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Aliaume Delalande
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

Aliaume Delalande
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Sam 29 Juin 2024 - 12:26

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Vendredi 28 Juin 2024, 19h30.

« Êtes-vous bien certain de ce que vous faites ? »

Je m’arrêtai, l’obligeant à faire de même.

« Vous ai-je jamais donné une raison de douter de moi ? rétorquai-je en esquissant un sourire malgré la fatigue et les douleurs qui engourdissaient tous mes muscles, certain que ce pauvre Emilien ne trouverait rien à me répondre. Son indéfectible loyauté l’en empêchait. »

Il soupira.

« Très bien. »

En signe d’estime, je raffermis ma prise sur son bras. Emilien n’était pas dupe, je le savais très bien. Il était parfaitement conscient que sans son soutien, il m’aurait été impossible de faire le trajet entre le dispensaire et le réfectoire. Son bras me maintenait debout quand mon corps ne demandait qu’à se recoucher…

J’entendis les portes s’ouvrir devant nous — le château avait pitié du vieillard sans éclat que j’étais devenu. Le brouhaha du réfectoire fut réduit à néant par notre entrée, le silence le disputant aux chuchotements. Je ne pouvais pas le voir de mes propres yeux, mais je devinais que la réaction devait être la même à la table du personnel. Peut-être même que la professeure Yapara en avait lâché ses couverts, qui sait — elle me reprocherait tôt ou tard cette expédition, ça c’était certain. Reste que nous étions au dîner de fin d’année — déjà bien entamée si je me fiais à la puissance des odeurs qui flottaient tout autour de nous — et qu’il était de mon devoir de rassurer tout le monde quant au fait que je n’étais pas mort.

« Attention à la marche, me murmura Emilien. »

Je l’en remerciais d’un hochement de tête et levai un premier pied nu pour grimper sur l’estrade. D’une impulsion, Emilien m’aida à basculer mon poids vers l’avant pour hisser le deuxième pied sur l’estrade.

« Le pupitre est juste devant vous, me confirma-t-il une fois parvenue à bon port. »

Une main après l’autre, je me défis du support d’Emilien pour m’accrocher au pupitre.

« Emilien… j’aurais encore un service à vous demander… »

« Ne dites pas de bêtises, vous savez bien que c’est un honneur pour moi. Sonorus ! »

J’affichai mon plus doux sourire, ouvrai les yeux et fixai mon attention le plus loin possible… ce qui ne portait pas bien loin depuis qu’un voile blanc recouvrait ma vue. Maintenant que ma cécité était révélée, les murmures s’amplifièrent. Je ne fis rien pour les réduire au silence. Les commérages iraient bon train, comme toujours.

« BONSOIR… JE SUIS NAVRÉ D’INTERROMPRE CE FESTIN, MAIS IL ME SEMBLAIT MALHEUREUX QUE LE DIRECTEUR NE SOIT PAS PRÉSENT POUR FÉLICITER LES VAINQUEURS DU BOUCLIER… »

Un pincement me fit louper un ou deux battements de coeur lorsque mes oreilles restèrent sans nouvelles des battements d’ailes de mon fidèle compagnon… Il n’y aurait plus jamais de battements d’ailes, j’en étais conscient. Mais rien ne pouvait empêcher mon rythme cardiaque de s’emballer lorsque cette vérité existentielle s’imposait à moi.

« … J’ADRESSE MES SINCÈRES FÉLICITATIONS AUX ÉLÈVES DE LA CONFRÉRIE D’OGME… »

Je déglutis en essayant de ravaler mes larmes. Je me sentais dévoré par un terrible sentiment de solitude, isolé comme jamais personne ne pourrait l’imaginer…

« … ET VOUS ADRESSE À TOUTES ET À TOUS MES PLUS PLATES EXCUSES POUR LES TEMPS DIFFICILES QUE JE VOUS AI IMPOSÉS DEPUIS VOTRE RETOUR DES VACANCES… J’AI… »

Le silence était si assourdissant qu’il n’en renforçait que plus mon déchirement intérieur.

« … J’AI PERDU UN AMI DANS UNE ATTAQUE QUI ME VISAIT MOI ET MOI SEUL… MAIS SOYEZ ASSURÉS DE VOTRE PLEINE ET ENTIÈRE SÉCURITÉ… »

Quelqu’un se leva, quelque part, pour m’applaudir. Une seconde personne lui emboîta le pas, puis une troisième, une quatrième… Ne pouvant les contenir plus longtemps, je laissai les larmes rouler sur mes joues et se perdre dans ma barbe.

Je ne sais combien de temps s’écoula sous les vivats de la foule, avant qu’une voix tonitruante ne calme les ardeurs en faisant écho à mes dernières paroles. Mes larmes cessèrent aussitôt de ruisseler en l’entendant. J’étais soudain sonné. Que faisait-elle ici ?

« … JE VAIS VOUS LE DIRE PUISQUE LUI-MÊME EST INCAPABLE DE VOUS L’EXPLIQUER… SOYEZ ASSURÉS DE VOTRE PLEINE ET ENTIÈRE SÉCURITÉ CAR IL EST LE PLUS GRAND MAGE BLANC DE NOTRE TEMPS ET PEUT-ÊTRE BIEN DE L’HISTOIRE… IL AVAIT SEULEMENT BESOIN QUE LE COURS DES ÉVÉNEMENTS LE LUI RAPPÈLE. »

Je tournai ma tête vers Emilien, estomaqué par ce que je venais d’entendre de la bouche de ma rivale de toujours.

« Madame Maxime se tient dans l’entrée, entourée des autres membres du conseil d’administration, me murmura-t-il non sans une vibrante émotion que je perçus dans le timbre de sa voix. Ils vous applaudissent… »


Indication n°1 : le discours de fin d’année et l’annonce de victoire du Bouclier de Lancelot ont été prononcés par les maîtres et maîtresses de confrérie dès 19h, s’en est suivi le service du dîner.
Indication n°2 : le professeur Delalande n’a plus été vu par aucun élève depuis le samedi 30 mars (date du début des vacances de Printemps) puisqu’au retour de ces mêmes vacances, le samedi 13 avril, les élèves ont eu la mauvaise surprise d’apprendre que le professeur Delalande avait été victime d’une attaque la veille, alors qu’il assistait aux festivités dans les rues d’Osse-en-Bazar. Aucun autre détail ne leur a été donné si ce n’est qu’Odin, le corbeau qui le suivait partout, a été tué.
Indication n°3 : le conseil d’administration de l’académie est composée de 5 personnes : Melchior McAron en qualité de représentant des parents d’élèves, Célestine Lestrange en qualité de représentante du ministère, Valère Haag en qualité de représentant du personnel, et enfin Olympe Maxime et Violette Guyomard en tant qu’anciennes directrices.


La deuxième partie devrait être publiée dimanche prochain, sentez-vous libre de réagir entre temps !
Giovanni Cumuci
Giovanni Cumuci
3ᵉ année, Ogme

Giovanni Cumuci
3ᵉ année, Ogme

Giovanni Cumuci
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Dim 7 Juil 2024 - 16:41

C’était enfin le dernier jour. J’attendais ce moment avec une certaine impatience. J’en avais assez des cours, des longues journées à l’école, et de devoir supporter l’autorité des délégués qui nous imposent trop de règles. Mais cette fois, en arrivant à la gare de Paris, je suis certain que maman ne me repoussera pas, car cette année, je n’ai pas fait de bêtises. Ou plutôt, je n’ai rien fait qui aurait entraîné l’envoi d’un courrier à son attention.

Les vacances à la maison se faisaient attendre, mais j’étais curieux de savoir ce que l’école avait réservé pour ce dernier dîner de l’année scolaire. Ils allaient sûrement annoncer quelle confrérie était la gagnante, puis ensuite... quelqu’un viendrait peut-être faire un discours pour tristement annoncer que le vieux directeur ne pourrait pas venir. Mauvaise ambiance après l’annonce du gagnant.

Je suis installé à l’une des tables rondes du réfectoire, presque la plus proche de l’estrade. C’est clairement une mauvaise idée ; je préfère généralement assister au spectacle de loin. Pauline avait décidé de manger à mes côtés. Nous nous entendions mieux ces derniers temps, depuis que nous avions longuement parlé après un travail de groupe. Elle penche sa tête aux cheveux flamboyants dans ma direction et me chuchote :

« – Gio… on fait un pari ? » me demande-t-elle sur le ton de la confidence. Elle n’a pas tort de mettre un peu d’enjeu après tout ce temps. Je rentre dans son jeu, pensant peut-être qu’il y a quelque chose d’intéressant à gagner.

« – Sur quoi et qu’est-ce qu’on parie ? » lui demandai-je, déchirant le coin de ma serviette.

« – La mort du directeur. »

Un malaise me prend. Depuis quand parie-t-elle sur des sujets aussi morbides ? Après tout, c’est vrai que c’est un sujet qui revient souvent dans les conversations de nos camarades... mais moi, je préfère rester loin de cela. En général, les ragots m’ennuient, mais celui-ci me travaille particulièrement. Et si c’était vrai ? Que deviendrait Beauxbatons ? Je fais une boulette avec le bout de serviette que j’avais déchiré et soupire, le regard perdu dans le vide. J’hausse les épaules et réponds avec un brin d’espoir.

« – Je pense qu’il est vivant… peut-être même rétabli. Il a une réputation d’homme tenace et mystérieux après tout. »

J’entends un pouffement, que je devine venir de Pauline. Je cligne des yeux et l’observe, un peu étonné par son comportement. Ce n’est absolument pas drôle.

« – Je croyais que tu pensais le contraire. Tu n’es pas du genre optimiste habituellement. Mais moi, je te parie qu’il est mort, depuis longtemps. Gio, ça fait des mois qu’on ne l’a pas vu et qu’on n’a pas eu de nouvelles. Ils ne savent juste pas comment nous l’annoncer. »

Je reste silencieux. Je vise mon verre avec ma mini-boulette, qui tombe bien loin de mon panier improvisé.

« – Si je gagne mon pari, tu iras mettre tous les mois des fleurs sur la tombe du directeur. Et toi, si tu gagnes… »

« – Il est vivant, la coupai-je. Nous ne mettrons de fleurs nulle part. Le directeur est le plus puissant sorcier que je connaisse, et il nous protègera encore. Si je gagne, Pauline, nous lui préparons l’anniversaire le plus mémorable. »

Elle leva un sourcil et tordit son cou d’un air interrogateur.

« – Mais on ne connaît même pas sa date de naissance. »

Soudain, un bruit de porte nous fit taire. C’est monsieur Gautier qui tenait quelque chose à ses côtés. Non, c’était quelqu’un, un vieux. Attends, quoi ? C’est notre vieux directeur ? Une ambiance pesante s’installait, et j’aurais sans doute fait un grand et fier sourire à Pauline si le directeur se dirigeait dans un autre état vers le pupitre. Une multitude d’émotions m’envahissaient. Je n’avais pas gagné ce pari… on aurait dit qu’il s’accrochait à la vie autant que la mort le tirait dans les ténèbres. À ce stade, peut-être que d’ici là, j’irai lui apporter des fleurs sur sa tombe pour le jour de son anniversaire.

Le directeur commença à s’exprimer lorsqu’avec Monsieur Gautier, ils arrivèrent au niveau du pupitre. Il félicita notre confrérie d’avoir gagné, mais en même temps, son discours semblait particulièrement éprouvant à partager.

Je croisais mes bras, écoutant attentivement les paroles du vieux sorcier. Il rigole, j’espère ? Il a subi une attaque, il n’a pas su protéger son précieux ami, et il est maintenant frêle comme une fleur au milieu d’un feu de forêt. Je suis sûr qu’un simple membrardus de première année l’atteindrait. Il n’est plus le plus fort des sorciers… et si on a réussi à l’atteindre, lui, qu’est-ce qui nous dit que nous sommes vraiment en sécurité ?

Tout le monde se lève et applaudit. Moi, je reste assis, bloqué dans le courant de mes pensées. On aura beau essayer de nous persuader que ça ira bien, personnellement j’ai un doute, j’ai l’impression que ce ne sont que des beaux mots pour nous rassurer. Je soupire et me saisis de ma fourchette pour manger un morceau de colin, m’inquiétant intérieurement pour l’école et pour le directeur. Restant silencieux, en attendant la fin de ce repas qui était devenu amer.
Teilo Daroux
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
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Jeu 11 Juil 2024 - 15:59


Teilo était comme le réfectoire, en effervescence. L'année scolaire s'achevait et en faire le bilan était bien trop compliqué, alors le Lug se laissait simplement porter par l'ambiance de fête. Il avait écouté le discours de fin d'année en se retenant de trop gigoter sur sa chaise, puis applaudi comme les autres la confrérie d'Ogme qui avait encore une fois remporté le Bouclier de Lancelot. Il avait gardé pour lui ses pensées sur le sujet, mangé de bon cœur sa salade aux lentilles et baies de goji tout en discutant gaiement avec ses camarades de table de ce que chacun et chacune allait faire pendant les vacances.

Teilo n'était pas à la table de Giovanni. Ils ne se fréquentaient plus trop depuis quelques mois. Le Lug avait donc opté pour une tactique qui tenait compte de la configuration et du positionnement des tables dans le réfectoire. Il s'était mis à la table juste à côté de celle de Gio, et de manière à être assis quand même pas loin de l'italien. Un subtil message que, peut-être, son meilleur ami pouvait comprendre. Quoi que. Chaque semaine qui passait, Gio semblait de plus en plus... têtu.

Entre deux bouchées et deux échanges avec Paolo et les autres camarades de sa table, le Lug jetait des regards discrets vers l'italien et put ainsi constater à quel point celui-ci s'entendait bien avec Pauline en ce moment. Tant mieux, se dit Teilo en buvant de grosses gorgées d'eau pour pouvoir mieux déglutir. Puis son oreille se tendit quand ils évoquèrent le directeur. Pauline disait vraiment n'importe quoi. Bien sûr que Monsieur Delalande n'était pas mort. Gio avait raison, c'était un puissant sorcier, sûrement un des plus puissants au monde ! Et oui, ils allaient lui fêter son prochain anniversaire en grande pompe, avec une génoise géante ou un autre gâteau qu'il aimait bien.

Teilo s'en voulait de ne pas avoir fêté le dernier.

Il s'en voulut encore plus quand son Directeur, son Professeur d'Alchimie, son... oui, son Confrère de Lug parut enfin aux yeux de l'assemblée, si affaibli, aveugle et sans son corbeau. Il était soulagé de le revoir enfin, de pouvoir entendre à nouveau cette voix qu'il appréciait tant, forte et vibrante, rassurante et porteuse d'espoir. Mais il ne pouvait pas s'enlever de la tête qu'une fois encore, quelque-chose lui avait échappé. C'était comme avec Pensée, Lorie, Thaïs et Gio. Était-il condamné à ne pas pouvoir protéger et préserver les gens qu'il chérissait ?

C'était carrément de sa faute. S'il avait refusé le duel avec Oscar, tout aurait été très différent. Pourquoi aucun de ses amis ne lui avait dit que c'était ridicule, cette histoire ? Au final, après tous ces efforts, ces entraînements avec Drian, il n'avait même pas osé le gagner, ce duel. Rien n'était réglé. Tout ça pour ça.

Ce n'était donc pas à Monsieur Delalande de présenter ses excuses, c'était à lui, et à toutes celles et ceux qui auraient pu faire un peu plus attention à ce qui se passait. Alors, les yeux humides, le jeune Lug fut l'un des premiers à se lever pour applaudir l'Ancêtre. Et quand toute la salle s'y mit, qu'un vacarme se leva jusqu'à tester tant la résistance des fondations de l'Académie que celle des glandes lacrymales de son Directeur, le cœur de Teilo s'emballa.

La vérité se rappelait à tous : personne n'était vraiment seul à Beauxbâtons.

Le Lug tourna la tête pour constater que Gio, lui, était resté assis et n'applaudissait pas. L'envie de le saisir par dessous les bras pour le redresser était forte mais vu leur relation actuelle, le risque de coup d'épaule était bien trop élevé. Les bras plus ballants, ses mains battant plus mou, il en était à chercher une autre solution quand une autre voix fit taire la foule d'élèves déchaînés. Teilo se mit sur la pointe des pieds pour mieux voir la personne - non, les personnes - qui venaient de faire leur entrée et couvraient d'éloges Monsieur Delalande, révélant à toute l'assemblée son statut de Mage Blanc.

"Qui c'est ?" lâcha-t-il un peu fort, le nez et les yeux plissés. N'avait-il pas déjà vu ces visages quelque part ?
Aliaume Delalande
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie

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Aliaume Delalande
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Ven 12 Juil 2024 - 12:08

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Le vieil homme qui n’avait pas su dissimuler son émotion acquiesça à on-ne-sait-quoi. Mais les plus observateurs parmi l’assistance remarquèrent que madame Maxime acquiesça à son tour avant de tourner les talons en direction du hall d’entrée — rapidement suivie par le reste des administrateurs de l’académie — en laissant derrière elle une valise plus haute que la plupart des adolescents présents. Le cuir qui la recouvrait était incrusté d’étranges arabesques.

« Attendez un instant, madame Maxime a oublié sa valise, lança Emilien en amorçant un mouvement vers l’entrée du réfectoire… Un mouvement vite réprimé par la main d’Aliaume. »

Surpris, le majordome lui lança un regard mi-stupéfait mi-intrigué.

« Ce n’est pas un oubli, assura le vieil homme. »

Le majordome ouvrit la bouche mais aucun mot ne réussit à franchir la frontière de ses lèvres.

« J’aimerais ajouter une dernière chose si vous me le permettez. »

Un sourire éclaira le visage du vieux directeur lorsqu’il lui désigna sa gorge. D’abord interdit, Emilien Gautier retrouva ses esprits et appuya de nouveau sa baguette magique sur la gorge du vieil homme ; un geste qui appela tout le monde à se rasseoir.

« LE MOMENT EST SANS DOUTE VENU… »

Personne ne pouvait comprendre si le vieil homme pensait à voix haute ou bien s’il s’adressait à l’assistance. Reste que l’attention générale se tourna vers la valise géante lorsque celle-ci — tirée par une magie que personne n’avait activée — contourna les tables une à une en se rapprochant du directeur. Les adolescents qui la virent passer tout près d’eux remarquèrent les mots que les arabesques s’amusaient à former sur le cuir : Avalon vous salue, Votre Majesté…

« … DEPUIS LA NUIT DES TEMPS MAGES BLANCS ET MAGES NOIRS SE LIVRENT UNE BATAILLE SANS FIN, LES UNS POUR LA PAIX ET L’ÉQUILIBRE, LES AUTRES POUR LA SOUMISSION ET LA DOMINATION… JE SUIS CONVAINCU QUE LES MAGES NOIRS SE RÉVÈLERONT DE NOUVEAU À NOTRE SOCIÉTÉ PLUS TÔT QUE TARD… LES SIGNES N’ONT CESSÉ DE S’ACCUMULER EN CE SENS DEPUIS QUELQUES TEMPS… »

Parvenue à portée du directeur, la valise s’immobilisa, sa poignée claquant frénétiquement.

« … ILS FORCERONT DE NOUVEAU NOTRE COMMUNAUTÉ À CHOISIR ENTRE L’OMBRE ET LA LUMIÈRE… ENTRE L’AMOUR ET LA TRAHISON… poursuivit le vieil homme en offrant une caresse à la valise — qui s’anima aussitôt d’un frisson de plaisir. QUOI QU’IL ADVIENNE DE MOI, BEAUXBÂTONS DEMEURERA UN SANCTUAIRE INVIOLÉ… LE HAUT-LIEU D’ÉRUDITION VOULU PAR NOS PRÉDÉCESSEURS… L’ULTIME REMPART CONTRE LA MAGIE NOIRE… »

L’un après l’autre, les tatouages du vieil homme s’illuminèrent d’une aura blanche tandis qu’il adressait un signe au majordome visiblement inquiet.

« Empêchez la professeure Yapara de m’atteindre s’il lui prenait la mauvaise idée de s’y essayer, lui murmura-t-il. »

Emilien Gautier pâlit mais il acquiesça malgré l’invraisemblance de la demande. On le vit prendre position à mi-chemin entre le directeur et la table des professeurs, baguette toujours à la main.

Les arabesques sur la valise s’illuminèrent à leur tour, diffusant une lueur blanche autour d’elles. Lueur qui se mélangea à celle qui émanait du vieil homme. Lorsque tous ses tatouages se retrouvèrent activées, tout le monde dans le réfectoire sentit ses soucis s’évaporer instantanément avant qu’une onde de lumière blanche ne força tout le monde à fermer les yeux pour ne pas être aveuglé.

Un lourd silence s’imposa à tous. Au bout de quelques secondes, les yeux se rouvrir, hésitants, fuyants… et, inévitablement, s’écarquillèrent en s’arrêtant sur l’endroit où se trouvait encore quelques instants plus tôt un vieillard et une valise géante…

… la valise avait disparu tout comme le vieillard. A la place, un homme bien plus grand et plus musclé qu’Aliaume Delalande — les cheveux gris rasés à ras et la barbe tout aussi grise qui lui tombait sur sa large poitrine — jetait son ombre sur le pupitre de l’académie. Comme le vieil homme, il arborait une collection de tatouages alchimiques — moins nombreux ceci dit — et, comme lui, il avait des yeux verts qui avaient bien du mal à cacher la lueur mutine qui les animait. Il portait un ample kimono bleu royal.

Les professeurs qui l’avaient bien connu du temps de leur propre scolarité reconnurent sans mal en cet individu l’aura et le physique d’Aliaume Delalande à l’apogée de sa puissance magique…

« NOUS NE SOMMES PAS LA PREMIÈRE ÉCOLE DE SORCELLERIE DU MONDE SANS RAISON ! s’exclama d’une voix parfaitement assurée le Mage Blanc en pointant sa baguette magique sur sa gorge. JE VOUS SOUHAITE UNE BELLE SOIRÉE ! »

… Ils n’apprendraient, une heure plus tard, tous réunis dans la tour de l’Horloge, que le vieux renard s’était soumis plusieurs décennies plus tôt à une magie gardée secrète au sein de son ordre. Une magie qui avait lourdement handicapé ses capacités magiques toutes ses années et plus surprenant encore, le temps, dans le seul et unique but de les retrouver intactes au moment où les Mages Noirs resurgiraient. Ceux qui l’interrogèrent sur le lourd prix à payer pour l’usage d’une telle magie n’obtinrent qu’un sourire énigmatique de la part d’Aliaume, loin de se douter que le sorcier se savait déjà condamné.
Giovanni Cumuci
Giovanni Cumuci
3ᵉ année, Ogme

Giovanni Cumuci
3ᵉ année, Ogme

Giovanni Cumuci
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Lun 15 Juil 2024 - 13:33

Pauline aperçu l’état pensif de Giovanni et petit à petit ralenti ses applaudissements. Elle pensait qu’en gagnant son pari, Giovanni l’aurait charriée toute la soirée, mais contre toute attente il faisait la tête. Décidément, il ne s’arrêtait jamais de la surprendre. Elle qui avait essayé de paraître « cool » en s’amusant à faire un pari hors du commun avec lui, c’était raté.
Elle se rassit, pour être à hauteur de tête de l’Italien qui retirait une arrête de son poisson à l’aide de sa fourchette…avec pour objectif de la mettre sur le rebord de son assiette. La jeune ogme fronça les sourcils, se demandant comment diable est-ce qu’il arrivait à être autant captivé par son assiette. Après une levée de yeux aux ciel, elle prit le pichet ? La carafe ? La cruche ? Le broc d’eau ? Le pot à eau ? L’un des bons nombres de noms désignant ce récipient, pour faire couler de l’eau dans son propre verre. Et quand elle eu fini de se servir, maintenant toujours le récipient dans sa main droite, de sa main gauche et libre, elle attrapa la boulette tirée plus tôt tirée par Giovanni pour le lui jeter dessus afin d’attirer son attention. Malheureusement, son action rata : la boulette le frôla et continua son envol, jusque sur la joue de Teilo. Oups, il ne l’a pas vu hein ? Se demandait-t-elle alors qu’elle avait détourné le regard vers Giovanni l’air de rien.

«- Giovanni ! Ici la Terre, tu as soif ?»

S’empressa-t-elle de lui demander. Il releva la tête, et son attention de son arrête, alors que le directeur annonçait que le moment était venu.
Il ne pu s’empêcher de fixer M.Delalande à ce moment là.

«- Sers-en moi un grand.» Demanda-t-il, en se faisant toutes les hypothèses possibles après ce bout de phrase : ”Le moment” qui résonnait dans son esprit. Ils allaient changer de directeur ? Ou alors Monsieur Delalande prendrait sa retraite ? Peut-être qu’il partirait en voyage avec cette valise qui sortait de nul part…enfin de son point de vu. «- un-s’il-plait-ne-serait-pas-de-trop.» Maugréa Pauline, en le servant jusqu’à ras bord.
Le regard de l’italien se fixa justement sur cette valise, il se demanda qu’était ce nom qu’il aperçu quand elle roula près de leur table, « Avalon », puis cette adresse…sa majesté était le directeur ? Absolument rien de logique semblait s’imbriquer dans sa tête.  «- Qu’est-ce que ça veut dire ?» S’interrogea-t-il à haute voix. «Merci-peut-être.» Bougonna la rousse, les bras croisés bien qu’elle suivait elle aussi curieusement la valise du regard.

Le discours du vieil homme atteignit quant à lui bien mieux les tympans du Piémontais. Son cœur battait dans sa poitrine comme on joue du tambour, et rien de son environnement n’était plus clair que la silhouette du faible mage. En fait, à cet instant, rien d’autre ne comptait que d’entendre son discours. Giovanni se demanda si c’était là un discours pour les prévenir, que quoi qu’il arrive ils auraient tous leur propre bataille à mener contre l’ombre. Aussi subtile et simple soit-elle.  De toute façon qui ici pourrait bien vouloir d’un monde sombre, mêlant soumission et domination, et où l’amour n’aurait pas sa place ? L’Italien sûrement un peu naïf, ou bien n’acceptant pas que le contraire soit possible, pensait que personne ne voudrait de cela, du moins derrière les remparts de ce château.

Devait-il avoir peur pour ses parents qui eux ne seraient pas protégés par les remparts de Beauxbatons ? Et puis que valaient ces remparts, si elles étaient aussi « puissantes » que le faible directeur ? Il se promettait de devenir plus fort pour protéger les innocents et ceux qu’il aimait…dont Pauline, Teilo, Lorie même si elle était déléguée et trois fois plus forte que lui, Naziha…mais bon, on ne s’inventait pas chevalier, il fallait qu’il s’entraîne pour pouvoir devenir fort. Et par dessus tout il savait que l’union faisait la force….même si le collectif n’était toujours son fort.

Il se saisit du verre que lui avait servit son amie, mais en renversa soudainement quand les tatouages du directeur se mirent à s’illuminer. Que se passait-il ? Allait-il sacrifier son corps pour en faire une puissante barrière magique ? Il croisa le regard de Pauline et elle-même paraissait éberluée.

Il utilisa son bras pour faire barrière à la lumière, que diable se passait-il ? Quand la lumière s’adoucit, il eut le besoin urgent de voir, de comprendre. Et quand il aperçu une silhouette autre que celle du vieux et faible mage qu’était le directeur, il se leva d’un coup. «- Je rêve ?» Giovanni était assez proche pour analyser le mage blanc et pour retrouver certains tatouages qu’il avait déjà vu sur Monsieur Delalande. Il avait compris que c’était lui, même s’il ignorait par quelle magie, il y était parvenu. Il analysait les regards et les réactions de ses camarades, puis croisa celui de Teilo. Il l’interrogea du regard, de sorte à lui demander «comment c’est possible ?».

Il se rassit et se rappela que par dessus tout, ils partageaient une même vision des choses depuis tout ce temps. Le Lug comme l’Ogme voulaient protéger ceux qu’ils pouvaient…or leur façon d’agir et de voir le problème étaient différents. Si l’Ogme avait tendance à foncer tête baissée sur ce qui avait causé du tort, le Lug lui allait d’abord au secours de ses camarades, à l’image du jour où Naziha Branchiflore avait eut des soucis. C’était deux façons de procéder mais dans un même but : aider.
Jessica Landi
Jessica Landi
Professeure d’Artisanat Magique

Jessica Landi
Professeure d’Artisanat Magique

Jessica Landi
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Lun 15 Juil 2024 - 14:40

Cette fin d'année scolaire avait un goût amer pour Jessica. Elle n'en avait certes pas connu d'autres en tant que professeur, mais elle savait bien que celle-ci était différente des années précédentes. L'ambiance n'était pas aux réjouissances. D'autant plus que Lug était bon dernier à la course au Bouclier. Elle sentait bien que les élèves n'avaient plus la même niaque que les générations précédentes. Il fallait qu'elle réfléchisse comment remédier à cela durant l'été, entre autres. Son programme était déjà plus ou moins fait; elle attaquerait direct dans son atelier. Elle avait négligé les nouvelles commandes ces dernières semaines, préoccupée par ce qu'il se passait à l'académie. Son mari l'avait d'ailleurs mise en garde; elle n'était plus présente psychologiquement avec eux et son fils allait en pâtir. Cette pause académique leur ferait à tous le plus grand bien. Ils partiraient également dans le nord de l'Italie, non loin de la famille de Terenzio en Suisse. Il était prévu un petit séjour en bord de mer mais elle ne savait pas quand pour le moment, elle préférait de toute manière ses montagnes.

Perdue dans ses futures escapades, elle n'avait que peu prêté attention à ce qui l'entourait. Pourtant quand le directeur se dirigea vers le pupitre, elle aurait dû sortir de ses pensées, ne l'ayant pas vu depuis plusieurs semaines. La voix tonitruante de madame Maxime fut un électrochoc. Elle avait l'impression de revenir adolescente et d'avoir été prise la main dans le sac à rêvasser et ne pas écouter le cours.  Elle observa en silence les membres du conseil d'administration. Elle était à la limite d'être bouche bée. Mais qu'est ce qu'il se passait? Elle secoua la tête vers ses collègues.

Elle n'aurait jamais pu deviner et être prête pour la suite. Les tatouages alchimiques... Elle savait, pour en avoir quelques uns, qu'il y avait quelque chose d'étrange dans le fait qu'ils s'illuminèrent tous en même temps. Qu'est ce que ça présageait?
Un hoquet de surprise s'échappa quand Aliaume Delalande reprit l’apparence de son professeur qu'elle avait bien connu plusieurs années auparavant. Elle adorait la magie, sous toutes ses formes. Mais là elle n'avait jamais rien vu de tel!

Elle chuchota:
- Il a trouvé le secret de jouvence?
Lorie Fleury
Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme

Lorie Fleury
6ᵉ année, Déléguée, Ogme

Lorie Fleury
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Ven 19 Juil 2024 - 16:57


Il y avait de quoi avoir envie de lancer un sortilège. Derrière elle, Lorie entendait les voix qui pariaient sur la mort de son maître… Les mains entrecroisées, menton posé sur celles-ci la championne de l’académie voyait rouge. Giovanni n’était pas aussi décevant que Pauline. Pour autant, elle savait que sa faible vie était désormais comptée. Nahele n’avait pas sourcillé, la mort du directeur était peut-être proche, peut-être loin, mais elle allait arriver. Ceci-dit, il n’était pas encore mort par Merlin ! Tout le monde n’avait pas eu la chance de le voir, comment leur en vouloir.

Sa relation avec lui, celle d’apprentie, lui avait permis de lui rendre visite… Qui par Merlin avait bien pu s’en prendre à Odin ? Imaginer Lys la quitter devenait insupportable, pourtant cela ne faisait moins de deux ans qu’elle était entrée dans sa vie. Elle ne pouvait imaginer ce que ressentait le directeur, elle ne pouvait imaginer le vide dans son âme déchiré par l’infâme qui avait pu faire cela. Cela avait même un peu gâché la fête qu’on lui avait organisée pour son retour. Le tournoi était bien derrière elle, d’autre jours s’annonçaient, celui de sa quête prophétique.

Lorie n’avait pas répondu à sa petite sœur lorsqu’elle lui avait demandé si elle avait des informations sur le directeur, elle s’était contenté de rester mutique, plongée dans ses pensées à réfléchir à quelque chose dont seule elle avait connaissance. La seule chose qui avait attiré son attention était sans nul doute l’entrée du directeur, accroché au bras du majordome. Les traits de Lorie s’adoucissaient, elle avait même daigné lever le menton du dos de ses mains. Fait signe d’un petit geste de la tête à Emilien pour remercier sa fidélité.

Le bouclier n’avait pas changé de confrérie, fort bien, mais Lorie n’en avait plus rien à faire. Le tournoi changeait les gens… Peut-être que c’était sa quête en réalité qui l’avait changé. Tous les événements qu’elle avait affrontés prenaient place dans un puzzle dont le directeur avait eu la bonne idée de l’encourager à affronter. Un soupir plus tard, Lorie attrapa son verre d’eau et pris une gorgée.

« … MAIS SOYEZ ASSURÉS DE VOTRE PLEINE ET ENTIÈRE SÉCURITÉ… »

Lorie continuait de fixer devant elle, ses yeux scrutaient le réfectoire et observaient les visages complètement choqués pour certains, perdus pour d’autres, inquiet en majorité, soulagé pour les quelques optimistes. Sa langue passa sur le bout de ses lèvres humides alors qu’elle posait le verre à pied devant elle avec manière. Son regard lui, s’était détourné vers la voix qu’elle reconnaissait comme si elle l’avait entendu pour la dernière fois. « Maxime… Souffla-t-elle entre ses dents en réponse à la question de Teilo. L’ancienne directrice… Et le conseil d'administration »

Pensée faisait de gros yeux ronds et avait même fait un petit regard à Teilo, elle semblait visiblement impressionnée par la grande dame. Lorie, elle, avait tiqué sur la valise. Je te connais-toi… Avait-elle songé en la suivant des yeux. Pour la première fois, la blonde avait tourné son corps vers le pupitre ou se tenait son maître.

« Qu’est-ce que ce vieux margoulin a encore prévu ?... »

Sans s’en rendre compte, ses pensées avaient fui de sa bouche. Un sourire s’empara de ses lèvres et elle hocha la tête à plusieurs reprises en semblant être amusée de la situation. Son maître avait visiblement un coup d’avance sur beaucoup de personnes, elle comprise, c’était donc ça la qualité des secrets. Mais elle n’était pas dupe, l’alchimiste deviendrait roi, l’alchimiste mourrait. Lorie attrapa son verre et le porta à ses lèvres, un regard fier pour son maître, il ne restait plus qu’à boire à sa santé, ainsi qu’à celle de la première place du classement FORBE. Il ne restait plus qu’à profiter du peu de temps qu’il restait avant la guerre, du peu de temps qu’il restait à son directeur. Sourire aux lèvres, le visage illuminé, elle leva son verre pour tous ceux présent à sa table.

« Au professeur Delalande et ses surprises magiques »
Teilo Daroux
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug

Teilo Daroux
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Mar 23 Juil 2024 - 19:07


Sur la pointe des pieds, les mains sur le bord de la table, bras tendus et son long cou déployé, Teilo donnait l'impression d'avoir vraiment grandi, d'être un peu perché. Il ne quitta pas des yeux la grande dame qui venait de faire irruption flanquée d'autres personnages, hocha simplement la tête quand Lorie lui apprit qu'il s'agissait de Madame Maxime, l'ancienne directrice de Beauxbâtons. Son regard ne se détourna que quand il capta celui impressionné de Pensée. Bien qu'il ne sache quoi déduire de tout ce qui se tramait, il afficha pour elle un sourire rassurant.

"Aïe."

Un choc soudain pas loin de sa bouche, suivi d'une fine douleur, le fit froncer nez et ses sourcils, se masser la joue, puis rechercher autour de lui la source du projectile malfaisant. Même s'il jouait l'innocent en feignant de se concentrer sur une arête de poisson, ça ne pouvait être que Giovanni. Mais pourquoi son ami avait-il fait ça ? Le Lug était bien en peine de le déterminer, donc de réagir. Peut-être juste le choper gentiment par l'épaule et lui dire les yeux dans les yeux que franchement... c'était pas... très gentil de sa part et que s'il voulait attirer son attention, y'avait d'autres moyens et que s'il le cherchait, il finirait par le...

Non. Pas maintenant, ce serait bête, demain c'était les vacances. Teilo se rassit, agacé, ratant le déplacement de l'étrange valise jusqu'à son directeur. La voix de celui-ci le fit toutefois relever la tête. Et son discours était clair et limpide, presque trop simple. L'histoire d'une bataille éternelle entre le bien et le mal, le genre de conte qu'on racontait aux enfants. Pourtant, le cœur du petit Lug s'emballait à l'entendre. Cette histoire que Delalande racontait, il ne pouvait s'empêcher de la reconnaître. Avec parcimonie, Lorie avait déjà semé plusieurs mots dans son esprit, comme autant de petites graines qui germaient doucement et silencieusement dans leur petit coin. Cette histoire, c'était peut-être bien la leur.

Il ne pouvait pas s'y soustraire, rester simple spectateur. Le directeur était clair : lui aussi aurait à choisir. Et pas entre dire ou pas tel truc à Pensée, ou quels cours il souhaitait suivre en seconde année. Non, un choix essentiel, le genre de choix qui pouvait tout changer.

Teilo déglutit, le corps droit, les yeux figés sur son directeur. Il sentait ses jambes trembloter un peu, un frais frisson lui parcourir l'échine. Il connaissait ce sentiment, c'était la peur. Il était couplé à cet autre sentiment lancinant, celui de n'avoir pas été à la hauteur de son professeur, de son école, d'avoir été une année encore à côté de la plaque.

Puis les tatouages alchimiques de Monsieur Delalande l'éblouirent lui aussi. En une fraction de seconde, il se revit tasser de la terre autour d'un sumac, écouter le vent bruissant dans ses feuilles, lancer un ballon à Pensée, abandonner un duel, aider son adversaire à se relever, courir à s'en exploser les poumons sur les remparts à côté de Drian, les cheveux dans les yeux, voler sur les remparts, recevoir le ballon en retour, monter sur une valise trop grande pour haranguer des camarades, faire une chorégraphie d'air, d'eau, de terre et de feu pour impressionner Roseanne.  

Quand il rouvrit les yeux, la peur avait disparu. L'autre sentiment aussi. Il ne restait qu'une légère euphorie, un contentement tranquille, presque impossible et que le jeune adolescent avait pourtant déjà ressenti au creux de sa poitrine de nombreuses fois. Il avait presque failli l'oublier. Maintenant, il allait s'y accrocher et espérer que ça dure très, très longtemps.

Leur directeur avait changé, constata le Lug en clignant des yeux. Et pourtant, c'était bien toujours lui, il en était persuadé. Plus puissant que jamais. Teilo l'observait avec admiration et curiosité : avait-il lui aussi troqué son précieux temps, comme une autre directrice, Marie Bonnenouvelle, avant lui ?

Du coin de l’œil, il s'aperçut que Giovanni le regardait, alors il se tourna vers l'Ogme interrogatif et sourit en haussant les épaules. Il n'avait aucune réponse pour lui. A cet instant, les réponses importaient peu. Le mage blanc était toujours là pour veiller sur eux, c'était l'essentiel. Il s'agissait maintenant pour eux de se montrer digne du vieux margoulin, comme se plaisait à l'appeler Lorie. Sans trop savoir ce que le mot voulait dire, Teilo faisait confiance à son amie. Elle était mage blanc elle aussi, il le savait. Quand elle proposa un toast, il fut l'un des premiers de la table à lever son verre.

"A Odin", prononça-t-il d'un air solennel, la mine grave, en pensant aussi à Lys. Quelques secondes plus tard, il sourit à pleines dents. "Et à tous les margoulins de l'Académie."

Les pattes bien ancrées au sol, il but une grande gorgée de son jus de pomme. Son regard rieur se promena de convive en convive autour de cette table ronde, s'agrémentant d'un rapide clin d’œil pour Pensée. Et si jamais Giovanni trainait encore son regard par ici, Teilo lèverait sans hésitation son verre pour lui, convaincu plus que jamais par tout ce qu'il venait de voir que oui, malgré les vents contraires et les apparences trompeuses, tout était toujours possible.
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