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Né à Soissons une triste nuit de novembre, les choses commençaient plutôt bien pour Jules. Sa mère et son père s'aimaient, ne s'engueulaient pas trop, et l'avaient désiré. Alors les premières années de sa vie furent les plus joyeuses, bien qu'il ne s'en rappelle plus. Pourtant, les choses se sont vite gâtées. Notamment à l'arrivée de sa petite soeur, de deux ans sa cadette. Les finances de la famille ne suivaient plus, et ils déménagèrent dans une de ces cités HLM. Finie la maisonnette avec un petit jardin. Place aux blocs de béton et à un appartement trop petit.

Ses parents ont bien essayé de redresser la barre, en travaillant davantage. Cela n'a pas suffit, d'autant plus que sa mère s'est de nouveau trouvée enceinte. Une autre petite fille. Mais le malheur n'avait pas fini de frapper aux portes de la famille, puisqu'à peine deux mois après sa naissance, la mort subite du nourrisson la frappa, laissant désemparée toute la famille Maury.

C'était trop pour la mère de Jules qui fut bien incapable de reprendre le travail. Toute la journée à la maison, la bouteille pour seul réconfort. Jules et sa petite soeur n'arrivaient pas à la consoler. Et leur père n'aidait pas. Lui aussi noyait son chagrin, chaque soir. Et ça ne le rendait pas fort agréable. Le premier qui avait la mauvaise idée de se trouver à portée de main se prenait une bonne raclée, pour n'importe quel prétexte. Un regard mauvais, trop de bruit en marchant, un air supérieur.

Les choses se sont dégradées peu à peu. L'école était comme une bouffée d'air frais pour Jules et sa soeur. Jusqu'à ce qu'on lui annonce qu'il ne pouvait plus y aller. Qu'il aurait un précepteur, sous prétexte qu'il avait tendance à faire des petits trucs bizarres quand il était trop en colère, comme cette fois où son père a voulu gifler Chloé sous ses yeux et que quelque chose l'a empêché de la toucher. Les choses ne se sont pas vraiment arrangées. Son père a perdu son travail, ses deux parents passaient leurs journées à boire le peu d'argent qu'ils avaient, pendant qu'il essayait tant bien que mal de faire à manger pour sa soeur. Il n'était plus violent, il se contentait d'ignorer royalement son fils comme s'il n'existait plus. Jules n'avait pas envie d'être un sorcier. Il n'avait pas envie de quitter Chloé et de la laisser seule avec ses parents. Qui s'assurerait que son père ne retombe pas dans ses anciens travers sans personne pour le surveiller ? Qui s'assurerait qu'elle mange au moins une fois par jour ?

La seule chose qui le faisait tenir, c'était de se dire qu'un jour, il serait assez grand pour tenir tête à son père. Ce jour-là, il viderait toutes les bouteilles de l'appartement dans l'évier, et il emmènerait Chloé loin de cet appartement miteux. Et ils vivraient enfin heureux.