Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire avait une nouvelle fois fait le déplacement pour Lorie. Elle aimait partager avec sa nièce à propos du tournoi ou simplement des idées. Sur la place au centre d’Osse-en-Bazar, elle attendait celle-ci avec ses filles. Livre à la main, elle laissait son esprit se plonger dans les tréfonds du récit de l’auteur. Non loin d’elle, Ariane et Eline jouait dans le calme et dans le silence. Impatientes de retrouver leur cousine qui s’était retrouvée en tête du tournoi des trois sorciers.
Il ne fallut pas longtemps pour que Lorie pointe le bout de son nez alors que la pendule pointait onze heures. Un jour spécial avait lieu en ce dimanche d’avril. Le maire avait organisé une réception et si Claire n’avait pas envie d’y aller, Lorie elle pensait que c’était une bonne idée. La mère de famille se voyait plus autour d’une blanquette de veaudelune et comptait bien emmener ses filles le temps de laisser un peu d’air a sa nièce. La journée était longue de toute façon. Lorie prit ses deux cousines dans les bras pour les saluer avant de sourire à sa tante.
« Arthur n’est pas avec vous ? » Demandait Lorie intriguée.
« Non pas encore, il devait finaliser un projet à la boutique, mais il ne va pas tarder »
« Elina et Pensée sont venues ? » Demandait Ariane toute excitée.
« Elles sont chez Honorine Montague, on peut les rejoindre si vous voulez ? » « Allez-y les filles, j’attends Arthur et je vous rejoins. » dit Claire avec calme. Qui avait-il de mieux placé que la championne de Beauxbâtons en tête du tournoi des trois sorciers pour veiller sur ses filles ?
Dans les exclamations de joie, les jumelles s’accrochèrent au bras de Lorie en lui posant un tas de questions et le petit trio prit la direction de la boutique d’antiquité. Lorie laissa échapper quelques rires tout en répondant aux jumelles, tandis que Claire les observait de loin un sourire aux lèvres. Puis l'adulte se replongea dans sa lecture après avoir regardé sa montre. Elle ne se faisait pas d’illusions, celui-ci serait sans nul doute en retard. Mais dans le doute… Il était préférable de l’attendre au point de rendez-vous.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
Ce weekend-là, cependant, c'était différent. Elle était épuisée, comme si elle essayait depuis des lustres de remplir un chaudron avec une louche sans fond, elle avait donc estimé qu'un break lui serait salutaire. Et c'est ainsi qu'elle se retrouvait au centre du village, regrettant sa décision en voyant le monde qu'il y avait. Il fallait qu'il y ait une fête, c'était bien sa veine. Elle était déjà prête à repartir quand elle aperçut sa délégué avec deux enfants et une adulte. Serait-ce possible qu'ils soient de sa famille ? Et dans ce cas-là, c'était peut-être l'occasion de parler... En espérant que la femme s'inquiétait plus de Lorie que sa propre mère mais ça, ce n'était pas bien difficile.
Elle s'avança donc et, voyant la femme plongée dans sa lecture, elle toussota pour attirer son attention avant de prendre la parole.
"Hum, excusez-moi, vous êtes de la famille de Melle Fleury ?"
Santana aurait certainement râlé sur cette entrée en matière mais la Guyanaise sentait le mal de tête poindre avec le brouhaha de la foule alors les bonnes manières, c'était pas la priorité. Comme si elle savait y faire, de toute façon.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Interpellée Claire releva les yeux de sa lecture. Pourquoi donc cette femme cherchait sa nièce ? « Bonjour madame… Répondit-elle en marquant un silence, visiblement la politesse n’était pas donnée à tout le monde. Oui, je suis sa tante, mais je ne vous dirai pas où la trouver. Elle a besoin d’un peu d’air, ce n’est qu’une adolescente toute championne douée qu’elle est… » Dit-elle sur un ton neutre et détaché. Elle adressa un sourire à la femme en face d’elle, puis se replongea dans sa lecture affichant un grand calme et une confiance aussi solide qu'un mur infranchissable. Son attitude et son langage corporel laissait entendre que rien ni personne ne pouvait la déstabiliser. Il fallait bien admettre que dans sa carrière elle avait parfois côtoyé toute sorte de gens. Cela forgeait.
Il ne manquait plus que tout le monde vienne l’embêter. Elle savait que sa nièce avait du mal à gérer ses émotions et se faire solliciter à longueur de journée était loin d’être une situation confortable. Lorie lui avait également déjà partagé que la popularité qui allait avec le tournoi était pesante. Qu’elle n’aimât pas spécialement cet aspect bien que cela pouvait lui faire plaisir de voir les personnes heureuses de la rencontrer. Mais comme tout, si elle tirait trop sur la corde elle finirait par s’effondrer. La première tâche l’avait tellement agitée que Claire n’avait en aucun cas envie de revoir sa nièce dans le même état. Donc si elle pouvait, aider Lorie à avoir l’esprit léger en lui évitant certaine rencontre, elle n’allait pas se priver. Ce que les gens pouvaient parfois être embêtants. Comme une louche sans fond que l’on viendrait essayer de vider…
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
"Désolée, je n'ai jamais su m'y prendre avec les convenances. Je vais reprendre : bonjour Madame."
C'était déjà mieux non ? En tout cas, elle faisait un effort et reconnaissait ses torts. Fallait pas lui en demander beaucoup plus, ceci dit. Après tout, sa réputation de sauvageonne quand elle était étudiante à Beauxbâtons n'était pas complètement sortie de nulle part. Même si c'était moins flagrant à présent mais bon, certainement que l'ocelot en elle prenait parfois le dessus. Enfin, sans attendre, elle enchaîna afin de ne pas se faire renvoyer, une nouvelle fois, dans ses filets.
"Je ne cherche pas votre nièce. Je ne suis pas une groupie mais sa professeur de guérison, Tahina Yapara. J'aimerais profiter de vous croiser ici pour vous parler d'elle, de façon officieuse."
C'était là l'instant de vérité : la jeune femme allait savoir si la tante de Lorie se souciait vraiment d'elle...
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire parcourait les lignes comme une horde de Carcolh dévorant une poutre. Ce n’est que lorsqu’elle entendit à nouveau le timbre de voix qui appartenait à la dame qui venait d’interagir avec elle qu'elle interrompit sa lecture. Les convenances… Se répéta Claire dans la tête alors qu’elle estimait que cela n’avait rien à voir. Convenance et politesse, Claire passa au-dessus de cela, la jeune femme avait le mérite de reconnaître son approche impolie.
*POC* Claire venait de fermer son livre avec une certaine énergie. Non, sans avoir mémorisé le numéro de la page avant de le ranger, elle se leva d’un mouvement élégant similaire à ceux de Lorie. « Je vous prie de m’excuser, j’ai été un peu… Rustre, Claire Rosecieux. Finit-elle par dire en tendant la main à la maîtresse de confrérie de sa nièce. Je suis enchantée » prononça-t-elle sur un ton plus léger.
Claire allait poursuivre, mais Arthur transplana et s’approcha de sa femme. « Ah parfait Arthur ! Tu peux rejoindre les filles ? Elles sont dans la boutique d'Honorine Montague, je dois m’entretenir avec la professeure de guérison de Lorie. » Arthur déposait ses lèvres sur celles de la juge puis il tendit la main à Tahina. « Bonjour madame » Souriait-il avant de se tourner à nouveau vers sa femme. « Rien de grave ? » « Je l’espère… » Avoua-t-elle en scrutant la réaction de la professeure pour décrocher un indice. « Pensée y est aussi ? J’ai un cadeau pour elle » « Lorie, Elina, Pensée et les jumelles, toute la petite famille » « Parfait » dit-il l’accompagnant d’un clin d’œil à la professeure de guérison avant de finalement s’éloigner pour les rejoindre.
« Puis-je vous proposer de discuter de manière officieuse chez Ernesto Arias ? Nous serons mieux installées qu’au milieu de la place » dit-elle avec un sourire avenant. Claire attendait que la professeure de Beauxbâtons formule une réponse mais quelque chose trottait cependant dans sa tête. Yapara… Pourquoi ce nom lui semblait familier et pourtant étrangement lointain ? Peut-être que cela lui reviendrait sur la route du café.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
"Bonjour Monsieur." répondit Tahina, machinalement. Perdue dans ses pensées, elle n'avait rien suivi de l'échange du couple. "Je vous suis." reprit-elle à l'attention de la proposition de Claire Rosecieux.
Chemin faisant, elle resta quelques instants en silence. Déjà parce qu'il y avait du monde autour et qu'elle ne souhaitait pas que des oreilles indiscrètes puissent entendre quoique ce soit mais aussi parce qu'elle essayait de voir comment aborder le sujet au mieux. Si elle était douée dans son domaine, la gestion des familles avait toujours été plus difficile pour elle. Son manque de tact, encore une fois. Enfin, au moins, elle ne tournait pas autour du pot et les proches savaient à quoi s'en tenir avec elle sur les malades. Pas comme avec certains guérisseurs qui donnaient parfois des espoirs là où il n'y en avait pas.
Quand, enfin, elles se trouvèrent un peu plus à l'écart des gens, la guyanaise se lança.
"Je ne sais pas si Lorie vous a parlé du tournoi. Je dois vous avouer que je n'étais pas particulièrement ravie qu'elle soit désignée comme la championne de Beauxbâtons. Non en raison de ses compétences, j'ai toute confiance en elle pour ça mais je m'inquiète. Avec ce qu'elle a vécu... avant... elle a besoin de temps pour se reconstruire et les épreuves l'affectent fortement."
Ne sachant pas jusqu'à quel point la tante était au courant des difficultés de Lorie, Tahina avait préféré rester le plus vague possible. Pas simple comme exercice, cela dit.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Le silence rompu par la professeure de Lorie, Claire l’observa tout en l’écoutant. « Je comprends… Commença-t-elle à dire avec calme, elle aussi était inquiète encore plus si elle venait à remporter le tournoi pour l'y propulser dans le grand tournoi international. Elle ne s’est pas étendue sur ce qu’elle a vécu avant et pour tout vous dire, elle n’a pris contact avec moi que l’été dernier. Mais je peux imaginer ce qu’elle peut ressentir si mon frère a recopié l’éducation donnée par nos parents. Elle adressa alors un petit sourire à Tahina. Pour le tournoi, oui, elle m’en a parlé… Je pense qu’elle n’en parle qu’à moi dans la mesure du possible, ce qui l’isole beaucoup et ne lui permet pas de se confier auprès de ses sœurs ou de ses camarades. Je pense que vous connaissez mieux que moi l’importance de communiquer plutôt que de tout garder pour soi.Elle ponctua sa phrase d'un petit silence. Les épreuves sont difficiles, et elle le savait… Rassura Claire. Je fais de mon mieux pour l’aider, la tempérer malgré la distance. Elle a toutefois une résilience qui force le respect. » Claire avait vu sa façon de changer entre la première et la deuxième tâche.
Devant l’enseigne Claire ouvrit la porte avant d’inviter la professeure à entrer. Un Picolaton chantait sur le toit du café. « J’ai l’impression par moment qu’elle cherche encore sa voie… Ou un but. Je ne sais pas si ça vous le fait aussi, mais j’ai l’impression qu’il y a eu du changement en elle depuis sa rentrée en quatrième année. Ses sœurs l’ont remarqué également… Lorie semble bien plus secrète qu’avant. » Finit-elle par dire tout en prenant place à l’une des tables.
Il ne restait plus qu’à attendre que le serveur vienne à elles prendre leur commande. De son côté un chocolat chaud ferait merveilleusement l’affaire.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
"Lorie ne se confie pas facilement. Mais j'ai vu une lettre écrit par votre frère et le moins qu'on puisse dire est qu'il mettait une pression infernale sur sa fille. Il ne semblait jamais content de rien alors que la scolarité de Lorie est excellente. Elle avait pour coutume de boire une potion pour contrôler ses émotions, potion qu'on lui donnait à la maison. J'y ai mis un terme. Elle avait développé une dangereuse dépendance et il me semble qu'elle a réussi à s'en passer. Et ce n'est là que la face visible de l'iceberg."
Elle préféra taire, pour l'heure, les révélations qu'avaient fini par lâcher l'ainée des Fleury. Ce n'était, de toute façon, pas le sujet de la conversation du jour. Tahina n'en avait parlé que pour poser le contexte de son inquiétude : une élève poussée dans ses retranchements par les épreuves du tournoi alors qu'elle était déjà sur le fil du rasoir. Certes, elle était forte mais il ne fallait pas sous-estimer l'impact d'années de mauvais traitements psychologiques.
"Je vais être tout à fait franche avec vous... je crains que sa résilience ne soit que façade et qu'elle s'effondre complètement une fois le tournoi et la pression terminés. Et même si elle se confie - un peu - à moi, j'ai peur que cela ne soit pas suffisant. Comme vous le dites vous-même, elle est de plus en plus secrète. Je pense que ça a quelque chose à voir avec le professeur Delalande et je compte bien éclaircir tout ça mais ça peut prendre du temps. Temps qui risque de manquer."
Elle était alarmiste, elle en avait bien conscience mais elle ne voulait pas tourner autour du pot. La santé de son élève en dépendant et même si l'adolescente ne voulait peut-être pas qu'on se mêle de ses affaires, Tahina le ferait si c'était pour son bien. Peu importe ce qu'elle en penserait ensuite. Elle se tut ensuite alors que le serveur approchait. Et puis, ça laissait le temps à son interlocutrice de digérer les informations. Elle en profita pour commander un jus de fruit alors que la tante de Lorie commandait un chocolat chaud puis elle regarda le serveur s'éloigner avant de plonger à nouveau son regard dans celui de son interlocutrice.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire ne montrait aucun signe sur son visage qui resta neutre du début jusqu’à la fin des explications de la sorcière en face d’elle. Elle ne décelait aucun mensonge dans les paroles de celle-ci et se contenta alors de prendre une gorgée de chocolat chaud. Son esprit analysait la situation, et même si son frère avait vraisemblablement reproduit le même schéma d’éducation de sa mère, le fait que cela ne soit que la face visible de l’iceberg en disait long. Il était peut-être allé plus loin que ses parents. D’un geste mesuré, Claire déposa sa tasse sur la table du café. « Je vois, se contenta-t-elle de dire. Je comprends mieux son air évasif concernant la fiole présente dans son sac et qu’elle prend par moment en main… Je ne l'ai jamais vu en boire, mais je la garderai à l'oeil. »
Le regard de la juge se détourna sur un sorcier présent dans le café. Son allure très alchimiste lui donnait un air d’Elementariste son accoutrement lui rappelait une ancienne affaire. Claire afficha une mine embêtée. Sa nièce allait-elle vraiment s’effondrer ? Sa professeure la connaissait mieux qu’elle, et même si elle était capable de voir l’évolution de celle-ci et la façon dont elle avait changé. La juge ne savait pas vraiment quoi faire dans cette situation. « J’essaierai de lui parler et de vous tenir informé s’il y a le moindre risque. D’après elle, c’est une discussion avec le professeur Delalande qui l’a motivé à se porter candidate lors du tournoi… Vous pensez qu’il y a plus ? » Questionna la quinquagénaire.
Lorie avait commencé à changer avant même sa participation, elle se rappelait une lettre qui l’avait marquée. Lorie cherchait sa voie, se questionnait sur elle-même. Tous les adolescents se posaient ces questions, mais pour Lorie il y avait une intensité rare. Son flot de pensée fut interrompu lorsque le nom Yapara raisonna dans ses souvenirs. Le dossier Ryo Yapara… La professeure, avait-elle un lien de parenté avec lui ? Claire lui poserait la question, dès que le sujet de Lorie serait clos.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
Ainsi, Aliaume avait poussé Lorie à se présenter au tournoi ? Voilà qui était autant intéressant qu'intriguant. L'avait-il fait avec d'autres élèves ? Et si non, pourquoi elle ? Tous ses secrets ne plaisaient décidément pas à la Guyanaise. Comment pouvait-elle s'assurer du bien-être de ses élèves si elle n'avait pas toutes les informations en sa possession ? Autant les lubies du Professeur Delalande l'avaient, la plupart du temps, amusée mais parce qu'elle n'avait de conséquences que sur lui-même. Là, ce n'était plus du tout la même chose. Et malgré tout, Tahina savait aussi qu'elle ne comprenait pas tous les tenants et aboutissants et qu'il fallait faire confiance en son directeur. Sacré dilemme quand même.
"Je pense qu'il y a plus, oui. Je ne saurais dire quoi mais c'est une impression que je ne pourrais expliquer. Le professeur Delalande a toujours suivi ses propres intuitions et il ne s'en confie qu'aux personnes qui ont besoin de savoir. J'essaierais d'avoir une conversation avec elle mais sans l'assurance que ça aboutisse."
La jeune femme reconnaissait rarement son impuissance mais elle sentait que, pour le bien de son élève, elle se devait de mettre carte sur table. Ainsi, elles seraient deux à pouvoir se préoccuper de la santé mentale de Lorie et surtout, elle pourrait être alertée de tout changement de comportement quand elle n'était pas à l'académie.
"En tout cas, je garde un œil sur Lorie. Je lui ai demandé de venir régulièrement me voir pour discuter de son ressenti, de ses émotions. Sans que ce soit des rendez-vous réguliers puisque je ne veux pas qu'elle voit ça comme une obligation. Enfin, c'en est une mais j'essaie de lui laisser le plus de liberté possible."
C'est seulement après avoir dit tout ça que la jeune femme pris une gorgée de son jus. Elle avait dit tout ce qu'elle avait à dire et pouvait se détendre un peu.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire afficha la même expression que lorsqu’elle était en salle d’audience, le fait qu’il y ait plus entre sa nièce et le directeur de l’académie rendait les choses bien trop mystérieuses à son goût. Et même si la professeur et maîtresse de confrérie n’arrivait pas à tirer les vers du nez de Lorie, elle pourrait essayer elle de le faire avec l’Occlumencie, mais elle préférait ne pas en arriver là.
La juge cassa son expression neutre pour afficher un sourire lorsque la professeure en face d’elle lui avoua que sa nièce avait une obligation de venir lui parler sans qu’elle ne puisse voir que c’en était une. C’était un peu comme quand on avait essayé de lui cacher la Potion Ostodosi lorsqu’elle avait fait un passage au dispensaire durant sa scolarité. « Habile, mais je crains qu’elle se doute rapidement de la supercherie, s’amusa l’adulte en prenant une gorgée de chocolat chaud. Je suis heureuse qu’elle ait quelqu’un à qui se confier, c’est important pour elle et ça l’est donc pour moi. » Finit-elle par dire en se détendant comme l'adulte en face d’elle.
Il semblait que le sujet concernant Lorie fût clôturé, ainsi alors que la juge reprenait une gorgée de chocolat chaud, elle se risqua à briser le silence qui commençait à s’installer. « Pardonnez ma curiosité, mais avez-vous un lien de parenté avec un certain Ryo Yapara ? » C’était un nom peu courant en France métropolitaine et Claire savait qu’elle ne prenait pas beaucoup de risque sur ce coup-là. Il y avait de grandes chances que la jeune femme en face d’elle soit liées à ce qui avait été son dossier l’un des dossiers les plus marquant de sa carrière.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
Ainsi, Aliaume avait poussé Lorie à se présenter au tournoi ? Voilà qui était autant intéressant qu'intriguant. L'avait-il fait avec d'autres élèves ? Et si non, pourquoi elle ? Tous ses secrets ne plaisaient décidément pas à la Guyanaise. Comment pouvait-elle s'assurer du bien-être de ses élèves si elle n'avait pas toutes les informations en sa possession ? Autant les lubies du Professeur Delalande l'avaient, la plupart du temps, amusée mais parce qu'elle n'avait de conséquences que sur lui-même. Là, ce n'était plus du tout la même chose. Et malgré tout, Tahina savait aussi qu'elle ne comprenait pas tous les tenants et aboutissants et qu'il fallait faire confiance en son directeur. Sacré dilemme quand même.
"Je pense qu'il y a plus, oui. Je ne saurais dire quoi mais c'est une impression que je ne pourrais expliquer. Le professeur Delalande a toujours suivi ses propres intuitions et il ne s'en confie qu'aux personnes qui ont besoin de savoir. J'essaierais d'avoir une conversation avec elle mais sans l'assurance que ça aboutisse."
La jeune femme reconnaissait rarement son impuissance mais elle sentait que, pour le bien de son élève, elle se devait de mettre carte sur table. Ainsi, elles seraient deux à pouvoir se préoccuper de la santé mentale de Lorie et surtout, elle pourrait être alertée de tout changement de comportement quand elle n'était pas à l'académie.
"En tout cas, je garde un oeil sur Lorie. Je lui ai demandé de venir régulièrement me voir pour discuter de son ressenti, de ses émotions. Sans que ce soit des rendez-vous réguliers puisque je ne veux pas qu'elle voit ça comme une obligation. Enfin, c'en est une mais j'essaie de lui laisser le plus de liberté possible."
C'est seulement après avoir dit tout ça que la jeune femme pris une gorgée de son jus. Elle avait dit tout ce qu'elle avait à dire et pouvait se détendre un peu.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire laissa un sourire amusé s’afficher à la remarque de la professeure. Elle était d’accord avec elle, il valait mieux que sa nièce le voie comme un arrangement plutôt qu’une punition.
Son sourire s’était effacé lorsqu’elle avait mentionné que Rio était son père. Ou plutôt « géniteur » pour reprendre ses termes. Claire fut soudainement embêtée et fit un signe au serveur lui indiquant d’emmener deux féerique. Cette discussion semblait s’orienter vers quelque chose de moins fantastique que la première métamorphose dont la juge avait été témoin. Musica Sonum… Cette formule sonnait encore dans les oreilles de Claire comme une douce mélodie. Balançant légèrement la tête de haut en bas, elle se contenta d’un simple « je vois. »
Claire avait songé à ne pas continuer, mais si la professeure de sa nièce n’avait pas coupé court et avait même commandé un cocktail, c’était peut-être qu’elle-même était prête à en parler. « Les relations familiales peuvent être compliquées, commença Claire en attrapant son cocktail qui venait d’arriver. Que s’est-il passé, si ce n’est pas trop indiscret ? » Se risqua-t-elle à dire alors qu’elle marchait sur des œufs. Elle n'allait tout de même pas annoncer que l’arrêté Rosier avait été prononcé aussi directement. Puis la juge monta le cocktail jusqu’à ses lèvres. Il ne fallait que quelques gorgées pour que les effets de la boisson soient ressentis, pour autant même avant de boire elle était restée elle-même, flegmatique et calme.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
"Elle est intelligente. Nul doute qu'elle sache déjà ce qu'il en est mais ça ressemble à un petit arrangement comme ça. Plutôt qu'à quelque chose qu'elle pourrait voir comme une punition alors que c'est tout sauf ça."
Enfin, au moins, le sujet était clos et vu que la Guyanaise avait terminé son verre, elle s'apprêtait à se lever pour ne pas plus importuner la tante de Lorie quand la phrase suivante lui fit comme l'effet d'une poussée de violente et douloureuse Eclabouille. On lui aurait frappé violemment l'estomac que l'effet aurait certainement été semblable. Tahina ne parlait jamais de son père, et pour cause... il les avait abandonné quand elle avait découvert ses pouvoirs et plus jamais elle n'avait eu de nouvelles de lui. Elle avait vu sa mère en souffrir, son petit frère régulièrement demander où était "papa" alors pour elle, son nom était devenu tabou. Elle fût d'ailleurs tentée, l'espace d'un instant, de simplement répondre par la négative mais elle ne comprenait pas comment son interlocutrice pouvait le connaître. Il y avait, de toute évidence, quelque chose qu'elle ratait et c'est la curiosité qui finit par lui dicter sa réponse :
"C'est mon père... enfin, géniteur serait le terme plus adéquat le concernant."
Elle fit signe au serveur et se commanda un cocktail "féerique". S'il fallait qu'elle aborde ce sujet-là, une fois n'était pas coutume, elle avait besoin de quelque chose de plus fort qu'un simple jus.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire hochait par moment la tête, comme un élève pourrait le faire devant un cours interminable traitant de Marie Bonnenouvelle. À la différence près, que la juge était attentive au récit de la professeure. Claire afficha un air grave et désolé. Elle savait ses parents ridicules et insupportables, mais elle ne connaissait pas la peine que l’on pouvait éprouver lors d’un abandon. Malgré sa sensation de malaise, la juge ne baissa pas les yeux. Elle n’en montra rien. Simplement une expression empathique à l’attention de cette fille qui avait été laissé seule.
« Quand je suis sortie de l’académie j’ai entrepris ma carrière dans le droit commença-t-elle à répondre, J’ai commencé dans un cabinet d’avocat qui a, à ce jour, fermé. Claire marqua un silence le temps de boire une gorgée. Ambitieuse de devenir juge, j’ai mis la main sur tous les dossiers du cabinet… L’un d’eux était au nom de Ryo Yapara. Claire laissa parcourir ses doigts sur la table. Il m’a marqué, car c’était la première fois que j’étais confrontée à l’arrêté Rosier, c’était devenu soudainement tangible et je l’ai étudié en long en large et en travers… » Scrutant les réactions de son interlocutrice Claire semblait jauger sa réaction. Peut-être que s’il n’était jamais revenu, c’était pour cette raison. Cependant, ça ne changeait pas la peine, le passé et encore moins le présent. Comme il était incapable de dire, si un jour, il serait revenu proche de sa famille. Ryo avait toujours été un personnage complexe, dont le dossier judiciaire était suffisamment lourd pour visiblement avoir la volonté de l’exclure de la communauté.
« Je suis navrée… »
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
C'est pourquoi, lorsque son cocktail arriva, la guyanaise en prit une longue gorgée. Elle en ressentit aussitôt les effets et une légère détente plus que bienvenue. Elle prit aussi le temps de respirer et de relativiser. Après tout, elle sentait qu'elle le devait à sa mère et à son frère. Si elle pouvait apprendre des choses sur lui, si elle, elle s'en moquait, ce n'était pas leur cas. Un peu comme quand elle avait étudié l'histoire de Marie Bonnenouvelle avec Roddy. Pour elle, ça n'avait pas tant d'intérêts mais lui se sentait presque investi d'une mission en temps qu'élève de Dagda pour tout savoir sur la fondatrice de sa confrérie.
"A dire vrai, rien d'extraordinaire. L'histoire bateau d'un homme qui a quitté femme et enfants. Il est parti quand j'ai déclaré mes pouvoirs et a laissé ma mère seule à gérer alors qu'elle ignorait tout de l'existence de la magie. Et on n'a plus jamais eu de nouvelles."
Amusant, quand on y pensait, comment il était facile de résumer en quelques mots les blessures de toute une vie. Tahina savait très bien que sa défiance des sorciers venait de cet abandon précoce. Les difficultés auxquelles elle devait régulièrement faire face en était le découlement logique et même si elle commençait, petit à petit, à guérir, les préjugés qu'elle avait par sa faute avaient la vie dure.
"Comment le connaissez-vous ?" finit-elle par lâcher, soucieuse d'avoir enfin la réponse à cette étrange situation.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
Claire ne pouvait que compatir, un abandon n’était jamais une chose aisée lorsque l’on était adulte alors le vivre en tant qu’enfant… Décidément le cas Ryo Yapara, celui-là même qui avait soulevé le cœur de Claire lors de ses formations dans le droit contre cet arrêté Rosier. L’histoire qui était derrière la força à admettre l’évidence, peut-être que son mari avait raison et qu’il était temps pour Claire de changer de voie. Son amour pour la justice l’avait poussé à être l’une des plus jeunes juges de l’histoire, et pourtant, jamais elle n’avait réussi à convaincre Rosier de mettre fin à cet arrêté, elle l’avait même prononcé, à contrecœur, une ou deux fois. Mais il n’était pas juste.
« Je ne l’ai pas connu personnellement, mais, je peux m’arranger pour retrouver ce dossier… Claire laissa un silence, si le cœur vous en dit. » Elle offrit un sourire compatissant à la jeune professeure, puis ajouta les raisons principales. « Votre géniteur n’en était pas à sa première infraction, ni délit, mais, un trafic de potion à sceller son sort et… Peut-être pas que le sien finalement. »
Claire détestait ces annonces, mais avec le temps, elle avait appris à mettre de côté ses sentiments aux profits des faits. Cela ne voulait pas dire qu’elle n’avait pas d’empathie, au contraire, sinon elle n’aurait jamais proposé de ressortir le vieux dossier en frappant à la porte du cabinet qui avait fini par la mettre dehors. Mais avec le temps, celui qui à l’époque l’avait formé ne devrait pas lui fermer la porte au nez. Sinon il lui restait toujours la possibilité d’ordonner qu’on lui transmette. Elle pouvait bien faire ça, puis elle prenait soin de sa nièce alors…
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
Elle avala donc le restant de son cocktail d'une seule traite avec l'impression d'avoir une énorme boule dans la gorge et elle finit par demander :
"Quelles étaient les charges contre lui ?"
Qu'avait-il pu bien faire pour en arriver là ? Elle n'était pas la plus calée en droit sorcier - loin de là même - mais elle savait quand même que ce n'était pas juste un petit larcin qui conduisait à une telle punition. La colère, contre Ryo Yapara avant tout, reprenait le pas. Après tout, c'était lui seul qui avait engendré cette situation en étant un criminel. Il ne les avait peut-être pas abandonné complètement volontairement mais le résultat était le même et c'était entièrement de sa faute. Mais elle prenait aussi conscience que l'arrêté Rosier la privait du droit de comprendre ce qui avait conduit son géniteur à faire ça. Et pour se reconstruire ensuite, ça compliquait les choses.
Claire Rosecieux
Professeure de Métamorphose
L’Occlumens observait les réactions de la professeure. Finalement, c’était la curiosité qui l’emporta sur le reste. Les charges ? Voilà qu’elle fournissait un effort mnésique pour recoller l’ensemble des pièces du puzzle. Les principaux chefs d’accusation étaient aux nombres de trois.
« Trafique de potion, trafique de plante et d'un vol… »
Claire était allée droit au but, il ne servait à rien de tourner autour du pot. De toute façon, ce qui était fait, était fait, cela faisait combien de temps ? Des dizaines d’années maintenant. Le géniteur de la femme qu’elle avait en face d’elle devait errer quelque part dans les rues non-magiques… Possiblement que les non-magiques l’aurait diagnostiqué amnésique et l’aurait réintégré dans la société, c’était ce que Claire avait envie de croire. Croire que même après la prononciation de l’arrêté Rosier, les bourreaux devenus victimes pouvaient se reconstruire dans un monde hors de la magie. Une vision utopique peut-être au vu des circonstances de la punition.
« L’arrêté Rosier n’a jamais été une bonne chose, peu importe les charges et les chefs d’accusation. Claire marqua un silence, j’espère qu’un jour que la ministre ouvrira les yeux et sera en mesure de changer le système… »
Le point sombre de son métier, naïvement Claire avait pensé pouvoir changer les choses dès qu’elle eut pris son poste de juge. Combien de fois en vingt ans avait-elle prononcé cet arrêté ? Une fois ? Une fois de trop. C’était ce qui l’avait éloigné du pénal et c’était ce qui avait dégradé le semblant de relation qu’elle pouvait avoir avec son supérieur. Naïve, voilà ce qu’elle avait été et plus le temps avançait, plus les forces en demeure l’éloignait de ce rêve qu’elle avait déjà accompli. Prendre la place de Rosier n’était pas envisageable, de toute façon, ça ne l’intéressait guère. Lorie lui avait apporté un renouveau qu’elle n’avait pas entrevu. Peut-être qu'elle se contenterait de passer plus de temps à la boutique de son mari, si elle avait un jour le courage de sortir de ce système.
Tahina Yapara
Professeure de Guérison
"Je l'espère aussi. Tout ça me semble tellement extrême. Et je ne vous cache pas que je ne sois pas quoi faire de ces informations."
Dire que ça tournait à toute allure dans sa tête était un euphémisme et elle passait par plein d'émotions contradictoires. Elle aurait sûrement besoin de plusieurs jours pour assimiler cette nouvelle réalité mais une chose continuait à s'imposer en elle. Elle devait poser la question, même si elle craignait la réponse.
"Savez-vous ce qu'il est devenu après ça ? Ou, au moins, où vit-il ?"
C'était sûrement stupide d'imaginer que le voir lui apporterait des réponses mais elle ne pouvait plus abandonner maintenant que l'idée avait émergé. Qu'est-ce que ça pourrait lui faire de le voir ? Elle l'ignorait mais elle savait aussi qu'une germe d'espoir venait de naître en elle. Après tout, peut-être que des bribes de souvenir pouvaient lui revenir ? En tout cas, elle ne serait jamais tranquille avant d'avoir vérifié. Et puis, elle voulait aussi s'assurer, finalement, qu'il allait bien. Peu importe ce qu'il avait fait. Ce qu'il leur avait fait.
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