Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo avait néanmoins trouvé l'endroit parfait pour l'aborder. Les remparts. Drian et lui s'y étaient déjà croisés à plusieurs reprises avant Noël, et même l'année scolaire précédente quand ils avaient eu la même idée de courir tôt le matin - mais pas dans le même sens. Ils ne s'étaient jamais vraiment adressé la parole. A chaque fois, Drian était passé à côté de lui sans un regard pour son sourire. Pourtant, ils étaient tous les deux amis de Lorie Fleury, en plus de partager le goût de la course ! Avec ces deux centres d'intérêt communs, ce n'était pas normal qu'ils ne se parlent pas du tout, qu'ils ne soient pas au minimum bons copains.
Teilo avait donc pris pour bonne résolution 2024 d'y mettre plus du sien. D'autant qu'il y avait un gros enjeu à venir en mars, que ça commençait à urger et que Lorie était à Castelobruxo. La fille sur qui il s'était reposé toute l'année dernière ne pouvait pas lui venir en aide cette fois-ci. De son côté, Thaïs était trop occupé et restait cloîtré à étudier dans la tour de Lug quand il n'était pas juste introuvable. Quant à Giovanni, Pensée, Maëlle, Paolo, Nathaniel et les autres, son ego d'ado l'incitait pour une fois à ne pas les mêler du tout à cette histoire.
Non. Il lui fallait vraiment l'aide de Vaillant. Et pour pouvoir lui parler en tête à tête, Teilo était prêt à tout !
Il se levait tous les jours à six heures depuis plus d'une semaine, s'habillait de sa panoplie du parfait jogger constituée de tout ce que la technologie non-mag faisait de plus perfectionné et de thermique, se chaussait de ses nouvelles baskets grises Xtra-Foam (plus performantes et tendance que les désuètes SuperFoam). Par dessus tout ça, il enfilait le maillot jaune et bleu ainsi que le short bleu nuit de son ancien club de rugby lyonnais. Sa soeur lui en avait trouvé à sa taille 'quelque part' et les lui avait offerts à Noël.
Avant de quitter le confort et la chaleur de sa tour, comme un rituel, le Lug glissait toujours dans sa poche gauche quelques gousses d'arbre-coeur, dans sa droite un petit coquillage blanc. A 6h15, l'heure où les Michel commençaient à s'endormir, il montait à demi-éveillé sur les remparts. Quelques échauffements, quelques étirements pour éviter les claquages et il était parti sous le ciel encore sombre des matins d'hiver.
Les premiers jours, manque de chance, il ne croisa pas Drian. Le grand avait peut-être abandonné l'idée de courir si tôt parce que quand même, ça caillait pas mal. Teilo persévéra.
Le dimanche quatorze, il en fut récompensé mais, trop content de le croiser enfin au niveau du belvédère des astronomes, il en oublia carrément de le saluer et après, c'était trop tard. Le lundi quinze, il manqua de trébucher pile devant le délégué car il venait de marcher sur un de ses lacets défaits. C'était trop la honte alors le petit poursuivit son chemin. Le mardi seize, quelle chance ! Drian était encore venu courir de bon matin ! Mais au moment parfait pour l'interpeller, un Michel pas tout à fait endormi lança à Teilo : "Fais gaffe à ton lacet, lardon, tu vas t'casser la margoulette", ce qui était bien évidemment faux mais le déconcentra suffisament pour que l'Ogme lui passe à nouveau sous le nez.
Ca commençait à bien faire, se dit Teilo ce matin du mercredi dix-sept janvier. A chaque fois, il était si près du but, il allait quand même réussir à lui parler, même s'il fallait dire n'importe quoi ! Et si, pour conjurer le sort, il changeait le sens de sa course pour aller dans le même que le grand ?
"C'est la pire idée que j'ai eue de ma vie", haleta un Teilo essouflé au bout de vingt minutes de course. Il n'avait jamais remarqué jusque là à quel point Vaillant pouvait aller vite. Le grand avait une foulée et une constitution remarquables, en plus de tout ce qui était déjà remarquable chez lui : son calme, son charisme, sa manière de parler aux filles, l'angularité de son visage et plein d'autres choses encore qu'à son âge, Teilo commençait carrément à envier.
Bon. Le mieux, concéda le Lug, c'était encore de l'attendre au belvédère des fureteurs en espérant qu'il fasse un tour supplémentaire. Teilo en profita pour souffler, s'étirer, grignoter deux gousses d'arbre-coeur, sautiller sur place et rajuster au moins dix fois ses manches thermiques. Dans sa tête se mélangeaient cent manières d'engager la conversation. D'ordinaire, c'était une formalité pour lui. Mais avec Drian, aucune ne lui paraissait bonne. Trop tard de toute manière. Le grand arrivait déjà.
Teilo l'observa de loin en respirant profondément, le torse bombé et le buste droit. Il attendit patiemment que l'Ogme le dépasse pour s'engager à sa poursuite tel Flash après les vilains. Comme il avait quelques réserves d'énergie, il le rattrapa rapidement et s'adapta à la foulée du grand pour courir à son niveau et juste à sa gauche. Le menton relevé, un grand sourire aux lèvres, le guilleret Lug au visage rose lança en respirant sur les ponctuations : "Hé. Tu cours vraiment bien, j'arrivais pas à te rattraper. Tu... tu t'entraînes depuis longtemps ?"
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Sixième année - 17 ans
______
Il est de notoriété publique que les vacances de Noël ne sont pas les vacances les plus reposantes mais elles ont été particulièrement éprouvantes pour moi cette année. Entre Abbie et Tobias, ma mère, sans oublier Morsure et son excité d'apprenti, je n'ai pas vraiment réussi à me relaxer. Et puis il y a eu Lorie aussi. Lorie qui m'a largué. Moi ? Me faire larguer ? Par elle ? Elle m'a dit qu'il y avait quelqu'un d'autre, une fille. Je suis quasiment certain qu'elle m'a trompé. Une humiliation de plus à rajouter à la liste déjà longue qu'elle m'a infligé. Malgré ça, et j'en suis surpris avec le recul, j'ai à peine été affecté - en comparaison avec la destruction du boudoir -, j'ai surtout beaucoup cogité. Il semblerait que les enseignements de Subtil, et tout ce qui gravite autour, me transforment peu à peu. Ce n'était qu'une impression, maintenant j'en ai la certitude.
Epuisé comme jamais, j'ai donc passé ma première semaine à ne faire que le strict minimum. Courir le matin ? Non merci. M'entrainer aux duels ? Encore non, j'ai eu ma dose. Je me suis uniquement rendu au dispensaire pour remplir mes tâches d'apprenti et ai frôlé la catastrophe en inversant deux étiquettes de potions que Madame Zitelli venait de préparer. Heureusement - tout du moins pour ses patients-, elle s'en est rendu compte à temps et m'a renvoyé me reposer, ce qui n'a pas été pour me déplaire. Après un long repos le samedi, j''ai été fin prêt pour reprendre mes habitudes le dimanche et notamment, courir sur les remparts. L'activité m'a fait du bien, des muscles chauds, un cœur qui s'accélère et un bon bol d'air, quoi de mieux pour se vider la tête et y voir plus clair ?
J'y retourne donc le lendemain, puis le surlendemain et deux choses me sautent alors aux yeux. La première, et non des moindre, est que sans avoir rien fait, j'ai attiré un peu plus de sympathie de mes pairs masculins et que les filles sont devenues tout à coup très entreprenantes. En posant la question à Tobias et Abbie le soir même, la chose s'est éclairée. Abbie, comme elle me l'avait promis à la fin des vacances, a lancé la rumeur dans les plus hautes années, que Lorie m'avait quittée pour une autre et a fait passer ma fatigue pour de l'abattement, ce qui a eu pour conséquence de me remettre sur le marché des célibataires en me conférant une sensibilité que je n'ai pas mais qui plait vraisemblablement beaucoup à la gente féminine. Côté masculin, se faire quitter pour un autre peut paraitre humiliant mais à priori pour UNE autre, c'est un coup du sort imprévisible qui n'est vraiment pas de chance et contre lequel aucun ne pourrait jamais rien faire. Voilà donc d'où sont venus les accolades non désirées et les petits mots d'encouragements surprenants. Conclusion des faits, Abbie a vraiment bien travaillé.
La deuxième chose maintenant, est que depuis trois jours, je vois systématiquement du coin de l'œil la même tignasse assortie à une tenue un peu trop visible à mon goût me croiser chaque matin lors de ma course. Si au début, je n'y ai pas du tout fait attention malgré la rareté de la chose, courant sans prêté attention à l'élève, le troisième jour, j'ai tout de même été plus attentif et ai reconnu le gamin Daroux au moment où il se fait interpeller par une gargouille. Etrange, mais finalement pas totalement surprenant, le début du mois de janvier étant le mois où certains prenaient des résolutions qu'ils ne tiendraient pas plus d'une semaine. Par contre, qu'il change de sens de course et qu'il essaye de me talonner ce matin, ça, ce n'est pas normal. Je ne sais pas ce qu'il a dans la tête mais je n'ai définitivement pas envie de le savoir alors je continue de courir sans me préoccuper de lui. Au bout d'un moment, je m'autorise tout de même un coup d'œil en arrière et voyant qu'il ne me suit plus, je ralentis un peu, me le sors vite de la tête et poursuit mes tours de rempart... jusqu'à le recroiser au belvédère des fureteurs où l'affaire devient clair.
Le jeune garçon me rattrape et se met à ma hauteur - je ne sais comment -, pour me complimenter sur ma course. Je lui lance un regard neutre avec un sourire énigmatique et accélère sensiblement mais le petit tient bon. Ma parole, il a mangé du myrmidon ou quoi ? Il est vraiment déterminé à venir me casser les pieds. Mais si je garde ce rythme, il va bien finir par se fatiguer. Avant moi en tout cas. En attendant, si je ne veux pas perdre mon temps, autant aller droit au but. Je sais bien qu'il n'est pas venu me parler de ma course ou du beau temps, personne ne fait autant d'efforts pour ça. Enfin, normalement.
- Tu ne voulais certainement pas me rattraper pour savoir ça. Qu'est-ce que tu veux réellement Daroux ? Je demande tranquillement tout en continuant ma course comme s'il s'agissait d'une promenade de santé alors que mes mollets commencent sérieusement à me bruler après autant d'exercice. Il faut dire que je ne devrai pas être à ce rythme après autant de tours. Pas question de ralentir pour autant.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Ce qu'il voulait réellement ? Que tu t'arrêtes, pensa très fort Teilo. Mais ce n'était visiblement pas le projet de Drian Vaillant qui, non content d'avoir des jambes deux fois plus longues, de faire deux foulées quand le petit Lug en faisait trois, avait même décidé d'accélérer le rythme. Le fin sourire que l'Ogme lui avait lancé ne laissait aucun doute : c'était un défi, le genre injuste et impossible à tenir plus de vingt secondes, mais ça n'empêcherait pas Teilo d'essayer.
"Ben... Fiou-fiou..."
Il avait beau avoir grignoté deux gousses d'arbre-coeur, il sentait déjà son palpitant battre la chamade. Son visage devait être tout rouge maintenant et ses jambes... il ne valait mieux pas qu'il pense à ses jambes. Tous les vêtements techniques, même les baskets les plus performantes au monde ne pouvaient lutter contre l'expérience et les muscles du grand à côté de lui. Enfin, un peu devant lui maintenant.
Néanmoins, Drian ne l'avait pas ignoré. Il s'était même rappelé de son nom alors qu'il n'était rien ou pas grand chose aux yeux du délégué. Le Lug prit ça comme deux signes très encourageants. Il devait exposer directement son problème avant de se faire trop distancer. "J'ai défié quelqu'un en duel dans... deux mois, j'ai besoin... fiou-fiou... il faut que je gagne alors... tant qu'à..." Sa voix agonisait un peu, il fallait qu'il respire mieux. "Fiou-fiou... tant qu'à faire... fiou-fiou... je voulais demander au meilleur."
Le Champion, celui qui avait battu tout le monde au dernier tournoi officiel et qui était maintenant à deux mètres devant lui sans même donner l'impression de forcer. Malgré son corps qui lui criait stop, Teilo redoubla d'efforts. Se surpasser, prendre des risques étaient des concepts nouveaux pour lui, ça lui faisait de moins en moins peur. Si il y avait bien quelqu'un qui pouvait lui donner de bons conseils, une stratégie imparable pour s'assurer une victoire, c'était Vaillant. Teilo allait sûrement le regretter et cracher ses poumons plus tard... mais il ne voulait pas le laisser s'échapper si facilement.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je ne saurai dire pourquoi, mais martyriser ce gamin est un véritable plaisir. Le voir souffrir pour essayer de me suivre et me répondre en même temps me rempli d'une satisfaction un peu sadique. Même carrément sadique, soyons honnête. Daroux perd rapidement un peu de terrain et je me permets finalement de ralentir légèrement, non pas pour lui permettre de ne pas se laisser distancer - et puis quoi encore ? - mais pour m'économiser un peu et, je l'avoue, pour mieux l'entendre. Vient-il vraiment de dire qu'il avait provoqué quelqu'un en duel ? Je n'aurai pas été en train de contrôler ma respiration avec une précision de métronome que j'en aurai probablement ri. Cette demi-portion est décidément pleine de surprise.
- Toi ?... Tu as défié quelqu'un en duel ?... Je lui jette un coup d'œil en biais avec un sourire bien trop grand pour être honnête. Un vrai duel ou un avec des pantins ?
L'un est interdit, l'autre doit être encadré et je ne suis pas certain que l'intention de l'élève de deuxième année est de rendre ce duel public mais je peux me tromper. Serait-il venu en parler directement à un délégué si son duel était clandestin ? Hm je pense que oui, je pense qu'il n'a même pas réfléchi à ça. Peut-être que je fermerai les yeux, ça serait dommage de louper un tel divertissement. Ou alors... Beaucoup trop d'idées me viennent en tête, Daroux ne sait définitivement pas où il a mis les pieds.
Je me demande qui est son adversaire. Quel qu'il soit, j'espère qu'il est aussi gringalet que le petit sorcier sinon Daroux n'a aucune chance, peu importe le type de duel. Enfin j'espère, non pas vraiment, le voir se faire ratatiner serait probablement très amusant. J'écoute sa réponse avant d'attaquer à nouveau.
- Et... Tu veux demander quoi exactement... au meilleur ? Je l'interroge entre deux repirations profondes même si j'ai parfaitement compris son intention. Je veux juste avoir le plaisir de le torturer encore, tant que c'est possible. Mine de rien, le tour des remparts avance et le garçon s'accroche toujours. Je ne referai pas un tour de plus juste pour le voir s'écrouler, il faudra bien que j'accepte qu'il reprenne sa respiration si je veux connaître le fin mot de cette histoire tordante.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Ou alors, c'était Oscar qui l'avait défié ? Il ne savait plus très bien. Peu importait, au final. Il y avait duel !
"Et je peux pas perdre", répéta-t-il avec emphase entre deux souffles. Qu'il passe pour gentil aux yeux d'Oscar ou des autres élèves de l'académie ne l'avait jamais dérangé parce que c'était quand même assez vrai. Mais Oscar l'avait aussi jugé inoffensif et sur le coup, c'était très mal passé. Teilo avait bien l'intention de prouver au blondinet qu'il se trompait. Et à Drian. Et à tous les élèves qui le sous-estimaient !
"On a pas... fiou-fiou... on a pas encore décidé si on le faisait... avec les pantins", précisa le Lug, les yeux droits devant lui. Vrai, ils n'avaient pas évoqué à ce sujet. "Les deux me vont." Teilo haussa rapidement les épaules. Il suffisait de ne pas se faire prendre et peut-être d'interdire les sorts qui pouvaient vraiment faire mal ? Même s'ils étaient punis, ce n'était pas si grave que ça, tant qu'il avait le temps de battre Oscar avant de se faire choper.
Bon. C'était super d'être motivé, d'avoir de la volonté et tout... mais Teilo était assez conscient de ses limites. S'il avait pu rattraper Drian, s'il continuait à courir à ses côtés sur les remparts, c'était parce que le grand avait volontairement décidé de ralentir le rythme. Et même comme ça, les muscles du petit le suppliaient d'ARRETER. Pareillement, s'il ne s'entraînait pas très dur pour le vingt mars, il allait sans aucun doute perdre son duel.
Mais perdre était inconcevable, tout comme arrêter volontairement de courir. Drian lui avait lancé un petit sourire, Drian avait ralenti pour lui permettre de le rattraper, alors d'accord. Ce serait Drian qui déciderait de quand il fallait s'arrêter, et de la suite aussi.
"Je suis pas assez f... fort pour battre Oscar. Je veux... je veux que tu m'entraînes. Y'a que toi qui... peut me faire gagner."
La voix éraillée par l'effort, le visage tiraillé par l'épuisement comme la douleur, Teilo scrutait la réaction du plus grand. C'était osé de dire "je veux" à la figure d'autorité qu'était Drian Vaillant, de dramatiser la situation en le représentant comme son seul espoir mais, à défaut de bons arguments, Teilo avait au moins ça pour se démarquer. Au rythme de sa course, il ne tiendrait de toute manière plus de propos cohérents dans une trentaine de secondes. Autant jouer le tout pour le tout, quitte à se prendre un refus catégorique.
Le petit Lug s'autorisa même un regard appuyé avec, dans ses yeux, une petite lueur de défi. Il fallait que Drian le prenne au sérieux parce que... parce qu'il l'était. Parce que tout ça était très, très sérieux !
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Sa réponse et son regard de défi me ramène cinq ans auparavant, où pour la première fois, je franchissais la porte du bureau du professeur Vaillant, mon oncle, pour lui demander de m'entraîner. Je me revois lui demander, à peu de choses prêt, la même chose. Et je me souviens de sa réaction méprisante, de son attitude rabaissante et de ses mots humiliants. Je n'étais qu'un gosse à l'époque, et ai pris son refus puis tous les suivants comme la seule chose concevable à mes yeux : il voulait que je me dépasse, que je sois déterminé. Ce qui était complètement faux. C'était juste une pourriture de première qui décidait selon son humeur si, oui ou non, son neveu pouvait bénéficier d'une miette de son temps. Et cette miette était rarement plaisante.
Je pourrai faire comme lui et refuser en rabaissant Daroux plus bas que terre. Ou je pourrai faire comme Subtil. Aussi dangereux que séducteur, juste, et et ayant un objectif à atteindre. Il ne m'enseigne pas la Magie noire pour le plaisir de le faire, il a bien évidemment un but derrière, mais il le fait d'une telle façon que je ne peux m'empêcher de l'apprécier alors même que ses enseignements me lacèrent l'âme. Alors même qu'il est, selon les concepts français, le mal incarné. Pas plus que mon oncle au bout du compte. Entre le bien et le mal, finalement, la frontière est bien vague. Si j'accepte la demande du gamin, ça sera donc uniquement pour arriver à mes fins. Fins qui porte des cheveux blonds, a seize ans et est actuellement au Brésil. Mais elle reviendra... Je n'ai pas encore dit mon dernier mot. Sans nul doute que devenir le héros du Lug, qui lui envoie probablement des lettres, ira dans mon sens. Bien plus que l'inverse, c'est certain. Le résultat finalement importera peu, ni mes arrangements si l'envie m'en prend.
Très bien. J'ai pris ma décision. Et ça tombe bien puisque le belvédère des astronomes où j'ai laissé mes affaires est en vu. Nous courrons en silence - lui probablement à bout, moi pour me concentrer sur la fin de ma course - jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'une vingtaine de mètres nous séparant du belvédère. Là, j'entame une accélération et je dévore les mètres restant aussi vite que mes dernières forces me le permettent, laissant en plan le deuxième année. Les poumons en feu, les mollets au supplice après ce dernier sprint, je saisis ma serviette abandonnée sur le mur pour me la passer derrière le cou et essuyer la sueur qui y a coulé. Faisant quelques pas pour calmer les battements affolés de mon cœur et reprendre ma respiration, j'attends le lug. Lorsqu'il est à portée d'oreilles, je lui réponds enfin.
- J'accepte de t'entraîner mais je ne garantis pas le résultat, je ne peux pas faire de miracle, je dis avec un sourire un brin moqueur. Si tu échoues, ça sera uniquement de ta faute. Si on est clair là-dessus, ton premier entrainement sera de courir tous les matins avec moi jusqu'au jour de ton duel. Pour le reste, il faudra déjà que tu saches quel type de duel vous allez faire. Crois-moi, les pantins et les sorts, ça n'a rien à voir, je dis en me remémorant douloureusement mon duel contre l'apprenti de Morsure d'il y a peu.
Oui, définitivement rien à voir.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Quand l'Ogme se mit non pas à ralentir mais à accélérer, le jeune Lug en resta soufflé. Un instant, il contempla l'idée bigrement tentante de s'arrêter. C'était juste impossible de le rattraper. Mais quand il vit que Drian s'était arrêté de lui-même plus loin, Teilo comprit que le belvédère des astronomes était en fait la ligne d'arrivée et poussa une ultime fois sur ses muscles meurtris jusqu'à la franchir lui aussi.
Penché en avant et les mains sur les genoux, il s'apprêtait à lâcher un râle de douleur et de soulagement mais le grand prenait déjà la parole. Aussitôt, Teilo en oublia sa douleur et redressa la tête. Il avait bien entendu ! Drian avait dit oui. Et même si l'Ogme rejetait toute responsabilité en cas d'échec, même s'il considérait qu'une victoire serait un miracle, même s'il lui demandait de courir à un rythme impossible tous les matins, ce qui allait sûrement réduire les jambes du petit Lug en bouillie et faire éclater son pauvre petit coeur, ce dernier hocha docilement la tête à tout ce que l'autre disait.
Teilo reprenait un peu ses esprits (et sa respiration), il commençait donc à avoir des questions, surtout vu ce que son camarade venait de raconter à propos des duels. Plein de questions, trop de questions qu'il décida de taire pour l'instant. Ils allaient se revoir tous les jours pendant plus de deux mois, il aurait amplement l'occasion de les poser.
"Moi, je crois aux miracles", fit-il alors qu'un sourire fendait son visage rougeaud. "A demain." Sans attendre, il se détourna du grand et quitta le belvédère. Au bout de dix mètres, il s'arrêta. Mince, l'escalier était de l'autre côté. Comme ses jambes lui faisaient bien trop mal pour un détour, il dut se résoudre à faire demi-tour et repasser devant Drian l'air de rien, en espérant que le grand ne détecterait pas, à la manière qu'il avait de claudiquer, la souffrance intense dans ses jambes.
Son visage, lui, était déterminé. C'était acté. Dorénavant, gagner le duel contre Oscar serait la première de ses priorités.
6h30
Affublé de son accoutrement jaune, noir et technique de la veille - sauf pour les baskets qui cette fois-ci étaient bleues - Teilo avait même pensé à prendre une serviette qu'il alla accrocher à côté de celle du Sixième Année avant de rejoindre ce dernier en trottinant, l'air un peu soucieux.
"Oscar veut un vrai duel", commença-t-il les sourcis froncés en attrapant son pied droit pour étirer son genou en arrière. "Je lui ai dit oui, à condition de pas utiliser les maléfices. Il m'a dit d'accord..." un frisson lui parcourut le dos... "mais je crois qu'il les utilisera quand même." Teilo reposa son genou et leva un regard dur vers Drian. "C'est le genre à faire ça." Le souvenir du Petrificus Totalus que son camarade lui avait lancé en juin était encore bien vivace. A la merci de Devigne, il n'avait jamais eu aussi peur de toute sa vie. Depuis, il s'était juré qu'on ne l'y reprendrait plus.
"Faut qu'on trouve un endroit vraiment discret. L'arène c'est trop voyant."
En attendant la réaction du délégué qui jusque là n'avait même pas commenté sur le grossier manquement au règlement que leur petite histoire impliquait, Teilo s'étira l'autre genou. C'était étrange mais il était particulièrement en forme ce matin. Il avait vraiment hâte de courir avec Drian.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Mon sourire moqueur s'agrandit à l'affirmation du deuxième année qui part à l'opposé de l'escalier et finit de s'épanouir lorsqu'il repasse devant moi en boitant, l'air de rien, pour finalement emprunter le bon chemin. Oui, il faudrait un vrai miracle pour réussir à en sortir quelque chose de celui-là, j'aurai probablement plus de chance de succès avec son adversaire. Ceci dit, je m'amuserai probablement beaucoup moins et en plus de remplir un objectif, cet entraînement sera une distraction qui ne me fera pas de mal avec la pression que fait peser ma mission sur mes épaules. Si mon travail au dispensaire me permet de penser momentanément à autre chose, il est sacrément barbant. Avec Daroux, j'ai déjà en tête de nombreuses idées pour rendre tout ceci distrayant.
6h30
Je suis arrivé au belvédère des astronomes ce matin, un peu plus tôt que d'habitude, histoire de pouvoir réaliser mes étirements sans être dérangé. Je n'ai pas le moindre doute quant à la venue du gamin, il avait l'air si déterminé hier. Ai-je d'ailleurs bien fait de lui dire de courir avec moi tous les matins ? Je n'aurai, pour ainsi dire, plus la paix jusqu'à son duel. Je pourrai toujours le laisser en plan de temps en temps, courir n'est pas mon uniquement entraînement.
Tiens, le voilà qui arrive, pile à l'heure. Je fronce les sourcils en le regardant trottiner vers moi. Est-il obligé de s'habiller de cette façon ? Je n'arrive pas à savoir si sa tenue est plus, ou moins, voyante qu'hier, ce dont je suis sûr par contre, c'est qu'il est visible de loin. Bien trop à mon goût. Si on voulait lui lancer un maléfice, il serait une cible facile. En parlant de maléfice... J'écoute les nouvelles qu'il m'apporte. Ainsi ce sera un duel de sortilèges. Intéressant. Sans maléfice ? Cela ne me surprend pas, quel trouillard ce lug. Mais son adversaire ne respectera pas la règle ? *C'est bien mon genre aussi* je pense avec un petit sourire. Enfin, si on ne m'empêche pas de les utiliser, ce qui est totalement faisable pour ce duel. Je connais très bien le charme pour obliger cette restriction. Je me garde bien toutefois de le dire au jeune sorcier, rien ne dit que je me pointerai à son duel et il devra bien composé avec le caractère de cet Oscar.
- Tu m'étonnes..., je réponds à la dernière remarque du garçon avec un sourire en coin. Evidemment que l'arène n'est pas le meilleur endroit pour un duel clandestin. Je te laisse te débrouiller avec ça, mais si tu veux un conseil, le mieux serait encore de ne pas le faire à Beauxbâtons... Sauf si tu as peur que ça tourne mal, je rajoute, conscient que l'esprit de Daroux pourrait vite s'imaginer toutes sortes de scénarios. Si je ne me trompe pas sur lui, il a l'imagination fertile. Mais est-ce que ça pourrait être pire que d'être exclu ? Je fais mine de demander en réfléchissant, mon sourire toujours accroché aux lèvres.
Les enjeux ainsi posés, je me mets à courir sur un bon rythme, sans donner le moindre signal. Si le gamin est attentif et réactif, il me suivra rapidement, sinon, il devra dès le debut de la course puiser dans ses réserves pour me rattraper.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Tout en s'étirant l'autre genou, Teilo fronçait les sourcils, les yeux rivés sur le sourire du grand qui semblait trouver ce qu'il disait rigolo. Lorie avait toujours eu de bonnes solutions, elle l'avait toujours rassuré mais là, devant lui, c'était pas elle... et le seul conseil que Drian avait prodigué le laissait circonspect. L'Ogme le disait lui-même, faire le duel en dehors de Beauxbâtons, ça pouvait tourner mal.
Très mal.
Très très mal.
"C'est pas d-" voulut dire Teilo mais Drian s'était mis à courir sans prévenir, le laissant terminer dans le vide, la voix mourante : "-rôle." En à peine deux secondes, des fourmillements lui montèrent aux jambes, au ventre, au bras et à la tête, comme un petit électrochoc, et il démarra sur les chapeaux de roue pour vite le rattraper.
C'était parti ! Et cette fois, à l'instar des héros animés de son enfance, il allait tenir la distance. La course d'endurance, c'était avant tout une question de res-pi... ra-tion. Un-deux... un-deux... en rythme avec ses foulées, comme pour une danse. Le souci, c'était qu'après ce que Drian lui avait dit, Teilo réfléchissait encore. Faire le duel à Beauxbâtons, c'était enfreindre l'article 9 du règlement. Il avait déjà enfreint les articles 1, 3, 5 et 6 et s'en tirait drôlement bien malgré une séquence dans le bureau de Madame Yapara qu'il préférait oublier. Par contre, l'article 9 était bien plus dur. Si il était exclu de l'Académie, même temporairement, Maman n'allait pas être contente. Et surtout, qui allait lui apprendre à devenir un bon sorcier ?
Mais le faire en dehors, c'était assurément pire. Oscar avait pris Conjuration du Mal pour sa deuxième année, il connaissait sûrement déjà plein de sorts horribles dont Teilo n'avait pas particulièrement envie de tester les effets. Pas avec Oscar, en tout cas.
A côté de Drian, le plus jeune regardait droit devant lui. "Non, faut le faire à Beaux... huf... bâtons. Et..." Bon sang, même à Beauxbâtons, c'était super trop dangereux en fait, maintenant qu'il y réfléchissait. Entre deux foulées, deux respirations, Teilo déglutit. "Faut le faire... huf-huf... avec les pantins. Avec... huf-huf... un professeur qui arbitre. Y'a beaucoup moins de... huf-huf... risques." C'était tellement mieux comme solution, ça évitait tellement de problèmes, il aurait vraiment dut dire ça à Oscar la veille. Sur le coup, il n'avait pas réfléchi.
Ses chevilles et ses cuisses chauffaient un peu. Son coeur battait plus fort. L'air froid du matin lui faisait un peu mal aux poumons. Rien d'anormal pour l'instant, même si le grand à sa droite courait plus vite qu'il n'en avait l'habitude. Par contre, il aurait vraiment du mieux s'étirer avant de partir. Hélas, Vaillant ne lui en avait pas laissé le temps.
"C'était contre qui, huf-huf, ton vrai duel ?" demanda le Lug en tournant la tête vers l'Ogme. "Un autre élève.... huf... qui t'embêtait ?"
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Le Lug me rejoint plus vite que ce à quoi je m'attendais. Il est réactif, c'est un bon début. Je regarde sa façon de courir, le rythme de sa respiration. Je n'ai rien à y redire alors je maintien ma foulée et reste silencieux en regardant l'horizon. Silence très vite rompu par le gamin dont le cerveau que je soupçonne en ebullition suite à mes dernières paroles achève tout haut sa réflexion . Je lève un sourcil amusé, sans le regarder..
- Il fallait peut-être... y penser avant..., je lui réponds d'un ton neutre entre deux respirations.
Je m'imagine que ceci-dit, il se concentrera sur sa course et arrêtera de jacasser. Je n'aurai pas pu avoir plus tord. Non content de continuer à perturber ce moment, il me pose une question à laquelle je n'ai définitivement pas envie de répondre. Même s'il y a peu de chance qu'il me prenne au sérieux si je lui disais que mon dernier adversaire était un jeune mage noir venant de Durmstrang, et que ça tête vaudrait probablement le détour, je ne suis pas assez stupide pour laisser une telle information dans une bouche aussi bavarde. Quant à si un élève m'embêtait...
- Contre mon oncle, je finis par répondre. Même si le gamin n'a pas eu Conjuration du mal, je suppose qu'il n'est pas sans savoir qu'un autre Vaillant exerçait comme professeur encore l'année dernière. Personne... ne se risquerait à venir m'emmerder, je mens avec un sourire féroce.
Personne encore à Beauxbâtons en tout cas. Enfin, même si Natacha a longtemps joué ce rôle, je lui ai laissé trop peu d'ouvertures dès la deuxième année pour que ces menaces ne viennent réellement me perturber. Elle a bien fait d'autres tentatives mais sans grand succès. Bon, il y a bien aussi ce gamin d'Ogme qui commence sérieusement à me taper sur le système mais c'est encore autre chose.
Nous passons le belvédère des fureteurs et en regardant dans la direction de la Tour de l'Horloge, une idée me vient.
- Tu viendras avec un balai demain..., j'espère que tu sais voler. Je lui dis sans lui laisser le moindre choix. Si il ne maîtrise pas le vol au balais, il aura la journée pour se débrouiller à apprendre.
La course pour l'endurance et le dépassement de soi. Le vol sur balai pour l'équilibre et l'agilité. Il me faut encore trouver des épreuves pour entraîner ses esquives, son analyse de la situation, son self-control et sa contre-attaque. Mais le chateau regorge d'occasions pour mettre tout ça en pratique pour un deuxième année sans que je n'ai à trop me prendre la tête là-dessus, je suis certain de trouver facilement de quoi l'occuper.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Il fallait y penser avant. C'était tout ce que Drian lui avait répondu, sans une trace d'émotion. C'était vrai. Teilo savait très bien qu'il ne réfléchissait pas beaucoup, ou trop mais pas aux bonnes choses au bon moment et que ça lui posait parfois des problèmes. Mais entendre cette critique honnête de la bouche du garçon qu'il avait érigé en un modèle à suivre... ben, ça lui avait vraiment fait mal à la poitrine.
Le Deuxième Année n'avait rien affiché sinon des lèvres pincées. Les grands comme Drian maîtrisaient leurs émotions et lui, il devait vraiment faire des efforts là-dessus. Mais, le naturel revenant au galop, il n'avait pas fallu bien longtemps avant que le Lug trop curieux ne pose une autre question à laquelle Drian, contre toute attente, répondit.
"Ha oui, Thiberius Vaillant... huf... c'est ton oncle", commenta Teilo avec légèreté. Il était passé où, d'ailleurs, celui-là ? La question lui brûlait les lèvres mais il la retint, pressentant que s'il poussait un peu trop, l'Ogme finirait par se sentir emmerdé. Et ça, c'était un risque que Teilo n'était pas du tout prêt à prendre vu le sourire que le grand affichait : personne n'emmerdait Drian Vaillant. C'était la vérité vraie, le Lug frissonnant n'en doutait pas une seconde.
Il se recentra sur sa course, sur la régularité de ses foulées et de son souffle. Peut-être que, s'il gagnait son duel contre Oscar, ça finirait par se savoir : personne n'emmerdait Teilo Daroux. S'ils se croisaient dans les couloirs, Oscar baisserait la tête au lieu de faire le fanfaron avec cet air supérieur qui commençait vraiment à l'agacer. Ca lui passerait l'envie une bonne fois pour toute de se mêler de ses affaires. Peut-être aussi qu'on arrêterait de lui demander de l'aide à tout bout de champ pour tel ou tel projet. Peut-être qu'on le laisserait enfin tranquille.
Teilo cligna des yeux, pris d'un nouveau frisson. Mince, il n'avait quand même pas attrapé la semence-folle ? Il aimait aider les gens, passer du temps, beaucoup de temps avec ses nombreux amis, et tant pis si ça l'empêchait de faire ce qu'il avait prévu, tant pis s'il ne progressait pas assez dans son travail scolaire, si ses performances au Quattequin restaient médiocres, tant pis si il avait quasiment arrêté tout ce qui l'avait passionné lui depuis tout petit, la danse, le théâtre, le chant. Il fallait bien faire des choix. Voir ses amis sourire, rien ne le rendait plus heureux.
"Tu viendras avec un balai demain..., j'espère que tu sais voler."
Teilo, ravi de cette proposition, afficha illico un sourire en coin à la manière de Drian. "Bien sûr... que je sais. C'est Lorie... qui m'a appris. Chez elle. Huf. Enfin chez sa tante à Bois-des-Fées. Fiou-fiou. Tu savais que sa tante... c'est Madame Rosecieux ?" Le Lug avait bombé un peu le torse en parlant. Il était pas mal fier que la Championne de Beauxbâtons, descendante de Perceval lui ait consacré tant de temps rien qu'à lui, le Première Année de famille non-mag. Elle ne pouvait plus le faire maintenant mais... mais Lorie l'avait tellement aidé lors de sa première année, il ne l'oublierai ja-mais. "J'espère... qu'elle est heureuse là-bas. Et qu'elle va gagner."
Elle le méritait tellement. Teilo était persuadé que Drian était d'accord.
Le regard droit devant lui, le petit Lug jetait quand même de temps à autre quelques coups d'oeil à son camarade, guettant l'instant où ce dernier allait décider d'accélérer la cadence. Il ne voulait pas se faire avoir comme la veille. Pour l'instant, ils couraient tous deux à un rythme qui lui convenait. Il avait un peu trop parlé mais il n'était pas trop essouflé et ses cuisses lui faisaient juste un peu mal. Le seul hic, c'était sa douleur au mollet droit qui avait persisté toute la journée d'hier et qui, à chaque mètre parcouru, se rappelait insidieusement à lui.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je ne m'attendais pas spécialement à une réponse, et encore moins à celle-ci. Que Lorie fasse partie de nos discussions est inévitable - et j'ai bien l'intention de m'en servir - mais je ne l'imaginai pas aussi vite.
- Oui, je savais. Je réponds simplement. Comment je l'ai su ? Probablement pas de la bouche de la jeune fille qui, au final, ne me dis jamais les choses importantes. Je ne me souviens plus exactement mais j'ai du l'apprendre au détour d'une conversation, par des bruits de couloir. Il n'y a rien de plus frustrant que d'apprendre des choses sur sa petite-amie après tout le monde. Enfin, ex-petite-amie. Elle est... probablement heureuse.... Après tout... elle s'est trouvée... quelqu'un là-bas... elle n'est pas seule... On ne doit même pas... lui manquer, je rajoute d'un ton léger avec un clin d'œil faussement complice à Daroux accompagné de mon sourire en coin. Allez on accélère,... toi aussi tu dois gagner.
J'augmente ma foulée ce qui a pour objectif deux finalités se rejoignant : l'empêcher de parler, m'empêcher de l'entendre. Comme la veille, je force un peu sur le nombre de tours avant de finir les derniers mètres de la course d'un sprint jusqu'au belvédère des astronomes. Le petit Lug finit la course, peut-être un peu moins fatigué que la veille, quoique je ne saurai pas vraiment dire. Au moins l'a-t-il fini ce qui n'est déjà pas si mal par rapport à d'autres.
- A demain, soit à l'heure, je dis en partant alors qu'il n'a pas encore complètement repris son souffle, la serviette en travers le cou. Je n'ai pas envie d'en faire plus aujourd'hui.
6h35
Mon balai d'emprunt à la main et ma tenue de course assortie d'une veste de Quidditch pour l'occasion, je m'étonne de trouver Teilo Daroux déjà en place. Mon sourire, que je m'obstine à garder le plus souvent possible à l'image de mon maître, s'agrandit en constatant la tenue intégrale de Quidditch qu'il porte. J'ai hâte de le voir courir avec ça, je suis certain de me bidonner. En plus de mourir de chaud, il s'est alourdi. Voilà une chance qu'il va apprendre et normalement ajuster dès le lendemain. Mais pour l'heure, c'est une course de balais jusqu'à la Tour de l'Horloge qui nous attend. Comme si le château lui-même entendait mes pensées, les remparts prennent de la hauteur, l, alors que je m'approche du jeune sorcier, nous créant un couloir de vol idéal.
- Ton objectif est simple. Tu dois tout faire pour me dépasser. Arrivé à la Tour de l'Horloge, tu laisseras ton balais sur place et tu finiras le tour en courant jusqu'ici. Puis on recommencera la course de balai et ainsi de suite. Tout est clair ? Je demande en enfourchant mon balai, prêt au décollage.
Je n'ai jamais été titulaire des Salamandres d'Ogme mais j'étais quand même dans l'équipe comme remplaçant gardien, ce qui fait - je peux le dire sans rougir - que je me débrouille plutôt bien sur un balai. Néanmoins, je n'ai pas proposé un exercice impossible au deuxième année, en tout cas, pas à terme. Mon point fort indéniable est la force brute, pas l'agilité. Lui qui est maigrichon et sautille partout, devrait, avec de la maîtrise et de l'entrainement, finir par réussir à me passer devant. Bien entendu, je n'ai pas l'intention de lui rendre les choses simples. Je verrai bien si il est aussi tenace qu'à la course ou s'il se décourage vite.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Il avait beau accélérer le rythme, Drian prenait de plus en plus d'avance sur lui. Teilo était largué et il en était parfaitement conscient. Il sentait aussi que Vaillant le testait et que ça ne s'arrêtait peut-être pas à ses capacités physiques. Avec son ventre et son mollet qui le tiraillaient, le plus jeune continua sa course sans trop forcer. Il n'avait aucune idée du nombre de tours qu'il devait encore faire, ça dépendait de la bonne volonté de Drian. C'était complètement inéquitable, carrément injuste mais le message passait. Il ne gagnerait pas aujourd'hui.
Le Lug arriva bien après l'Ogme, essouflé, rougeaud et transpirant. Même s'il n'avait pas trop forcé, son mollet droit le lançait terriblement. "A demain", répondit-il au grand qui prenait congé sans faire aucun commentaire sur sa prestation, ni positif ni négatif. Rien. C'était terriblement frustrant après tous ses efforts mais... il fallait sans doute que Teilo s'y habitue.
Pas de bonjour, pas de commentaire sur sa magnifique tenue de Quidditch/Quattequin ou son Nimbus 2000 (qu'il avait emprunté à Charly Watrelet). Rien. Drian allait droit au but, directement à l'objectif, et quand Teilo comprit ce qu'ils allaient faire, il perdit tout de suite un peu de sa superbe. Mais... hier, Drian avait dit qu'ils allaient voler. Pas voler ET courir.
Le plus jeune ravala sa frustration et fronça les sourcils. Il fallait qu'il s'habitue et qu'il l'intègre une bonne fois pour toute : Drian Vaillant ne prévenait pas - ou alors pas de tout. Et pourquoi le grand souriait comme ça avec insistance en le regardant ? Ca ne l'amusait pas, quand même ?
Haaaa ouais ? Teilo se raidit, fronça les sourcils et se positionna sur la même ligne que Drian pour enfourcher son balai avec assurance. Bien sûr que tout était clair et aujourd'hui, son entraîneur allait voir ce qu'il allait voir. D'accord, sur le segment course à pied, il serait pénalisé par sa tenue bien trop lourde et qui lui donnerait bien trop chaud, sans compter la foulée bien plus ample et rapide de Drian. Mais sur balai, il avait toutes les chances de rattraper son retard, peut-être même de le dépasser ! Il avait l'habitude d'aller vite et là, il avait quand même un Nimbus. Depuis la rentrée, il ne ratait pas un seul entraînement avec les Loups de Lug. Un jour, il serait titulaire. Puis repéré par l'équipe de France, puis il gagnerait la coupe.
Au signal du départ, le Lug agrippa fermement le manche de son balai et fonça. Le vent frais du petit matin lui fouetta le visage et le surprit un peu mais il se pencha encore plus en plissant les yeux. C'était la première fois qu'il volait sur les remparts et il connaissait le circuit. Par contre, les virages arrivaient bien plus vite qu'en étant à pied. Il négocia mal le premier, se cogna même l'épaule contre le bord du rempart et lâcha un petit cri avant de réussir à se stabiliser à nouveau.
Drian l'avait dépassé, bien entendu.
Teilo grogna, serra les dents et accéléra encore mais il ne put le rattraper avant la Tour de l'Horloge. "Mais quel idiot !" cria le Lug en sautant carrément de son Nimbus pour poursuivre à pied. Sa réception lui fit un peu mal au mollet droit mais il s'en fichait pas mal, là. Drian avait pris trop d'avance et il dut forcer un peu sur ses muscles pour ne pas trop se faire distancer. Très vite, il se débarassa de son casque qui lui donnait trop chaud. Puis de sa cape qui gênait un peu ses mouvements. Par contre, il aurait vraiment du mettre des baskets.
A la fin du premier tour, le petit Lug était déjà un peu cuit. Il avait mal à l'épaule, au mollet et il était essouflé. Mais tant pis. Il enfourcha de nouveau son Nimbus et fila comme une flèche à la poursuite de Vaillant, appréciant mieux la courbe et la distance des virages si bien qu'il ne se cogna ni ne perdit l'équilibre. Drian était en vue, il n'était pas si loin que ça, il le rattrapait ! "Wouhouh !" s'exclama le Lug prit d'une soudaine euphorie. Il allait le dépasser ! Mais...
Mais... Comment faisait Drian pour rester toujours pile poil devant lui et l'empêcher de passer ? Teilo avait beau virer à droite, à gauche, essayer de se faufiler par dessus ou par dessous, c'était comme si l'Ogme savait ses mouvements en avance. Après quelques tentatives infructueuses, le Lug gronda à nouveau sa frustration. Ils devaient déjà abandonner les balais, de toute façon.
A la fin du deuxième tour, Teilo n'en pouvait plus de courir. Il avait encore plus mal un peu partout, c'était peut-être mieux d'aller se recoucher. Une chose, une seule le poussait à continuer : le sourire de Drian Vaillant. La bouche sèche et le corps tremblant, il se remit à dos de balai. Charly lui avait bien dit de faire attention au balai qu'il lui avait prêté mais... son camarade des Loups comprendrait. Il y avait urgence.
Au mépris du danger, Teilo poussa le Nimbus 2000 à fond. Par un petit miracle, l'inconscient ne se mangea aucun rempart. Drian était en vue, de plus en plus proche. Tant pis s'il le bloquait, lui ne ralentirait pas.
Si. Si, il devait bien ralentir. Il ne pouvait pas casser le balai de Charly. Il ne voulait pas faire de mal à Drian. Il ne voulait pas terminer sa journée ou sa semaine au dispensaire. La réalisation le frappa comme un coup de fouet, lui faisant enfin déserrer ses petits poings du manche et ralentir un peu. Aujourd'hui encore, il ne gagnerait pas. C'était entièrement de sa faute et il ne pouvait s'en vouloir qu'à lui-même. Tant qu'il ne ferait pas mieux, il serait condamné à rester derrière.
Il terminerait la course malgré tout, sans trop pousser. De toute manière, il était déjà bien amoché.
Drian allait encore sourire. Il devait s'y préparer.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Le signal de départ est à peine lancé que le gamin fuse sur son balai. Je ne suis pas surpris de sa rapidité mais de son enthousiasme oui. Le vol sur balai a l'air de nettement plus l'emballer que la course à pied. Je le suis de près et attends le bon moment pour passer devant ce qui ne manque pas d'arriver dès le premier virage qu'il négocie mal. Une demi-vrille et me voilà devant à creuser l'avance tandis qu'il se rétablit. J'entame le premier tour de course en le laissant en plan et est même largement le temps de rapatrier les balais d'un accio pour repartir un nouveau dans les airs.
A nouveau le lug rattrape son retard sur son balai mais je le bloque facilement. Tellement obnubilé qu'il est par l'idée de me dépasser qu'il ne fait pas attention à son environnement. Il fonce sans réfléchir, ne voit pas l'ombre qui m'indique sa position et ne profite pas du moment où dans le tournant, elle disparait un instant. Et plus les tours passent, plus il montre sa hargne - que je ne soupçonnais pas le moins du monde - sans faire preuve d'esprit d'analyse ou d'imagination, et encore moins de patience. Son esprit de compétition est une bonne chose mais encore faut-il qu'il parvienne à en tirer le meilleur.
Je décrète la fin de l'entraînement bien plus tôt que les jours précédents. Alterner vol sur balai, course à pied et sortilège m'a lessivé plus vite que prévu mais ce n'est rien à côté de Daroux qui arrive aussi épuisé que frustré. Il bouillonne, je peux le lire facilement sur son visage. Je l'attends, assis sur le rebord des remparts qui a repris sa hauteur initiale, un sourire tranquille aux lèvres.
- Montre-moi ton épaule, je lui ordonne doucement lorsqu'il termine enfin son tour. Je descends d'un saut agile et m'approche de lui la baguette à la main.
Lorsqu'il obtempère, je vois la peau éraflée et boursouflée. Ce n'est pas grand chose, il guérira vite naturellement, mais je ne pas envie que l'on dise que je maltraite un premier année si jamais ça venait à se voir.
- Sirapto, je formule et les éraflures disparaissent pour laisser une peau bien nette. Voilà, tu garderas uniquement un gros bleu.
Je range ma baguette, récupère balai et serviette et invite le gamin à me rejoindre un instant contre la rembarde. Après trois jours à l'étudier, je pense qu'il est bienvenue que je ne prenne pas uniquement exemple sur le sourire de mon maître mais aussi sur sa façon de m'entraîner.
- Tu étais survolté ce matin, je dis amusé. C'est bien, garde cette même hargne pour ton duel mais sers-en-toi mieux. Prends le temps d'analyser ton environnement pour pouvoir prendre l'avantage. Tu as eu pleins d'occasions de me dépasser mais tu étais trop impatient et trop focalisé sur moi. La prochaine fois, regarde autour de toi.Je n'en dis pas plus. Il doit trouver la solution de lui-même pour pouvoir la transposer à son duel et être capable de s'adapter. Bien, c'est fini pour aujourd'hui, demain je ne viendrai pas courir sur les remparts, libre à toi de te reposer ou de t'entraîner seul. Dimanche, on reprendra la même course alternée puis je te montrerai les autres entraînements que j'ai prévu pour toi.
J'achève mon monologue et mon sourire s'accentue. Je me régale déjà de la suite. Il n'est pas prêt pour tout ce qui va lui arriver et je savoure déjà. On se quitte là-dessus. Je suis curieux du choix qu'il fera pour demain, je verrai bien. J'aurai un œil sur les remparts de toute façon, mais il ne le saura pas. J'adapterai probablement mon entraînement à sa décision.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Teilo leva le menton et renifla comme à l'époque, quand son entraîneur lui donnait des conseils pour mieux se positionner sur le terrain. Puis il toussa et reprit son souffle. C'était peut-être pas le meilleur moment pour faire le dur.
"Ouais", croassa-t-il entre deux reprises d'air. Il finit par regarder Drian et vit ce sourire qui l'agaçait un peu. Mais, à sa grande surprise, le grand s'était aussi mis à lui parler, à lui donner des conseils. Il avait même crû l'entendre dire que c'était bien, ce qui le fit arquer un sourcil. Vraiment ? Il plongea son regard dans celui de l'Ogme, dont le sourire s'étendait encore. Mouais. Ce n'était sans doute pas assez bien, à ses yeux. De toute façon, à Beauxbâtons, c'était connu : il fallait que tout le monde soit excellent... comme Lorie Fleury, comme Drian Vaillant.
Teilo serra les dents. L'entraînement était fini, tant mieux. Il récupéra le balai de Charly, qu'il avait un peu maltraité pendant la course - il allait falloir arranger ça avec le Troisième Année -, chopa sa serviette de sa main libre et prit la direction de l'escalier avec un laconique "A samedi".
Ne lui restait plus qu'à trouver un banc dans la cour ou les jardins pour se poser, râler et récupérer un peu. Il avait envie d'être seul avant le petit-déjeuner. Et les cours. Et le reste.
6h25
Champi'bane de Teilo - Tour de Lug
Teilo trainassait. Qu'est ce qu'il était bien dans son lit. Les couvertures étaient si chaudes et douces, elles enveloppaient son coeur et son corps encore meurtris par la course de la veille. Heureusement, pour ce matin, Drian lui avait laissé le choix d'aller sur les remparts ou non. Alors, c'était non. Il était trop crevé. Après trois jours seulement d'entraînement. Qu'est ce que ça allait être s'il continuait ? Pourquoi il continuait d'ailleurs ? Il n'apprenait pas grand chose, à part qu'il était moins bon que Vaillant à la course et bon, ça, il le savait déjà. Et puis il avait beau retourner dans sa tête les conseils de son coach, il ne voyait toujours pas comment il aurait pu le dépasser hier.
Teilo croisa les mains derrière sa tête et soupira profondément, les yeux au plafond. Tout ça lui paraissait si ridicule ce matin. Sa propre promesse de s'entraîner tous les jours jusqu'au duel. Le duel lui-même. Il en avait encore pour deux mois tout rond, c'était super long. Qu'est-ce qui l'empêchait de dire à Drian qu'il abandonnait ? De dire à Oscar que finalement, il ne voulait pas de ce duel ?
Leur réaction ? Ce qu'ils allaient penser de lui ? Le sourire qu'ils ne manqueraient pas d'afficher et qui, maintenant qu'il y pensait, se ressemblait pas mal ?
Bon sang. Rien qu'à imaginer le sourire d'Oscar et ce qu'il allait dire, la mâchoire de Teilo se crispa. Non, il n'en avait pas rien à faire. Oui, il en avait marre que cet imbécile se moque de lui et le cherche à la moindre occasion. Il avait essayé de l'ignorer, de le raisonner, d'en rigoler même mais rien n'y faisait. Le duel, c'était la seule solution pour qu'il comprenne enfin. Et Teilo était prêt à supporter le sourire de Drian si ça permettait d'effacer une bonne fois pour toute celui d'Oscar.
Avec un grand soupir, il repoussa ses couvertures et posa les deux pieds au sol. Aujourd'hui encore, il irait courir sur les remparts. Comme il s'était promis.
6h25
Remparts
Sans Drian pour le pousser à bout, ça s'était super bien passé la veille. Il n'avait pas couru trop vite, ne s'était pas blessé et avait même fait quelques pauses pour exécuter quelques acrobaties avec une chanson d'Olympia (sa grande soeur) dans la tête. Ca lui avait fait du bien de danser un peu, le petit Lug avait même rigolé tout seul. Quand il avait senti son mollet droit le tirer, il n'avait pas insisté et était redescendu, le coeur un peu plus léger. Vingt minutes pouvaient suffir pour cette fois.
L'après-midi, il était allé à l'entraînement de Quattequin comme toutes les semaines. Il ne s'était pas trop donné, tant pis si ça faisait un peu grogner les Loups. A la fin, il avait demandé à Charly Wathelet de lui prêter une nouvelle fois son Nimbus 2000 et devant son sourire insistant et son regard de chat perdu, Charly avait accepté. Il était vraiment trop sympa, Charly.
Mais ce dimanche matin, Drian était bien là et Teilo avait la distincte impression qu'il n'allait pas s'en tirer si facilement. A vrai dire, il avait même eu une petite boule au ventre en gravissant les escaliers. Quels 'autres entraînements' l'Ogme avait-il donc en tête pour lui ? Et surtout, surtout, comment le dépasser ?
Il était venu dans une tenue de Quattequin mais sans casque ni cape, ni protections ni rembourrage. Et avec ses baskets bleues au pied, celles qui lui allaient encore bien. Peut-être que la question n'allait même pas se poser. S'il négociait correctement le premier virage, il pouvait le laisser en plan dès le début et rester en tête tout du long ! Franchement, c'était le meilleur plan.
Les épaules redressées, Teilo s'approcha du grand avec un air conquérant et, sans le saluer, enfourcha fièrement son balai. "T'es prêt ?" osa-t-il même en singeant avec éxagération le sourire de Drian.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
6h45
Dehors dans les jardins, je suis à la recherche des plantes et autres ingrédients utiles pour la confection des potions de guérison. Encore une mission "facile" à réaliser pour remplir mon rôle d'apprenti au dispensaire que je dois rejoindre pour les quatre prochaines heures après le petit déjeuner. Les jardiniers ont été prévenus, aussi me laisse-t-il faire mes affaires en paix non sans m'avoir enseveli de recommandation en tout genre. "Ne t'approche pas des trompettes argentés à cette heure, elles détestent être réveillées." ou encore "J'espère que tu n'as pas de whisky Pur Feu sur toi, les gnomes risqueraient devenir ingérables toutes la journée" sont de celles-ci. Comme si je me baladai avec ma petite fiole dans la poche. Je ne suis pas mon oncle.
A la réflexion, voilà une idée intéressante pour l'entrainement de Daroux. De temps à autre, je jette un coup d'œil aux remparts. Le gamin n'est pas grand, mais je devrai au moins voir sa tête dépasser à certains endroits s'il a décidé de se lever. Je lui réserve un moment douloureux si ce n'est pas le cas. Pas question de continuer à perdre mon temps s'il n'a aucune motivation. Depuis que je suis arrivé, je n'ai vu aucun mouvement de ce côté.
Ma récolte avance bien et j'ai presque terminé quand finalement, je pense le repérer au pied de la tour de l'Horloge. Je plisse les yeux pour essayer de mieux voir - ce qui n'est qu'un reflexe absurde, personne ne voit mieux lorsque son champ de vision est réduit - et le reconnais ce qui me tire un sourire satisfait et manque de me faire croquer par un lys-mordeur qui trainait près de ma main - ou l'inverse.
6h25
S'il y a bien une chose qui peut me rendre particulièrement mauvais, c'est l'arrogance. Je dois donc bien avouer que si je m'avais en face de moi, je ne me supporterai probablement pas une bonne partie du temps. Bien heureusement, ça n'arrivera jamais et j'ai bien l'intention que cela reste ainsi. Daroux ne me prendra pas plus longtemps de haut. D'un saut, je grimpe sur mon balai et prends le départ sans prévenir, encore une fois. Si ce n'est pas encore clair, ça va vite le devenir : c'est moi qui fais les règles et elles peuvent changer à tout moment.
Je n'ai pas besoin de regarder en arrière pour savoir s'il me suit ou pas, son ombre parle d'elle-même et il me colle au train. Peut-être même est-il révolté, il pourrait même vouloir me le faire payer. Tant mieux si c'est le cas, je ne serai satisfait que lorsque je l'aurai poussé au bout de lui-même. Ce n'est pas en restant un petit garçon timoré qu'il allait remporter son duel.
Un tour passe sans qu'il ne réussisse à me dépasser. Il ne trouve pas la faille à ma parade et je le bloque sans cesse dès qu'il essaye de me prendre de vitesse. Il sait que c'est sur son balai qu'il peut prendre l'avantage, mais encore une fois, il est aveugle. Au tour suivant, je ralentis même ma vitesse de vol, et donc la sienne, pour le forcer à appliquer mes conseils, l'incitant à privilégier l'observation de son environnement plutôt que sa vitesse. Rien à faire, il est plus têtu qu'un felteu.
L'entraînement se termine donc sans surprise : le garçon est resté derrière tout du long. N'aurait-il pas fait le malin en arrivant qu'il aurait peut-être pu savourer un début de course devant mais non, il est resté à contempler mon dos du début à la fin. Parfois de très près - notamment sur son balai - et tantôt beaucoup plus loin - la course à pied n'est pas sa partie favorite. Je le regarde avec un visage neutre en réfléchissant à ce que je pourrai lui dire pour l'aiguiller davantage mais à part lui donner la solution, je ne vois rien à ajouter à mes explication de l'avant-veille. Il doit se débrouiller.
- Rejoins-moi au parc des fleurs après le petit-déjeuner. Disons 8h30. Je dis d'une voix qui ne laisse transparaître aucune émotion. Je jette un coup d'œil à sa tenue. Il a choisi ce qu'il faut pour ce matin mais si je ne lui dis rien, il pourrait se pointer avec avec un accoutrement absurde. Prends une tenue dans laquelle tu es à l'aise et que tu peux salir. A toute ! Je conclus en partant de mon côté en partant du principe qu'il se pointera.
Avant de rejoindre les dortoirs pour me prendre une bonne douche chaude bien mérité, je fais un saut au haras d'abraxan pour préparer la prochaine épreuve de Daroux. Un sourire me vient en remplissant ma fiole discrètement.
Parc des fleurs
8h30
Un sourire retrouvé aux lèvres, j'attends que le deuxième année me rejoigne tout en faisant sauter en l'air à intervalle régulier une fiole remplie d'un liquide doré. Il est encore tôt mais les jardins bruissent déjà de vie. Les parisettes s'activent au-dessus des fleurs, les chants de certaines résonnent de concert avec les oiseaux précoces dans la saison et des volutes de poussières iridescentes dans lesquelles jouent les rayons du soleil s'échappent de champignons, donnant au parc un aspect de conte de fée. Pourtant, dans ces jardins, c'est une guerre sans merci qui va bientôt avoir lieu.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Si le Nimbus 2000 dans ses mains avait vraiment été à lui, il l'aurait jeté de rage. A la place, il se contenta de le serrer très fort, comme ses dents, et de respirer encore plus fort par le nez, en se rendant tête basse vers le plus grand. C'était comme quand il n'arrivait pas à trouver une solution à un problème d'alchimie et que Pensée finissait par la lui donner. De plus en plus, ces derniers temps, une question le taraudait. Malgré ses efforts depuis le début de l'année scolaire, ses performances académiques étaient loin de l'excellence demandée. Au Quattequin, il avait beau essayer, il ne comprenait pas toujours les stratégies qu'évoquaient ses camarades de jeu. En plus, il avait toujours un peu de mal à résoudre le casse-tête qui lui donnait accès à sa chambre.
Est-ce qu'il était bête ?
Drian ne l'aida pas à répondre à cette question. Comme souvent, le grand ne fit aucun commentaire sur sa prestation et lui annonça plutôt que son calvaire n'était pas fini pour la journée. En entendant l'heure du rendez-vous, Teilo releva sa tête rougeaude et bougonne. Huit heures trente ? Mais... il ne pouvait pas à huit heures trente ! Pour autant, il observa Drian avec ses yeux ronds sans rien dire, jusqu'à ce qu'il s'en aille.
L'Ogme hors de vue, le Lug leva le nez qui, pendant leur course, avait pris quelques teintes bleues et roses. Il inspira à fond et souffla nerveusement. Que n'aurait-il pas donné pour que Lorie soit à Beauxbâtons. Elle lui aurait dit de ne pas s'en faire, de persévérer avec un sourire engageant, elle lui aurait donné la solution au lieu de le laisser en plan ! Ca aurait été tellement plus facile pour lui que de devoir compter sur Drian.
C'était tellement différent avec Vaillant comme mentor. Teilo craignait un peu ce que le grand avait prévu de nouveau pour lui, alors qu'il était déjà fourbu par la course et qu'il n'aurait pas forcément le temps de bien récupérer. Mais surtout, Teilo craignait la réaction de Drian Vaillant s'il osait ne pas venir. Le grand ne l'avait pas menacé, rien de tout ça, mais ça devait être son sourire... ou le fait qu'il se sente jugé à chaque instant... ou le fait de n'avoir aucune idée de ce que l'Ogme pensait vraiment de lui... ou de ce qu'il pouvait dire de lui à toute l'Académie.
C'était sans doute ça le pire.
Teilo grogna et se mit en route vers la Tour de Lug pour se doucher et se changer. Il en avait ras-le bol, mais il serait à huit heures trente au parc.
8h30
En repassant par l'entrée de sa Tour, Teilo avait croisé Alice, la Première Année pot-de-colle, qui lui avait demandé pourquoi il avait revêtu son polo orange à l'effigie de Simba et ce vieux jean bleu troué au genou. Il n'avait rien répondu, elle avait insisté, il lui avait dit de se mêler de ses affaires pour une fois. Puis, sans attendre de réaction, il avait filé vers les jardins en prenant garde de bien raser les murs du Hall d'Entrée où, à cette heure, Paolo devait l'attendre pour son fameux projet d'artisanat magique.
Depuis début janvier, son camarade de Lug l'embriguadait chaque dimanche dans des expérimentations farfelues qu'il ne prenait même pas le temps de lui expliquer parce que "fais moi confiance. Tu comprendrais pas, de toute manière." Ca l'agaçait un peu mais Teilo faisait le dos rond. Il avait promis et Paolo était un ami. Sauf qu'aujourd'hui, c'était sensé être la deuxième séance... et il faisait déjà faux bond à son ami pour rejoindre Drian Vaillant.
Alors qu'il réfléchissait encore à quelle excuse un peu bidon il allait donner à Paolo, Teilo vit que Drian était déjà en train de l'attendre au milieu des fleurs, parisettes et champignons. Aussitôt, il se mit à accélérer le pas pour le rejoindre. Il avait mis ses vieilles baskets roses qui lui comprimaient un peu les pieds. Comme il allait bientôt devoir les jeter, ça ne le dérangeait pas de les salir.
Une fois à la hauteur de l'Ogme, le Lug se planta devant lui sans même le saluer. Il avait surtout envie de lui dire que ça avait intérêt d'être bien... mais non, ce n'était clairement pas le truc à dire, là. Alors, au lieu de ça, Teilo laissa son regard et sa tête suivre les mouvements de la petite fiole que Drian s'amusait à lancer et rattraper et dont il avait bien de la peine à reconnaître le contenu.
Dans quoi le grand allait-il encore l'embarquer ? Est-ce que ça allait lui être utile ? Est-ce que ça allait être dangereux ?
"Je suis là", finit-il par lancer à Drian. Sans aucun sourire cette fois mais des yeux un peu ronds qui cachaient bien mal son appréhension. "Euh... on est d'accord que tout ça, ça reste entre nous ?"
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
J'aurai peut-être dû également préciser à Daroux que les couleurs criardes auraient pu rester au placard. C'est quoi ces baskets roses sans forme ? Et ce haut que j'ai repéré dès son entrée dans les jardins ? Pour la discrétion, on repassera. Au moins, il n'est pas arrivé en uniforme, c'est mieux que rien.
- J'ai remarqué, je réponds avec un sourire ironique à son étrange salutation. Le gamin a l'air de flipper un peu. Je devrai peut-être un peu calmer le jeu. Mais contrairement à ce que je pense, ce n'est pas l'épreuve que je lui réserve qui le préoccupe le plus mais si son secret est bien gardé. Sa question, en contraste avec son choix vestimentaire et semblant oublier la nature de son duel, m'amuse d'autant plus.
- Si tu veux que ça reste entre nous, commence par éviter de porter des trucs que l'on repère depuis la forêt. Je me moque. Je comptai en rester là mais vu la tête qu'il tire maintenant, il est préférable que je rajoute quelque chose. Ecoute Daroux, je suis délégué et je t'entraîne pour un duel interdit. Si quelqu'un apprend ça, je risque bien plus que toi. Evidemment que ça reste entre nous. Moins de questions on aura et mieux on se portera. Tous les deux. Si tout est clair...
Je sors ma baguette de ma poche et fais léviter le bouchon de la petite fiole au contenu ambré.
- Ceci est du Whisky Pur Feu dont raffole les gnomes. Ton but est double, la garder le plus longtemps possible et te débarrasser du maximum de gnomes. Les Parisettes nous en seront reconnaissantes et les jardiniers aussi, personne ne viendra donc nous demander ce qu'on fait, tant qu'on le fait bien. Tu as bien sûr le droit d'utiliser toutes les formes de magie que tu souhaites. Une petite démonstration de ce qui t'attends s'impose, éloigne-toi un peu.
Je m'avance vers un parterre fleurie et y fait couler quelques gouttes de l'alcool avant de reboucher la fiole et de la secouer de manière ostentatoire. Je n'ai pas à attendre longtemps avant qu'un premier gnome apparaisse, suivi d'un second. Je recule à mesure qu'ils avancent et lorsqu'ils sont au nombre de cinq, ils se lancent tous d'un coup à l'assaut, leurs doigts crochus prêt à me griffer et leurs petits crocs à mordre. Ils courent vite, ces saletés, mais j'ai déjà anticipé leur action. Je termine rapidement le tracé alchimique que j'avais entamé en attendant le Lug et le serpent de feu imposant qui en sort les balayent d'une attaque vorace. Les créatures qui peuvent encore se déplacer s'enfuient dans l'autre sens, pour certaines, le feu littéralement aux fesses. J'ai un sourire satisfait en me retournant vers le deuxième année.
- A ton tour, je lui dis en lui lançant la fiole d'un geste précis. Je m'éloigne et m'assoie sur un banc qui a anticipé mon action et s'est élancé sous mes fesses, gardant le serpent de feu à mes côtés au cas où certains gnomes un peu téméraires viendraient jusqu'à moi.
Je suis curieux de savoir combien de temps le garçon durera mais surtout les sortilèges qu'il utilisera pour se défaire des gnomes. J'avoue avoir un peu frimé avec un cercle alchimique de sixième année, nul besoin d'autant pour des créatures aussi insignifiantes, mais je préférai ne pas lui montrer quoique ce soit qu'il aurait pu utiliser lui-même. Il a tout en main pour s'en sortir. En revanche, ce que je ne lui ai pas dit, c'est que plus longtemps il gardera la fiole, plus le nombre de gnomes augmentera. Je sens que je vais bien m'amuser.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Le menton baissé, Teilo tira sur le bas de son polo Simba. D'accord, ce n'était pas le summum de la discrétion mais Drian avait dit 'une tenue confortable et salissable', pas une tenue discrète ! Les lèvres un peu tordues, le Lug releva des yeux plissés vers l'Ogme. Drian ne disait pas tout, quand est-ce que ça allait rentrer dans sa tête ? Et le délégué avait tout à fait raison, mieux valait ne pas se faire remarquer. Avec tout ça, Teilo avait un peu oublié que le duel hors pantins était carrément interdit et pouvait leur coûter très cher, à lui, à Oscar... et à Drian.
Le Lug relâcha son polo, déglutit et se mit droit comme un i. Drian prenait des risques pour lui alors qu'il n'avait rien à y gagner. Il était vraiment sympa au fond, plus qu'il ne laissait paraître. Quant à lui, il se devait d'être à la hauteur. Les sourcils froncés, il écouta donc les consignes du nouvel exercice que lui proposait son entraîneur personnel, hochant régulièrement la tête pour bien montrer son sérieux. Garder la fiole le plus longtemps possible, ok... et se débarasser des gnomes, ok.
Se débarasser ? Il voulait dire quoi exactement par se débarasser ? Pas leur faire du mal, quand même, à ces pauvres petites créatures assoifées qui n'avaient rien demandé à personne ? Pour le coup oui, une démonstration n'était pas de trop et le Lug prit la peine de noter tout ce qui lui paraissait important : ouah, le serpent de feu qui sortait du cercle alchimique de Drian était vraiment impressionnant ! Lui, tout ce qu'il arrivait à faire de spectaculaire, c'était un genre de mur de feu, et encore... un muret, quand il se concentrait vraiment. N'empêche, voir les gnomes en feu détaler en couinant lui arracha un petit rire bête.
Il préférait ne pas voir ceux qui restaient à terre.
Quand Drian lui lança la fiole, les yeux du Lug s'écarquillèrent. Heureusement, il avait de bons réflexes et la saisit sans difficulté. D'accord. C'était à son tour de briller. Teilo VS les gnomes mordeurs, round 1. En tournant sur lui-même, il constata que deux venaient sur sa gauche, deux sur sa droite. Mais ce n'était pas après lui qu'ils en voulaient, c'était après la fiole de Whisky Pur-Feu ! Alors il sortit sa baguette de la poche kangourou de son polo, tendit la fiole devant lui et lança un "Levioso" pour éloigner l'objet tant convoité... et le surélever par la même occasion, pas trop haut mais juste assez.
Ca fonctionnait ! Les quatre gnomes l'ignoraient tout à fait et faisaient des bonds, des galipettes en tendant désespérément leurs mains crochues en l'air pour choper la fiole. "Hé hé !" en rigola Teilo avant, bien entendu, d'en rajouter un peu d'un ton moqueur : "Ben alors, on est trop petits ?"
Il ne sut si c'était ça ou autre chose mais les quatre gnomes se mirent à le regarder d'un oeil mauvais. "Oh." Et à courir vers lui. "Attendez, on peut peut-être négo... non ?" L'un lui sauta sur le bras gauche et agrippa sa baguette avec ses griffes. Un autre lui mordit le mollet. "Aï-EUH !" Les deux restants, voyant que la fiole de whisky venait de retomber sur l'herbe et la terre heureusement meuble, firent demi-tour pour se précipiter dessus.
La douleur à son mollet (droit) fit serrer les dents à Teilo. Drian le regardait et le jugeait, il ne pouvait pas déjà perdre ni s'avouer vaincu ! Alors le Lug s'ébroua comme un abraxan et secoua vivement son bras gauche comme sa jambe droite, suffisament fort pour envoyer valdinguer ses assaillants quelques mètres plus loin. Débarassé de ces inopportuns, il souffla et avisa la fiole dont s'étaient emparés les deux autres créatures. Ils essayaient bon gré mal gré d'en retirer le bouchon.
"Misci !" gronda le garçon en pointant sa baguette sur la fiole qui se mit aussitôt à tournoyer sur elle-même. Les deux assoiffés se cramponnèrent comme ils purent et se mirent à tournoyer avec avant de lâcher prise et d'être projetés au sol. Sans perdre de temps, Teilo courut récupérer SA fiole qu'il brandit comme un trophée, l'air supérieur et satisfait. "C'est à moi !"
Puis il grimaça. Déjà, son mollet lui faisait vraiment, vraiment mal. Et puis les quatres gnomes qu'il avait mis à terre reprenaient leurs esprits et se redressaient. Pire, quatre AUTRES gnomes arrivaient en renfort et à toute vitesse sur sa gauche, ils n'étaient qu'à dix mètres. Sans trop réfléchir, le Lug se mit à fuir dans la direction opposée, en claudiquant un peu et en prenant bien garde à ne pas abîmer les fleurs. Haletant, il lançait "Immobulus" sur "Immobulus" derrière lui, sans trop viser. Par chance, deux gnomes sur les huit furent touchés et s'immobilisèrent.
En passant devant Drian, fiole sous le bras, Teilo lui fit un grand sourire. "T'inquiète, je maîtrise !" En fait, il n'avait plus beaucoup d'idées. Qu'avait dit son entraîneur, déjà ? Ah, oui. Observe ton environnement. Là ! Les gros champignons bizarres qui dégageaient de la poussière. Peut-être qu'il pouvait... euh... y mettre le feu ? Non ? En tout cas, il s'y rendit en forçant sur son mollet meurtri et se retourna pour voir où en étaient ses poursuivants.
A sa grande surprise, les gnomes s'étaient arrêtés à quelques mètres. Agités, ils tournaient un peu de la tête en montrant leurs crocs. Peut-être qu'ils n'aimaient pas l'odeur ? Vrai, constata Teilo en reniflant, ça sentait pas la rose. Une idée lui vint et, avec un sourire malin, il traça un cercle alchimique. Il était grand temps de mettre en pratique cette matière qui lui avait posé tant de problèmes et de prises de tête. Dans les deux emplacements de son cercle, il inscrivit de sa baguette deux tracés de l'air qui, une fois complétés, s'activèrent et augmentèrent la force du vent tout autour de lui, propulsant la poussière des champignons plus loin vers les gnomes.
Ils reculaient. Victoire ! Tant qu'il restait près des champignons, Teilo était sauf. Il pouvait reprendre son souffle.
"Kof... Kof...." ou peut-être pas. Respirer la poussière le faisait tousser. Il se sentait un peu... étourdi, même. Fallait qu'il sorte de là ! Et tant pis si aux huits gnomes déjà présents s'en ajoutaient CINQ autres venus d'il ne savait où. Les chiffres n'étaient pas en sa faveur. "Kof... kof... d'akof... d'accord !" Pour son baroud d'honneur, le Lug rangea sa baguette dans sa poche kangourou et prit la fiole entre ses deux mains. Il se pencha épaules en avant, les yeux larmoyants, et fila droit devant. En le voyant arriver, les gnomes s'agglutinèrent pour l'empêcher de passer. Mais cette ligne de défense, il allait la transpercer comme au rugby ! "Pour les POUSSINS du Rhône Sportif ! PIOU-PIOU !" vociféra le garçon comme un cri de guerre.
Dans une synchronisation presque parfaite, les gnomes lui sautèrent tous dessus. Teilo se laissa tomber à terre, protégeant la fiole entre ses mains et contre son ventre. Normalement là, il pouvait passer la balle à un coéquipier qui attendait derrière, sauf que... ben il n'y avait personne. Et les gnomes lui tiraient les cheveux avec leurs griffes, lui mordaient les cuisses et le dos avec leurs crocs, lui faisant voir quelques étoiles.
"Dégagez de là ! Au s'couuuurs ! Driaaaan !" se lamenta-t-il, prostré et à la merci des viles créatures qui semblaient toutes prendre un malin plaisir à le faire souffrir.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Je suis curieux de ce que va faire le lug et ne le lâche pas des yeux. Si son premier sortilège est intéressant, ce qu'il en fait beaucoup moins. L'exercice a à peine commencer qu'il semble déjà avoir oublié qu'il avait deux objectifs. Il n'a pas l'air de prendre ça au sérieux. A quoi est-ce qu'il joue à se laisser grimper dessus par les gnomes ? Je lui ai pourtant bien dit qu'il devait s'en débarrasser. Je me retiens d'intervenir. S'il ne réagit pas très vite, il va de toute façon vite déchanter.
Et voilà qu'il perd déjà la fiole. Puis qu'il se débat comme un non-mage. Sers-toi de ta baguette, bon sang ! Quelle humiliation. La tentation d'intervenir est de plus en plus grande mais je résiste. J'en viens même à me placer du côté des gnomes et à les soutenir silencieusement tandis qu'ils courent à toutes petites jambes vers le whisky et s'en emparent. Mettez-lui donc la misère, il n'a pas encore compris qu'il était un sorcier. Mais c'est quand je me dis que l'exercice est fini que le gamin se réveille enfin et use de magie. Pas trop tôt !
Si on enlève le fait qu'il passe son temps à fuir, il se sert un peu de sa baguette. Je le regarde passer devant moi tout sourire et je réponds à son affirmation par un air peu convaincu. Il ne gère pas grand chose, il se fait plutôt martyriser. Au moins, il se défend. Tiens que fait-il maintenant au juste avec ce champignon ? Je suis agréablement surpris par son idée jusqu'à ce qu'il reste lui-même dans la sphère d'influence de la poussière et s'intoxique lui-même. Le ridicule de la situation m'arrache un sourire amusé et je sens monter en moi un début de rire. Si je pense que ça ne peut pas être pire, Daroux me détrompe rapidement. Il range sa baguette. IL RANGE SA BAGUETTE ?
Complètement abasourdi, je le regarde courir droit devant lui, la fiole entre ses mains, en beuglant un truc que je ne comprends pas. Je le vois aussi foncer droit sur un mur de gnomes qui ne se fait pas prier pour se jeter sur lui lorsqu'il est à portée. Je le vois s'écrouler à terre et se faire attaquer de toute part. Et enfin, plus que je ne le vois, je l'entends appeler à l'aide et crier mon nom en une lamentation digne des plus grands magitragédiens. C'en est trop pour moi. Le début de rire se transforme en une hilarité totale et je pars dans un fou rire incontrôlable. Un fou rire qui me tord le ventre et me fait rapidement venir les larmes aux yeux. Un fou rire comme jamais encore je n'ai eu. Et à chaque fois que je pose les yeux sur Daroux au sol, il repart de plus belle.
- Ac.. ac... J'essaye d'articuler entre deux hoquets quand je sens une accalmie, les larmes coulant sur mes joues. Je prends une profonde respiration et profites du répit pour lancer mon sortilège. Accio fiole !
Si le deuxième année la tenait encore, je n'aurai probablement pas pu la récupérer mais de toute évidence, il a fini par la lâcher consciemment ou pas et la fiole vole jusqu'à moi... avec un gnome cramponné dessus. Je n'ai pas besoin de plus pour exploser à nouveau de rire et laisser tomber la fiole. Qu'ils la récupèrent donc, je ne suis plus en état de combattre et Daroux non plus. Je me laisse complètement tomber sur le banc et je passe un bras sur les yeux. Si je regarde le gamin, je n'arriverai jamais à me calmer. J'en ai mal aux abdos, et aux joues aussi, mais Merlin que ça fait un bien fou.
Je ne sais pas combien de temps je reste là, dans la semi-obscurité de mon avant-bras, avant de réussir à apaiser les sursauts de rire. Je ne sais même pas si le lug est encore là et dans quel état. Quand je sens que j'ai à nouveau la maîtrise de mon corps, je me redresse. Le garçon est toujours présent, égratigné de partout. Il m'observe.
- Quoi ? Je lui demande avec un sourire coin. T'as jamais vu quelqu'un rire ?
Je me lève complètement avant de m'étirer.
- Ah merlin ! Je m'exclame avant une longue expiration. Daroux, tu comptes aussi ranger ta baguette en plein milieu de ton duel avec cet Oscar ? Tu comptes lui faire un grooos câlin pendant qu'il t'envoie un maléfice ? Je l'interroge avec sarcasme sans le regarder. Je te rappelle que tu es un sorcier, je continue, cette fois en plongeant mon regard de glace dans le sien. Et que tu devais te débarrasser des gnomes et non l'inverse.
Contenu sponsorisé