Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
Samedi 17 décembre 2022 Il se dégageait, depuis le début de la matinée, un doux parfum de vacances dans les couloirs de l’académie : le petit-déjeuner avait été servi plus tardivement qu’à l’habitude, les uniformes étaient un peu moins ajustés qu’à l’accoutumée et même le majordome avait troqué son air sévère pour un visage plus détendu. La veille, les premières années de Dagda avait terminé ce trimestre de l’eau par un cours dispensé par le professeur Dagmar, sur la mise bas des créatures magiques. En théorie, ça n’avait pas l’air si compliqué que ça, mais Maëlle ne se sentait pas encore prête à passer à la pratique. Tous les enseignants leur avaient donné un grand nombre de devoirs et autres révisions, mais ce n’était pas pour cette raison que la petite Lefèbvre se rendait à la Chapelle en ce premier jour des vacances scolaires. Elle voulait avant tout en apprendre plus sur les pensines et leur fonctionnement, qui n’étaient qu’au programme de troisième année en Éducation historique et citoyenne. Mercredi soir, le professeur Delalande avait accepté qu’elle utilise la sienne. Sur le moment, la petite normande était à bout de force – la faute à une mauvaise grippe suintante – et n’avait malheureusement pas pu se servir de la pensine du directeur. Elle espérait cependant que la proposition tenait toujours. En souvenir de cette récente aventure nocturne, et de ce moment privilégié auprès Asmodée, la première année conservait précieusement sur elle, les deux plumes violet et noir qui lui avaient offert des visions aussi intrigantes qu’inédites. Machinalement, Maëlle vérifia qu’elles étaient bien dans la poche de sa veste d’uniforme, alors qu’elle arrivait devant l’imposant chêne au centre de la chapelle. Pensine griffonna-t-elle sur le petit bout de parchemin qu’elle déposa au pied de l’arbre. Lorsqu’elle quitta la chapelle une heure plus tard, la fillette avait survolé plusieurs ouvrages sélectionnés par les fées postales : Pensine : la clé des souvenirs, Guide pour une utilisation efficiente de sa pensine et Mille et une pensine à travers l’histoire. Elle traversa la grande galerie puis le hall d’entrée, descendit dans la cour intérieure et longea le bus d’Hogwarts pour rejoindre la tour de l’horloge. Avant de s’élancer dans l’escalier, la normande s’assura de la présence du directeur en jetant un coup d’œil au cadran. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La petite Lefèbvre grimpa fébrilement les marches dans l’obscurité de la tour de l’horloge. Arrivée sur le palier supérieur, elle prit quelques secondes pour reprendre son souffle, avant de frapper à la porte déjà entrouverte du bureau. Comme plus tôt cette semaine, le battant s’ouvrit de lui-même, dès le premier coup, dévoilant la même agitation perpétuelle. Maëlle esquissa un sourire étonné en suivant du regard la course effrénée de plusieurs fioles colorées autour d’un étrange télescope. Au centre de la pièce, le directeur de l’académie était absorbé par sa lecture – des parchemins jaunis empilés sur le pupitre lévitant devant lui – et ne releva pas sa présence. Odin, son fidèle compagnon, perché au sommet d’une grande sphère armillaire en cuivre, déploya ses ailes dans un croassement sinistre alors que la première année s’avançait de quelques pas. « Bonjour Professeur Delalande... » salua la première année, avec bien moins d’appréhension qu’il y a quelques jours. C’est qu’elle n’était pas, cette fois-ci, en train de braver le couvre-feu. « Oh, Anaëlle, mon enfant... Je vous attendais ! » La fillette écarquilla les yeux de surprise ; le vieux sorcier n’avait pas vraiment l’air d’attendre quelqu’un. Avait-il encore des questions sur l’énigmatique tatouage de ronces piquantes, qu’elle avait vu dans l’une des visions et qu’elle avait tenté de reproduire le plus fidèlement possible ? En revanche, elle ne s’étonna pas du prénom par lequel il l’avait appelée. Tout un chacun savait à Beauxbâtons que le directeur ne les retenait tout simplement pas. Anaëlle, c’est plutôt joli..., et pas si éloigné de Maëlle. « Ah ? Euh, et bien, je voulais... enfin, j’aurai aimé pouvoir utiliser votre Pensine, Professeur. » expliqua-t-elle, penchant légèrement la tête sur le côté. La normande plissa les yeux en essayant de sonder le professeur. Derrière sa longue barbe blanche, qu’il caressait du bout des doigts, elle crut déceler un malicieux sourire. Elle le regarda ensuite frapper le sol avec son bâton de marche, qu’il venait de saisir. À quelques mètres – deux ou trois tout au plus – une trappe s’ouvrit dans le sol, révélant l’entrée d’un toboggan. La petite Lefèbvre fut prise d’une étrange sensation de déjà-vu, mais les derniers souvenirs de sa précédente venue étaient encore un peu flous. Curieuse, elle s’approcha du trou et tendit le visage pour tenter d’apercevoir le fond, mais elle ne put rien distinguer : la rampe de pierres semblait s’enfoncer dans l’obscurité. « Merci » conclut Maëlle, reconnaissante, en relevant la tête vers le directeur de l’académie.. Et sur ses dernières recommandations (« Faites-en bon usage ! »), elle s’élança dans le toboggan. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La première année dévala le toboggan de pierre à toute vitesse, enchaînant les virages serrés. Elle s’enfonça ainsi dans les profondeurs de l’académie jusqu’à atterrir sèchement dans un nuage de poussière, se retrouvant les quatre fers en l’air dans une sorte de bac à sable. Maëlle se redressa et épousseta sa robe d’uniforme du bout des doigts. Une persistante odeur de terre humide vint lui chatouiller les narines et un frisson lui parcourut le corps lorsqu’elle réalisa qu’autour d’elle, tout n’était qu’obscurité. D’aussi loin qu’elle s’en souvienne, la petite Dagda avait toujours eu peur du noir. Bien décidée à ne pas se laisser envahir par l’appréhension, elle expira un long coup. À tâtons, elle se saisit de sa baguette en aubépine dans la poche de son uniforme. « Lumos » souffla-t-elle après l’avoir trouvée, illuminant ainsi les environs. La normande se releva avec précaution. Les yeux ébahis, elle observa le sous-sol dans lequel elle venait d’atterrir à la lueur de sa baguette. Elle ne mit pas longtemps à réaliser qu’elle se tenait, en réalité, sur une plateforme circulaire en pierre, visiblement bordée par le vide. Son charme de Lumière ne lui permettait pas de distinguer ce qui se trouvait au-delà. Devant elle, au centre de la plateforme, une bassine en argent flottait dans les airs. Voilà la Pensine... Impressionnée, la petite Lefèbvre s’avança avec précaution, avant d’éclairer de sa baguette l’écuelle en lévitation. À la lueur de son Lumos, elle distingua tracées sur l’argent, la forme de deux mains ouvertes. Elle approcha son visage à quelques centimètres et, plissant les yeux, elle déchiffra la formule latine qui semblait se répéter. « Pono tuas manus et cogita » lut-elle, sans en comprendre la signification. La fillette passa son index le long des arabesques gravées dans le métal. Au contact de la Pensine, elle sentit presqu’instantanément un léger frémissement. Troublée, mais aussi excitée, elle coinça sa baguette sous son aisselle pour se libérer les mains, puis plaça fébrilement ses paumes autour de la bassine. Les empreintes dans l’argent épousaient parfaitement la petite taille de ses mains. Les inscriptions latines se teintèrent d’une lumière bleutée. La première année pencha son visage au-dessus de la Pensine et observa, les yeux ébahis, l’eau qui se mit à bouillir. Et maintenant, les plumes ! se réjouit-elle avec anticipation, alors que le liquide s’était transformé en une nuée de gouttelettes en suspension. |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La première année fixa quelques instants les gouttelettes translucides sans que rien ne se passe. Lorsqu’elle rompit le contact avec la Pensine, le liquide reprit aussitôt sa place, dans un nouveau frémissement. Maëlle s’empressa alors de glisser sa baguette dans la poche de son uniforme, avant d’en ressortir deux plumes aux couleurs sombres. Celles-là même qu’elle avait récupérées auprès d’Asmodée, le majestueux Oiseau-de-Feu qui accompagnait la délégation de Durmstrang, et qu’elle avait précieusement conservées sur elle ces trois derniers jours. La fillette fit tourner les tiges entre ses doigts, hésitant sur la marche à suivre. Il a bien dit de les jeter dans la Pensine, non ? réfléchit-elle en essayant de se remémorer son entrevue avec le directeur. Cela ne correspondait pas à l’usage classique de cet objet magique. La petite Lefèbvre choisit l’une des deux plumes – la plus sombre, celle qui devait renfermer la vision sur la jeune fille blonde – et finit par la lâcher au-dessus de la Pensine. Au contact de l’eau, elle se consuma en un clin d’œil. La petite normande resta un bon moment à regarder, les yeux ronds, le fond de la bassine en lévitation. C’est pas normal... Pourquoi il ne se passe rien ? s’inquiéta-t-elle, avant de comprendre qu’il lui fallait à nouveau placer ses mains dans les empreintes gravées dans l’argent. Dès qu’elle le fit, l’eau explosa à nouveau en une multitude de gouttes en suspension, formant ainsi un décor connu. Maëlle mit quelques secondes à réaliser qu’il s’agissait en fait de la rue commerçante, avec son étal de vieux grimoires. Elle reconnut rapidement l’homme au costume et au chapeau noir, mais aussi le professeur Delalande et son bâton de marche. Tout se déroula comme la première fois : le directeur de l’académie qui se retourne, l’homme en noir qui saisit sa baguette, et puis la scène qui se dissipe... Pourtant, la première année ne distingua aucun élément nouveau. À travers les gouttelettes d’eau, revivre cette vision était assez particulier. Comme un air de déjà-vu, mais sans les couleurs ni le son... regretta la fillette, la moue aux lèvres. Elle garda les yeux levés vers les particules en suspension, mais celles-ci avaient repris une répartition aléatoire. Maëlle soupira ; le directeur de l’académie pourrait-il lui aussi revoir cette scène, maintenant que la plume avait été détruite ? |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
Pendant un court instant, la petite Lefèbvre reprit ses esprits, gardant les yeux rivés sur l’intérieur de la Pensine, où le liquide avait désormais retrouvé sa place. La plume d’Asmodée avait en revanche disparu sans laisser la moindre poussière de cendre. Au moment de jeter la seconde, pour revivre une nouvelle – mais aussi dernière – fois la scène de la Tour de l’Horloge, Maëlle fut prise d’une hésitation. Ne valait-il mieux pas laisser le professeur Delalande accéder à cette vision à sa place ? N’était-il pas le mieux placé pour comprendre ce qui se tramait réellement dans l’escalier menant à son bureau ? Un peu égoïstement aussi, la jeune Dagda redoutait la perte de cette deuxième plume, dernière trace palpable et unique preuve tangible de son incroyable rencontre avec le majestueux Oiseau-de-feu. Bien sûr, rien ne pourrait effacer les souvenirs dans sa mémoire ; que ce soit la vue de cette pluie de plumes enflammées, la sensation si particulière d’être expulsée de son propre corps, le contact doux et chaleureux d’Asmodée ou encore le survol magique de l’académie sur le dos de cette créature magique. Pourtant, elle n’avait pas fait tout ce chemin pour rien et s’il fallait en passer par là pour en découvrir plus sur l’inconnue aux cheveux blonds, alors allons-y ! Elle savait désormais à quoi s’attendre avec le liquide de la Pensine et notamment comment il reproduisait les souvenirs que l’on y mettait. Elle inspira donc une grande bouffée d’air, puis déposa délicatement sa dernière plume sombre dans la Pensine. Comme précédemment, celle-ci se consuma presqu’instantanément en cendres. Cette fois-ci en revanche, la petite normande ne perdit pas une seule seconde avant de plaquer ses deux paumes de main autour du récipient en argent. À nouveau, les gouttelettes en suspension reproduisirent sa vision avec une précision déconcertante. Devant elle, se dressait l’étroit escalier de la Tour de l’Horloge et assise sur l’une des marches, comme dans sa vision, une élève éplorée et enveloppée dans sa cape sombre, dont ne dépassait que ses longs cheveux blonds. Maëlle eut beau se concentrer sur la baguette magique, le gant esseulé, mais surtout sur le tatouage sur la main de l’inconnue, elle n’en apprit pas davantage. Rien qu’elle n’avait pas déjà remarqué la première fois, en somme... |
Maëlle Lefèbvre
3ᵉ année, Dagda
La fillette resta encore quelques minutes dans les profondeurs de l’académie, le regard perdu dans le vide de la Pensine. Et maintenant ? Il ne lui restait plus qu’à guetter régulièrement l’escalier de la Tour de l’Horloge pour espérer y croiser le chemin de l’inconnue aux cheveux blonds ; après tout, le professeur Delalande avait bien sous-entendu que ces visions étaient dans le futur, n’est-ce pas ? Elle comptait également retourner auprès de l’Oiseau-de-feu, lorsqu’il faisait tomber ses pluies de feu nocturnes, si l’occasion se représentait. Et accessoirement, de façon plus pragmatique, il lui fallait aussi dans un premier temps sortir d’ici ! Le directeur de l’académie n’aurait-il pas omis de lui indiquer comment quitter cette caverne qui renfermait sa Pensine ? L’air interdite, la petite normande regarda vainement en l’air, par là où elle était arrivée, mais elle ne distinguait ni le plafond, ni l’extrémité du tobbogan de pierre qu’elle avait dévalé plus tôt dans l’après-midi. Un frisson d’angoisse lui parcourut le dos, s’imaginant déjà rester coincée dans les tréfonds de Beauxbâtons pour l’éternité. En plus, c’était les vacances scolaires et aucun professeur ne se rendrait compte de sa disparition en classe avant plusieurs semaines... La panique commençait véritablement à s’emparer de la jeune Dagda, qui s’efforça, ou du moins essaya, de garder un semblant de sang-froid. Il devait forcément y avoir une solution, un autre toboggan, un passage secret, des escaliers qui remontaient à la surface, ou que savait-elle encore. Le professeur Delalande ne reste pas coincé à chaque fois qu’il veut revoir un souvenir, lui... Cela n’avait pas de sens ! Armée de sa baguette allumée, elle se mit en quête de la sortie et fouilla les moindres recoins de ce sous-sol obscur, veillant à ne pas trop s’approcher du vide tout de même. Elle gratta le sable, posa sa main sur chacune des pierres froides, les poussant parfois avec l’énergie du désespoir. En l’espace de quelques secondes, après de longues minutes de recherche, elle se retrouva projetée devant l’entrée des cuisines, au rez-de-chaussée de l’école, sans trop savoir ce qui avait déclenché l’ouverture de ce fameux passage secret. À la lumière qui l’éblouit, elle répondit par un long soupir d’aise. Un large sourire se dessina sur son visage, alors qu’elle se retrouvait assise au milieu du couloir, les cheveux décoiffés et l’uniforme couvert de poussière. Ignorant les regards des élèves autour d’elle, Maëlle se releva sans difficulté, épousseta sa robe en satin par quelques gestes maladroits et prit la direction de la tour de sa confrérie, satisfaite d’avoir échappé à un funeste destin. |
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