Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Eva me prend la main pour me tirer bien au-delà des salles d'Alchimie et d’Étude du Secret Magique, devant une porte condamnée à laquelle je n'avais jamais encore fait attention. La racine épaisse qui la traverse contient un creux que la Lug de Septième année me montre du doigt.
- Là, dit-elle, c'est là que tu dois placer ta baguette, comme je te l'expliquai.
Je la regarde circonspect. Réputée pour avoir des idées parfois délirantes, surtout lorsqu'elle commence à manipuler l'artisanat magique dans lequel elle excelle, ma petite amie du moment ne m'inspire pas confiance. Si je mets ma baguette dans la fente, vais-je pouvoir la récupérer intacte ? D'après elle, oui. Mais surtout, cet arbre-monde, comme elle l'appelle, ne risquerait-il pas de détecter l'ensemble des sortilèges que j'ai utilisé ? Même ceux de plus d'un mois ? Je préfèrerai ne pas m'y risquer mais devant son regard insistant, je sors ma baguette. Ne pas le faire me ferait paraître au mieux peureux, au pire suspect. Et puis elle ne me lâchera pas tant que je ne l'aurai pas fait. Je le sais bien puisque c'est comme ça qu'elle m'a eu.
Avec méfiance, j'abandonne mon catalyseur de magie à l'arbre et la brune fait de même. Quasi instantanément, la racine réagit et se retracte, emportant avec elle mon précieux. Tout ceci est parfaitement normal, je me répète pour rester stoïque. Je ne pensai pas que voir ma baguette se faire engloutir sous mes yeux pourraient me stresser autant, si on enlève la magie noire à laquelle elle a servi qui pourrait m'exposer. La porte s'ouvre et j'en oublie mes préoccupations. La pièce est baignée de lumière, moi qui m'attendait à une semi-obscurité et recouverte de touffe d'herbe. Un arbre imposant, semblant ne faire qu'un avec le mur, étire ses branches au plafond. Je fais un pas en avant et la porte se referme derrière.
- Bonjour professeur Delalande, s'exclame Eva qui s'est bien plus avancée que moi dans la pièce, me tirant brusquement de mon observation et faisant accélérer mon pouls. Eviter le directeur en dehors des cours d'Alchimie est devenu pour moi une priorité, être en sa présence me perturbe et m'embrouille beaucoup trop l'esprit. Je suis prêt à faire demi-tour lorsque la jeune femme demande : Est-ce qu'on vous dérange ? Peut-on rester ? demande t-elle avec un sourire pétillant jusqu'aux oreilles - que je trouve personnellement un peu dérangeant - qui ne cache rien de son affection et admiration pour le directeur.
Mon regard se dirige machinalement vers lui. Je sais qu'il m'a vu et de toute façon, la septième année n'a pas pas cachée ma présence.
- Bonjour professeur, je dis à mon tour d'une voix bien plus contenue, espérant que le vieux sorcier nous demande de le laisser seul.
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
Assis en tailleur sur un coussin — lui-même posé sur une touffe d’herbe — le professeur Delalande écoutait les récits de vie de la sorcière Érichto tout en savourant la caresse tiède des jeux de lumière sur son visage. Il était habillé d’une robe de sorcier vert impérial cousue d’étoiles en fils d’argent. Le bâton qui ne le quittait jamais était posé devant lui. Les corbeaux qui gardaient un oeil sur lui — ou lui sur eux — dormaient, cachés dans les frondaisons de l’orme-conteur.
Quand la porte s’ouvrit, le vieil homme tourna la tête en ouvrant une paupière. Il reconnut sans mal le délégué de la confrérie d’Ogme et une jeune femme qui s’apprêtait à terminer sa scolarité. Il leur adressa un sourire de circonstance — encore que son épaisse moustache et sa barbe touffue contribuaient largement à en cacher les contours. Parfaitement éduqué, l’orme-conteur suspendit son récit à l’entrée en scène des deux adolescents — ce qui étira un peu plus le sourire du directeur.
« Bien le bonjour ! »
Le vieux renard jeta un coup d’oeil théâtral autour de lui.
« Ce n’est pas la place qui devrait nous manquer, poursuivit-il d’un ton taquin. Mais je suis désolé, mon derrière s’est tout naturellement attribué le coussin le plus confortable. Vous devrez vous contenter de ce qu’il reste… »
Il attarda son regard une à deux secondes sur celui qu’il s’amusait à appeler Damian puis il résolut de reporter son attention droit devant lui. Fermant ses paupières, il chauffa ses mains l’une contre l’autre avant de masser ses pieds nus et quelque peu engourdis.
« Maître Orme me contait l’histoire de la sorcière noire Érichto. Celle qui vivait parmi les tombeaux au temps des héros et des légendes et qui communiquait avec les morts pour prédire l’avenir. C’est une histoire un peu sombre, mais pas dénuée d’enseignements. Si vous n’avez pas le coeur à l’écouter, je peux demander à notre vénérable hôte de nous conter une autre histoire disons… plus joyeuse ? »
Lancée comme une interrogation, cette dernière phrase plana dans la pièce tandis qu’un frisson parcourait les branches de l’orme-conteur comme s’il était sujet à des vents imaginaires.
Quand la porte s’ouvrit, le vieil homme tourna la tête en ouvrant une paupière. Il reconnut sans mal le délégué de la confrérie d’Ogme et une jeune femme qui s’apprêtait à terminer sa scolarité. Il leur adressa un sourire de circonstance — encore que son épaisse moustache et sa barbe touffue contribuaient largement à en cacher les contours. Parfaitement éduqué, l’orme-conteur suspendit son récit à l’entrée en scène des deux adolescents — ce qui étira un peu plus le sourire du directeur.
« Bien le bonjour ! »
Le vieux renard jeta un coup d’oeil théâtral autour de lui.
« Ce n’est pas la place qui devrait nous manquer, poursuivit-il d’un ton taquin. Mais je suis désolé, mon derrière s’est tout naturellement attribué le coussin le plus confortable. Vous devrez vous contenter de ce qu’il reste… »
Il attarda son regard une à deux secondes sur celui qu’il s’amusait à appeler Damian puis il résolut de reporter son attention droit devant lui. Fermant ses paupières, il chauffa ses mains l’une contre l’autre avant de masser ses pieds nus et quelque peu engourdis.
« Maître Orme me contait l’histoire de la sorcière noire Érichto. Celle qui vivait parmi les tombeaux au temps des héros et des légendes et qui communiquait avec les morts pour prédire l’avenir. C’est une histoire un peu sombre, mais pas dénuée d’enseignements. Si vous n’avez pas le coeur à l’écouter, je peux demander à notre vénérable hôte de nous conter une autre histoire disons… plus joyeuse ? »
Lancée comme une interrogation, cette dernière phrase plana dans la pièce tandis qu’un frisson parcourait les branches de l’orme-conteur comme s’il était sujet à des vents imaginaires.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Evidemment la réponse du directeur n'est pas celle que j'espérai mais le contraire m'aurait étonné. Mis à part dans la salle à double tour, je ne l'ai jamais vu ou entendu repousser un élève. Il reste prévisible, ce qui au fond est une bonne chose pour moi. Je soutiens son regard en réprimant un frisson et suis soulagé lorsque son attention change rapidement de sujet.
- Laissez moi deviner, je dis depuis l'entrée de la pièce avec un sourire désabusé, elle se fait assassiner par ses pairs qu'elle avait pourtant à cœur de protéger, tout ça parce qu'ils ne comprennent pas sa magie et donc la craignent ?
J'ai à peine fini ma rhétorique désabusée qu'un coussin fuse à toute vitesse vers moi. Il vient me percuter avec une force inouïe en plein dans le ventre que, par instinct, j'ai pu gainer juste à temps. Dans sa course, il me plaque contre la porte et j'en perds tout de même le souffle. Si je n'étais pas aussi proche de l'entrée, j'en serai certainement tombé à la renverse.
- Ah ! J'ai un peu trop dosé ma dernière invention, désolée ! s'exclame Eva en riant et en ne montrant pas une once de remord. Au vu de la direction de son regard, ce n'est même pas envers moi qu'elle s'excuse mais auprès de Delalande. Elle ne doute vraiment de rien. Soit pas rabat joie et viens t'asseoir ! Ça a l'air d'être une super histoire ! Est-ce qu'il y a des choses qui explosent ? Demande la jeune fille au directeur avec un air espiègle en s'asseyant sur une touffe d'herbe.
Je remercie mes entraînements quotidiens qui ont rendu mon corps bien plus resistant et mes reflexes qui m'ont permis d'éviter de perdre mon estomac au passage. La septième année n'a pas l'air de se rendre compte qu'elle aurait pu envoyer un autre au dispensaire, ou alors elle me testait exprès. Vu le sourire qu'elle me lance, je pencherai pour la deuxième options. Je ne vais pas supporter très longtemps ses petits jeux. La place de cobaye ne me plait absolument pas. C'est nettement plus amusant lorsque c'est l'inverse, comme lorsque je martyrise Daroux.
Après une inspiration profonde, je m'approche du duo pour m'asseoir en tailleur devant le directeur, sur le coussin obligeamment fourni par ma petite amie.
- J'aimerai entendre cette histoire aussi, je dis finalement.
Les histoires joyeuses sont justes des histoires non finies. Autant écouter celle-ci même si je m'attends à un dénouement prévisible. Une fois notre décision prise, le frisson qui balaye l'Orme s'apaise et une voix profonde qui semble provenir de tous ses branchages en même temps s'élève, me laissant bouche bée. Je lève la tête et observe les frondaisons de l'Orme, à la recherche de ce que je connais, une source de la voix. Une bouche ou quelque chose du genre y ressemblant ferait amplement l'affaire. Mais rien de tout ça n'est visible et je dois bien me rendre à l'évidence que je suis encore face à une magie dont je ne saisi rien. Une fois le constat de mon ignorance fait, je me concentre sur l'histoire contée.
- Laissez moi deviner, je dis depuis l'entrée de la pièce avec un sourire désabusé, elle se fait assassiner par ses pairs qu'elle avait pourtant à cœur de protéger, tout ça parce qu'ils ne comprennent pas sa magie et donc la craignent ?
J'ai à peine fini ma rhétorique désabusée qu'un coussin fuse à toute vitesse vers moi. Il vient me percuter avec une force inouïe en plein dans le ventre que, par instinct, j'ai pu gainer juste à temps. Dans sa course, il me plaque contre la porte et j'en perds tout de même le souffle. Si je n'étais pas aussi proche de l'entrée, j'en serai certainement tombé à la renverse.
- Ah ! J'ai un peu trop dosé ma dernière invention, désolée ! s'exclame Eva en riant et en ne montrant pas une once de remord. Au vu de la direction de son regard, ce n'est même pas envers moi qu'elle s'excuse mais auprès de Delalande. Elle ne doute vraiment de rien. Soit pas rabat joie et viens t'asseoir ! Ça a l'air d'être une super histoire ! Est-ce qu'il y a des choses qui explosent ? Demande la jeune fille au directeur avec un air espiègle en s'asseyant sur une touffe d'herbe.
Je remercie mes entraînements quotidiens qui ont rendu mon corps bien plus resistant et mes reflexes qui m'ont permis d'éviter de perdre mon estomac au passage. La septième année n'a pas l'air de se rendre compte qu'elle aurait pu envoyer un autre au dispensaire, ou alors elle me testait exprès. Vu le sourire qu'elle me lance, je pencherai pour la deuxième options. Je ne vais pas supporter très longtemps ses petits jeux. La place de cobaye ne me plait absolument pas. C'est nettement plus amusant lorsque c'est l'inverse, comme lorsque je martyrise Daroux.
Après une inspiration profonde, je m'approche du duo pour m'asseoir en tailleur devant le directeur, sur le coussin obligeamment fourni par ma petite amie.
- J'aimerai entendre cette histoire aussi, je dis finalement.
Les histoires joyeuses sont justes des histoires non finies. Autant écouter celle-ci même si je m'attends à un dénouement prévisible. Une fois notre décision prise, le frisson qui balaye l'Orme s'apaise et une voix profonde qui semble provenir de tous ses branchages en même temps s'élève, me laissant bouche bée. Je lève la tête et observe les frondaisons de l'Orme, à la recherche de ce que je connais, une source de la voix. Une bouche ou quelque chose du genre y ressemblant ferait amplement l'affaire. Mais rien de tout ça n'est visible et je dois bien me rendre à l'évidence que je suis encore face à une magie dont je ne saisi rien. Une fois le constat de mon ignorance fait, je me concentre sur l'histoire contée.
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
« J’aimerais vous dire qu’elle a ouvert un haras d’abraxans et coulé des jours heureux, mais j’ai bien peur que son destin ait été… quelque peu différent. »
Et le vieil homme d’adresser un clin d’oeil mutin à l’adolescente.
« Il y a toujours des choses qui explosent. Maître Orme n’est pas le plus grand conteur de son temps sans raison. »
Aliaume aimait graisser les pattes — en l’occurence les ramures — de l’orme vénérable. Ce n’était évidemment pas tout à fait gratuit. L’arbre-conteur aimait plaire à son public et le vieux Mage Blanc le savait ; il n’était donc pas difficile pour lui d’influer un peu sur le cours du récit au profit d’une ou deux explosions bien placées…
Le vieil homme ferma les yeux pour s’imprégner totalement de la voix puissante de l’orme-conteur…
… Il en rouvrit aussitôt un — le droit — et adressa un clin d’oeil à l’adolescente avant de porter momentanément son attention sur le dos raide de ce brave Damian. L’adolescent avait bien grandi — dans son souvenir, il était beaucoup plus petit que ça. Ses épaules s’étaient élargies et durcies, certainement pour supporter le poids des responsabilités qui pesait sur lui. Aliaume espérait qu’au milieu de tous ces tracas, il trouvait encore le temps de profiter de son adolescence. Après tout, lui aussi devait compter les mois qui le séparaient de ses BATONS.
Les paupières à nouveau closes, le vieil homme reconnecta avec l’histoire de l’orme-conteur…
… et s’endormit.
Et le vieil homme d’adresser un clin d’oeil mutin à l’adolescente.
« Il y a toujours des choses qui explosent. Maître Orme n’est pas le plus grand conteur de son temps sans raison. »
Aliaume aimait graisser les pattes — en l’occurence les ramures — de l’orme vénérable. Ce n’était évidemment pas tout à fait gratuit. L’arbre-conteur aimait plaire à son public et le vieux Mage Blanc le savait ; il n’était donc pas difficile pour lui d’influer un peu sur le cours du récit au profit d’une ou deux explosions bien placées…
… Le visage pâle, les cheveux en désordre, partout où Érichto allait, les nuages s’amoncelaient…
Le vieil homme ferma les yeux pour s’imprégner totalement de la voix puissante de l’orme-conteur…
… et la foudre frappait, jetant à bas les maisons et embrasant les forêts alentours…
… Il en rouvrit aussitôt un — le droit — et adressa un clin d’oeil à l’adolescente avant de porter momentanément son attention sur le dos raide de ce brave Damian. L’adolescent avait bien grandi — dans son souvenir, il était beaucoup plus petit que ça. Ses épaules s’étaient élargies et durcies, certainement pour supporter le poids des responsabilités qui pesait sur lui. Aliaume espérait qu’au milieu de tous ces tracas, il trouvait encore le temps de profiter de son adolescence. Après tout, lui aussi devait compter les mois qui le séparaient de ses BATONS.
… Maudite par les cieux, Érichto trouva refuge dans le sanctuaire des morts où les désespérés venaient chercher la vérité qu’aucun oracle ne s’hasardait à prononcer…
Les paupières à nouveau closes, le vieil homme reconnecta avec l’histoire de l’orme-conteur…
… Affalée sur la tombe de quelque malheureux, la sorcière noire annonçait les pires quêtes aux plus grands héros…
… et s’endormit.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Le directeur parlait d'une histoire riche en enseignements mais pour l'instant, j'ai du mal à voir où elle va. Quant à Eva, à partir du moment où l'Orme prononce les paroles dépeignant un décor apocalyptique, elle arbore un sourire ravi. Ce n'est pourtant qu'un détail qui semble avoir été rajouté là, uniquement pour lui faire plaisir.
Tout en écoutant l'arbre magique, mon attention se porte sur le vieux sorcier. Les yeux fermés, il semble si paisible et atteignable, et pourtant, tout mon être ressent à quel point il est loin d'être vulnérable. Mes yeux et mon instinct me disent deux choses aussi différentes que la nuit et le jour. Aliaume Delalande a beau être l'incarnation même de l'extravagance et de l'être candide, il n'en est pas moins redoutable. Et moi qui disais tout haut qu'il ne me faudrait qu'un unique sortilège pour atteindre son corbeau.
A mon tour je ferme les paupières pour mieux me concentrer sur la voix de l'arbre mais à peine clos qu'un grondement profond me les fait rouvrir. Je lève la tête mais ça ne semble pas provenir de l'arbre. Un léger coup de coude me fait lever les yeux vers ma partenaire qui pointe du doigt le directeur en souriant.
La suite de l'histoire de l'Orme-Monde devint totalement inaudible, couverte par un ronflement plus sonore que les autres. C'est qu'il en a sous le caisson le petit vieux pas plus épais qu'une brindille. Je suis partagé entre l'incrédulité et l'amusement. Eva, elle, a clairement choisi son camp. Elle est déjà pliée en deux à étouffer son rire pour ne pas réveiller le sorcier. Je comprends mieux le pauvre Emilien Gautier, devant garder constamment un œil sur lui, en plus de sur les élèves et le personnel du château. A force, ce n'est pas étonnant que les plus âgés l'appellent le Chope-mitaine de Beauxbâtons, il doit avoir tellement d'entraînement à repérer toutes les inattentions de son directeur qu'il voit maintenant tout.
- Il faut peut-être le réveiller ? Je lui demande à voix basse.
Etrangement conscient de la scène qui se joue sous ses rameaux, l'arbre s'est tût. A sa place, je serai un peu vexé que mon public soit aussi peu attentif, mais ce n'est qu'un végétal et il serait surprenant qu'il ressente la moindre émotion, tout du moins de la même façon que nous. Pourtant, son feuillage frémit sans qu'aucune branche ne bouge et ce, sans discontinuer tandis que les ronflements s'installent en lieu et place de l'histoire d'Érichto.
- Professeur ? J'appelle finalement, prenant la décision seul d'éviter qu'un arbre outré nous tombe littéralement sur la tête. Professeur ?!
… Affalée sur la tombe de quelque malheureux, la sorcière noire annonçait les pires quêtes aux plus grands héros…
Tout en écoutant l'arbre magique, mon attention se porte sur le vieux sorcier. Les yeux fermés, il semble si paisible et atteignable, et pourtant, tout mon être ressent à quel point il est loin d'être vulnérable. Mes yeux et mon instinct me disent deux choses aussi différentes que la nuit et le jour. Aliaume Delalande a beau être l'incarnation même de l'extravagance et de l'être candide, il n'en est pas moins redoutable. Et moi qui disais tout haut qu'il ne me faudrait qu'un unique sortilège pour atteindre son corbeau.
... et présageait de leur fin inéluctable que chacun tentait en vain de défier, jusqu'à en devenir fou...
A mon tour je ferme les paupières pour mieux me concentrer sur la voix de l'arbre mais à peine clos qu'un grondement profond me les fait rouvrir. Je lève la tête mais ça ne semble pas provenir de l'arbre. Un léger coup de coude me fait lever les yeux vers ma partenaire qui pointe du doigt le directeur en souriant.
... Il s'avéra néanmoins qu'un jour, l'un d'entre eux revint et... ROOOOOOOOOON...
La suite de l'histoire de l'Orme-Monde devint totalement inaudible, couverte par un ronflement plus sonore que les autres. C'est qu'il en a sous le caisson le petit vieux pas plus épais qu'une brindille. Je suis partagé entre l'incrédulité et l'amusement. Eva, elle, a clairement choisi son camp. Elle est déjà pliée en deux à étouffer son rire pour ne pas réveiller le sorcier. Je comprends mieux le pauvre Emilien Gautier, devant garder constamment un œil sur lui, en plus de sur les élèves et le personnel du château. A force, ce n'est pas étonnant que les plus âgés l'appellent le Chope-mitaine de Beauxbâtons, il doit avoir tellement d'entraînement à repérer toutes les inattentions de son directeur qu'il voit maintenant tout.
- Il faut peut-être le réveiller ? Je lui demande à voix basse.
Etrangement conscient de la scène qui se joue sous ses rameaux, l'arbre s'est tût. A sa place, je serai un peu vexé que mon public soit aussi peu attentif, mais ce n'est qu'un végétal et il serait surprenant qu'il ressente la moindre émotion, tout du moins de la même façon que nous. Pourtant, son feuillage frémit sans qu'aucune branche ne bouge et ce, sans discontinuer tandis que les ronflements s'installent en lieu et place de l'histoire d'Érichto.
- Professeur ? J'appelle finalement, prenant la décision seul d'éviter qu'un arbre outré nous tombe littéralement sur la tête. Professeur ?!
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
« Morf… mun sumac de Tarfaya… glump… bredouilla le vieil homme juste avant de rouvrir les yeux. »
Il lui fallut quelques instants pour réaliser où il était, d’autres instants pour comprendre qu’il s’était endormi et encore un reste de temps pour déterminer que les adolescents en présence étaient à l’origine de son réveil. Il fit craquer sa nuque douloureuse, bailla à s’en décrocher la mâchoire puis il s’affaissa sur place en poussant un soupire. Pour ne rien arranger, il avait la bouche quelque peu pâteuse.
« Ai-je ronflé ? »
La question, loin d’être anodine, déclencha une toux amusé du côté de l’orme-conteur. Le regard pétillant de malice des adolescents finit de le convaincre que c’était bel et bien le cas avant même qu’ils ne pensent à ouvrir la bouche.
« Toutes mes excuses pour l’environnement bruyant… Je voulais voir si maître Orme pouvait pousser le volume un peu plus fort. Les murs du château adorent écouter ses histoires… »
La flatterie fit glousser l’orme-conteur. A moins que ce ne fut le mauvais mensonge qui fit rire les corbeaux qui demeuraient cachés à l’intérieur de son épaisse chevelure verte ?
Combien de temps avait-il dormi ? Le vieux Mage Blanc eut beau tenté de le deviner à la façon dont la lumière se reflétait sur les vitres, tout ce qu’il réussit à déterminer c’est que le crépuscule approchait à grands pas. Bigre ! Si le ridicule n’avait jamais tué personne — et certainement pas Aliaume Delalande — le vieil homme devait bien admettre qu’il était contrarié de s’être laissé endormir en si bonne compagnie. Tant de chose aurait pu se produire durant le laps de temps où son esprit avait vagabondé entre ce qu’il restait des histoires de sorciers-bédouins dans son cerveau embrumé…
Intérieurement, Aliaume pesta. Mais extérieurement, il sourit aux adolescents. Après quelques secondes de silence — et de rétablissement de sa raison — il observa les choses sous un angle différent. Cette petite sieste n’était peut-être pas si malvenue tout compte fait. Tout bien réfléchi, elle lui offrait même un indice intéressant pour la suite ! Les articulations engourdies, il essaya de déployer ses vieilles jambes mais la mécanique de son corps — bien grippée par la sieste — lui refusa ce mouvement au son grinçant de ses os. Le vieil homme grimaça.
« Un conseil, ne vieillissez jamais. On s’endort n’importe où et n’importe quand, votre corps vous répond une fois sur trois, et des choses inutiles vous poussent sur le corps comme les poils dans les oreilles. »
Il tendit ses bras aux adolescents.
« Un peu de compassion pour un vieillard qui voudrait se mettre debout ? »
Il lui fallut quelques instants pour réaliser où il était, d’autres instants pour comprendre qu’il s’était endormi et encore un reste de temps pour déterminer que les adolescents en présence étaient à l’origine de son réveil. Il fit craquer sa nuque douloureuse, bailla à s’en décrocher la mâchoire puis il s’affaissa sur place en poussant un soupire. Pour ne rien arranger, il avait la bouche quelque peu pâteuse.
« Ai-je ronflé ? »
La question, loin d’être anodine, déclencha une toux amusé du côté de l’orme-conteur. Le regard pétillant de malice des adolescents finit de le convaincre que c’était bel et bien le cas avant même qu’ils ne pensent à ouvrir la bouche.
« Toutes mes excuses pour l’environnement bruyant… Je voulais voir si maître Orme pouvait pousser le volume un peu plus fort. Les murs du château adorent écouter ses histoires… »
La flatterie fit glousser l’orme-conteur. A moins que ce ne fut le mauvais mensonge qui fit rire les corbeaux qui demeuraient cachés à l’intérieur de son épaisse chevelure verte ?
Combien de temps avait-il dormi ? Le vieux Mage Blanc eut beau tenté de le deviner à la façon dont la lumière se reflétait sur les vitres, tout ce qu’il réussit à déterminer c’est que le crépuscule approchait à grands pas. Bigre ! Si le ridicule n’avait jamais tué personne — et certainement pas Aliaume Delalande — le vieil homme devait bien admettre qu’il était contrarié de s’être laissé endormir en si bonne compagnie. Tant de chose aurait pu se produire durant le laps de temps où son esprit avait vagabondé entre ce qu’il restait des histoires de sorciers-bédouins dans son cerveau embrumé…
Intérieurement, Aliaume pesta. Mais extérieurement, il sourit aux adolescents. Après quelques secondes de silence — et de rétablissement de sa raison — il observa les choses sous un angle différent. Cette petite sieste n’était peut-être pas si malvenue tout compte fait. Tout bien réfléchi, elle lui offrait même un indice intéressant pour la suite ! Les articulations engourdies, il essaya de déployer ses vieilles jambes mais la mécanique de son corps — bien grippée par la sieste — lui refusa ce mouvement au son grinçant de ses os. Le vieil homme grimaça.
« Un conseil, ne vieillissez jamais. On s’endort n’importe où et n’importe quand, votre corps vous répond une fois sur trois, et des choses inutiles vous poussent sur le corps comme les poils dans les oreilles. »
Il tendit ses bras aux adolescents.
« Un peu de compassion pour un vieillard qui voudrait se mettre debout ? »
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Finalement, les frémissements de l'arbre-monde n'annonçaient aucune menace mais plutôt de l'amusement. Quel intriguant Orme, je me demande s'il vient de la forêt enchantée. La question du directeur me fait lever un sourcil ironique. Ronfler est un euphémisme, il en a fait trembler le plancher. Même Chappie est moins bruyante, et c'est peu dire, son niveau sonore est pourtant inversement proportionnel à sa petite taille.
Nos mines doivent être éloquentes car le message est passé sans utiliser le moindre mot. Les flatteries du vieil homme tirent un gloussement qui me fait lever la tête à nouveau vers les frondaisons de l'arbre. Encore une fois, je suis incapable d'identifier la provenance du son. Encore une fois, je laisse ce mystère irrésolu pour me tourner vers le sorcier qui craque comme une vieille branche.
- Oh arrêtez, répond Eva avec un grand sourire, vous n'êtes pas si vieux que ça ! Vous tenez encore debout !
Vieux, il l'est sans aucun doute. Pourtant, même si je veux croire la dernière partie sur les trucs qui poussent - répugnant... - je suis quasi certain qu'il reste suffisamment vif et alerte quand il en va de sa vie. Sinon, les Mages noires l'auraient déjà fait disparaitre depuis longtemps. Mais peut-être que c'est justement parce qu'il est face à des élèves qu'il se laisse davantage aller ? Après tout, sa seigneurie l'a dit, il ne s'attend pas à ce que la menace vienne de l'intérieur. Comment le pourrait-il ? Si je ne fais rien pour nourrir sa méfiance, aucune raison qu'il en développe une à mon égard.
Je me lève et d'un geste, signifie à Eva de rester à sa place. J'observe avec attention le vieil homme tandis que je passe un bras autour du sien et, avec délicatesse mais fermement, le redresse sans peine sur ses pieds. Un frisson me parcourt et je m'éloigne rapidement de quelques pas. Méfiance... Je pense ainsi mais... Il était là, endormi face à moi, et mon premier reflexe a été de le réveiller, pas de profiter de la situation. Je ne l'ai même pas pensé alors qu'à peine quelques minutes plus tôt, alors qu'il était en pleine possession de ses moyens, je me suis interrogé. Pourquoi n'ai-je même pas imaginé remplir plus que ma mission alors qu'il ronflait dès le début du conte comme un vieillard sénile ? La prudence m'empêche d'agir, pas de ne pas l'envisager. Alors pourquoi ? Je me sens... totalement paumé en sa présence et je déteste cette sensation.
- J'aimerai être aussi en forme que vous à votre âge, je dis pour le flatter sans en penser moins. Je suis certain que vous cacher bien votre jeu, je me risque avec un coup d'œil vers le directeur avant d'ajouter : sinon je ne vois pas pourquoi le pauvre majordome de l'école courrait ainsi partout !
Nos mines doivent être éloquentes car le message est passé sans utiliser le moindre mot. Les flatteries du vieil homme tirent un gloussement qui me fait lever la tête à nouveau vers les frondaisons de l'arbre. Encore une fois, je suis incapable d'identifier la provenance du son. Encore une fois, je laisse ce mystère irrésolu pour me tourner vers le sorcier qui craque comme une vieille branche.
- Oh arrêtez, répond Eva avec un grand sourire, vous n'êtes pas si vieux que ça ! Vous tenez encore debout !
Vieux, il l'est sans aucun doute. Pourtant, même si je veux croire la dernière partie sur les trucs qui poussent - répugnant... - je suis quasi certain qu'il reste suffisamment vif et alerte quand il en va de sa vie. Sinon, les Mages noires l'auraient déjà fait disparaitre depuis longtemps. Mais peut-être que c'est justement parce qu'il est face à des élèves qu'il se laisse davantage aller ? Après tout, sa seigneurie l'a dit, il ne s'attend pas à ce que la menace vienne de l'intérieur. Comment le pourrait-il ? Si je ne fais rien pour nourrir sa méfiance, aucune raison qu'il en développe une à mon égard.
Je me lève et d'un geste, signifie à Eva de rester à sa place. J'observe avec attention le vieil homme tandis que je passe un bras autour du sien et, avec délicatesse mais fermement, le redresse sans peine sur ses pieds. Un frisson me parcourt et je m'éloigne rapidement de quelques pas. Méfiance... Je pense ainsi mais... Il était là, endormi face à moi, et mon premier reflexe a été de le réveiller, pas de profiter de la situation. Je ne l'ai même pas pensé alors qu'à peine quelques minutes plus tôt, alors qu'il était en pleine possession de ses moyens, je me suis interrogé. Pourquoi n'ai-je même pas imaginé remplir plus que ma mission alors qu'il ronflait dès le début du conte comme un vieillard sénile ? La prudence m'empêche d'agir, pas de ne pas l'envisager. Alors pourquoi ? Je me sens... totalement paumé en sa présence et je déteste cette sensation.
- J'aimerai être aussi en forme que vous à votre âge, je dis pour le flatter sans en penser moins. Je suis certain que vous cacher bien votre jeu, je me risque avec un coup d'œil vers le directeur avant d'ajouter : sinon je ne vois pas pourquoi le pauvre majordome de l'école courrait ainsi partout !
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
« Balivernes ! S’amusa le vieil homme, souriant aux remarques des deux adolescents tandis qu’on l’aidait à ré-enraciner ses deux jambes dans le sol. »
Aliaume n’était pas un grand amateur de flatteries. Il avait un certain talent pour en faire mais certainement pas pour en recevoir. Cela venait peut-être du fait qu’il ne croyait pas au talent ou, pour être tout à fait honnête avec vous chers lecteurs, qu’il savait par expérience que le talent se heurtait toujours à une muraille si le travail acharné n’était pas là pour lui faire la courte échelle.
« Monsieur Gautier est persuadé qu’il doit faire un minimum de dix mille pas par jour , assura Aliaume avec malice. Je ne suis pour rien dans ses allées et venues. »
La remarque fit glousser l’orme-monde — à moins que les coups de bec des corbeaux cachés dans ses frondaisons y soient pour quelque chose.
« Vous vous rendez compte ? Dix mille pas ! Je ne sais même pas comment il s’y prend pour les compter… »
Debout, le vieil homme remercia le délégué de la confrérie d’Ogme au moment de récupérer le bâton qui ne le quittait jamais. Le premier pas qu’il fit vers la sortie fit craquer ses hanches en lui arrachant une grimace et une hésitation. Mais la douleur étant une vieille compagne, Aliaume poussa son deuxième pied nu vers la sortie en faisant fi des hurlements poussés par ses muscles et ses tendons.
« Je vous souhaite d’atteindre un âge aussi vénérable que le mien sans avoir besoin de l’aide d’un bout de bois ou de jeunes gens plein de vitalité pour vous déplacer ou vous relever. Il n’y a rien de pire que d’avoir un esprit beaucoup plus jeune que son corps, surtout quand il est pris en otage par celui-ci. »
Que n’aurait-il pas donné pour retrouver les guiboles de ses vingt ans… Mais le temps était un fleuve traître ; il s’écoulait invariablement dans la même direction, quoi qu’en pensent celles et ceux qui embarquaient à bord des radeaux construits à la hâte par la Vie.
« Cette sieste m’a ouvert l’appétit, je vais voir ce que je peux voler dans les cui… »
Aliaume avait presque atteint la sortie lorsque la voix intemporelle de l’orme-conteur l’obligea à se figer.
Le vieil homme afficha sa surprise lorsqu’il pivota vers l’arbre.
« Ces jeunes gens espèrent peut-être pouvoir encore profiter de vos récits… »
Aliaume n’était pas un grand amateur de flatteries. Il avait un certain talent pour en faire mais certainement pas pour en recevoir. Cela venait peut-être du fait qu’il ne croyait pas au talent ou, pour être tout à fait honnête avec vous chers lecteurs, qu’il savait par expérience que le talent se heurtait toujours à une muraille si le travail acharné n’était pas là pour lui faire la courte échelle.
« Monsieur Gautier est persuadé qu’il doit faire un minimum de dix mille pas par jour , assura Aliaume avec malice. Je ne suis pour rien dans ses allées et venues. »
La remarque fit glousser l’orme-monde — à moins que les coups de bec des corbeaux cachés dans ses frondaisons y soient pour quelque chose.
« Vous vous rendez compte ? Dix mille pas ! Je ne sais même pas comment il s’y prend pour les compter… »
Debout, le vieil homme remercia le délégué de la confrérie d’Ogme au moment de récupérer le bâton qui ne le quittait jamais. Le premier pas qu’il fit vers la sortie fit craquer ses hanches en lui arrachant une grimace et une hésitation. Mais la douleur étant une vieille compagne, Aliaume poussa son deuxième pied nu vers la sortie en faisant fi des hurlements poussés par ses muscles et ses tendons.
« Je vous souhaite d’atteindre un âge aussi vénérable que le mien sans avoir besoin de l’aide d’un bout de bois ou de jeunes gens plein de vitalité pour vous déplacer ou vous relever. Il n’y a rien de pire que d’avoir un esprit beaucoup plus jeune que son corps, surtout quand il est pris en otage par celui-ci. »
Que n’aurait-il pas donné pour retrouver les guiboles de ses vingt ans… Mais le temps était un fleuve traître ; il s’écoulait invariablement dans la même direction, quoi qu’en pensent celles et ceux qui embarquaient à bord des radeaux construits à la hâte par la Vie.
« Cette sieste m’a ouvert l’appétit, je vais voir ce que je peux voler dans les cui… »
… HM PROFESSEUR…
Aliaume avait presque atteint la sortie lorsque la voix intemporelle de l’orme-conteur l’obligea à se figer.
… IL Y A QUELQUE CHOSE DONT J’AIMERAIS VOUS ENTRETENIR MAINTENANT SI VOUS AVEZ QUELQUES MINUTES À ME CONSACRER…
Le vieil homme afficha sa surprise lorsqu’il pivota vers l’arbre.
« Ces jeunes gens espèrent peut-être pouvoir encore profiter de vos récits… »
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
J'esquisse un faible sourire aux remarques malicieuses du vieil homme tout en continuant à l'observer intensément. Mais j'aurai beau le fixer, je sais pertinemment que je ne percerai pas ses secrets aujourd'hui.
Le vieille homme a presque douloureusement atteint la sortie que la voix de l'Orme-Monde l'arrête dans sa course rallentie. Sa demande associée à l'expression surprise du directeur me rembrunissent. Je jurerai que peu de choses sont encore capables de surprendre le vieil homme et que la demande de l'arbre est pour le moins inhabituelle. Mes angoisses en déposant ma baguette au creux de sa branche noueuse me reviennent instantanément. Ai-je fait une erreur impardonnable en suivant cette fille ? Subtil ne me pardonnerait pas ma stupidité. Sa seigneurerie non plus...
Je bénis mes entraînements intensifs à l'occlumencie qui me permettent de sourire au sorcier sans rien laisser transparaître.
- Aucun soucis professeur, nous reviendrons une prochaine fois, je dis sans sourciller en me dirigeant bien plus rapidement que le vieil homme vers la sortie.
Eva a compris le signal du départ et me rejoint au moment où je passe près de l'alchimiste. Un nouveau frisson me parcourt, cette fois-ci nourrit pas l'inquiétude par la simple demande que l'arbre a formulé.
- Bonne fin de soirée professeur !, s'exclame Eva pour nous deux, non sans un dernier regard avide par dessus son épaule lorsque nous franchissons la porte.
Je me retiens de réagir de la même façon et attends sagement que ma baguette me revienne une fois la racine replacée au travers la vieille porte refermée sur nous. Un craquement et les deux baguettes réapparaissent comme régurgitées par l'arbre. Je les observe un instant avec gravité avant de les récupérer et de tendre à Eva celle qui lui appartient sans lever les yeux de la mienne. Une évidence me rassure un peu. Si l'Orme-Monde est réellement capable de percevoir la magie utilisée par une baguette, il devrait en revanche être incapable de savoir à qui elle appartient. Je n'hésiterai pas à faire plonger Eva pour me protéger s'il le faut.
Tout aussi bien, je me fais des idées et ma peur de me faire prendre me fait imaginer le pire. Les confidences de l'arbre parlant n'ont peut-être rien à voir avec ma baguette, rien à voir avec moi, et rien à voir avec les mages noirs. Je dois me montrer prudent mais pas la peine d'être paranoïaque, c'est le meilleur moyen de faire des erreurs.
- Pourquoi fais-tu cette tête ? Demande soudain Eva. Je t'avais dit que tu n'avais pas d'inquiétude à avoir. Tu l'as récupéré, non ?
Je lève mes yeux glacés vers elle et la sonde le visage fermé. Oui, elle pourrait facilement faire un bouc-émissaire avec ses lubies un peu folle.
- J'ai un truc à demander au directeur, on se voit plus tard. Je lui dis sans lui répondre.
La jeune fille regarde alternativement la porte puis moi avec une expression encore plus intriguée avant de lever les épaules et de s'éloigner en marmonnant que j'étais bizarre parfois. Une fois certain qu'elle ait quitté les lieux, j'emprunte le même chemin jusqu'à trouver un point d'observation discret qui me permettrait de voir passer le directeur sans être vu. Il a bien dit qu'il voulait aller diner non ? Donc ici sera parfait. Malgré la forte fréquentation de l'intersection à cette heure - beaucoup ont déjà fini de diner - personne ne fait attention à moi. Il faut dire que j'ai appris à me rendre invisible quand les circonstances me le demande. Je ne sais pas ce que j'espère au juste. Même si je peux voir l'expression du vieillard, je ne pourrai pas deviner ce qu'il s'est dit dans le secret. Pour autant, je reste là, dans mon coin d'ombre, figé comme une statue. Je veux en avoir le cœur net...
Le vieille homme a presque douloureusement atteint la sortie que la voix de l'Orme-Monde l'arrête dans sa course rallentie. Sa demande associée à l'expression surprise du directeur me rembrunissent. Je jurerai que peu de choses sont encore capables de surprendre le vieil homme et que la demande de l'arbre est pour le moins inhabituelle. Mes angoisses en déposant ma baguette au creux de sa branche noueuse me reviennent instantanément. Ai-je fait une erreur impardonnable en suivant cette fille ? Subtil ne me pardonnerait pas ma stupidité. Sa seigneurerie non plus...
Je bénis mes entraînements intensifs à l'occlumencie qui me permettent de sourire au sorcier sans rien laisser transparaître.
- Aucun soucis professeur, nous reviendrons une prochaine fois, je dis sans sourciller en me dirigeant bien plus rapidement que le vieil homme vers la sortie.
Eva a compris le signal du départ et me rejoint au moment où je passe près de l'alchimiste. Un nouveau frisson me parcourt, cette fois-ci nourrit pas l'inquiétude par la simple demande que l'arbre a formulé.
- Bonne fin de soirée professeur !, s'exclame Eva pour nous deux, non sans un dernier regard avide par dessus son épaule lorsque nous franchissons la porte.
Je me retiens de réagir de la même façon et attends sagement que ma baguette me revienne une fois la racine replacée au travers la vieille porte refermée sur nous. Un craquement et les deux baguettes réapparaissent comme régurgitées par l'arbre. Je les observe un instant avec gravité avant de les récupérer et de tendre à Eva celle qui lui appartient sans lever les yeux de la mienne. Une évidence me rassure un peu. Si l'Orme-Monde est réellement capable de percevoir la magie utilisée par une baguette, il devrait en revanche être incapable de savoir à qui elle appartient. Je n'hésiterai pas à faire plonger Eva pour me protéger s'il le faut.
Tout aussi bien, je me fais des idées et ma peur de me faire prendre me fait imaginer le pire. Les confidences de l'arbre parlant n'ont peut-être rien à voir avec ma baguette, rien à voir avec moi, et rien à voir avec les mages noirs. Je dois me montrer prudent mais pas la peine d'être paranoïaque, c'est le meilleur moyen de faire des erreurs.
- Pourquoi fais-tu cette tête ? Demande soudain Eva. Je t'avais dit que tu n'avais pas d'inquiétude à avoir. Tu l'as récupéré, non ?
Je lève mes yeux glacés vers elle et la sonde le visage fermé. Oui, elle pourrait facilement faire un bouc-émissaire avec ses lubies un peu folle.
- J'ai un truc à demander au directeur, on se voit plus tard. Je lui dis sans lui répondre.
La jeune fille regarde alternativement la porte puis moi avec une expression encore plus intriguée avant de lever les épaules et de s'éloigner en marmonnant que j'étais bizarre parfois. Une fois certain qu'elle ait quitté les lieux, j'emprunte le même chemin jusqu'à trouver un point d'observation discret qui me permettrait de voir passer le directeur sans être vu. Il a bien dit qu'il voulait aller diner non ? Donc ici sera parfait. Malgré la forte fréquentation de l'intersection à cette heure - beaucoup ont déjà fini de diner - personne ne fait attention à moi. Il faut dire que j'ai appris à me rendre invisible quand les circonstances me le demande. Je ne sais pas ce que j'espère au juste. Même si je peux voir l'expression du vieillard, je ne pourrai pas deviner ce qu'il s'est dit dans le secret. Pour autant, je reste là, dans mon coin d'ombre, figé comme une statue. Je veux en avoir le cœur net...
Aliaume Delalande
Directeur & Professeur d’Alchimie
Le vieillard remercia puis salua les adolescents, tout sourire. Toutefois, lorsque la porte se referma derrière eux, son sourire n’était plus. C’est même avec une expression grave qu’Aliaume Delalande pivota sur lui-même pour faire face à l’orme-conteur.
« Je vous invite à ne pas prendre de pincettes pour une fois. »
Un frisson agita la chevelure de l’arbre magique comme si elle était traversée par des vents contraires — ce qui chassa, volontairement ou non, les deux corbeaux cachés à l’intérieur. Si Odin, l’animal-de-lien du professeur Delalande, retrouva aussitôt l’épaule de son maître, l’autre corbeau préféra se poser sur un rebord de fenêtre.
Si l’expression du vieil homme ne changea en rien malgré la gravité de la révélation, au plus profond de lui, Aliaume sentit son coeur manquer un battement. Ainsi, le moment était donc venu ?
« Laquelle ? finit-il par demander, le regard dans le vague. »
Aliaume acquiesça une fois, deux fois, puis trois.
Le vieil homme poussa un soupir.
« Pas au sens où vous l’entendez. J’éprouve naturellement de la peine pour les personnes qui se perdent dans la voie noire. D’une façon ou d’une autre, ce sont toujours des brebis égarés pour lesquelles nous devons avoir de la compassion… Mais celle-ci n’a pas la moindre idée de ce qu’elle précipitera… C’est ce qui rend mon chagrin si lourd. »
Délicatement, le parquet s’ouvrit pour laisser passer une racine de l’orme-conteur ; racine qui s’enroula affectueusement autour du bras du vieux directeur.
Après un long silence qu’il occupa en tapotant la racine du vieil arbre, Aliaume répondit, la voix quelque peu étranglée par l’émotion :
« Vous étiez des nôtres autrefois… v-vous n’avez pas pu oublier les prophéties blanches. La mienne évoquait la trahison dont je serais… un jour la malheureuse victime… et le combat qui en résulterait. »
Soudain, un frisson agita la racine de l’orme-conteur qui se dégagea aussitôt du giron d’Aliaume.
« Ma destinée est toute tracée, répondit Aliaume avec un calme remarquable. C’est ainsi mon vieil ami. »
Il offrit un sourire à l’orme-conteur, le remercia pour sa franchise et se dirigea vers la porte de sortie. Juste avant de l’ouvrir, il siffla son second corbeau qui alla se percher sur son épaule libre.
« Je vous charge de garder un oeil sur nos deux amis, le temps que je me renseigne sur cette baguette. Nous profiterons ensuite du peu de temps qu’il nous reste à partager tous les trois. »
« CRÔAA ! entendit Drian lorsque le vieil homme sortit de la pièce — les deux corbeaux se cherchaient visiblement des noises de son point de vue mais du leur, Odin et son acolyte s’échangeaient des coups de becs comme seuls deux amis d’enfance pouvaient le faire. »
Drian jura voir des larmes se perdre dans la barbe de l’homme qu’il s’apprêtait à trahir. Sans pouvoir se douter un seul instant que ses larmes lui étaient destinées.
… HM … COMMENT VOUS L’EXPLIQUER …
« Je vous invite à ne pas prendre de pincettes pour une fois. »
Un frisson agita la chevelure de l’arbre magique comme si elle était traversée par des vents contraires — ce qui chassa, volontairement ou non, les deux corbeaux cachés à l’intérieur. Si Odin, l’animal-de-lien du professeur Delalande, retrouva aussitôt l’épaule de son maître, l’autre corbeau préféra se poser sur un rebord de fenêtre.
… ET BIEN PROFESSEUR, C’EST À DIRE QUE LA BAGUETTE DE L’UN DE CES ADOLESCENTS A DÉJÀ PRODUIT DE LA MAGIE NOIRE …
Si l’expression du vieil homme ne changea en rien malgré la gravité de la révélation, au plus profond de lui, Aliaume sentit son coeur manquer un battement. Ainsi, le moment était donc venu ?
« Laquelle ? finit-il par demander, le regard dans le vague. »
… CELLE EN BOIS DE PRUNELLIER … ELLE CONTIENT UNE DENT D’HYDRE …
Aliaume acquiesça une fois, deux fois, puis trois.
… JE VOIS BIEN QUE CELA VOUS AFFECTE …
Le vieil homme poussa un soupir.
« Pas au sens où vous l’entendez. J’éprouve naturellement de la peine pour les personnes qui se perdent dans la voie noire. D’une façon ou d’une autre, ce sont toujours des brebis égarés pour lesquelles nous devons avoir de la compassion… Mais celle-ci n’a pas la moindre idée de ce qu’elle précipitera… C’est ce qui rend mon chagrin si lourd. »
Délicatement, le parquet s’ouvrit pour laisser passer une racine de l’orme-conteur ; racine qui s’enroula affectueusement autour du bras du vieux directeur.
… VOUS LE SAVIEZ … PAR QUEL MIRACLE ? …
Après un long silence qu’il occupa en tapotant la racine du vieil arbre, Aliaume répondit, la voix quelque peu étranglée par l’émotion :
« Vous étiez des nôtres autrefois… v-vous n’avez pas pu oublier les prophéties blanches. La mienne évoquait la trahison dont je serais… un jour la malheureuse victime… et le combat qui en résulterait. »
Soudain, un frisson agita la racine de l’orme-conteur qui se dégagea aussitôt du giron d’Aliaume.
… NON C’EST IMPOSSIBLE ! VOUS N’Y COMPTEZ PAS ? …
« Ma destinée est toute tracée, répondit Aliaume avec un calme remarquable. C’est ainsi mon vieil ami. »
Il offrit un sourire à l’orme-conteur, le remercia pour sa franchise et se dirigea vers la porte de sortie. Juste avant de l’ouvrir, il siffla son second corbeau qui alla se percher sur son épaule libre.
« Je vous charge de garder un oeil sur nos deux amis, le temps que je me renseigne sur cette baguette. Nous profiterons ensuite du peu de temps qu’il nous reste à partager tous les trois. »
« CRÔAA ! entendit Drian lorsque le vieil homme sortit de la pièce — les deux corbeaux se cherchaient visiblement des noises de son point de vue mais du leur, Odin et son acolyte s’échangeaient des coups de becs comme seuls deux amis d’enfance pouvaient le faire. »
Drian jura voir des larmes se perdre dans la barbe de l’homme qu’il s’apprêtait à trahir. Sans pouvoir se douter un seul instant que ses larmes lui étaient destinées.
[FIN]
Merci pour ce superbe sujet !
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