlait grâce à l’humidité. D’un pas en avant, elle se rapprocha de la cascade inversée, puis avec une grande délicatesse la blonde posa sa main dans le rideau d’eau. C’était incroyable de voir comment la magie pouvait être suffisamment fantastique pour surprendre l’âme humaine même lorsqu’on la côtoyait tous les jours. Son regard se baissa vers la base de la cascade et elle remonta du regard l’eau qui était puisée depuis la caverne. Puis elle entendit Lys gazouiller et la voix de Suzanne malgré les litres qui la séparait d’eux. Lorie laissa échapper un rire lorsqu’elle entendit Suzanne demander à l’Hermine si elle était bonne en apnée, la réponse était non. Le sport et elle ce n’était pas trop ça, et même avec son entraînement quotidien pour le tournoi, rien n’avait vraiment évolué dans ce sens.
« Bien, il est temps de remonter » murmura Lorie qui se tourna une nouvelle fois face à cette cascade atypique, est-ce qu’elle pouvait remonter par-là ? La petite blonde fit un pas en avant et laissa son corps se faire emporter, elle remonta le long d’un tunnel beaucoup plus étroit que celui qu’elle avait emprunté pour venir jusqu’ici et contre toute attente elle fut bloquée par des barreaux de métal alors qu’elle était presque au niveau du bassin du haut. Elle laissa échapper quelques bulles d’air à cause de la panique puis la championne se mit à réfléchir à une solution. Loin de se douter que Lys était en train de s’agiter sur le bord de la piscine avec Suzanne, Lorie explora du regard ce qu’elle pouvait voir dans ce courant qui rendait l’eau terriblement floue. Elle ne pouvait pas remonter le courant bien trop puissant et sa baguette était dans sa chambre. Lorie laissa un cri s’échapper alors qu’elle forçait sur les barreaux qui la séparaient du bassin supérieur. Puis elle eut l’idée de passer le bras au travers et de tâtonner l’extérieur pour trouver un levier ou quelque chose qui pouvait ouvrir cette fiche grille. Lys était remontée en courant vers le bassin du haut, comme si d’instinct, elle savait qu’il fallait y être alors qu’elle laissait transparaître beaucoup de panique.
Finalement, la main de Lorie agrippa une sorte de corde et tira dessus de toutes ses forces et la grille s’ouvrit sur l’un des côtés. Son corps fut rapidement chassé du tunnel et alors qu’elle se cogna contre l’aquarium aux poissons elle se rendit compte qu’elle n’avait plus d’air. Son corps la força à respirer, mais rien à part de l’eau arriva jusqu’à ses poumons. La vision trouble, elle se propulsa avec ses jambes vers la surface et lorsqu’elle réussit enfin à reprendre de l’air son corps commença à recracher de lui-même l’eau qui lui brûlait les poumons. Elle nagea rapidement vers le bord, celui où elle avait pied.
« KOF KOF KOF fit elle alors qu’elle recrachait de l’eau, c’est… Kof bon Lys… Kof tout va bien »
Avec difficulté, elle se hissa hors du bassin et s’allongea sur le dos face à la coupole. Elle voyait trouble si bien que Lys était encore comme une petite tâche blanche lorsqu’elle vint se mettre contre elle. « Quelle idée diablement stupide » commenta la blonde qui reprenait peu à peu des couleurs.
Le regard vers les bouées Pensée eut un frisson rien qu’en s’imaginant nager aussi loin. Quoi que ce n’était pas aussi loin tout compte fait, mais peut-être que la distance depuis la terre faussait les perceptions. « Tu as raison ! » S’exclama-t-elle finalement, les luminades étaient là pour leur venir en aide si le petit duo se perdait, la petite créature était l’une de plus mignonnes que Pensée connaissait, les Neckres pouvait être aussi très joli à observer, mais il n’avait pas cette innocence que le luminade pouvait avoir.
« Les enfants ! N’allez pas trop loin ! » S’était exclamée Louise qui veillait au grain.
Pensée échangea un regard complice avec Teilo et pouffa de rire. Sa préceptrice avait raison, de toute façon le froid était en train de rendre les lèvres de la petite sorcière aussi bleu que l’uniforme de Beauxbâtons. Il était donc plus raisonnable de ne pas trop traîner dans l’eau, d’autant plus qu’ils n’avaient pas d’affaire de rechange. Puis soudain une ombre dans l’eau inquiéta suffisamment Pensée pour que celle-ci pousse Teilo en criant « Attention ! » Mais dans la manœuvre, c’était elle qui avait perdu l’équilibre et qui se retrouva les fesses dans l’eau. L’ombre lui toucha la jambe et elle sentit un poisson somme tout inoffensif prendre la fuite.
« Pa… Pardon, je croyais que c’était un poisson pierre… » Fit la petite blonde non sans avoir un grand malaise affiché sur son visage. Louise, accourra vers eux et la troisième année s’empressa de se relever malgré sa robe trempée.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Quoi ? Qu'est ce qu'il y a ?" cria presque la rousse quand l'hermine se mit à détaler en direction du bassin du haut. L'humaine se releva si vite qu'elle faillit glisser dans le bassin, "Woooh" mais une sorte de pas de danse improvisé la stabilisa du côté de la terre ferme. Alors elle se mit à courir, elle qui se refusait d'habitude et par principe à le faire. Courir le plus vite possible, sans respirer comme il faut, jusqu'à retrouver Lys en haut.
"LORIE ?"
Pendant quelques secondes, en scrutant la surface lisse du bassin, Suzanne n'entendit plus que son coeur battre, bien trop fort. Le temps semblait se diluer et, même essouflée, elle ne put s'empêcher de retenir sa respiration.
Quand la silhouette de Lorie émerga enfin des abysses, les jambes de la rousse menacèrent de lâcher. Elle s'approcha hagarde du bord ou se hissait et s'étendait son amie, contre qui une Lys toute chamboulée vint se lover. Lorie respirait, parlait. Elle allait bien. Elle allait bien.
"Stupide ? STUPIDE ? C'ETAIT PAS STUPIDE, C'ETAIT CARREMENT.... !" gueula Suzanne avec toute sa force mais ses poumons épuisées l'empêchèrent de continuer. Elle surplombait Lorie de toute sa hauteur, les poings serrés et tremblants. Après avoir repris sa respiration comme si elle même en avait été privée, elle continua : "T'AS PENSE A LYS ? ELLE A EU... elle a eu la peur de sa vie."
Elle s'assit à côté de Lorie. Déjà elle sentait la colère la quitter et regrettait un peu d'avoir crié. Mais à qui en voulait-elle le plus ? A Lorie d'avoir pris un trop grand risque ? Ou a elle-même pour n'avoir rien pu faire ?
Teilo était tout content que Pensée lui donne raison, même s'il avait tort. Les gentils luminades restaient dans les profondeurs et ne venaient jamais si près du bord mais ce n'était pas grave parce que l'image qu'il venait d'invoquer était belle et rien que d'y penser lui donnait un peu plus de courage. A son amie aussi, visiblement. Elle n'avait même pas refusé sa proposition -non, son défi- d'aller nager cet été jusqu'à la toute dernière bouée. C'était donc quasiment une promesse et il lui tardait déjà d'y être. Ils allaient devoir s'entraîner un peu avant, quand même. Dommage, il n'y avait pas de piscine à Beauxbâtons. Du moins, pas à sa connaissance.
Au son de la voix de Madame Louise, qui les invitait à rester près du bord, Teilo croisa le regard de Pensée. Ils pouffèrent en même temps. Non mais pour qui elle les prenait, pour des petits enfants ? D'accord, il pouvait encore jouer le jeu. Mais bientôt, elle allait voir ce qu'elle allait voir. Comme Maman, comme Suzanne, Lorie et Oscar. Ils allaient voir ce qu'il pouvait vraiment faire. Il imaginait déjà leurs airs ébahis et désapproba-
"Attention !"
Hein ? Attention à quoi ? Le Lug n'eut même pas le temps de se poser la question que Pensée le poussa, l'obligeant à faire appel à ses réflexes de danse pour éviter de chuter dans la mer. Finalement, ce fut elle qui perdit l'équilibre et il eut beau tendre un bras en avant pour tenter de la repêcher, c'était déjà trop tard. Il resta interdit quelques secondes à la regarder prendre l'eau, jusqu'à ce qu'elle explique ce qui lui avait pris.
"Un poisson pierre ?" fit le garçon, interloqué. Il n'y en avait pas en méditerranée, il en était presque sûr, il l'avait lu dans un atlas de la mer qui avait été son livre de chevet pendant de nombreux mois, il y a quelques années. Mais après tout, pourquoi pas ? Ce n'était pas plus incohérent qu'un luminade à quelques mètres de la surface. "T'excuse pas", lança-t-il avec malice en lui tendant de nouveau son bras. Mince, encore trop tard ! Elle n'en avait pas eu besoin pour se relever.
Pensée était trempée.
"Tiens", fit Teilo en tentant d'enlever son manteau mais sa longue écharpe multicolore avait profité de ce moment pour s'enrouler autour de son bras. Du coin de l'oeil, il capta Madame Louise qui s'approchait. "C'est bon, tout va bien, je..." Je gère. Je m'occupe d'elle. En grinçant des dents, il finit par défaire l'écharpe de son bras et se pressa près de Pensée pour passer son manteau chaud - et trop grand pour lui - autour des épaules de son amie.
Ceci fait, il se retourna vers la gouvernante avec un sourire qu'il espérait charmant. "Ne grondez pas trop Pensée, s'il vous plaît. Elle vient de me sauver la vie."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
« Je sais Suze, Lys ressent ce que je ressens, comme un miroir… Désolée ma belle dit-elle à son animal de lien Et désolée Suzanne. »
La voix de Lorie était comme à son habitude d’une grande douceur. Aussi douce que la main qu’elle déposa sur la cuisse de Suzanne pour la rassurer. Elle ne lui en voulait pas, elle comprenait la peur qui l’avait traversé et la colère n’était que l’expression de cette dernière.
« C’est fini.commença-t-elle sur un ton rassurant. Lorie toussa une nouvelle fois alors que sa gorge brûlait, tu as le droit d’être en colère, tu as eu peur je comprends » finit-elle par dire avec un sourire avant de tousser une nouvelle fois, la forçant à se retourner laissant sa main en contact avec Suzanne s’échapper. Lys se releva et posa son petit bout de nez contre celui de Lorie. La petite blonde ferma les yeux pour profiter de la chaleur qui passait au travers de la coupole. C’était agréable, aussi agréable que la tempête qui était en train de se calmer dans le cœur de la sorcière.
« Finis les baignades pour aujourd’hui… Je vais faire le feu follet, comme toi. »
La blonde s’agita et essaya de se relever non sans tituber en manquant de se ramasser la tête la première. Le manque d’oxygène l’avait affaibli à une vitesse si rapide que ça en était presque risible. Lorie souffla et resta allongée sur le sol, sa tête tournait suffisamment pour qu’elle ne se sente pas de marcher jusqu’au transat.
« Suze tu… Tu veux bien m’aider ? » Lorie avait réouvert les yeux et observait la jolie rousse avec un regard doux, accompagné par Lys qui fixait aussi la Lyonnaise tout en laissant un petit gazouillis s’échapper.
« Oui une rascasse… » Précisa Pensée qui ne faisait aucunement la différence entre les deux espèces de poissons. Pour elle, c’étaient les mêmes, ils piquaient et c’était affreusement douloureux. Par chance, elle s’était juste trompée, elle avait pris pour un monstre un autre poisson visiblement tout à fait inoffensif. Quelle idiote elle avait été de paniquer comme ça, maintenant elle était toute trempée… Pensée essuyait un peu sa robe qui avait épongé l’eau, au moins pour enlever le sable qui s’était collé au blanc de sa robe. « Merci » fit-elle gênée quand Teilo lui mit le manteau sur les épaules. Elle avait si froid qu’elle n’allait certainement pas refuser celui-ci.
Madame Louise se hâtait toujours vers le duo et afficha un air surpris quand elle entendit le jeune Daroux.
« Mais enfin, je ne vais pas la gronder… Louise s’arrêta, sortez de l’eau vous allez attraper froid. » Elle accompagna Pensée avec une main dans le dos, non sans frotter de façon à réchauffer la fillette. Par chance, le muret qui séparait la plage de la route était tout à fait libre et la pierre était suffisamment chaude malgré les nuages qui cachaient le soleil.
« Alors comment ça, tu as sauvé la vie de Teilo ? » Sa voix était maternelle, un sourire tourné vers les enfants, cherchant à comprendre ce qu’il s’était passée et pourquoi, celle qu’elle considérait comme l’une de ses propres filles, s’était retrouvé assise dans une eau aussi froide.
« Un poisson pierre, enfin, j’ai cru voir un poisson pierre expliqua Pensée, mais ce n’était pas une rascasse. »
Elina, qui avait lâché la construction de son château de sable, faute d’avoir les outils nécessaires à sa confection, observa sa sœur avec un regard perçant. Elle faisait le même regard que lorsqu’elle allait reprendre quelqu’un parce qu’elle était pointilleuse, mais elle resta silencieuse bien que ses lèvres brûlassent de préciser qu’une rascasse n’était pas un poisson pierre.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Hm."
Elle n'avait certes plus très envie de crier mais comptait bien montrer à Lorie que sa désapprobation était réelle - pour ça, il fallait quand même que ça dure un peu. La sorcière pouvait toujours tenter de s'excuser ou de l'amadouer avec sa main, la non-mag n'en démordrait pas. Lorie pouvait la rassurer et lui dire que c'était fini ses bêtises, elle pouvait toujours... être attentionnée, comprendre ce qu'elle venait de ressentir, valider sa colère avec son plus beau sourire...
"Hmm."
Tenir était ardu mais Suzanne y était résolue. Si elle pouvait être utile à quelque-chose pour Lorie, c'était bien à ça. Rien ne la perturberait, sinon peut-être cette main que son amie venait d'enlever de sa jambe. Suzanne serra les dents et ses bras autour de sa poitrine. Ca, c'était abusé, elle aurait pu la laisser plus longtemps.
Fini les baignades, promettait la sirène gorgée d'eau, visiblement prête à se reconvertir à cette activité moins dangereuse qu'était l'oisiveté diurne sous un mercure clément. Suzanne aux jambes rouges y était plus que favorable. "Hm-hm", fit-elle d'un ton déjà plus doux, sans pour autant aller jusqu'à la regarder en face. L'ondine verrait bien trop vite dans son jeu. Elle se releva donc avec la grâce d'une baleine, prête à entamer une marche rapide sur un air de qui m'aime me suive, mais la voix tendre de la pauvre créature qu'elle délaissait la fit se retourner et soupirer. Elle ne pouvait décemment pas laisser Lorie là, seule échouée sur son banc, pas quand l'hermine gazouillait. Il y avait des regards auxquels même la plus intransigeante des émanations de feu ne pouvait résister.
"Moui."
Sans grande élégance, Suzanne campa ses pieds non loin de ceux de Lorie, se pencha sur la blonde pour lui saisir les avant-bras et la tirer vers elle. Ce qui lui manquait de finesse, elle le compensait par la force, et la sorcière qui n'était pas bien lourde fut bientôt sur ses deux pieds et aussitôt soutenue par un bras autour de la taille. Si elle avait besoin d'autres appuis, de nombreuses options étaient à sa disposition.
"Je me demande vraiment comment tu peux faire sans moi au Brésil", la tança-t-elle sur le chemin vers les transats, un petit sourire fier au coin des lèvres. Lorie se débrouillait très bien toute seule et Suzanne le savait. Sinon la fille aux cheveux d'or n'aurait pas été choisie par Beauxbâtons pour représenter l'ensemble de la communauté sorcière francophone à son satané tournoi. La non-mag trop ordinaire était juste contente que, pour un instant, la Championne aux grands pouvoirs ait un peu besoin d'elle.
Teilo arquait légèrement son sourcil gauche. Mince, il avait visé à côté. Pensée semblait plus gênée qu'autre chose qu'il lui prête son manteau et Madame Louise n'avait même pas l'intention de gronder la fille à la jupe trempée. Pire, elle voulait s'en occuper. Maiiiis... elle ne voyait pas qu'il le faisait déjà ?
Le garçon faillit remettre totalement en question l'efficacité de sa propre intuition mais la phrase qu'un Michel lui avait asséné avant les vacances d'été le convainquit de remettre au moins ça à plus tard. Il se posait trop de questions et ce n'était pas forcément bon pour lui.
Avec le sourire, il obéit donc à la directive de la gouvernante et rejoignit par petits bonds le sable sec. Laisser les adultes faire, ça avait aussi des avantages. Par exemple, il n'avait même pas remarqué qu'un parapente rouge survolait la plage, pile au dessus d'eux. "Ca doit être encore mieux vu d'en haut", commenta-t-il en frissonnant. Il aurait bien enroulé sa longue écharpe autour de son torse pour se donner chaud maintenant qu'il n'avait plus son manteau mais c'était sans doute plus poétique de la laisser flotter autour de lui au gré du vent.
Il tourna sur lui-même quand le parapente passa à la verticale au dessus de lui, puis sauta en l'air et agita sa main droite pour attirer son attention. Mais le pilote était si haut, si petit. Impossible de savoir s'il avait vu quelque-chose. Alors, la bouche torve, Teilo rejoignit les deux Fleury et leur gouvernante sur le petit muret qui séparait la plage de la route, juste à temps pour entendre Pensée parler à nouveau de poisson-pierre et de rascasse.
Ce n'était pas la même chose du tout. Teilo le savait et, en croisant le regard d'Elina, il sut qu'elle savait aussi. Alors le garçon s'assit sur le muret à côté de son amie et enfouit ses pieds nus dans le sable. Il ne se souciait pas du tout de l'endroit où il avait bien pu poser ses baskets. Son esprit était rivé sur un souvenir précis : le jour où il avait fait la rencontre de Lorie. Ce jour-là, lui aussi s'était pas mal emmêlé les pinceaux à propos de baguettes et de vogeottes, jusqu'à en faire une petite fixette, jusqu'à s'en affoler un petit peu.
Conjurer de belles images, même si elles étaient loufoques ou fausses, ça le rassurait beaucoup. Mais Pensée en conjurait de mauvaises, comme lui ce jour là avec Lorie. Et il ne fallait pas que Pensée s'inquiète. Même si ça voulait dire qu'en vrai, elle ne venait pas de lui sauver la vie.
D'un bond sec, le Lug sauta du muret et se mit à fureter à quatre pattes dans le sable jusqu'à trouver un bout de bois assez long qui trainait là. Alors, comme sur ressorts, le garçon se remit instantément debout et commença à dessiner dans le sable, avec application et la langue tirée, deux figures. "Dites bonjour à Pierre le poisson. Pierre.. poisson ? Poisson-pierre ?" Oui, bon, elles avaient sûrement compris le jeu de mots. Son dessin ressemblait en effet à une pierre tout sauf lisse avec, au beau milieu, deux petits yeux tout mignons. "Il est venimeux et il vit dans l'Océan Indien et Pacifique. Et là", il pointa son bâton sur son autre dessin : "c'est une rascasse avec euh... là, sa groooosse tête et... vous voyez, là c'est les épines. Ahem."
Il avait clairement encore des progrès à faire en dessin, mais avec un peu d'imagination, ça pouvait passer.
Droit comme un i, le menton relevé et le bout de bois dans son dos, Teilo déclama ce qu'il lui restait de ses lectures : "Les rascasses sont dangereuses aussi. Il y en a plein de différentes en Méditerranée mais elles préfèrent se cacher dans les rochers et ne viennent jamais près du bord. Et puis, c'est comme avec la plupart des créatures dangereuses dont Monsieur Kieffer nous parle. Pour éviter les problèmes, la plupart du temps, il faut juste les laisser tranquilles."
Il défit son écharpe qui avait profité de son petit monologue pour s'enrouler doucement autour de lui et, ce faisant, tourna une tête interrogative vers Elina. "J'ai bon ?"
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Suzanne boudouillait, mais avait fini par accepter de l’aider. Lorie ne lui en voulait pas, elle comprenait que la peur avait alimenté la colère. Soutenue par son amie, elle s’amusa de la situation en silence.
« Mais, tu es avec moi au Brésil… Dans mon esprit, mon cœur et dans les lettres que tu m’envoies »
Un pas après l’autre, sa tête tournait trop pour se rendre compte de ce qu’elle venait de dire, encore plus pour rougir à une telle affirmation, pour autant, la mage blanc n’avait pas spécialement mentit. Son esprit pensait régulièrement à Suzanne, parfois, il vagabondait en se demandant ce qu’elle allait lui écrire.
Enfin posée sur le transat, elle remercia Suzanne tout en faisant passer sa chevelure blonde sur son épaule droite. Elle lui afficha un sourire et chercha son regard. Finalement, elle lui attrapa la main pour avoir son attention. « Tu m’en veux toujours ? » Murmura-t-elle timidement avec une voix cherchant à se faire pardonner. La championne inclina sa tête et laissa ses cils papillonner pour attendrir la Suzanne mécontente de l’aventure cauchemardesque. Sans lui lâcher la main, elle laissa glisser son corps sur le côté et continua de la fixer avec un sourire un peu niai, plaçant son bras sous son oreille pour en faire un cousin d’appoint.
Lys, qui avait sauté, elle aussi sur le transat, fixait Suzanne avec des yeux ronds, des yeux d’hermine en somme.
Pensée qui s’était mise à trembloter observa le spectacle de Teilo et ses dessins sur le sable. Louise faisait de même, bras croisé et Elina roula les yeux au ciel, mais esquissa toutefois un sourire en coin. La vérité serait rétablie sur cette rascasse et ce poisson pierre. MERCI ! Avait-elle hurlé dans son esprit pointilleux.
Hochant la tête et les sourcils froncés, la benjamine des Fleury écoutait son professeur improvisé et lisait le bout de sa baguette avec une attention particulière. « Les épines, » répéta-t-elle sans même s’en apercevoir. Studieuse, la petite Fleury, se voyait instruire la différence entre une rascasse – nom qu’elle connaît grâce à son père et son intérêt pour les voitures de course et au Grand Prix de Monaco – et un poisson pierre qui était bien mortelle. Mais alors la rascasse n’était pas mortelle ? « Dangereuse aussi » répéta à nouveau Pensée qui continuait de hocher la tête aux explications.
« En fait… » Commença Elina pour ajouter un détail, mais madame Louise la coupa.
« Elina… » La cadette soupira et afficha une mine pseudo-boudeuse.
« Ouais c’est ça, tu as bon »
Louise afficha un regard sévère à la fille. « Ouais » était un vilain mot, mais elle n’allait pas la reprendre sur ça. Au diable, ses professeurs se chargeraient de ça. Aussi, soudainement, son visage s’adoucit et elle remercia Teilo pour ses explications. Pensée elle s’en voulait un peu d’avoir réagi de la sorte. Mais d’un autre côté si ça avait été véritablement une rascasse, elle aurait probablement évité à son ami une terrible douleur.
« Bien qu’est-ce que vous voulez faire désormais les enfants ? » Demanda Louise avec un grand sourire. Ce n’étaient pas les activités qu’il manquait, ni les restaurants ou les brasseries.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
"Allonge-toi, ça ira mieux", lui glissa-t-elle en la posant aussi délicatement que possible sur le transat. Elle fit de même, sur celui juste à côté et inspira doucement. Il lui fallait un peu de repos à elle aussi après toutes ces émotions. Mais au moment ou la blonde lui sourit, la rousse dut admettre qu'une des qualités de Lorie, la détermination, pouvait avoir raison de sa quête de quiétude.
Quand Lorie lui prit la main, Suzanne sut qu'en fait, c'était carrément mort. Elle se mit de côté pour regarder la Championne aux yeux papillonnants et au sourire faussement timide. Voilà une expression qu'elle ne lui connaissait pas. C'était très perturbant, tout comme l'intonation presque suppliante de la sorcière.
"Oui, je t'en veux toujours", grogna-t-elle exagérément en se donnant un air de dure à cuire. Les plaques naissantes sur ses jambes disaient le contraire. Après un soupir las, elle reprit plus bas, sur le ton de la confidence : "Je t'en veux de pas m'avoir embarquée dans tes bagages. Ma vie est ennuyeuse à mourir. J'en peux plus de mon lycée. J'en peux plus de ma famille. Avant les vacances, on a parlé d'orientation post-bac en classe et... j'ai aucune idée de ce que je veux faire plus tard."
Enfin si, elle avait bien une idée. Elle avait germé dans sa tête en août et fleuri au gré de leurs échanges épistolaires. Cette idée était juste carrément infaisable. Leurs mondes étaient si différents et Lorie, déterminée, s'investissait dans le sien à corps et âme perdus. Jamais elle n'abandonnerait quoi que ce soit. Et voilà qu'elle lui faisait les yeux doux alors qu'elle n'avait même pas quitté son Drian ? Ca ne pouvait être qu'un jeu de leur âge. Suzanne, qui sentait sa gorge se serrer un peu, en était parfaitement consciente. Elle était aussi tout à fait prête à s'abandonner dedans.
"Tu penses que je ferais une bonne sorcière ?" murmura-t-elle avec un sourire alors que, d'un seul mouvement, elle se rapprochait un peu de Lorie. Puis elle se mit à rire doucement : "Mais... je suis comme Fabrice, en fait. Pourquoi pas moi ? Pourquoi pas moi ?"
Teilo souriait de toutes ses dents. Son petit cours improvisé avait eu l'approbation d'Elina, les remerciements de Madame Louise et l'intérêt certain de Pensée. Trois sur trois. Bâton en main, le garçon sautillait d'un pied sur l'autre en se disant que oui, ça lui plaisait vraiment bien d'expliquer des choses. C'était un peu comme raconter une histoire ou jouer une scène de théâtre sauf que tout était vrai. Un instant, il s'imagina plus vieux, super grand - et fringuant bien entendu - à prendre la suite du Professeur Delalande et raconter aux jeunes générations de Beauxbâtons l'histoire de l’infant Miguel da Paz de Trastrararma.
Après, il leur dirait que l'Alchimie, c'est aussi et surtout une affaire de sentiments. Il les inviterait à être sincères avec eux-mêmes pour puiser en eux la force nécessaire.
Madame Louise interrompit sa petite rêverie en demandant ce qu'il voulait faire maintenant, pas plus tard. Sourire aux lèvres, le Lug effaça à vifs coups de pied dans le sable les deux méchants poissons que Pensée avait maintenant mémorisé, puis s'assit à côté de son amie pensive et tremblante, sur le muret. Tout en traçant un cercle dans le sable avec son bâton, il répondit candidement : "Oh, j'ai toujours voulu manger une glace au bord de la plage ! C'est pas la saison mais, y'a peut-être un magasin d'ouvert ?"
Son cercle terminé, il traça des petits traits tout autour comme autant de rayons. Sa tête se tourna vers Pensée : "Après si tu veux, on peut aussi rentrer." Même avec son manteau sur les épaules, elle risquait de prendre froid et d'attraper un truc. Teilo leva le nez au ciel. Le soleil venait de disparaître du ciel, caché par les nuages. Mais ce n'était pas grave parce qu'il venait de le dessiner dans le sable. Il lui suffisait juste d'ajouter des yeux rieurs, un mignon petit nez et un grand sourire. "Au fait, vous voulez faire quoi vous, quand vous serez grandes ?" lança-t-il à la dérobée. Pour Elina, c'était sûr : elle allait être alchimiste-chercheuse. Pour Pensée, c'était étrange : il n'en avait aucune idée.
Voilà. Devant eux dans le sable, un magnifique soleil, tout rond et radieux. Satisfait, Teilo tapota la jambe de Pensée avec son bout de bois pour attirer son regard vers le bas. Lui regardait l'horizon, l'air de rien, comme ça.
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Lorie se mordilla la lèvre, ce n’était jamais très agréable d’entendre quelqu’un lui annoncer qu’on lui en voulait. Puis Suzanne était en proie à une tempête que Lorie avait du mal à appréhender, se sentant démunie face à cet ennui et à ce lycée. Lorie se redressa, non sans soupirer légèrement. Trouver sa voie n’était pas quelque chose d’aisé dans ce monde, peut-être que c’était encore plus difficile dans le monde non-magique, Lorie n’avait aucune idée à quel point.
Est-ce que Suzanne ferait une bonne sorcière ? Une question que Lorie s’était déjà posée, comment Suzanne aurait évolué à Beauxbâtons ? Probablement que la blonde n’aurait jamais la réponse. Peut-être, ce serait-elle fait renvoyer, peut-être serait-elle conforme aux standards d’excellence de l’académie, peut-être serait-elle moins en colère contre le monde. Finalement, répondre à cette question importait peu, Suzanne à Beauxbâtons ne serait pas la même. Elle ne serait pas cette fille qu’elle avait rencontrée durant l’été, encore moins cette fille avec qui elle avait tissé un lien difficile à nommer.
D’un mouvement lent, non sans effort, Lorie tira sur le bras de la rousse pour se relever. Puis elle prit Suzanne dans ses bras. Un de ses bras était autour de sa taille, l’autre était derrière sa tête, sur cette chevelure de feu. C’était étrange, Suzanne n’avait jamais aimé la proximité, aussi Lorie n’avait jamais eu réellement l’occasion de sentir son odeur comme à cet instant. Le soleil au travers de la coupole avait séché complètement Lorie qui avait collé sa tête contre celle de son amie.
« Tu serais une sorcière exceptionnelle, comme tu es une non-mag’ exceptionnelle… Tu trouveras ta voie et je t’aiderai s’il le faut… Même si je ne comprends pas grand-chose à ton monde, patience. Lorie laissa un petit silence s’installer. Je t’aime comme tu es Suze. » Lorie resserra l’étreinte tout en empoignant son t-shirt.
Après un vif coup d’œil autour d’elle, Louise mit un coup de baguette magique discret et Pensée arrêta de trembloter. Sa robe était désormais chaude et agréable, comme l’uniforme qu’elle pouvait porter. Pourquoi n’avait-elle pas songé à le faire avant ? Sans compter le sortilège d’imperméabilité.
« Allons donc manger cette glace ! » S’exclama l’adulte qui scruta les environs et sans le moindre souci trouva une enseigne un peu plus loin le long du sable.
Pensée qui se sentait bien mieux, avait offert son plus beau sourire à Teilo, la glace c’était bien. Elle sauta de son muret à pieds joints. « Allons manger une glace dit-elle en mettant ses mains sur les épaules de Teilo comme si elle venait de lui annoncer quelque chose de grave. Surtout qu’il y a un merveilleux soleil dans le sable ! » précisa-t-elle avec un sourire aux lèvres. La petite blonde n’était pas passée à côté du dessin de son ami, comment le pouvait-elle ?
Louise initia la marche, puis quand le petit groupe se mit en mouvement, elle se plaça derrière les trois jeunes. « Je ne sais pas trop et toi ? » Admettait Pensée qui avait toujours voulu travailler avec les créatures magiques, mais depuis son accident, la passion avait été un peu évincé par la peur. Elina se pencha alors vers Teilo pour lui murmurer un truc à l’oreille. « Elle voulait être magiezoologiste » La plus grande des sœurs se redressa et mis les mains derrière la tête. C’était fou comment Elina avait réussi à mettre de côté tous les codes de la « haute » société apprise depuis petite pour se libérer. « J’aimerais faire de la recherche » précisa-t-elle alors. La recherche, c’était son truc.
Louise fit un petit signe au vendeur en arrivant dans la boutique. Celui-ci les installa à la table puis leur indiqua qu’il reviendrait avec les cartes.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
C'était bien pour ça qu'elle préférait généralement garder ce genre de pensées pour elle et ne pas emmerder le monde avec. Elle ne s'était vraiment confiée qu'à Claire, mais elle n'était pas forcément de bon conseil. A Maman aussi, mais d'une manière sensiblement différente : en criant et explosant des portes et avec des résultats plus que mitigés.
Peut-être s'était-elle douté que Lorie l'écouterait vraiment. Peut-être avait-elle pressenti qu'à cet instant précis, la jolie sorcière allait la prendre dans ses bras pour la consoler et trouver les mots justes. Quand ça arriva, loin d'être surprise, Suzanne se laissa faire. Peut-être qu'elle en avait juste besoin. Juste pour un tout petit moment, croire pour une fois qu'une histoire pouvait bien se terminer.
Elle se laissa aller, inspira dans le cou de la blonde et l'étreignit à son tour, sans trop savoir où poser ses mains. Ce n'était vraiment pas son truc et déjà elle sentait les larmes lui monter irrémédiablement aux yeux. Alors, après quelques secondes, le calin se transforma en tapotage de dos un peu maladroit et Suzanne s'écarta un peu avec un petit sourire : "Merci, Lolo. Je..."
Je quoi ?
Elle s'éclaircit la gorge et passa une main dans ses cheveux pour les mettre en arrière. "Je suis bête desfois. Je me plains alors que toi..."
Toi quoi ?
"Raaah laisse tomber !" fit la rousse en grommelant. Puis son regard tomba sur les deux grosses plaques rouges qui étaient apparues sur sa jambe droite. "Eeeet voilàààà, je vais encore avoir des cloques !" Les yeux au ciel, désespérée, elle fille mit ses ongles sur ses cuisses, serra les dents et soupira très fort. "Je hais le soleil aussi, tiens. Y'a des vampires chez les sorciers ? Je pourrais pas me faire mordre comme Bella dans Twilight ? C'est... une série de films nazes avec des vampires."
Teilo remercia silencieusement Madame Louise qui, d'un coup discret de baguette, avait fait cesser les tremblements de Pensée. C'était vraiment stupide que les sorciers de leur âge n'aient pas le droit de faire ça, même en territoire non-mag mais le garçon ne fit aucun commentaire à ce sujet. Le sourire de Pensée, les mains de Pensée sur ses épaules parasitèrent plusieurs secondes sa moindre capacité d'action.
Souriant juste, il n'arriva même pas à confirmer que son amie avait tout a fait raison, que techniquement, il y avait bien un soleil merveilleux dans le sable car Pensée Fleury venait d'y sauter. Après, c'était sans doute mieux qu'il se taise parce que c'était typiquement le genre de phrase qu'il avait déjà entendu Florian Devigne dire à sa petite amie, le genre de phrase qui les avaient bien fait marrer l'année dernière, lui et Gio.
Ce ne fut que quand Pensée le lâcha que Teilo retrouva une certaine autonomie de mouvement. "Glace", fut le premier mot à sortir de ses lèvres, étirées en un sourire béat qui remontait vers ses oreilles. Il monta sur le muret, redescendit, remonta pour chercher du regard où, par Merlin, il avait bien pu poser ses baskets, les repéra non loin et courut les récupérer avant de rattraper les Fleury et Madame Louise chaussures en main.
La discussion pouvait continuer et elle portait sur leur avenir. Elina souhaitait être chercheuse et Teilo approuva de la tête - c'était exactement ce qu'il avait deviné. Comme il avait tout aussi bien pressenti l'incertitude de Pensée. Par contre, il ne savait pas qu'à la base, la benjamine des Fleury voulait être magizoologiste. Plus maintenant ?
"Moiii.... ben, je veux faire plein de choses", s'exclama-t-il avec entrain en grimpant sur le muret qui longeait la route. C'était plus marrant de cheminer un peu devant et en hauteur, son écharpe dans le vent comme un fanion. Sa liste de métiers préférés variait avec les saisons et plus il prenait connaissance des possibilités, plus elle s'allongeait. "Gastromage en chef, ou chanteur dans un groupe comme Rose... animateur à la Fréquence du Sorcier ouuu serveur dans la Rue Claudel. Mais en fait je crois que je vais devenir très fort et que je serai dans l'équipe de France de Quidditch. Ou de Quattequin ! On a un gros avantage si ça prend, on est les premiers à en faire !"
En verve, le garçon égréna d'autres possibilités le temps qu'ils rejoignent le petit snack en bord de plage à côté et s'installent tous à table. Sans s'épousseter les pieds, il les renfila direct dans ses baskets bleues puis étira ses bras en haut de sa tête en pensant à toutes les glaces qu'il aimait et qu'il pouvait prendre. Il y en avait au moins autant que de professions et ça le faisait sourire, mais pas autant que la vision de son manteau qui tronait toujours sur les épaules de Pensée. Il allait bien se garder de lui dire quoi que ce soit.
"Dites, Madame Louise", fit-il plutôt en se tournant innocemment vers la gouvernante, coude posé sur la table et menton dans la main, "vous avez su à quel âge que vous vouliez faire gouvernante ? Vous avez fait d'autres métiers avant ?"
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Il ne fallait pas forcer, Suzanne avait besoin de son espace personnel. Ainsi, quand elle s’écarte de Lorie, la blonde ne chercha pas à l’empêcher de s’échapper. Peut-être aurait-elle aimé que ça dure un peu plus, mais elle se contenta de s’asseoir sur le transat, les pieds sur le sol chaud, observant son amie hésiter. La guerre mages noirs contre mages blancs revenait dans sa tête comme une claque. Ce fut son choix, choix qui se voulait difficile, on ne lui avait pas menti. Lorie inspira, l’air avait une saveur particulière, surtout après son passage dans la cascade.
« Il y en a… Lorie laissa son regard vagabonder sur l’eau calme. Des loups-garous aussi… La blonde afficha un bref sourire avant de se lever, elle s’approcha de Suzanne. J’ai choisi ma voie Suze, tu n’as pas choisi ton lycée, ta famille ou ton incertitude, tu as le droit de te plaindre… La blonde déposa un doux baiser sur la joue de son amie et se recula d’un pas. Je vais chercher de l’onguent… Pour les cloques. » Se sentit-elle obligé de préciser.
Lorie fit un petit clin d’œil, puis se retourna en attrapant sa serviette pour la mettre sur son épaule. Lys bondissait derrière elle, puis vint sur l’épaule de libre avant de monter sur sa tête. La petite hermine se retourna pour observer Suzanne, et gazouilla quelque chose tandis que sa maîtresse montait vers le bassin du haut d’un pas assuré.
« Préceptrice, corrigea Louise avec un sourire bienveillant. Même si celui-ci n’avait pas tort, elle s’était retrouvée en quelque sorte gouvernante malgré elle. Eh bien, je dirais aux alentours de ma sixième année. » Louise afficha un sourire bienveillant au garçon, puis son attention fut rapidement attirée par le serveur qui venait de se poster devant leur table tout en les saluant. D’un regard, elle observa les enfants non sans leur faire comprendre que s’ils voulaient quelque chose, ils feraient mieux de commander, elle en profita pour récupérer la carte au centre de la table pour la passer au garçon.
« Bonjour monsieur, une pêche Melba s'il vous plaît » Commanda Elina sans sourcilier alors que le petit serveur aux cheveux bouclé tapotait sur un téléphone. « Excusez-moi, un instant. » Il sembla batailler un instant avec, puis finit par sortir un carnet et un stylo de son court tablier noir. « Désolé ça a décidé de bug juste maintenant, alors… une pêche Melba… » Pensée qui était habituée des sorties avec sa mère se risqua sans mal d’un ton assuré. « Une dame blanche s’il vous plaît monsieur. » Celui-ci griffonnait sur son carnet et rajouta le thé que Louise commanda. Puis il observa Teilo attendant son choix.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Les mots de la sorcière se voulaient encore apaisants, rassurants. Ce n'était pas de sa faute, elle n'avait pas eu le choix. Elle avait le droit de se plaindre. Pourtant, cette fois-ci, ils sonnaient bizarrement aux oreilles de la non-mag. Suzanne avait justement fait un choix, celui de se plaindre : d'Olympia, sa grande soeur qui accaparait l'attention de Maman, de Fabrice ce génie qui avait sauté deux classes, de Maman qui ne la comprenait pas, de Teilo, l'enfant sorcier prodigue qui n'avait rien fait pour mériter ça. Puis elle s'était plaint des garçons en général, du lycée, de ses camarades débiles, des politiques, des injustices, du soleil et de sa peau, du monde entier.
Pour quoi, au final ?
Le baiser que Lorie administra sur sa joue la fit inspirer doucement. Suzanne suivit du regard celle qui s'éloignait et reviendrait bientôt pour s'occuper d'elle, une nouvelle fois. En entendant les petits gazouillis de l'hermine qui s'était perchée sur la tête de la blonde, la rousse se mit à sourire. Quelques secondes plus tard, elle se leva et courut les rejoindre.
"C'est bon, c'est pas si terrible que ça, je survivrai", admit-elle avant de poser ses mains sur les bras de Lorie pour l'empêcher d'avancer. Elle la regarda dans les yeux, approcha son visage du sien et lui dit doucement, très sérieusement : "J'ai une meilleure idée. Pousse moi dans l'eau."
La rousse lâcha les bras de la blonde et attendit au bord du bassin, un petit sourire au coin des lèvres. Les doigts de ses deux mains s'agitaient. "Grouille."
Le message était assez clair. Si Lorie hésitait trop, ce serait elle qui se retrouverait à l'eau.
Teilo opina du chef à la réponse de Madame Louise, songeur. Ainsi, elle avait fait son choix de carrière pendant sa sixième année. "En vrai, on a encore le temps", commenta-t-il. C'était quand même très rassurant parce que sa liste était tellement longue qu'il n'était pas sûr du tout de ce qu'il finirait par choisir. Déjà le choix de nouvelles disciplines magiques pour sa seconde année avait été une vraie torture - les Fleury étaient là pour en témoigner. Quelques mois plus tard, il aimait vraiment les matières qu'il avait prises mais regrettait encore de ne pas avoir pu toutes les prendre.
Alors qu'il achevait cette réflexion débarqua le serveur et, avec lui, encore un choix à faire : quelle glace prendre ? En parcourant le menu du regard, Teilo hésita : elles avaient toutes l'air bonnes, elles lui mettaient toutes l'eau à la bouche. Il n'y avait pas de mauvais choix, comme avait pu lui montrer tout à l'heure l'oiseau de papier voletant de portail en portail. A peine déconcentré par le bug sur la tablette du serveur - le né non-mag commençait à être habitué et ne souriait même plus quand ça arrivait - il ferma les yeux pour mieux visualiser telle ou telle glace dans son assiette.
Quand il sentit le serveur impatient bouger un peu sur sa gauche, Teilo rouvrit les yeux, plaqua son menu sur la table et proclama bien haut, comme s'il venait d'avoir une idée géniale : "Une insolence exotique !" Mangue, fruit de la passion, ananas, coulis coco. "On aura l'impression d'être en été", assura-t-il aux soeurs Fleury avant de tourner une tête bien élevée vers le jeune homme aux cheveux bouclés. "S'il vous plaît, monsieur."
Tout le monde à la table put voir que le serveur faisait un effort suprême pour ne pas rouler des yeux en griffonant sur son bout de papier. "Une insolence exotique. Très bien, je vous amène tout ça." Il attrapa les menus avec un sourire travaillé, tourna sur lui-même et partit en direction de l'arrière-salle. Teilo fit un clin d'oeil au dos de l'homme et approcha sa chaise de la table pour pouvoir s'y accouder. Le menton dans le creux de ses mains, il regardait Elina et Pensée en face de lui. Il se sentait vraiment super bien, là, il n'avait envie d'être nulle part ailleurs. Il avait aussi envie de les taquiner un peu. Le garçon prit donc un ton de défi : "C'est quand même beaucoup beaucoup de sucre pour vos tous ptits ventres. Vous êtes sûres que vous allez les terminer ?" Ses yeux se firent rieurs et il soupira exagérément : "Sinon, il faudra bien que je me dévoue."
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme
Encore heureux qu’elle survivrait ! Manquait plus que ça… Suzanne avait l’interdiction de mourir, la règle n’était pas qu’à sens unique. Lorie déglutie lorsque Suze approcha son visage du sien. « Plait-il ? » Laissa-t-elle sortir alors qu’elle ne comprenait pas pourquoi elle devait faire ça ? Qu’est-ce qu’il venait de passer dans la tête de Suzanne ? Par Merlin, pourquoi un revirement de situation comme celui-là ? Son sourire et ses doigts avaient totalement perturbé Lorie, quoi que, sûrement aussi l’énonciation de sa meilleure idée. D’un geste sans grande réflexion, Lorie poussa Suzanne sans trop de conviction, mais suffisamment pour que ça puisse l’envoyer à l’eau. Toujours dans une incompréhension notable, la blonde regardait son amie qui avait eu soudainement une envie de baignade ?
Pensée observait son ami se creuser la tête à défaut de creuser le sable. Le choix semblait compliqué et la patience du serveur mise à rude épreuve. Elle laissa un petit rire qu’elle étouffa avant de mettre sa main devant la bouche. Insolence exotique, c’était amusant comme nom, il irait bien à Lorie. Puis elle fit de gros yeux ronds lorsque Teilo leur lança un défi. Pensée se pencha un peu sur la table en le fixant.
« Si je ne la termine pas, je suis un anguipède qui tombe » répondit-elle sur le même ton de défi.
« Ne vous forcez pas quand même » tempéra Louise dans un élan de raison.
« Tfaçon c’est ridicule toutes les quantités sont calculé pour que ça ne fasse pas trop » Avait sifflé Elina qui affichait un air de madame je sais tout qui lui valut un regard appuyé de Louise.
« Alors il faut parier ! Si je ne finis pas, tu gagnes ma glace et un gage que je dois faire, si tu ne finis pas, je gagne deux gages que tu dois faire. » Proposa la voix fluette de la plus jeune des Pensée avec un sourire toujours aussi défiant.
Les glaces arrivèrent sans trop d’attente et une fois la magnifique coupe devant chacun des enfants Elina soupira. « Ils étaient censés calculer les quantités… » Les coupes étaient grandes, très grandes, la quantité était visiblement calculée pour des adultes, mais Elina faisait des yeux ronds. Par chance, elle n’avait rien parié, elle. Pensée se pinça une lèvre, elle n’était pas certaine de la finir là maintenant. Mais elle hocha de la tête et plongea sa cuillère dans la glace vanille recouverte de chocolat fondu.
« Bon appétit » dit-elle alors que le sucre lui agressait le palais. Par chance, elle commençait à bien l’apprécier.
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