Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
A genoux et front contre terre, l'ancien demi-de-mêlée avait fini par lâcher le ballon la fiole et jouer des coudes et des mains pour se protéger comme il pouvait des assauts des gnomes. Personne ne viendrait donc à sa rescousse ?
Que faisait Drian ?
Dans la cohue sonore faites de cris implorants (les siens) et de borborygmes affreux (ceux des gnomes), les quelques éclats de son clair qui lui parvinrent du banc figèrent le Lug quelques secondes. Drian rigolait ! Il semblait même trouver ça très marrant. Teilo, lui, fulminait. A la douleur de ses blessures s'ajouta celle, froide dans le ventre, de l'humiliation. Si bien qu'il ne retint plus ses coups. Son coude droit frappa la mâchoire d'un gnome si fort qu'elle craqua et la créature se mit à détaler en titubant dans l'herbe. Il parvint à en attraper un autre par la nuque et à serrer fort avec ses doigts, jusqu'à entendre un petit cri de plainte et l'envoyer valdinguer au loin.
Ses coups d'après donnèrent dans le vide, et pour cause : les gnomes le laissaient enfin tranquille ! Il crut un instant que c'était de son fait mais vit dans l'herbe, pas loin du banc ou Drian se gaussait encore, la fiole vers laquelle se dirigeaient maintenant les créatures... une fiole que l'Ogme avait sûrement attiré à lui.
Teilo s'assit dans l'herbe, les bras ballants, les dents serrées et la respiration hâchée. Il avait mal partout, son vieux jean avait de nouveaux trous, son polo était plein de terre et il préférait ne même pas vérifier l'état de ses cheveux, dont plusieurs mèches lui retombaient devant les yeux. Et Drian, mal caché derrière son avant-bras, n'en finissait pas de rire. De rire de lui, bien entendu.
Par Merlin... c'était la honte.
Il ne lui restait plus qu'à se lever - il grinça des dents de douleur - et tituber jusqu'à son entraîneur qui n'allait pas manquer de lui dire à quel point il avait été nul. Comme il entendait souvent des Loups de Lug lui dire le samedi. Mais Teilo savait faire le dos rond aux critiques. En prenant sa respiration, il fit un grand effort pour afficher un air tout à fait neutre, prêt à soutenir le regard de Drian.
Mais il n'était pas prêt. Quand Drian se moqua de lui avec un ton insupportable, il crut voir et entendre Oscar. Poings serrés, il eut soudain une envie féroce de répondre au sarcasme en provoquant le Sixième Année en duel, ici et maintenant, mano à mano - enfin, baguette à baguette. Mais il se retint. Déjà parce qu'il avait une idée précise du résultat d'un duel contre l'Ogme... mais aussi parce que ce dernier le regardait maintenant avec cet air inimitable et qui vous glaçait immédiatement le sang. Le Lug baissa la tête et sa colère retomba aussitôt.
Drian avait raison, si il ne pouvait pas se débarasser de gnomes, il allait se prendre une râclée contre un vrai sorcier. Oh, peut-être qu'il pourrait faire illusion un moment, même tenir tête à Oscar mais ça voudrait dire faire comme lui, user de maléfices, être sournois, être méchant, lui faire mal. Des choses que Teilo n'avait jamais fait de sa vie, qu'il n'avait pas voulu faire aux gnomes et qu'il ne souhaitait pas faire, jamais, même à son pire ennemi.
Tout ça était ridicule. L'entraînement, le duel... il fallait tout arrêter maintenant, avant qu'il ne soit trop tard ! Teilo serra les poings et releva la tête, prêt à le dire à Drian. Et...
Et il n'en eut pas le courage. Fuir alors ? Non plus. Ses pieds étaient comme rivés au sol par la magie d'un simple regard. Alors il laissa ses épaules retomber et se mit à sangloter. Il avait la honte, il avait mal partout, il avait du se faire mordre bien fort au mollet, il était nul, fatigué, toussotant et il ne savait plus quoi faire ni quoi dire. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il décide, ça allait mal se terminer.
Assez vite, le garçon au polo à l'effigie du Roi Lion se ressaisit et d'un geste qu'il voulait viril, passa le plat de sa main sous son nez coulant. "On peut... arrêter là... snrf... pour aujourd'hui ?" demanda-t-il d'une voix pâteuse. Au même moment, deux grosses larmes coulèrent sur ses joues terreuses. Comme si ça allait empêcher Drian de les remarquer, Teilo dévia son regard sur la droite.
Que faisait Drian ?
Dans la cohue sonore faites de cris implorants (les siens) et de borborygmes affreux (ceux des gnomes), les quelques éclats de son clair qui lui parvinrent du banc figèrent le Lug quelques secondes. Drian rigolait ! Il semblait même trouver ça très marrant. Teilo, lui, fulminait. A la douleur de ses blessures s'ajouta celle, froide dans le ventre, de l'humiliation. Si bien qu'il ne retint plus ses coups. Son coude droit frappa la mâchoire d'un gnome si fort qu'elle craqua et la créature se mit à détaler en titubant dans l'herbe. Il parvint à en attraper un autre par la nuque et à serrer fort avec ses doigts, jusqu'à entendre un petit cri de plainte et l'envoyer valdinguer au loin.
Ses coups d'après donnèrent dans le vide, et pour cause : les gnomes le laissaient enfin tranquille ! Il crut un instant que c'était de son fait mais vit dans l'herbe, pas loin du banc ou Drian se gaussait encore, la fiole vers laquelle se dirigeaient maintenant les créatures... une fiole que l'Ogme avait sûrement attiré à lui.
Teilo s'assit dans l'herbe, les bras ballants, les dents serrées et la respiration hâchée. Il avait mal partout, son vieux jean avait de nouveaux trous, son polo était plein de terre et il préférait ne même pas vérifier l'état de ses cheveux, dont plusieurs mèches lui retombaient devant les yeux. Et Drian, mal caché derrière son avant-bras, n'en finissait pas de rire. De rire de lui, bien entendu.
Par Merlin... c'était la honte.
Il ne lui restait plus qu'à se lever - il grinça des dents de douleur - et tituber jusqu'à son entraîneur qui n'allait pas manquer de lui dire à quel point il avait été nul. Comme il entendait souvent des Loups de Lug lui dire le samedi. Mais Teilo savait faire le dos rond aux critiques. En prenant sa respiration, il fit un grand effort pour afficher un air tout à fait neutre, prêt à soutenir le regard de Drian.
Mais il n'était pas prêt. Quand Drian se moqua de lui avec un ton insupportable, il crut voir et entendre Oscar. Poings serrés, il eut soudain une envie féroce de répondre au sarcasme en provoquant le Sixième Année en duel, ici et maintenant, mano à mano - enfin, baguette à baguette. Mais il se retint. Déjà parce qu'il avait une idée précise du résultat d'un duel contre l'Ogme... mais aussi parce que ce dernier le regardait maintenant avec cet air inimitable et qui vous glaçait immédiatement le sang. Le Lug baissa la tête et sa colère retomba aussitôt.
Drian avait raison, si il ne pouvait pas se débarasser de gnomes, il allait se prendre une râclée contre un vrai sorcier. Oh, peut-être qu'il pourrait faire illusion un moment, même tenir tête à Oscar mais ça voudrait dire faire comme lui, user de maléfices, être sournois, être méchant, lui faire mal. Des choses que Teilo n'avait jamais fait de sa vie, qu'il n'avait pas voulu faire aux gnomes et qu'il ne souhaitait pas faire, jamais, même à son pire ennemi.
Tout ça était ridicule. L'entraînement, le duel... il fallait tout arrêter maintenant, avant qu'il ne soit trop tard ! Teilo serra les poings et releva la tête, prêt à le dire à Drian. Et...
Et il n'en eut pas le courage. Fuir alors ? Non plus. Ses pieds étaient comme rivés au sol par la magie d'un simple regard. Alors il laissa ses épaules retomber et se mit à sangloter. Il avait la honte, il avait mal partout, il avait du se faire mordre bien fort au mollet, il était nul, fatigué, toussotant et il ne savait plus quoi faire ni quoi dire. Quoi qu'il fasse, quoi qu'il décide, ça allait mal se terminer.
Assez vite, le garçon au polo à l'effigie du Roi Lion se ressaisit et d'un geste qu'il voulait viril, passa le plat de sa main sous son nez coulant. "On peut... arrêter là... snrf... pour aujourd'hui ?" demanda-t-il d'une voix pâteuse. Au même moment, deux grosses larmes coulèrent sur ses joues terreuses. Comme si ça allait empêcher Drian de les remarquer, Teilo dévia son regard sur la droite.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je suis perturbé par la reaction du gamin qui se met à sangloter. Je n'ai pourtant pas l'impression de l'avoir poussé tant que ça et voilà qu'il se met à pleurer. Est-il si faible que ça ? Je le regarde avec un visage indéchiffrable, sans répondre à sa question. Je n'ai que du mépris pour ce garçon qui se montre si faible. A son âge, je ne pleurai plus. Bien avant même. Ma mère me l'interdisait, ma sœur se serait servi de ça pour m'humilier et mon oncle m'aurait méprisé davantage. Non, dans ma famille, pour son propre bien, on ne pleure pas. Et c'est d'autant plus vrai dans mes entraînements avec Subtil, même à bout de force et de nerf, je ne verserai pas la moindre larme. C'est impensable.
Je soupire doucement. Teilo n'est pas moi et si je me comporte comme ma famille, je peux être certain que Lorie le saura et ne me le pardonnera pas. J'aurai bien du mal à la récupérer après ça. Si j'entraine le Lug, ce n'est pas pour rien, il ne faut pas que je l'oublie. Mais comment faire face à des larmes qui m'insupportent et me font pitié ? Je ne peux prendre exemple sur aucun de mes formateurs. La seule personne que je connaisse qui saurait calmer le deuxième année, c'est... Lorie. Me voilà donc réduis au point de me demander ce que ferait la jeune fille dans ces circonstances. Quelle absurdité mais soit. Elle lui dirait probablement avec douceur des mots gentils, réconfortants, peut-être même le prendrait-elle dans ses bras. Je peux faire le premier, les occlumens sont de très bons acteurs après tout, faut pas pousser pour le second.
- Non, on ne va pas se quitter là-dessus, je dis d'une voix aussi douce que mon timbre me le permet. Teilo, calme-toi, il n'y a aucune raison de pleurer. Tu débutes tout juste les entraînements, c'est normal de ne pas tout réussir mais tu ne dois pas oublier ton objectif. Et seul toi décidera de comment l'atteindre. Mais te battre à main nue, dans un duel de sorcier, c'est une très mauvaise idée. C'est dangereux. Je dis avec une mine faussement inquiète. Ton idée avec les champignons tout à l'heure, c'était très malin. Tu vois que tu peux analyser ton environnement. Je ponctue avec un sourire encourageant, évitant de dire qu'il a été complètement stupide de rester au même endroit.
Je ne suis pas certain que mes paroles soient suffisantes, il est dans un si piteux état. Pour le fou rire qu'il m'a fait vivre, je peux bien lui faire vivre une sensation presque similaire et aller un peu plus loin. Bien entendu, je ne parle pas de câlin.
- Viens, suis-moi, je vais te faire découvrir un de mes secrets, je lui dis avant de prendre le chemin vers le haras à Abraxans.
Ce n'est pas vraiment un secret, mais je mise sur sa curiosité pour me suivre. Pas sûr que sans ça, il aurait été si docile aujourd'hui. Lorsque nous approchons de l'immense bâtiment, je le vois néanmoins se raidir. Encore un qui a peur des chevaux ailés ? J'aurai du m'en douter. De quoi est-ce que Teilo Daroux n'a pas peur, c'est plutôt ça la question que je devrai me poser.
- Ne t'inquiètes pas, tu ne crains rien avec moi, je l'encourage. Si vrai et si faux à la fois.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Dans son état second, meurtri, honteux et désemparé, les pensées de Teilo se mélangeaient jusqu'à se confondre. Mais une en particulier se faisait plus insistante au fil de ses respirations étouffées : il fallait vraiment qu'il arrête de pleurer devant Drian Vaillant. Drian Vaillant allait penser qu'il n'était qu'un gamin indigne de son intérêt.
Son effort fut tel qu'il ne laissa échapper que trois autres larmes, ravala les autres et attendit avec une appréhension folle la réaction du grand. Contre toute attente, il n'y eut aucun sourire, aucune pique. Juste des mots rationnels et réconfortants, une réelle inquiétude de son entraîneur pour lui et même... un compliment sur sa capacité d'analyse. De quoi achever de déboussoler le Lug qui n'avait jamais vu ce côté là de Drian. Oh, il avait bien soupçonné cette face cachée, mais y être confronté le laissa coi et un peu bête.
Il hocha la tête en reniflant. Drian disait vrai. En proie à ses émotions, Teilo avait remisé son esprit critique au placard. Et puis, il était tout à fait partant pour croire qu'il avait une chance contre Oscar, qu'il n'était pas si nul que ça, qu'il pouvait même être très malin. Ca faisait tellement plaisir à entendre qu'il faillit demander 'Vraiment ?' avec l'espoir que l'Ogme lui glisse un autre compliment, ou le même mais dit de façon différente.
Il n'en eut pas l'occasion. Drian avait coupé court à cette pensée en l'invitant à cheminer avec lui, lui faisant miroiter un de ses secrets. Comment résister ? Depuis que Teilo le connaissait, le grand lui avait toujours paru si mystérieux et distant. Mais maintenant, ce grand lui faisait confiance au point de se dévoiler un peu. Voilà qui avait de quoi le ragaillardir et raviver sa curiosité, lui faire oublier un moment la situation délicate dans laquelle il s'était fourrée avec ce duel. Alors le Lug dépareillé et décoiffé suivit l'Ogme en pressant le pas malgré sa blessure au mollet.
Quel secret allait-il apprendre ? Quels autres secrets cachait Drian Vaillant ? Quelles autres facettes n'avait-il pas encore montré ? Peut-être qu'il collectionnait les balais de Quidditch ? Que plus petit, c'était un timide qui se faisait embêter par ses camarades ? Que tous les matins, il s'entraînait à sourire devant un miroir ? Qu'il aidait à la Ménagerie du Refuge d'Osse en plus du dispensaire de Beauxbâtons, et sans le dire à personne parce qu'il ne cherchait pas la gloire ? Quel que soit le fameux secret, Teilo était de plus en plus certain d'une chose : ça lui montrerait Drian sous un meilleur jour encore.
Ha. Ils allaient au haras ?
Le Lug déglutit en voyant se dessiner la facade imposante du bâtiment. Là dedans, il devait y avoir au moins une trentaine d'abraxans. Bien sûr, Drian avait perçu sa gêne et tentait de le rassurer. "Ca va, j'ai pas peur des abraxans" s'entendit dire Teilo d'une voix légèrement enrouée. Ce n'était pas tout à fait vrai. Avant cet été, il n'avait jamais craint les fascinants chevaux ailés. Maintenant, il s'en méfiait pas mal. Mû par les paroles du délégué, il décida de se rapprocher un peu de lui. C'était plus rassurant.
Les mains dans les poches pour se donner une contenance, le Deuxième Année au visage sali par les larmes leva le menton vers Drian. "C'est juste que... tu sais, la petite soeur de Lorie a eu un accident... ça a été très grave, elle est restée dans le coma plusieurs semaines." Il frissonna rien qu'à se remémorer toutes les idées qui lui étaient passées par la tête pendant que Pensée était à l'hopital. "Et là, elle peut même plus faire de Quidditch, les médecins lui ont dit non. Tout ça à cause d'un abraxan."
Et de lui, bien sûr. Ca, c'était un de ses secrets, un secret qu'il s'empressa de partager avec Drian. "C'est ma faute aussi. J'ai rien fait pour l'empêcher." Son visage se ferma un peu. Ca ne manquait pas. A chaque fois qu'il voyait un abraxan depuis cet été, il repensait à tout ce qu'il aurait pu faire pour éviter le drame. S'il avait été plus intelligent et attentionné, Pensée pourrait encore voler.
Son effort fut tel qu'il ne laissa échapper que trois autres larmes, ravala les autres et attendit avec une appréhension folle la réaction du grand. Contre toute attente, il n'y eut aucun sourire, aucune pique. Juste des mots rationnels et réconfortants, une réelle inquiétude de son entraîneur pour lui et même... un compliment sur sa capacité d'analyse. De quoi achever de déboussoler le Lug qui n'avait jamais vu ce côté là de Drian. Oh, il avait bien soupçonné cette face cachée, mais y être confronté le laissa coi et un peu bête.
Il hocha la tête en reniflant. Drian disait vrai. En proie à ses émotions, Teilo avait remisé son esprit critique au placard. Et puis, il était tout à fait partant pour croire qu'il avait une chance contre Oscar, qu'il n'était pas si nul que ça, qu'il pouvait même être très malin. Ca faisait tellement plaisir à entendre qu'il faillit demander 'Vraiment ?' avec l'espoir que l'Ogme lui glisse un autre compliment, ou le même mais dit de façon différente.
Il n'en eut pas l'occasion. Drian avait coupé court à cette pensée en l'invitant à cheminer avec lui, lui faisant miroiter un de ses secrets. Comment résister ? Depuis que Teilo le connaissait, le grand lui avait toujours paru si mystérieux et distant. Mais maintenant, ce grand lui faisait confiance au point de se dévoiler un peu. Voilà qui avait de quoi le ragaillardir et raviver sa curiosité, lui faire oublier un moment la situation délicate dans laquelle il s'était fourrée avec ce duel. Alors le Lug dépareillé et décoiffé suivit l'Ogme en pressant le pas malgré sa blessure au mollet.
Quel secret allait-il apprendre ? Quels autres secrets cachait Drian Vaillant ? Quelles autres facettes n'avait-il pas encore montré ? Peut-être qu'il collectionnait les balais de Quidditch ? Que plus petit, c'était un timide qui se faisait embêter par ses camarades ? Que tous les matins, il s'entraînait à sourire devant un miroir ? Qu'il aidait à la Ménagerie du Refuge d'Osse en plus du dispensaire de Beauxbâtons, et sans le dire à personne parce qu'il ne cherchait pas la gloire ? Quel que soit le fameux secret, Teilo était de plus en plus certain d'une chose : ça lui montrerait Drian sous un meilleur jour encore.
Ha. Ils allaient au haras ?
Le Lug déglutit en voyant se dessiner la facade imposante du bâtiment. Là dedans, il devait y avoir au moins une trentaine d'abraxans. Bien sûr, Drian avait perçu sa gêne et tentait de le rassurer. "Ca va, j'ai pas peur des abraxans" s'entendit dire Teilo d'une voix légèrement enrouée. Ce n'était pas tout à fait vrai. Avant cet été, il n'avait jamais craint les fascinants chevaux ailés. Maintenant, il s'en méfiait pas mal. Mû par les paroles du délégué, il décida de se rapprocher un peu de lui. C'était plus rassurant.
Les mains dans les poches pour se donner une contenance, le Deuxième Année au visage sali par les larmes leva le menton vers Drian. "C'est juste que... tu sais, la petite soeur de Lorie a eu un accident... ça a été très grave, elle est restée dans le coma plusieurs semaines." Il frissonna rien qu'à se remémorer toutes les idées qui lui étaient passées par la tête pendant que Pensée était à l'hopital. "Et là, elle peut même plus faire de Quidditch, les médecins lui ont dit non. Tout ça à cause d'un abraxan."
Et de lui, bien sûr. Ca, c'était un de ses secrets, un secret qu'il s'empressa de partager avec Drian. "C'est ma faute aussi. J'ai rien fait pour l'empêcher." Son visage se ferma un peu. Ca ne manquait pas. A chaque fois qu'il voyait un abraxan depuis cet été, il repensait à tout ce qu'il aurait pu faire pour éviter le drame. S'il avait été plus intelligent et attentionné, Pensée pourrait encore voler.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je n'ai pas besoin d'être occlumens pour percer le mensonge du gamin, le ton de sa voix ne laisse aucun doute. Je ne relève néanmoins pas et le laisse continuer son explication qui me laisse dubitatif. J'ai bien entendu cette histoire, Lorie m'a vaguement parlé du fait que sa sœur Pensée s'était sentie pousser des ailes à croire qu'elle pouvait monter un abraxan seule, en plein milieu de la nuit. J'ai moins compris les raisons, une histoire de photos je crois. Tout ceci me semble bien ridicule et l'amertume du deuxième année m'est incompréhensible.
- Je ne vois pas en quoi c'est de ta faute, je commence. Qu'est ce que tu aurais pu faire ? Tu n'étais même pas là. Elle a des parents et des adultes responsables autour d'elle, je continue avant de durcir mon ton. Et ce n'est certainement pas la faute de l'abraxan. Ce n'est pas pour rien que les moins de quatorze ans ne sont pas autorisés à monter.
Je me retiens d'ajouter que la petite sœur de Lorie a juste été complètement stupide et qu'elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même, je doute que le Lug soit capable d'entendre ce genre de choses. Pas plus que Lorie d'ailleurs.
- Si c'est la seule chose que tu connais des abraxans, alors j'ai bien fait de t'emmener. Allons-y, il ne t'arrivera rien.
Je pénètre dans le haras en compagnie du garçon et me rends directement aux écuries où je trouve le maréchal-ferrant, Monsieur De Moor. Il n'est pas surpris de me voir, il me connait bien maintenant, mais la présence de Teilo l'interroge davantage. Je lui explique alors rapidement que je veux monter avec lui en harnais et après une minute d'hesitation, il finit par me le concéder. Ce n'est pas la première fois que je monte de cette façon, je le faisais souvent aux haras de ma mère - même si c'était moi qui était en harnais et non l'inverse -, je connais bien le principe. Ma constitution physique a du également plaider en ma faveur, je suis loin d'être une brindille, je pourrai maintenir le garçon sans soucis.
- Je sais que tu es un très bon cavalier mais ne sors pas du manège avec lui.
- Ne vous en faites pas, je n'en avais pas l'intention. Je vais prendre Plume, elle sera parfaite pour ça.
De Moor acquiesce, finissant d'être convaincu de par mon choix, et disparait dans un box - de la fameuse Plume sans le moindre doute - tandis que je vais récupérer un harnais pour humain avant de prendre la direction du manège. Je lui aurai dit Céleste, il aurait certainement refusé net.
- Plume est l'abraxan la plus docile et douce du haras. Elle aime et accepte tout le monde. Elle n'est pas toute jeune donc elle est aussi la plus longue à la détente mais ça ne sera pas un problème pour nous. Je ne la monte plus aujourd'hui mais c'est la première que j'ai apprivoisé ici, on se connait bien. Avant de chevaucher un abraxan, il faut apprendre à le connaître, je lui dis en lui jetant un coup d'œil avec un petit sourire.
Je ne sais pas si il a parfaitement saisi ce qui va lui arriver mais il n'est pas prêt de l'oublier. Normalement, aucun élève ne monte à son âge, justement parce qu'il faut avoir une certaine taille et force pour maîtriser la créature. Je le fais venir près de moi et l'aide à enfiler le harnais. Le temps que je vérifie que les sangles sont bien mises, le maréchal-ferrant revient avec l'énorme cheval ailé qu'il tient par ses rênes. Lui qui est un homme imposant semble tout frêle à côté. Je n'essaye même pas imaginer la comparaison avec moi. Je me présente me présente devant Plume et lui caresse doucement les naseaux avant d'inviter Teilo à faire de même.
- Présente-toi, qu'elle sache qui elle invite sur son dos.
Lorsque les présentations sont faites, je me hisse sur la créature avec l'aide de De Moor, puis il m'envoie presque littéralement Daroux tant il est léger. J'attache une des sangles du harnais devant ma poitrine, une autre au-dessus des reins et le Maréchal-ferrant se charge de vérifier le tout. Quand il est satisfait, quoique un peu inquiet, il s'éloigne de nous. Je doute qu'il nous laisse sans surveillance, cela rassurera peut-être le Lug.
- Accroche-toi mais évite de m'étouffer, je lui dis avec un nouveau sourire en coin. Hop hop ! Je m'exclame d'une voix ferme en stimulant la créature d'une pression de mollet.
Un tour au trot, puis un au galop, et enfin nous nous envolons sous le dôme imposant du manège. Malgré la taille et le poids de la créature, l'abraxan vole aussi doucement et légèrement qu'une plume. C'est à peine si ses battements d'ailes se font sentir.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
La réponse de Drian prit Teilo de court. Il avait déjà entendu sa mère, sa grande soeur Suzanne et son grand frère Fabrice lui assurer qu'il n'était en rien responsable de ce qui était arrivé à Pensée. Mais tous ces gens étaient de sa famille, ils avaient probablement juste dit ça pour le rassurer. Ca n'avait pas trop marché. Jusqu'à présent, il n'avait jamais avoué à quelqu'un d'extérieur toute la culpabilité qu'il ressentait et qui n'avait fait que croître au fil des mois, surtout depuis qu'il avait appris les séquelles que Pensée aurait probablement à vie. Il n'en avait même pas parlé à Lorie - elle aurait sans doute voulu le rassurer, elle aussi. Et, bien sûr, il n'en avait pas parlé à Pensée.
Mais Drian... Drian n'était pas de sa famille et même s'il était proche des Fleury, Teilo aurait mit sa main au feu que l'avis du grand serait plus détaché et objectif. Pourtant, l'Ogme venait de lui dire exactement la même chose.
Ce n'était pas de sa faute.
Le garçon déglutit et cligna des yeux en écoutant avec attention les explications rationnelles de l'Ogme. Elles firent naître une petite tempête dans sa tête. Oui mais alors, c'était de la faute de qui ? De l'abraxan ? Sûrement pas, c'était trop facile d'accuser l'abraxan. Des parents de Pensée qui l'avaient laissé faire ? Pour une fois qu'ils l'avaient laissé faire quelque chose... De Pensée elle-même ? Teilo refusait cette hypothèse. Si elle avait voulu prendre un risque ce soir là, c'était avec l'idée de lui faire une petite surprise à lui, Teilo Daroux. S'il n'existait pas, elle n'y aurait jamais songé, il ne lui serait rien arrivé.
Non. Non non non, ce n'était pas de sa faute. Même Drian, qui n'avait pas toujours été tendre avec lui depuis le début des entraînements, le lui disait. C'était peut-être vrai ? En claudiquant silencieusement vers le haras, Teilo rumina. Ca voulait dire qu'il n'aurait rien pu faire pour l'empêcher ? Par Merlin, c'était encore pire. A quoi ça servait d'être un sorcier, d'avoir accès à toute cette panoplie d'objets fantastiques, de philtres puissants, de sorts formidables s'il ne pouvait même pas protéger les personnes qu'il aimait ?
Il aurait pu prévoir le futur comme les devins, ça aurait été bien pratique ! Avec l'artisanat magique, il pouvait peut-être trouver un moyen, un objet qui lui permettrait de remonter le temps et de tout arranger. Ou alors il pouvait travailler dur en guérison, devenir excellent comme le préconisait Beauxbâtons pour qu'un jour, grâce à ses expérimentations, Pensée n'ait plus aucune séquelle et puisse à nouveau jouer au Quidditch.
Le nez au sol, la tête ailleurs, le petit Lug avait machinalement calqué ses pas sur ceux de son entraîneur. Tout à ses réflexions, il fut surpris par la masse humaine qui se tint soudain devant lui. Monsieur De Moor. Il releva le nez et laissa Drian parler, n'offrant à l'homme qu'un sourire un peu forcé avant d'apprécier du regard l'énormité de l'endroit où il se trouvait maintenant. Avec ses immenses gradins, sa magnifique coupole qui laissait passer la lumière, le manège était encore plus impressionnant que le maréchal-ferrant. Il n'y était venu qu'une fois lors d'une visite guidée en première année, puis s'en était tenu éloigné par respect pour le travail de Monsieur De Moor... et un peu par prudence aussi.
Pas avant quatorze ans, lui avait-on martelé, et il n'en avait que douze bientôt treize. Mais la requête de Drian au maréchal-ferrant le fit presque sursauter de surprise. Il allait quand même en monter un ? Ce n'était pas trop dangereux ? Ne risquait-il pas de se prendre un coup perdu lui aussi ? La gorge un peu nouée, les pieds frétillants, il n'osa rien dire sur le moment. Ca lui faisait un peu peur mais... Drian avait dit qu'il ne risquait rien, et il en avait quand même pas mal beaucoup envie. Malgré sa nervosité, le garçon resta donc docile quand Drian l'aida à passer le harnais. Il suivit même avec attention les consignes de l'Ogme pour ne pas s'empêtrer dedans - comme il était plutôt agile, ça ne posa pas trop de problèmes.
L'apparition de Plume le subjugua. L'imposante créature commandait le respect... elle lui semblait si belle et puissante qu'il ne pouvait la quitter des yeux. La bouche entrouverte et le corps tendu, il prit exemple sur Drian et se présenta à son tour en tendant une main un poil fébrile vers les énormes naseaux de l'abraxan. "Bonjour, Plume. Je m'appelle Teilo Daroux." Il déglutit. "Je suis en Deuxième Année à Lug." Je suis trop jeune, j'ai pas du tout le droit de m'approcher de toi mais... "Tu veux bien que je monte sur ton dos ?"
Le souffle de Plume lui ébouriffa les cheveux. Teilo frissonna et sourit. Elle ne s'était pas cabré, elle n'avait pas rué, c'était sans doute bon signe.
La suite se passa vite, bien trop vite. Projeté en l'air par les bras de Monsieur De Moor, Teilo ne put retenir un "Wooh" de surprise. L'instant d'après, il était assis sur la croupe ferme de l'abraxan et Drian s'assurait qu'il était bien attaché en lui donnant de nouvelles consignes que le Lug s'empressa d'approuver en hochant vivement la tête. Il se cramponna aussitôt à la taille de l'Ogme avec ses bras et, quand Plume se mit à trotter, serra juste un peu. A peine eut-il le temps de s'habituer à ces nouvelles et étonnantes sensations qu'ils partirent au galop. Son coeur se mit à battre au rythme des foulées toujours plus rapides de Plume.
Puis ils s'envolèrent.
La joue écrasée contre l'omoplate de Drian, le Lug serra si fort son ventre qu'il dut bien l'étouffer un peu. Tout son corps fourmillait. Mais assez vite, la sensation de ne plus être soumis à la gravité se rappela à lui. Il l'avait déjà connue, dans un carosse, à dos de balai ou sur Asmodée. C'était la sensation d'être libre. Cette intense légèreté qui, après cinq secondes, dix au plus, le fit se détendre, déserrer son étreinte et, dans un élan soudain d'euphorie, pouffer et rire.
Qu'est ce qu'il aimait voler. L'envie de crier sa joie devint irrépressible et, menton levé vers la verrière, le garçon la laissa éclater à pleins poumons. "Wouh-ouhhhhh !" Il n'y avait plus de place pour la moindre question, la moindre hésitation. Il fendait l'air. C'était tout, c'était suffisant. En plus, c'était interdit. Pourvu que ça dure longtemps.
Le garçon en vint à espérer que Drian allait défier encore plus les conventions et les règles, faire fi des consignes de Monsieur De Moor et faire sortir Plume du manège pour qu'ils puissent voler tous les trois dans le vaste ciel, au dessus d'un lac, d'une forêt, autour d'une montagne. Mais non. Ils revenaient déjà - et bien trop vite - au sol. Les doigts fins de Teilo se cramponnèrent à nouveau à son conducteur, pour rien : la dextérité de Drian et la souplesse de Plume firent de l'atterrissage un moment bien plus doux qu'il n'avait présagé.
Il fallut un bon tour de piste pour que l'abraxan s'arrête tout à fait. Alors Teilo, le visage rouge d'émotions, les cheveux complètement décoiffés, l'estomac retourné comme sous l'effet d'un Misci, prit de longues secondes pour retrouver une notion à peu près claire de l'endroit où il se trouvait et de ce qu'il venait tout juste de vivre.
"C'était... trop bien", souffla-t-il encore tout ému à Drian qui le désharnachait. Il avait failli dire 'encore un tour', comme avec Maman sur les manèges de sa petite enfance mais il était grand et donc forcément plus raisonnable. Libéré du harnais, il insista pour sauter tout seul au sol et se réceptionna avec souplesse. Sans attendre de consigne, il louvoya pour aller caresser les naseaux de Plume, avec plus d'assurance cette fois. "Merci beaucoup. Tu sais que t'es belle ?" Puis il tourna la tête vers Monsieur De Moor, qui n'avait cessé de les observer, pour lui adresser un "Merci" plus en retenue mais non moins sincère.
Enfin, il alla se poster pile face à Drian. Ses yeux papillonnaient encore, ressassant les images de ce trop court vol. "C'est fou, quand on a décollé j'ai..." il se tenait le ventre d'une main, "et après, c'était comme... on sentait pas du tout ses ailes ! Et j'ai pas eu peur, juste un petit peu au début ! Faut vraiment que tu m'apprennes à monter." Il pouffa et sembla soudain se souvenir qu'il n'avait pas encore quatorze ans. "Quand j'aurai le droit !" L'humiliation des gnomes de tout à l'heure était loin dans son esprit, comme toutes les frustrations et les ruminations coupables de ces derniers jours.
Tout ça en valait la peine. Drian le mystérieux, Drian l'inaccessible avait partagé un secret avec lui : il aimait les abraxans. Pour le coup, Teilo voulait en savoir plus. "T'as des abraxans chez toi ? Tu dois voler souvent pour être aussi bon !" Il y en avait bien chez les Fleury, pourquoi pas chez Drian ? Peut-être même que l'Ogme passait la plupart de ses après-midi d'été à voler ? Pour Teilo, en tout cas, c'était sûr. S'il en avait, il ne ferait que ça.
Mais Drian... Drian n'était pas de sa famille et même s'il était proche des Fleury, Teilo aurait mit sa main au feu que l'avis du grand serait plus détaché et objectif. Pourtant, l'Ogme venait de lui dire exactement la même chose.
Ce n'était pas de sa faute.
Le garçon déglutit et cligna des yeux en écoutant avec attention les explications rationnelles de l'Ogme. Elles firent naître une petite tempête dans sa tête. Oui mais alors, c'était de la faute de qui ? De l'abraxan ? Sûrement pas, c'était trop facile d'accuser l'abraxan. Des parents de Pensée qui l'avaient laissé faire ? Pour une fois qu'ils l'avaient laissé faire quelque chose... De Pensée elle-même ? Teilo refusait cette hypothèse. Si elle avait voulu prendre un risque ce soir là, c'était avec l'idée de lui faire une petite surprise à lui, Teilo Daroux. S'il n'existait pas, elle n'y aurait jamais songé, il ne lui serait rien arrivé.
Non. Non non non, ce n'était pas de sa faute. Même Drian, qui n'avait pas toujours été tendre avec lui depuis le début des entraînements, le lui disait. C'était peut-être vrai ? En claudiquant silencieusement vers le haras, Teilo rumina. Ca voulait dire qu'il n'aurait rien pu faire pour l'empêcher ? Par Merlin, c'était encore pire. A quoi ça servait d'être un sorcier, d'avoir accès à toute cette panoplie d'objets fantastiques, de philtres puissants, de sorts formidables s'il ne pouvait même pas protéger les personnes qu'il aimait ?
Il aurait pu prévoir le futur comme les devins, ça aurait été bien pratique ! Avec l'artisanat magique, il pouvait peut-être trouver un moyen, un objet qui lui permettrait de remonter le temps et de tout arranger. Ou alors il pouvait travailler dur en guérison, devenir excellent comme le préconisait Beauxbâtons pour qu'un jour, grâce à ses expérimentations, Pensée n'ait plus aucune séquelle et puisse à nouveau jouer au Quidditch.
Le nez au sol, la tête ailleurs, le petit Lug avait machinalement calqué ses pas sur ceux de son entraîneur. Tout à ses réflexions, il fut surpris par la masse humaine qui se tint soudain devant lui. Monsieur De Moor. Il releva le nez et laissa Drian parler, n'offrant à l'homme qu'un sourire un peu forcé avant d'apprécier du regard l'énormité de l'endroit où il se trouvait maintenant. Avec ses immenses gradins, sa magnifique coupole qui laissait passer la lumière, le manège était encore plus impressionnant que le maréchal-ferrant. Il n'y était venu qu'une fois lors d'une visite guidée en première année, puis s'en était tenu éloigné par respect pour le travail de Monsieur De Moor... et un peu par prudence aussi.
Pas avant quatorze ans, lui avait-on martelé, et il n'en avait que douze bientôt treize. Mais la requête de Drian au maréchal-ferrant le fit presque sursauter de surprise. Il allait quand même en monter un ? Ce n'était pas trop dangereux ? Ne risquait-il pas de se prendre un coup perdu lui aussi ? La gorge un peu nouée, les pieds frétillants, il n'osa rien dire sur le moment. Ca lui faisait un peu peur mais... Drian avait dit qu'il ne risquait rien, et il en avait quand même pas mal beaucoup envie. Malgré sa nervosité, le garçon resta donc docile quand Drian l'aida à passer le harnais. Il suivit même avec attention les consignes de l'Ogme pour ne pas s'empêtrer dedans - comme il était plutôt agile, ça ne posa pas trop de problèmes.
L'apparition de Plume le subjugua. L'imposante créature commandait le respect... elle lui semblait si belle et puissante qu'il ne pouvait la quitter des yeux. La bouche entrouverte et le corps tendu, il prit exemple sur Drian et se présenta à son tour en tendant une main un poil fébrile vers les énormes naseaux de l'abraxan. "Bonjour, Plume. Je m'appelle Teilo Daroux." Il déglutit. "Je suis en Deuxième Année à Lug." Je suis trop jeune, j'ai pas du tout le droit de m'approcher de toi mais... "Tu veux bien que je monte sur ton dos ?"
Le souffle de Plume lui ébouriffa les cheveux. Teilo frissonna et sourit. Elle ne s'était pas cabré, elle n'avait pas rué, c'était sans doute bon signe.
La suite se passa vite, bien trop vite. Projeté en l'air par les bras de Monsieur De Moor, Teilo ne put retenir un "Wooh" de surprise. L'instant d'après, il était assis sur la croupe ferme de l'abraxan et Drian s'assurait qu'il était bien attaché en lui donnant de nouvelles consignes que le Lug s'empressa d'approuver en hochant vivement la tête. Il se cramponna aussitôt à la taille de l'Ogme avec ses bras et, quand Plume se mit à trotter, serra juste un peu. A peine eut-il le temps de s'habituer à ces nouvelles et étonnantes sensations qu'ils partirent au galop. Son coeur se mit à battre au rythme des foulées toujours plus rapides de Plume.
Puis ils s'envolèrent.
La joue écrasée contre l'omoplate de Drian, le Lug serra si fort son ventre qu'il dut bien l'étouffer un peu. Tout son corps fourmillait. Mais assez vite, la sensation de ne plus être soumis à la gravité se rappela à lui. Il l'avait déjà connue, dans un carosse, à dos de balai ou sur Asmodée. C'était la sensation d'être libre. Cette intense légèreté qui, après cinq secondes, dix au plus, le fit se détendre, déserrer son étreinte et, dans un élan soudain d'euphorie, pouffer et rire.
Qu'est ce qu'il aimait voler. L'envie de crier sa joie devint irrépressible et, menton levé vers la verrière, le garçon la laissa éclater à pleins poumons. "Wouh-ouhhhhh !" Il n'y avait plus de place pour la moindre question, la moindre hésitation. Il fendait l'air. C'était tout, c'était suffisant. En plus, c'était interdit. Pourvu que ça dure longtemps.
Le garçon en vint à espérer que Drian allait défier encore plus les conventions et les règles, faire fi des consignes de Monsieur De Moor et faire sortir Plume du manège pour qu'ils puissent voler tous les trois dans le vaste ciel, au dessus d'un lac, d'une forêt, autour d'une montagne. Mais non. Ils revenaient déjà - et bien trop vite - au sol. Les doigts fins de Teilo se cramponnèrent à nouveau à son conducteur, pour rien : la dextérité de Drian et la souplesse de Plume firent de l'atterrissage un moment bien plus doux qu'il n'avait présagé.
Il fallut un bon tour de piste pour que l'abraxan s'arrête tout à fait. Alors Teilo, le visage rouge d'émotions, les cheveux complètement décoiffés, l'estomac retourné comme sous l'effet d'un Misci, prit de longues secondes pour retrouver une notion à peu près claire de l'endroit où il se trouvait et de ce qu'il venait tout juste de vivre.
"C'était... trop bien", souffla-t-il encore tout ému à Drian qui le désharnachait. Il avait failli dire 'encore un tour', comme avec Maman sur les manèges de sa petite enfance mais il était grand et donc forcément plus raisonnable. Libéré du harnais, il insista pour sauter tout seul au sol et se réceptionna avec souplesse. Sans attendre de consigne, il louvoya pour aller caresser les naseaux de Plume, avec plus d'assurance cette fois. "Merci beaucoup. Tu sais que t'es belle ?" Puis il tourna la tête vers Monsieur De Moor, qui n'avait cessé de les observer, pour lui adresser un "Merci" plus en retenue mais non moins sincère.
Enfin, il alla se poster pile face à Drian. Ses yeux papillonnaient encore, ressassant les images de ce trop court vol. "C'est fou, quand on a décollé j'ai..." il se tenait le ventre d'une main, "et après, c'était comme... on sentait pas du tout ses ailes ! Et j'ai pas eu peur, juste un petit peu au début ! Faut vraiment que tu m'apprennes à monter." Il pouffa et sembla soudain se souvenir qu'il n'avait pas encore quatorze ans. "Quand j'aurai le droit !" L'humiliation des gnomes de tout à l'heure était loin dans son esprit, comme toutes les frustrations et les ruminations coupables de ces derniers jours.
Tout ça en valait la peine. Drian le mystérieux, Drian l'inaccessible avait partagé un secret avec lui : il aimait les abraxans. Pour le coup, Teilo voulait en savoir plus. "T'as des abraxans chez toi ? Tu dois voler souvent pour être aussi bon !" Il y en avait bien chez les Fleury, pourquoi pas chez Drian ? Peut-être même que l'Ogme passait la plupart de ses après-midi d'été à voler ? Pour Teilo, en tout cas, c'était sûr. S'il en avait, il ne ferait que ça.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
L'effet escompté est plus qu'atteint lorsque je vois les étoiles dans les yeux du gamin à notre retour sur la terre ferme, et toute son excitation qui sort en un flot ininterrompu de sa bouche. Je me contente d'un sourire tranquille en réponse à son enthousiasme tout en ramenant l'abraxan au maréchal-ferrant que je remercie. Finalement, il n'y a rien de compliqué pour mettre Teilo Daroux dans sa poche. Son ami est un peu plus coriace là-dessus.
- Ma mère possède un haras d'abraxans, j'ai grandi à leur contact, je lui réponds tout en nous dirigeant vers la sortie du manège. Je garde évidemment pour moi que j'ai tout particulièrement grandi auprès d'un abraxan, qui est aujourd'hui chez Lorie. Je déteste toujours autant cette situation et j'ai bien compris que ce qui m'était le plus précieux devait rester absolument secret. Attends-moi là, je reviens, je lui dis devant l'entrée du haras avant d'y entrer à nouveau, seul cette fois-ci.
Connaissant les lieux comme ma poche, il ne me faut pas longtemps pour repérer la réserve des tonneaux de whisky pur-feu et de m'y faufiler comme plus tôt dans la matinée, aussi discrètement qu'une ombre. Me faire surprendre ici, en train de remplir une fiole de verre, me ferait probablement perdre des poussières au Bouclier de Lancelot, et surtout soulèverait des questions assez inconfortables. Mais cela fait parti de mon entrainement personnel et je ne ferai pas de réserve. Une épreuve bien plus compliquée m'attends bientôt, toute préparation contrôlée peut m'être utile. D'ailleurs, dès que j'en aurai fini avec Teilo aujourd'hui, j'irai voir Victor Mussy, histoire de m'imprégner à nouveau de sa façon d'être. Je pourrai même lui délier la langue et apprendre ses derniers secrets avec un petit tour en abraxan, qui sait ?
Lorsque je rejoins Teilo, je lui montre la fiole discrètement avec un sourire ironique.
- Tu es prêt à recommencer si j'ai bien compris ? Allons-y, je dis avec un semblant de rire. En secret, j'espère qu'il me fera rire autant qu'à son premier essai, même si cela signifie qu'il échouera lamentablement.
***
Lundi 22 Janvier 2024
Dans la Cour
18h55
Dans la Cour
18h55
Il fait nuit à cette heure-ci à cette période de l'année et la Cour n'est que peu éclairée, pourtant j'y vois suffisamment pour repérer Teilo Daroux qui m'y me rejoint, probablement un peu surpris par l'heure du rendez-vous que je lui ai fait parvenir par une fée postale durant la journée. Je vais lui présenter, ou plutôt lui imposer, ma dernière idée d'entrainement. Si il effectue régulièrement tout ce qu'on a fait depuis la semaine dernière, son duel ne sera qu'une formalité. Enfin, si tant est qu'il est le moindre talent pour les duels.
- Salut Daroux, je vais te présenter ta dernière épreuve mais avant ça, voilà ce que je te propose comme organisation : tous les matins, sauf cas exceptionnel, course à pied et course de vol en balais ensemble. Le mercredi, tu vas au club de duel où tu y affronteras d'autres élèves de ton année. Le dimanche, tu débarrasseras le parc des fleurs des gnomes. Je serai là la plupart du temps mais pas toujours. Enfin, je vérifierai une fois par semaine tes progrès sur le prochain entraînement mais tu seras autonome dessus. Tu pourras le faire avec quelqu'un si ça te chante, en le faisant passer pour un défi un peu stupide si tu veux, ça m'est égal.
Je le laisse digérer les informations, râler s'il le souhaite, polémiquer s'il s'en sent le courage, je resterai dans tous les cas inflexible.
- Bien, maintenant approche toi et recule contre le mur, je lui dis d'un ton impérieux.
Dès qu'il se trouve à portée, des lianes commencent à s'enrouler autour de lui. Avant même qu'il commence à paniquer, je le maintien d'une main et la retire juste avant qu'une liane veuille s'en saisir.
- Ne bouge pas, je lui ordonne avec un petit sourire jusqu'à ce qu'il soit complètement enlacé par les végétaux. Ton but est simple, t'en libérer sans aide extérieur. J'ai choisi cette heure car la plupart des gens sont au réfectoire et la cour restera déserte. Et que si tu veux diner, tu as tout intérêt à te libérer rapidement. Je reviendrai te chercher juste avant le couvre-feu si tu n'as pas réussi à t'échapper.
Je ne lui laisse pas le temps de chouiner cette fois-ci, je recule déjà vers l'entrée du château.
- Ah ! Je meurs de faim ! Bonne chance et à toute à l'heure ! Je le salue avec un sourire provocateur qu'il détestera surement. Je me demande si cela sera suffisant pour lui donner la rage de se sortir de là. Je ne reste pas pour regarder et file vers le réfectoire retrouver Tobias et Abbie.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Quand Drian entra à nouveau dans le manège en lui demandant de ne pas le suivre, Teilo croisa les bras et le regarda s'éloigner en songeant que l'Ogme avait quand même beaucoup de chance. Comme Lorie, comme Giovanni et l'immense majorité de ses amis, il était né sorcier. Comme Lorie, il avait des abraxans chez lui depuis tout petit.
C'était quand même un peu injuste. Lui n'avait découvert le monde dans lequel il allait vivre qu'à 8 ans. Et il ne vivait vraiment dedans que depuis un an. Ses camarades, pour la plupart, étaient conciliants mais il le voyait de plus en plus dans leurs regards, dans certaines expressions qu'ils pouvaient parfois arborer face à lui. Il en savait moins qu'eux. Il ne comprenait pas aussi bien qu'eux. Il n'était pas né dans le même monde. Et même si, depuis le début d'année, le Lug avait décidé de travailler d'arrache-pied pour rattraper tout son retard, il lui arrivait parfois de se décourager et de se dire qu'il n'y arriverait jamais.
Tout ça suscitait en lui des émotions nouvelles. Un peu de jalousie. Un peu de rancoeur. Des émotions qu'il s'efforçait de subjuguer parce que Maman lui avait toujours dit qu'elles étaient mauvaises. Pour les oublier, il faisait souvent la liste de ses atouts dans sa tête. Ca compensait.
Drian revenait. La vue de la fiole dans la main du grand fit ouvrir de grands yeux ronds à Teilo. Noooon, il ne voulait quand même pas...
Si. "Mais... je voulais pas recommencer ça !" geignit le Lug en relâchant ses épaules. Ca ne servait à rien. Drian avait fait exprès de mal le comprendre. Et comme il avait eu le droit à sa récompense, dont il chérirait probablement longtemps le souvenir, il ne pouvait décemment pas refuser une nouvelle chasse aux gnomes. Alors, en traînant un peu des pieds et la mine un peu renfrognée, il le suivit jusqu'aux jardins.
La Deuxième Chasse aux Gnomes ne fut pas aussi épique que la première. Teilo, déjà pas mal fatigué, garda sa baguette tout du long dans sa main, ne se précipita pas sur les créatures comme le demi-de-mêlée qu'il avait autrefois été et parvint même, à coups de sorts non offensifs, à retarder un peu plus la fatalité. Comme il s'était une nouvelle fois refusé à lancer le moindre maléfice ou a faire trop mal aux gnomes, ils finirent par prendre le dessus sur lui et s'emparer de la fiole, juste un peu plus tard.
Comme il était débordé, tiraillé et mordu, Drian dut de nouveau venir à sa rescousse. L'ego du Lug en prit un coup mais cette fois, il ne pleura pas.
Teilo s'avançait dans la cour avec appréhension. Depuis qu'il avait reçu la missive de Drian, il se posait mille questions. Que lui voulait le grand ? Voulait-il lui dévoiler un nouveau secret à la faveur de l'obscurité ? Lui faire une belle surprise ? Ou avait-il eu une nouvelle idée d'entraînement pour rigoler à ses dépends ? Dans tous les cas, le Lug espérait que ça n'allait pas durer trop longtemps. Il avait super faim et le gastromage-en-chef avait préparé une fondue aux trois fromages et demi ! Rien qu'en passant pas loin du réfectoire, l'odeur alléchante avait activé ses papilles.
Il se présenta devant Drian sans mot dire, lui adressant juste un signe de tête. Le Lug avait fini par comprendre que l'Ogme était pragmatique, qu'il aimait aller droit au but et ce soir, c'était aussi son objectif. Attentivement, il l'écouta détailler l'emploi du temps qui serait le sien pour les prochaines semaines. Ca avait l'air épuisant, comment allait-il pouvoir tenir avec en plus, les cours, les devoirs, toutes ses autres activités extra-scolaires, les projets de ses amis, les engagements qu'il avait pris ?
Mais il voulait battre Oscar en duel, et Drian lui en offrait la possibilité. Alors il ne protesta pas et approuva simplement du chef.
La suite le surprit, et pas qu'un peu. D'abord l'ordre de Drian, dit sur un ton si incisif qu'il y obéit sans y réfléchir en se plaquant bien docilement contre le mur. Les lianes ensuite, qui vinrent aussitôt l'enserrer de tous côtés. La main de Drian qui le maintenait en place jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger du tout. Sa respiration s'accéléra, les battements de son coeur aussi. Quelle drôle de sensation. Teilo détestait. Ca lui rappelait la fois ou Oscar lui avait lancé un Petrificus Totalus dans le labyrinthe, cette horrible sensation de ne rien pouvoir faire, de ne plus être maître du tout de son corps.
Drian avait bien ourdi son plan, en choisissant le lieu et le moment précis. C'était... c'était sadique, un peu, comme le sourire de l'Ogme qui s'en allait déjà pour se remplir la panse de fondue. "Hé, c'est pas du jeu !" gronda Teilo dans le dos de l'Ogme. "Drian ! Reviens ! S'il te plaît, j'ai pas envie de faire ça maintenant !" Mais le grand faisait la sourde oreille et, très vite, il se fondit dans la pénombre.
Teilo resta interdit de longues secondes avant d'enfin prendre pleine conscience de sa situation. Il avait beau forcer, il ne pouvait plus bouger ni jambes, ni bras, ni ventre. Juste un peu la tête. Heureusement, les lianes ne lui comprimaient pas trop le torse, il pouvait donc respirer sans problème. Comment pouvait-il se tirer de ce guêpier ? "Euh... bonsoir, je sais pas si tu m'entends mais... je m'appelle Teilo, je suis en Deuxième Année à Lug et j'a-dore la fondue. Alors si tu pouvais me libérer, gnnn... s'il te plait ! Gnnng." Parlementer ne semblait pas être la solution. Si seulement il pouvait récupérer la baguette dans sa poche. "Gnnnng !"
Non. Plus il forçait, plus les lianes se reserraient. Elles commençaient à lui faire mal au bras. Il préférait de loin faire un calin à Pensée, c'était beaucoup plus doux. Légèrement essouflé, le Lug cogita encore mais... non, rien ne venait. Même avec un sortilège informulé, sans baguette il était impuissant. Déjà, le temps se faisait long. Il songea aux autres élèves qui étaient en train de se régaler au réfectoire. Peut-être quelqu'un allait-il remarquer son absence, s'inquiéter, partir à sa recherche, le trouver ici et le sauver ?
Il avait des amis, quelqu'un viendrait sûrement.
Mais les minutes filaient et avec chacune d'entre elles, un peu de l'espoir du Lug. Personne n'allait venir. L'obscurité envahissait la cour, la panique son coeur. Il n'avait plus, pour seule compagnie, que les crissements des lianes qui l'enlacaient, les borborygmes de son ventre vide et quelques rires lointains, qui devaient venir d'un ou plusieurs Michel en haut des remparts. Les gargouilles devaient bien se marrer en le voyant. Lui ne rigolait pas. Il avait même un peu envie de pleurer, de hurler, de rentrer chez lui à Lyon. Ce n'était pas un entraînement, c'était une torture ! Drian savait pertinemment qu'il allait rester coincé ici. Quel était l'intérêt ? En quoi tout ça allait l'aider à battre Oscar ?
Quand, après une éternité, il entendit quelqu'un s'approcher, un Teilo épuisé releva la tête. C'était Drian, il avait reconnu le rythme de ses pas. Les yeux brillants, il força un sourire : "Tu m'as ramené du dessert, au moins ?"
Teilo avait encore du mal à y croire. Il avait gagné. Il avait gagné sa course contre Drian. Et même pas avec le Nimbus 2000 de Charly Watrelet, non. Avec un banal Comète 260 - et ses jambes, bien entendu.
Il était bien trop éreinté pour sauter de joie ou même faire une petite danse. Alors, à la place, il se laissa tomber sur le dos contre les pavés des remparts et, essouflé, regarda le ciel qui, au fur et à mesure de leurs entraînements, devenait de plus en plus bleu. Le Lug se perdit un peu dans les nuages en attendant que Drian ne s'approche. Alors il le regarda d'en bas, les joues encore rosies par l'effort, des mèches de cheveux humides dans les yeux et un énorme sourire aux lèvres : "C'était mon ombre. C'est comme ça que tu me voyais arriver... et .. que tu m'empêchais de passer."
Oh, il se doutait de ce que Drian pouvait bien lui rétorquer. Oui, il aurait du s'en rendre compte de ça bien plus tôt, tellement c'était évident. Mais Teilo s'en fichait. Il avait fini par comprendre, et tout seul en plus. C'était le plus important.
Il n'y avait qu'une ombre au tableau, un sentiment un peu bizarre qui étreignait le garçon. Même s'il avait pu dépasser Drian à dos de balai, même s'il était bien plus endurant à la course qu'un mois plus tôt, l'Ogme restait malgré tout plusieurs niveaux au dessus de lui. Tout ça était un peu trop beau. Alors il se redressa sur ses coudes, soudain très sérieux : "Hé. Avoue, tu m'as laissé gagner ?"
Teilo avait les sourcils inquisiteurs. Si oui, dans quel but ?
C'était quand même un peu injuste. Lui n'avait découvert le monde dans lequel il allait vivre qu'à 8 ans. Et il ne vivait vraiment dedans que depuis un an. Ses camarades, pour la plupart, étaient conciliants mais il le voyait de plus en plus dans leurs regards, dans certaines expressions qu'ils pouvaient parfois arborer face à lui. Il en savait moins qu'eux. Il ne comprenait pas aussi bien qu'eux. Il n'était pas né dans le même monde. Et même si, depuis le début d'année, le Lug avait décidé de travailler d'arrache-pied pour rattraper tout son retard, il lui arrivait parfois de se décourager et de se dire qu'il n'y arriverait jamais.
Tout ça suscitait en lui des émotions nouvelles. Un peu de jalousie. Un peu de rancoeur. Des émotions qu'il s'efforçait de subjuguer parce que Maman lui avait toujours dit qu'elles étaient mauvaises. Pour les oublier, il faisait souvent la liste de ses atouts dans sa tête. Ca compensait.
Drian revenait. La vue de la fiole dans la main du grand fit ouvrir de grands yeux ronds à Teilo. Noooon, il ne voulait quand même pas...
Si. "Mais... je voulais pas recommencer ça !" geignit le Lug en relâchant ses épaules. Ca ne servait à rien. Drian avait fait exprès de mal le comprendre. Et comme il avait eu le droit à sa récompense, dont il chérirait probablement longtemps le souvenir, il ne pouvait décemment pas refuser une nouvelle chasse aux gnomes. Alors, en traînant un peu des pieds et la mine un peu renfrognée, il le suivit jusqu'aux jardins.
La Deuxième Chasse aux Gnomes ne fut pas aussi épique que la première. Teilo, déjà pas mal fatigué, garda sa baguette tout du long dans sa main, ne se précipita pas sur les créatures comme le demi-de-mêlée qu'il avait autrefois été et parvint même, à coups de sorts non offensifs, à retarder un peu plus la fatalité. Comme il s'était une nouvelle fois refusé à lancer le moindre maléfice ou a faire trop mal aux gnomes, ils finirent par prendre le dessus sur lui et s'emparer de la fiole, juste un peu plus tard.
Comme il était débordé, tiraillé et mordu, Drian dut de nouveau venir à sa rescousse. L'ego du Lug en prit un coup mais cette fois, il ne pleura pas.
***
Lundi 22 Janvier 2024
Dans la Cour
18h55
Dans la Cour
18h55
Teilo s'avançait dans la cour avec appréhension. Depuis qu'il avait reçu la missive de Drian, il se posait mille questions. Que lui voulait le grand ? Voulait-il lui dévoiler un nouveau secret à la faveur de l'obscurité ? Lui faire une belle surprise ? Ou avait-il eu une nouvelle idée d'entraînement pour rigoler à ses dépends ? Dans tous les cas, le Lug espérait que ça n'allait pas durer trop longtemps. Il avait super faim et le gastromage-en-chef avait préparé une fondue aux trois fromages et demi ! Rien qu'en passant pas loin du réfectoire, l'odeur alléchante avait activé ses papilles.
Il se présenta devant Drian sans mot dire, lui adressant juste un signe de tête. Le Lug avait fini par comprendre que l'Ogme était pragmatique, qu'il aimait aller droit au but et ce soir, c'était aussi son objectif. Attentivement, il l'écouta détailler l'emploi du temps qui serait le sien pour les prochaines semaines. Ca avait l'air épuisant, comment allait-il pouvoir tenir avec en plus, les cours, les devoirs, toutes ses autres activités extra-scolaires, les projets de ses amis, les engagements qu'il avait pris ?
Mais il voulait battre Oscar en duel, et Drian lui en offrait la possibilité. Alors il ne protesta pas et approuva simplement du chef.
La suite le surprit, et pas qu'un peu. D'abord l'ordre de Drian, dit sur un ton si incisif qu'il y obéit sans y réfléchir en se plaquant bien docilement contre le mur. Les lianes ensuite, qui vinrent aussitôt l'enserrer de tous côtés. La main de Drian qui le maintenait en place jusqu'à ce qu'il ne puisse plus bouger du tout. Sa respiration s'accéléra, les battements de son coeur aussi. Quelle drôle de sensation. Teilo détestait. Ca lui rappelait la fois ou Oscar lui avait lancé un Petrificus Totalus dans le labyrinthe, cette horrible sensation de ne rien pouvoir faire, de ne plus être maître du tout de son corps.
Drian avait bien ourdi son plan, en choisissant le lieu et le moment précis. C'était... c'était sadique, un peu, comme le sourire de l'Ogme qui s'en allait déjà pour se remplir la panse de fondue. "Hé, c'est pas du jeu !" gronda Teilo dans le dos de l'Ogme. "Drian ! Reviens ! S'il te plaît, j'ai pas envie de faire ça maintenant !" Mais le grand faisait la sourde oreille et, très vite, il se fondit dans la pénombre.
Teilo resta interdit de longues secondes avant d'enfin prendre pleine conscience de sa situation. Il avait beau forcer, il ne pouvait plus bouger ni jambes, ni bras, ni ventre. Juste un peu la tête. Heureusement, les lianes ne lui comprimaient pas trop le torse, il pouvait donc respirer sans problème. Comment pouvait-il se tirer de ce guêpier ? "Euh... bonsoir, je sais pas si tu m'entends mais... je m'appelle Teilo, je suis en Deuxième Année à Lug et j'a-dore la fondue. Alors si tu pouvais me libérer, gnnn... s'il te plait ! Gnnng." Parlementer ne semblait pas être la solution. Si seulement il pouvait récupérer la baguette dans sa poche. "Gnnnng !"
Non. Plus il forçait, plus les lianes se reserraient. Elles commençaient à lui faire mal au bras. Il préférait de loin faire un calin à Pensée, c'était beaucoup plus doux. Légèrement essouflé, le Lug cogita encore mais... non, rien ne venait. Même avec un sortilège informulé, sans baguette il était impuissant. Déjà, le temps se faisait long. Il songea aux autres élèves qui étaient en train de se régaler au réfectoire. Peut-être quelqu'un allait-il remarquer son absence, s'inquiéter, partir à sa recherche, le trouver ici et le sauver ?
Il avait des amis, quelqu'un viendrait sûrement.
Mais les minutes filaient et avec chacune d'entre elles, un peu de l'espoir du Lug. Personne n'allait venir. L'obscurité envahissait la cour, la panique son coeur. Il n'avait plus, pour seule compagnie, que les crissements des lianes qui l'enlacaient, les borborygmes de son ventre vide et quelques rires lointains, qui devaient venir d'un ou plusieurs Michel en haut des remparts. Les gargouilles devaient bien se marrer en le voyant. Lui ne rigolait pas. Il avait même un peu envie de pleurer, de hurler, de rentrer chez lui à Lyon. Ce n'était pas un entraînement, c'était une torture ! Drian savait pertinemment qu'il allait rester coincé ici. Quel était l'intérêt ? En quoi tout ça allait l'aider à battre Oscar ?
Quand, après une éternité, il entendit quelqu'un s'approcher, un Teilo épuisé releva la tête. C'était Drian, il avait reconnu le rythme de ses pas. Les yeux brillants, il força un sourire : "Tu m'as ramené du dessert, au moins ?"
***
Un mois après
Mardi 27 Février 2022
Sur les remparts - 7h12
Mardi 27 Février 2022
Sur les remparts - 7h12
Teilo avait encore du mal à y croire. Il avait gagné. Il avait gagné sa course contre Drian. Et même pas avec le Nimbus 2000 de Charly Watrelet, non. Avec un banal Comète 260 - et ses jambes, bien entendu.
Il était bien trop éreinté pour sauter de joie ou même faire une petite danse. Alors, à la place, il se laissa tomber sur le dos contre les pavés des remparts et, essouflé, regarda le ciel qui, au fur et à mesure de leurs entraînements, devenait de plus en plus bleu. Le Lug se perdit un peu dans les nuages en attendant que Drian ne s'approche. Alors il le regarda d'en bas, les joues encore rosies par l'effort, des mèches de cheveux humides dans les yeux et un énorme sourire aux lèvres : "C'était mon ombre. C'est comme ça que tu me voyais arriver... et .. que tu m'empêchais de passer."
Oh, il se doutait de ce que Drian pouvait bien lui rétorquer. Oui, il aurait du s'en rendre compte de ça bien plus tôt, tellement c'était évident. Mais Teilo s'en fichait. Il avait fini par comprendre, et tout seul en plus. C'était le plus important.
Il n'y avait qu'une ombre au tableau, un sentiment un peu bizarre qui étreignait le garçon. Même s'il avait pu dépasser Drian à dos de balai, même s'il était bien plus endurant à la course qu'un mois plus tôt, l'Ogme restait malgré tout plusieurs niveaux au dessus de lui. Tout ça était un peu trop beau. Alors il se redressa sur ses coudes, soudain très sérieux : "Hé. Avoue, tu m'as laissé gagner ?"
Teilo avait les sourcils inquisiteurs. Si oui, dans quel but ?
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Lundi 22 Janvier 2024
Dans la Cour
20h50
Dans la Cour
20h50
Alors que je m'apprête à aller chercher Daroux qui, absent de tout le repas, n'a de toute évidence pas réussi à se défaire de ses liens, Abbie m'interpelle.
- Où vas-tu ? C'est presque l'heure du couvre-feu.
- J'ai un truc à faire, je réponds vaguement.
La jeune femme fronce des sourcils mais ne cherche pas à en savoir plus. A la place, elle se rapproche de quelques pas pour que seul moi puisse l'entendre.
- Fais attention, Côme vous surveille.
Déjà ?! Ca ne fait même pas une semaine et il nous a déjà repéré ? Cet emmerdeur a le nez creux, je vais devoir nous protéger de quelques sortilèges et le feinter pour qu'il ne vienne pas nous prendre la tête. J'ai jamais pu l'encadrer, voilà une raison de plus pour lui tendre un piège ou deux. Mais à la façon dont Abbie insiste sur le "vous", il n'est pas le seul à avoir repérer le duo improbable que je forme avec le Lug. Je devrais probablement expliquer, au moins vaguement, la situation à mes deux amis. Mais avant ça...
- Tu n'as qu'à le distraire, je dis d'un ton faussement détaché en haussant les épaules comme si cette information n'avait aucune valeur et ne m'aidait pas, avant de la laisser la, elle et sa mine fermée.
Je ne sais plus comment me comporter avec elle. Tout est devenu... plus compliqué. On a beau faire comme si rien ne s'était passé, on sait tous les deux qu'il s'est passé quelque chose d'important. Depuis, je ne sais plus où est notre limite et elle semble être constamment ballotée au gré de nos humeurs. Enfin surtout des miennes. Je soupire et me dirige rapidement vers la Cour. Lorsque je la rejoins, je retrouve un gamin épuisé mais encore plus entouré de lianes qu'à mon départ. Cette partie là allait être difficile à remporter.
- A ton avis, je lui réponds avec un sourire les mains dans les poches, avant de réduire les lianes à l'état de poussières. Tu es un Lug après tout, tu devrais pouvoir te faire ça tout seul non ?
On se sépare sur cette dernière provocation de ma part mais ce n'est que momentané, demain et tous les jours suivant jusqu'à son duel, nous nous entrainerons ensemble.
***
Mardi 27 Février 2022
Sur les remparts - 7h12
Sur les remparts - 7h12
Je trottine tranquillement derrière Daroux qui s'effondre une fois arrivée à notre belvédère de départ. Pour la première fois, il a réussi à me dépasser en vol. Il a enfin compris comment faire. Je commençais à désespérer de le voir réussir. Il a tout de même mis un mois pour comprendre l'astuce. Je le regarde de haut et, en guise de réponse, lui fait un sourire ironique. Il comprendra de lui-même le message : Pas trop tôt !. Ou peut-être pas.
Qu'il profite de cette petite victoire. Les prochaines fois, je passe au niveau supérieur. Il sera surpris de se retrouver sous l'effet du sortilège de ralentissement une fois qu'il m'aura dépassé. Maintenant, il ne devra plus non seulement jouer avec l'ombre, mais aussi éviter mes maléfices ou s'en défendre en vol. Je n'ai définitivement pas fini de m'amuser avec lui. Et je dois bien l'avouer, je n'aime pas perdre, même exprès. Je ferai donc tout pour ne plus lui laisser la moindre chance de gagner. Je me suis dit que pour cette fois, je risquerai de le traumatiser si je lui envoyai dès sa première percée un sortilège, et étrangement, je l'ai même laissé se donner à fond à la course tandis que je m'économisai. J'imagine que c'est ma façon de le récompenser pour avoir compris comment observer son environnement. Mais pas seulement. Ces derniers jours, il s'est débloqué sur les autres entrainements aussi : il a pigé à peu près la nécessité d'avoir sa baguette au moment de se faire attraper par les lianes et arrive à ne plus se faire complètement martyriser par les gnomes, mais le chemin reste encore long pour qu'il soit prêt pour son duel.
Je saisis mes affaires et m'apprête à rentrer lorsque le garçon m'interpelle. Je me retourne à demi avec un sourire énigmatique aux lèvres :
- Va savoir.
Je fais quelques pas en direction de la tour d'Ogme avant de me retourner à nouveau, une idée ayant germé dans ma tête.
- Demain, nous nous affronterons dans un entrainement de duel. Prépare-toi.
***
Quelques jours avant le duel
Sur les remparts - 7h00
Sur les remparts - 7h00
Je regarde Teilo faire ses échauffements quotidiens dans sa tenue de sport aussi excentrique que d'habitude, comme si c'était la chose la plus banale qui soit. Il faut dire qu'en deux mois d'entrainement, j'ai fini par m'y habituer, à toutes ses couleurs qui brulent les yeux. Dire que c'est bientôt fini... Etrangement, cela me fait un petit quelque chose de me dire que le gamin ne courra peut-être bientôt plus avec moi. Il était ma distraction, mon échappatoire. Moi aussi, j'aurai bientôt ma grande épreuve et les seuls moments où j'arrive à me libérer de sa pression sont quand je suis avec Daroux. Jouer au professeur a eu bien plus d'effet sur moi que jouer à l'apprenti guérisseur, même si notre coopération a failli partir en éclat.
Oui, il y a bien un moment où j'ai cru que c'était la fin. Non pas parce que le lug a été nul - bon, il n'a pas non plus un talent inné pour les duels, on ne va pas se mentir -, au contraire, le gamin s'est amélioré un peu plus chaque semaine depuis qu'il a pigé les stratégies les plus importantes pour chaque entrainement, mais parce qu'un évènement m'a mis hors de moi. Ce jour-là, j'ai surpris Abbie et Côme en train de s'embrasser à proximité de la fontaine de Nicolas Flamel. Ce jour-là, j'ai poussé le Lug beaucoup trop fort, si fort qu'on a frôlé la rupture. Ce jour-là, nous avons tous les deux eu besoins de voler à dos d'abraxan, bien plus longtemps que la première fois.
Aujourd'hui est différent. Cette histoire est oubliée et nous arrivons en fin de parcours. Il est temps pour Daroux de me montrer tout ce qu'il a appris et bien plus encore, de me montrer à quel point il a progressé et qu'il est prêt à en découdre avec son Oscar. Et pas seulement en découdre, mais aussi lui mettre une raclée. J'ai beau eu dire au tout début des entrainements, toute défaite ou victoire, je la prendrai pour moi. Il n'a pas intérêt à perdre !
- Eh bien, on va voir si tu es prêt. Aujourd'hui, on se refait la totale ensemble. C'est ton épreuve ultime alors donne tout ce que tu as. On commence par la course, puis on affrontera les gnomes ensemble, j'espère que tu arriveras à en mettre hors d'état de nuire plus que moi cette fois, et enfin tu devras te libérer des lianes en encore moins de temps que la dernière fois. Prêt ?
Je suis déjà parti.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Mi-mars, quelques jours avant le duel contre Oscar
Sur les remparts - 7h00
Sur les remparts - 7h00
Le vingt mars approchait à grand pas. Dans quelques jours, Teilo allait avoir treize ans. Dans quelques jours, il allait enfin affronter Oscar. Dans sa tête, pendant ses échauffements, des sentiments contraires battaillaient. Il était à la fois pressé et pas pressé du tout, c'était bizarre. Peut-être parce que ça voulait dire que, quel que soit le vainqueur de la joute, la routine qu'il avait adoptée depuis mi-janvier allait prendre fin. Il allait enfin pouvoir consacrer plus de temps à ses amis... mais il ne s'entraînerait plus avec Drian. Le contrat oral entre eux avait été clair : l'entraînement durerait jusqu'au duel, l'Ogme n'avait aucune raison de vouloir le continuer après et Teilo non plus.
Enfin...
Drian était vraiment singulier. Teilo avait l'impression de mieux le connaître, d'en être plus proche qu'en janvier et ça le rendait heureux, comme à chaque fois qu'il avait l'impression de se faire un ami. L'Ogme ne lui avait pas raconté grand chose mais à force de le regarder faire, d'observer ses réactions à tout ce que lui faisait, le Lug avait fini par en déduire deux trois trucs, le cerner un poil mieux même s'il restait tant et tant de questions. L'Ogme cultivait soigneusement son mystère et Teilo comprenait pourquoi. Ca devait marcher du feu de dieu avec les filles.
Il y avait d'autres trucs qu'il avait fini par comprendre. S'il avait été destabilisé pendant longtemps par l'attitude du grand qui le poussait dans ses retranchements sans lui donner d'explications, s'il avait failli l'envoyer sèchement balader une semaine plus tôt, maintenant il pigeait pourquoi. C'était important qu'il puisse se débrouiller tout seul et pas seulement pour le duel à venir. Même après. Il n'aurait pas forcément toujours quelqu'un à sa disposition, quelqu'un de fort et d'intelligent comme Lorie pour l'aider en cas de souci.
Ca avait mis le temps mais là, après deux mois, Teilo pouvait constater par lui-même ses progrès sur tous les plans. Surtout, il avait compris que s'il n'avait pas été poussé à bout pour Drian, il n'en serait pas là. Après l'entraîneur de son club de rugby, l'Ogme était la seule personne de toute sa vie à lui avoir autant demandé de se dépasser, jour après jour, sans prendre pitié, sans le lâcher ni lui octroyer de répit, sans même lui mâcher le travail. Et ça ne lui déplaisait pas.
Peut-être même que Teilo aimait un peu ça. Si le grand n'avait pas été là pour le pousser, il aurait abandonné depuis longtemps et il n'aurait eu aucune chance contre Oscar, qui devait sûrement s'entraîner de son côté. A moins que son ex-ami estime ne pas en avoir besoin ? Si oui, il allait être drôlement surpris.
Ce matin, le Loup de Lug honoraire se sentait en pleine forme, prêt à déplacer des montagnes. Après s'être étiré les jambes, il écouta son coach lui donner le menu du jour et ne cilla pas en l'entendant parler d'épreuve ultime. Ca ne l'étonnait pas de la part de Drian. A sa place, il aurait prévu quelque-chose comme ça aussi. Pour le coup, Teilo s'y était préparé. Et, les genoux déjà ployés, les muscles déjà tendus, il ne lui fallut qu'une demi-seconde pour décoller à la suite de Drian.
Pour la course, il avait sa stratégie maintenant. Inutile de trop forcer sur ses jambes et s'essoufler bêtement, il ne pouvait PAS rattraper Drian à la course à pied, l'autre avait de trop grandes jambes et un système cardiovasculaire hors norme. Il fallait plutôt adopter un bon rythme qui lui permettrait de ne pas se laisser trop distancer ET de garder toute sa raison pour la suite. Par contre, une fois sur son balai d'emprunt, il filait à toute berzingue, plus vite que Flash sans doute. C'était un peu risqué, il s'était déjà mangé quelques remparts, mais cette prise de risque lui permettait la plupart du temps de rattraper l'Ogme. Comme aujourd'hui. Dans le virage, quand son ombre disparut, il le doubla et sortit aussitôt sa baguette de sa poche gauche.
"Protego."
Le premier maléfice de Drian s'écrasa contre son bouclier.
"Expelliarmus."
Ce n'était pas très facile de viser Drian par dessus son épaule alors qu'ils filaient tous deux à plus de cent à l'heure.
"Expelliarmus !"
Encore raté. Teilo grogna et ce temps, qu'il aurait du plutôt consacrer à l'observation, permit à Drian de lui envoyer un nouveau maléfice qui le heurta de plein fouet et le figea sur place, dans les airs, mains et jambes autour de son balai. Mince. Ca devait être un maléfice de quatrième année ou plus, le genre qu'il ne pouvait pas contrer avec un simple Protego. Il rongea son frein le temps de retrouver sa liberté de mouvement et repartit en trombe, les sourcils froncés.
En mettant pied à terre pour commencer le deuxième tour, il se dit qu'il allait falloir revoir sa stratégie et forcer un peu sur ses jambes pour rattraper son retard. Enfin ça, c'était s'il arrivait à les bouger parce que... ses baskets bleues étaient collées au sol et il avait beau forcer en serrant les dents, impossible de se dégager. Encore un maléfice de grand, sûrement !
"Driaaaaaan", gronda-t-il d'une voix sourde. Il était condamné, une fois encore, à se forcer à respirer lentement, longuement en attendant que la magie ne se dissipe. Et quand, une bonne dizaine de secondes plus tard, ses baskets furent libérées délivrées, il se mit à courir aussi vite qu'il pouvait, le regard à l'affût d'une nouvelle surprise. Mais il arriva sans encombre, quoique essouflé, jusqu'à son balai et après s'être lancé un Clypeus, le Lug repartit en trombe dans les airs. Sa tête frôla le mur dans deux virages... mais il rattrapa Drian, une nouvelle fois.
Cette fois, il joua de ses bras et des poignets pour faire des cabrioles, louvoyer dans les airs et éviter les sortilèges de Drian. Il se retrouva même la tête en dessous quelques secondes, ce qui provoqua chez lui un grand rire incontrôlé. Comme à l'entraînement des Loups de Lug, il fit le mouvement nécessaire pour se remettre droit.
"Misci !" lança-t-il par dessus son épaule au balai de Drian avant de mettre les bouchées doubles, quitte à faire crachoter sa monture de bois et de paille.
***
Mi-mars, quelques jours avant le duel contre Oscar
Dans les jardins - 7h40
Dans les jardins - 7h40
Teilo n'avait pas eu le temps de se reposer. Au pas de course et transpirant sous son maillot de rugby, déjà essouflé par le début de son épreuve ultime, il avait rejoint les jardins en compagnie de Drian. Et le grand n'avait pas attendu qu'il prenne ses aises pour exhiber aux yeux des gnomes qui trainassaient par là, encore un peu endormis, la fiole au liquide tant convoité.
Leur réveil fut instantané.
"Ah ouais, d'accord", concéda Teilo en sortant de sa poche un poil. D'un coup de baguette, il le métamorphosa eeeen... Corgi ? Bon, ok. Teilo sourit de toutes ses dents au canin. "Salut Médor ! T'es un gentil toutou !" Il lui montra du doigt les gnomes : "Va aboyer sur les méchants ! Ouaf ouaf !"
Son petit chien de poche fit son office et, en courant et aboyant un peu partout, réussit à divertir l'attention de quelques gnomes suffisament longtemps pour que Teilo s'occupe des autres. Bien sûr, tant qu'il refuserait d'utiliser des maléfices, il ne serait jamais aussi performant que Drian et ne pouvait donc atteindre l'objectif que le grand lui avait fixé. Mais, à chaque fois, il se débarassait d'eux toujours un peu plus vite et souffrait toujours un peu moins de leurs assauts. Bien sûr, il se protégeait avec Clypeus. Bien entendu, il gardait sa baguette en main et regardait fréquemment autour de lui pour mieux se positionner, éviter de se faire prendre à revers ou par surprise. Ses mouvements étaient bien plus précis que la première fois et, par son assurance, il faisait de sa performance un petit ballet un tantinet comique.
Il n'y eut que deux moments vraiment compliqués. Le premier, c'était après sa roulade arrière, fiole contre le ventre pour échapper à un gnome trop entreprenant. Il mettait trop de temps à se relever et une autre de ces créatures lui avait sauté dessus. A la toute dernière seconde, Teilo lui avait envoyé son pied à la figure si fort que ça l'avait assomé. Et la deuxième fois, c'était quand le Deuxième Année avait laissé la fiole de whisky pur-feu lui échapper et que les gnomes restants s'en approchaient dangereusement, signalant une fin de partie un peu trop prématurée à son goût.
Médor était hélas redevenu un poil. Heureusement, Teilo avait un autre atout dans sa manche. Il avait prévu le coup dès le matin. De sa poche, il sortit un sablipnotique et le retourna.
"Hé, les gnomes !" gueula-t-il à pleins poumons. "Vous savez quoi ? Vous êtes vraiment PAS BEAUX !" Les têtes des cinq créatures se tournèrent à l'unisson vers lui. Avec sa baguette, il lança un Levioso sur la fiole pour l'extraire de leur fatale emprise. "Non mais sérieux, vous avez vu vos NEZ ! C'est pas des NEZ, c'est des FOSSES A PUS !" Ca les énerva et ils montrèrent dents et griffes. Teilo sourit et trottina en arrière, sablier dans une main, baguette tendue vers la fiole volante dans l'autre. Il contourna les champi-vroums pour se poster à bonne distance derrière, jeta le sablipnotique et laissa retomber la fiole au milieu des champignons.
Les gnomes avaient chargé sans réfléchir. Dommage pour eux. Grâce à son cercle alchimique, le Lug fit appel aux forces du vent qui propagèrent les spores des champi-vroums jusqu'aux créatures. Sentant que des antennes allaient probablement leur pousser, les teignes déguerpirent en couinant.
Teilo s'accorda un bref instant pour reprendre son souffle. Sa nuque et son dos étaient trempés par l'effort. Puis il chercha Drian du regard et lui sourit en coin en agitant les sourcils. "Hé-hé."
***
Mi-mars, quelques jours avant le duel contre Oscar
Dans la cour intérieure - 8h00
Dans la cour intérieure - 8h00
Ses muscles le brûlaient mais il était habitué à cette sensation. Heureusement que la dernière épreuve était la plus facile et ne demandait pas de grand effort physique. Teilo aurait été bien incapable de le fournir.
Tout près du mur aux lianes un peu trop calines, il se tenait malgré sa fatigue tout droit face à Drian, le menton levé, avec une petite lueur de défi dans le regard. C'était comme ça maintenant. Il ne s'était collé de son plein gré au mur que la première fois, tellement l'injonction de Drian lui avait paru irrésistible. Maintenant, l'Ogme avait beau ordonner, le petit Lug refusait obstinément de s'exécuter et c'était le grand qui devait l'y pousser. A chaque fois.
Aussitôt qu'il sentit la main sur sa poitrine, Teilo dégaina tel Lucky Luke sa baguette. Quand son dos cogna contre la pierre, il avait déjà lancé son Immobulus. Les lianes n'avaient eu le temps que de lui chatouiller les épaules et il se dégagea sans aucune peine.
Pas mécontent de sa performance, il leva un pouce à l'intention de son coach. Un pouce plein de terre, s'aperçut-il en grimaçant. D'un geste ample et théâtral, il l'essuya contre la manche de l'Ogme. Un geste qu'il n'aurait jamais cru pouvoir faire même deux semaines plus tôt mais là... que risquait-il à part un regard glacial, une remarque cinglante et menaçante de Drian ? Pas grand chose. Son duel avec Oscar était tout proche et Drian n'allait certainement pas ruiner ses chances après tout l'effort qu'il avait mis dans son entraînement.
"Alors, Maîîître ? J'ai été bon ?" lança-t-il plein de gouaille, les mains sur les hanches en attendant le verdict de Drian qui serait sûrement de l'ordre de passable, sans plus. Mais l'approche d'un autre élève, derrière Drian, attira aussitôt son attention et, après un bref o de surprise, il le salua de la main. "Salut, Florian !" Plus bas, il chuchota à Drian : "C'est Florian Devigne, le grand frère d'Oscar. Lui, il est sympa." Devigne l'avait tiré du labyrinthe avant l'été, avait même répondu à son invitation pour ses douze ans et accepté de lui lancer des sorts. "Salut, Daroux. Salut, Vaillant. Chomp." Le grand mince à l'allure altière, cheveux blonds bien coiffés et uniforme impeccable, croquait dans une pomme. Dans son autre main, il tenait un livre. Sur son nez, il avait des lunettes. Des lunascopes, vu leur forme étrange, se dit Teilo. Il n'avait pas du tout l'air étonné de les trouver là, ni de leur accoutrement. Il avait surtout l'air de n'en avoir rien à faire.
"Euh... tu lis quoi ?"
"Oh. C'est un livre sur les tactiques en duel que Monsieur Vaillant nous avait recommandé en cours, j'ai enfin trouvé le temps de me plonger dedans." Il se détourna de Teilo pour sourire doucement à Drian. "Je regrette que ton oncle soit parti, j'ai appris beaucoup de choses avec lui. Monsieur Figueiredo est plus abordable mais... il ne lui arrive clairement pas à la cheville."
Teilo restait interdit à fixer Drian. Ses yeux clignaient un peu vite.
"Je lis toujours un peu avant que la journée ne commence vraiment. Ca me permet de recentrer mon esprit qui s'est éparpillé pendant la nuit." Il pouffa un peu avant de faire un clin d'oeil au Lug. "Tu devrais peut-être en faire autant, Teilo."
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Les progrès de Daroux sont indéniables, en même temps, il partait de loin. Même s'il n'a pas remporté la course, même s'il n'a pas éliminé plus de gnomes que moi, il s'est bien défendu. Imaginatif et tenace, c'est ce que je retiens du deuxième année. Le premier, je m'en doutais. Le deuxième était bien moins évident et j'ai réussi à la pousser dans ce sens. Je ne suis pas un si mauvais entraîneur finalement. Par contre, le gamin semble avoir un peu trop pris la confiance lorsqu'il essuie son pouce tout terreux sur mon uniforme impeccable après avoir réussi, pour le coup, sans peine à éviter d'être emprisonné par les lianes. En plus de ça, il en rajoute avec sa question totalement insolente. Je devrai être agacé, et pourtant, il m'amuse. Je méprise les faibles mais Teilo Daroux a su gagner mon respect par ses efforts. Ceci dit, j'aime aussi quand il me craint, ne serait-ce qu'un peu.
- On dirait qu'il te reste encore un peu trop d'énergie, je devrai peut-être te tester avec ma propre magie, je lui dis avec un sourire dangereux tout en levant ma baguette vers lui.
Ma menace tombe comme un pétard explosif mouillé lorsqu'un nouveau protagoniste entre scène. Je range discrètement ma baguette et écoute l'explication chuchotée du Lug en plissant des yeux, suspicieux. Le grand-frère de son adversaire ? J'observe l'attitude de Teilo à son égard puis celle de Devigne en gardant le silence. Je sens venir l'embrouille alors que le jeune sorcier est d'une naïveté affligeante. Lorsque le cinquième année tente de faire la conversation en me parlant de mon oncle, je me contente d'un petit sourire à son encontre sans rien répliquer, bien que la simple mention du vieux Vaillant me laisse un goût acre dans la bouche. Mes yeux, par contre l'analyse avec une froideur calculatrice. S'il ne ment pas, j'ai tout de même la certitude qu'il n'est pas là par hasard, mais aussi que ce n'est pas moi qu'il vient chercher. Sa remarque envers Teilo me le confirme et le malaise que je sens chez le jeune Lug finit de me convaincre. Il est au courant pour le duel, ça ne fait aucun doute. En même temps, est-ce si surprenant ? Le petit frère lui en aura très certainement parlé.
Je passe instinctivement un bras protecteur autour des épaules du gamin et me penche pour être à sa hauteur en riant.
- Tu entends ça Teilo ? Il a raison tu sais ? Rien ne vaut une bonne lecture pour se rappeler où est sa place ! Je dis avec un sourire sans cesser de fixer de mes iris bleu glacés celui qui nous a interrompu.
J'espère que le message est passé. Tant que le duel n'a pas encore eu lieu, le Lug est sous ma protection et s'il lui vient l'idée de le déstabiliser de quelques manières que ce soit, je me chargerai de le lui faire regretter. Un gentil ? Pauvre Daroux, personne n'est gentil. Tout le monde a un intérêt à défendre quelque part. Lui, probablement son frère. Moi ? Le temps que j'ai investi pour que le deuxième année l'écrase, n'est-ce pas ?
- Allez viens, il est tant d'aller prendre une douche, tu sens vraiment mauvais, je dis à Daroux en plissant du nez pour me moquer de lui.
En se faisant, je l'entraine avec moi et l'éloigne du cinquième année, avant de retirer mon bras comme si on m'avait brulé. Brrr... Pourquoi j'ai fait ça ? Un dernier coup d'œil en coin me permet de voir une dernière fois Florian Devigne. Je me note de le surveiller, qu'il ne vienne pas fourrer son nez dans ce duel.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo ne comprenait pas tout.
Oh, il sentait bien que derrière le rire et le soudain geste protecteur de Drian se cachait autre chose. Ca se voyait dans le regard du brun... et dans celui du blond, même si Devigne avait surtout l'air curieux. Mais la teneur des messages que les deux grands s'envoyaient si subtilement, comme au théâtre, lui échappait en grande partie. Peut-être qu'ils se connaissaient d'avant et ne pouvaient pas se supporter ? Incertain, le Lug se contenta donc de cligner des yeux et de froncer légèrement les sourcils jusqu'à ce que Drian lui-même ne cherche à les extraire de la scène en prétextant qu'il puait.
"Hm", commenta simplement Florian en soufflant par le nez. Avant de se détourner de lui, Teilo put voir qu'il replaçait une chevalière à son auriculaire. "Hé bien, bonne journée à tous les deux", lança le blond avec candeur dans leur dos. "A toi aussi", répondit poliment Teilo en regardant par dessus son épaule. Le bras de Drian l'enserrait encore, le rassurait et l'invitait à marcher avec plus de détermination vers les douches. Puis, sans prévenir, ce bras protecteur disparut et Teilo en frissonna un peu.
"Je sens pas si mauvais que ça", précisa-t-il à Drian avant de vérifier par lui-même en reniflant. "Juste un peu." Vrai, il avait pas mal transpiré et l'aube venait de plus en plus tôt. Une bonne douche lui ferait du bien. "Hé, tu m'as pas répondu tout à l'heure ! T'as juste essayé de me provoquer." Le Lug avait levé un sourcil en direction de l'Ogme. Il n'était pas tombé dans le panneau quand Drian l'avait menacé de le tester avec sa propre magie. Il avait eu peur, oui, Drian faisait très souvent cet effet là. Mais il savait que son coach ne dépasserait jamais les limites avec lui. Il l'avait fait une fois, rien qu'une, et s'était excusé à sa manière en lui offrant des tours d'abraxan.
Avec le temps, Teilo avait accepté d'avoir peur de Drian. Il avait juste cessé d'être tétanisé. "Si tu veux tester ta magie après, pourquoi pas" renchérit-il en haussant les épaules comme si cette proposition était tout à fait normale. "Ca m'apprendra sûrement deux trois petites choses." Sur Drian, sur le duel, le Lug ne précisa pas. Il souriait juste, persuadé que, même si le duel était seulement dans quelques jours, il avait encore beaucoup à apprendre. Cet entraînement intensif, épuisant physiquement et mentalement n'allait sans doute pas lui manquer mais...
"Alors... bien ou... pas mal ?" insista le Deuxième Année en se postant devant Drian en mode marche arrière, les mains dans le dos. Ces deux mois n'avaient pas eu raison de lui. Sans savoir pourquoi, il lui restait encore un peu trop d'énergie et il voulait le montrer.
Oh, il sentait bien que derrière le rire et le soudain geste protecteur de Drian se cachait autre chose. Ca se voyait dans le regard du brun... et dans celui du blond, même si Devigne avait surtout l'air curieux. Mais la teneur des messages que les deux grands s'envoyaient si subtilement, comme au théâtre, lui échappait en grande partie. Peut-être qu'ils se connaissaient d'avant et ne pouvaient pas se supporter ? Incertain, le Lug se contenta donc de cligner des yeux et de froncer légèrement les sourcils jusqu'à ce que Drian lui-même ne cherche à les extraire de la scène en prétextant qu'il puait.
"Hm", commenta simplement Florian en soufflant par le nez. Avant de se détourner de lui, Teilo put voir qu'il replaçait une chevalière à son auriculaire. "Hé bien, bonne journée à tous les deux", lança le blond avec candeur dans leur dos. "A toi aussi", répondit poliment Teilo en regardant par dessus son épaule. Le bras de Drian l'enserrait encore, le rassurait et l'invitait à marcher avec plus de détermination vers les douches. Puis, sans prévenir, ce bras protecteur disparut et Teilo en frissonna un peu.
"Je sens pas si mauvais que ça", précisa-t-il à Drian avant de vérifier par lui-même en reniflant. "Juste un peu." Vrai, il avait pas mal transpiré et l'aube venait de plus en plus tôt. Une bonne douche lui ferait du bien. "Hé, tu m'as pas répondu tout à l'heure ! T'as juste essayé de me provoquer." Le Lug avait levé un sourcil en direction de l'Ogme. Il n'était pas tombé dans le panneau quand Drian l'avait menacé de le tester avec sa propre magie. Il avait eu peur, oui, Drian faisait très souvent cet effet là. Mais il savait que son coach ne dépasserait jamais les limites avec lui. Il l'avait fait une fois, rien qu'une, et s'était excusé à sa manière en lui offrant des tours d'abraxan.
Avec le temps, Teilo avait accepté d'avoir peur de Drian. Il avait juste cessé d'être tétanisé. "Si tu veux tester ta magie après, pourquoi pas" renchérit-il en haussant les épaules comme si cette proposition était tout à fait normale. "Ca m'apprendra sûrement deux trois petites choses." Sur Drian, sur le duel, le Lug ne précisa pas. Il souriait juste, persuadé que, même si le duel était seulement dans quelques jours, il avait encore beaucoup à apprendre. Cet entraînement intensif, épuisant physiquement et mentalement n'allait sans doute pas lui manquer mais...
"Alors... bien ou... pas mal ?" insista le Deuxième Année en se postant devant Drian en mode marche arrière, les mains dans le dos. Ces deux mois n'avaient pas eu raison de lui. Sans savoir pourquoi, il lui restait encore un peu trop d'énergie et il voulait le montrer.
- HRP:
- Merci beaucoup pour ce super RP et de m'avoir fourni toutes ces opportunités pour développer Teilo dans des directions inattendues !
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je regarde le Lug avec un sourire amusé alors qu'il tente de se défendre contre l'évidence : ils puaient tous les deux. Au lieu de me renvoyer le souafle, il accepte rapidement les faits en se reniflant. Il est si différent de moi. Sa fierté est loin d'être sa priorité et puis il est simplement... lui. Il n'a pas fait semblant de ne rien attendre de moi, et il ne m'a rien demandé de plus que ce qu'il avait mis sur la table. Pas d'arrière pensées, pas de coups fourrés. D'ailleurs, il m'a même fait perdre de vue plusieurs fois mon objectif initial. Bien différent oui... et, d'une certaine façon, il a touché quelque chose enfoui au fond de moi. Je le sens sans l'identifier. Quelque chose d'agréable... Bah, peu importe. C'est bientôt fini de toute façon, ça disparaitra comme c'est venu.
- Mmh, je lui réponds avec un regard en coin et le sourire taquin toujours accroché à mes lèvres.
Le provoquer pas vraiment, plutôt lui faire peur. Mais le deuxième année ne l'a pas entendu de cette oreille. D'ailleurs, le voilà qu'il me surprend à me proposer un duel à demi-mot. A croire que je ne l'impressionne plus du tout et celui à venir ne l'inquiète plus du tout. Mon sourire s'agrandit tandis que je regarde le chateau de Beauxbâtons droit devant moi.
- Ne sois pas arrogant Daroux, je me contente de lui dire.
Si je testai réellement ma magie sur lui, il ne s'en relèverait pas de suite. Cela me fait réaliser à quel point je suis moi même très loin du niveau de mon maître. Ce regard que je porte sur Teilo, il doit avoir le même sur moi. Un jeune garçon, qui maîtrise à peine sa magie, et dont l'écart avec lui est un gouffre qu'il aurait bien de la peine à combler. Parce qu'il aura toujours plusieurs années d'avance sur lui, une histoire de vie l'ayant forgé probablement bien plus rude que la sienne. Un duel contre Subtil... cette idée est une pure folie. Et je ne suis pas fou. Pas encore.
Je tourne la tête vers Teilo qui insiste pour que je lui donne mon impression. A son regard, je suis sûr d'une chose, il ne va pas me laisser tranquille tant qu'il n'aura pas sa réponse. Mais je le comprends, j'aime aussi savoir où j'en suis et contrairement aux autres participants à mon éducation, Subtil m'a toujours guidé. J'ai envie d'être comme lui... tout en étant aussi comme moi. Je laisse planer un petit silence en continuant d'avancer tandis que le Lug marche en arrière. Lorsqu'il manque de se vautrer, je le rattrape par le col et plante mes yeux bleues exceptionnellement rieurs dans les siens.
- C'était bien.
- HRP:
- Merci à toi pour ce super RP que j'ai pris beaucoup de plaisir à écrire. Explorer Drian de cette manière, rester toujours sur la ligne de crêt que je me suis fixée était un vrai défi !
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