Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
1. La championne
Je serre mon verre dans ma main tandis que la fontaine devenue femme énonce le premier champion. Mon cœur cogne si fort contre ma poitrine que son battement résonne jusque dans mes oreilles comme le tambour de guerre de Durmstrang. Pourtant, je n'ai pas de raison de m'inquiéter non ? J'ai des résultats excellents, maîtrise l'art du duel, je suis sportif et déterminé, j'ai donc toutes les chances d'être choisis pour un tel tournois demandant dextérité, sang-froid et talent. Malgré mes certitudes, je ne peux m'empêcher d'avoir un doute, un minuscule, qui me fait craindre le pire.
Le deuxième nom est cité, le champion de Hogwarts est choisi. Ne manque plus que celui de Beauxbâtons. Ma main se serre davantage, je retiens mon souffle... qui reste bloqué dans ma gorge quand le champion est appelé. Ou plutôt, la championne. Je suis tellement sonné que je ne vois pas les regards alarmés que s'échangent Abbie et Tobias à ma table. Non, j'ai dû mal attendre. Forcément. Ce n'était pas sa voix, pas son nom. C'est ridicule. Absurde. Pourquoi quelqu'un ne sachant pas réaliser le moindre maléfice serait sélectionné dans un tournoi où des élèves s'affrontent ? De ce que j'en sais, de tous les candidats, c'est la moins qualifiée. Mon esprit me joue juste un mauvais tour. Je la méprise tellement que j'ai cru entendre son nom et pas le mien. Voilà tout. Je lâche un petit rire nerveux et me tourne vers Tobias.
- Je crois que je deviens fou, qui a été appelé ? je lui demande avec un détachement inquiétant.
Son visage n'a pas du tout l'expression que j'aimerai voir. Envolé son sourire joyeux, sa mine est dépitée. Est-ce de la pitié que je lis dans son regard ? Il baisse les yeux et marmonne : Désolé mon pote...
- Je vois, je réponds, coupant cours à toute tentative d'en dire davantage tandis qu'un hurlement furieux m'emplit le crâne sans franchir mes lèvres. Mon ami a l'air d'être sur le point d'être malade. Moi aussi d'ailleurs. Ca aurait pu être n'importe qui d'autre que moi. Il a fallu que ça soit elle.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
2. La honte
Je bois une gorgée d'eau pour me donner une contenance et ai l'impression d'avaler de la glace pilée qui me perfore la gorge. Cette sensation perdure et se répand dans tout mon corps, faisant trembler ma main avant que je ne resserre encore davantage ma poigne sur mon verre jusqu'à mon faire blanchir les phalanges. Je tourne la tête et cherche son regard tandis qu'elle se lève pour rejoindre la salle des délégués. MA salle. Celle où JE devrais me rendre. Je lève mon verre quand Lorie Fleury passe devant moi et je la salue d'un mouvement de tête avec un sourire aux lèvres. Je pensai déjà la haïr, ce n'était à priori pas le cas. Ce que je ressens maintenant n'est comparable à rien, je me donne l'impression d'être capable de tout, surtout du pire.
Je laisse retomber lourdement ma main sur la table faisant sursauter ses occupants, et le verre se fissure. Je n'y fais pas attention et observe sans les voir les serveurs et serveuses qui affluent pour servir les différents plats. Je fais mine qu'il ne s'est rien passé et me sers comme d'habitude. Mais les aliments ont un goût de cendre dans ma bouche et les regards que je capte vers moi sont comme autant d'aiguilles qui me perforent la chair. J'évite d'ailleurs soigneusement de croiser ceux de mes cousins, incapable de soutenir l'humiliation que je lirai dans leurs yeux. Je sauve les apparences mais tout semble si difficile.
Néanmoins, le supplice est trop grand lorsque j'entends le rire moqueur de ma sœur. Une autre personne que j'aimerai faire taire de la façon la plus douloureuse possible. Mais ça n'est pas près d'arriver. Aussi, lorsque les serveurs reviennent pour les desserts, je quitte la table et profite de leurs mouvements pour me faufiler discrètement avec eux hors du réfectoire. Libérer des autres élèves, le choc ne s'atténue pas pour autant et je n'en ressens pas moins de haine et de fureur, mais la honte se fait un peu plus supportable. Je rejoins directement le boudoir sans croiser âme qui vive.
Une fois l'entrée franchie, je contemple un instant la salle censée être mon foyer réconfortant et suis pris de tremblements. Elle est si paisible, bien rangée, lumineuse. Elle me fait penser à elle et j'ai soudain envie de tout détruire. Je sors ma baguette d'un geste brutal... et m'attèle à ce que cette pièce soit à mon image : explosé en mille morceaux.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
3. Le carnage
Avachis sur l'un des fauteuils, je regarde le plafond d'un œil hagard. L'épuisement a alourdi tout mon corps et mon esprit est embrumé. La faute à l'utilisation d'un nombre inconsidéré de sortilèges visant à réduire en miette tout ce qui m'est tombé sous les yeux. Il faut dire qu'il ne reste plus une table, plus un meuble, plus une décoration en un seul morceau. La pièce est dévastée. Néanmoins, quelque part, je me sens vaguement mieux. Les lumières ont beau danser sur le plafond et la nausée me prendre aux tripes, je trouve dans cet épuisement un certain réconfort. Il faut dire que je n'arrive plus à réfléchir à rien. Qu'est-ce que je fais là d'ailleurs ? Ah oui... Comment l'oublier.
Un juron me fait lentement tourner la tête vers la porte et mon regard rencontre celui d'Abbie. Tobias est avec elle et regarde la pièce avec une mine horrifiée. La jeune fille, elle, ne regarde que moi. Je ne suis même pas soulagé de les voir. Il aurait pu s'agir de n'importe quel élève, d'un professeur même, quelle importance ? Ils auraient vu la même chose qu'eux. Un gars au visage pâle, les yeux rouge et gonflés, avec l'impression de s'être pris un sortilège d'hébétement au milieu d'une scène de destruction.
Abbie s'assoie prêt de moi et me prends dans ses bras avec précaution tandis que Tobias sort de mon champ de vision. Je n'ai pas la force de résister à son étreinte et ma tête se retrouve contre sa poitrine entre ses bras serrés.
- Je ne veux pas de vous, partez, je murmure.
Mais au lieu de se relâcher, la prison de bras se resserre. J'entends vaguement des "Reparo" répétés à toute vitesse. Probablement Tobias qui veut effacer toutes traces de mon saccage avant le retour du diner des autres élèves. Il va finir dans le même état que moi. Je ne sais pas combien de temps il a devant lui et s’il y arrivera mais je m'en contrefiche. J'ai juste envie de fermer les yeux pour me sortir de ce cauchemar. Mais aussi parce que j'ai la soudaine furieuse envie de dormir.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
4. La résolution
J'ouvre les yeux dans un sursaut qui surprend Abbie. Je le sais aux battements de son cœur qui se sont affolés d'un seul coup dans sa poitrine. J'ai l'impression de m'être endormi pendant des heures mais en entendant Tobias continuer à scander derrière le fauteuil, il est fort probable que seules quelques minutes se sont écoulées. Pourtant, j'ai l'impression d'avoir les idées déjà un peu plus claires. J'essaye de me redresser mais mon corps ne veut pas répondre, je réussi juste à me tendre. Je me sens si faible et pathétique. Que pensera ma famille de cet échec ? Que pensera ma mère ? Je le sais déjà. Ma seule consolation est que mes cousins n'ont pas non plus été sélectionnés. Sauf que pour eux, il ne fait aucun doute que le champion de Durmstrang les surpasse. De mon côté...
- Ma mère va me...
- N'y penses pas, m'interrompt Abbie en parlant doucement.
Je ne rajoute rien. Elle a raison. Ça ne sert à rien de penser à ça maintenant. Pourquoi me faire davantage de mal ? Son étreinte me fait plus de bien que je ne l'admettrai jamais. Sa chaleur se diffuse en moi comme un baume apaisant et je finis par lâcher prise à nouveau, me reposant complètement sur elle. Je ne sais pas combien de temps je passe ainsi. Quelques minutes supplémentaires, peut-être plus jusqu'à ce que la jeune fille se lève finalement pour aller prêter main forte à Tobias. Je finis par retrouver un peu de force ce qui me fait retomber bien vite dans ma froide colère.
- Elle me vole tout. Calypso, la Table ronde et maintenant ça, je dis d'une voix rauque, peu soucieux de tout mélanger. Un jour, c'est moi qui lui prendrai tout.
Encore une fois, je ne vois pas le regard inquiet que s'échange mes deux amis dans le boudoir presque refait à neuf. Pas plus que je ne me rends compte que je viens de franchir une limite, un point de non-retour.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
5. La trahison
Quelques jours plus tard...
Assis au réfectoire pour le petit déjeuner, à une heure où les tables sont encore loin d'être remplies, je regarde tour à tour mes deux meilleurs amis avec un sourire tranquille. Ils me regardent en retour avec méfiance, ils ne me croient pas du tout. Je ne me croirais pas non plus si j'étais eux, et j'aurai bien raison. Il va me falloir être plus convaincant, surtout avec Abbie qui me connaît mieux - ou plutôt qui m'idéalise moins - que Tobias.
- Je vous assure que ça va mieux, pourquoi je vous mentirai ? J'ai un peu dérapé c'est vrai. Le haussement de sourcils éloquent de Tobias ne m'échappe pas, cela ne m'empêche pas de poursuivre comme si de rien était. Et je suis toujours en colère, oui, comment ne pas l'être ? Leur affirmer le contraire serait contre-productif même s'il s'agit d'un mensonge. Je n'ai jamais été aussi serein, mais ils ne comprendraient pas. Mais je m'en remets doucement et je ne vais pas faire de bêtises, promis. Pas la peine de surveiller le moindre de mes mouvements, j'ai assez cassé de choses pour toute ma vie, je dis en laissant échappé un rire léger. D'ailleurs... merci pour ce que vous avez fait pour moi, c'est inestimable.
La soudaine décontraction des épaules de Tobias et le sourire qui fleurit sur ses lèvres me laissent penser qu'il y en a au moins un des deux qui a marché. "C'est normal, dit-il, c'est à ça que sert les amis !" Abbie, elle, se contente de me fixer de ses yeux noirs sans bouger. Seul le temps pourra la convaincre et je m'attacherai à être le plus discret possible d'ici là.
- Bien je vous laisse, mes cousins m'ont dit qu'ils avaient un truc à me dire, on se voit plus tard !
Je file avant qu'ils ne décident de finalement continuer à me coller au derrière, mais mon petit discours et l'absence de mystère sur ma destination semblent avoir fait leurs offices même si je me doute qu'ils restent suspicieux. Je rejoins rapidement les deux bulgares qui m'attendent dans un coin tranquille.
- C'est bon ? Demande Radomir.
- A peu près, ils devraient être moins sur mon dos.
Le garçon fait une moue peu convaincue mais son frère vient à ma rescousse en passant directement au sujet qui nous intéresse.
- On fait donc comme on a dit ? Tu nous transmets toutes les infos qui pourraient nous être utiles pour notre champion dès que tu en obtiens ?
Je hoche la tête. C'est effectivement ce qui est prévu. Certes, cela ne touchera pas Lorie directement mais indirectement... Un rien pourrait faire la différence et aider le champion de Durmstrang. A vrai dire, je me fiche qu'il remporte le tournoi ou pas. L'échec de Lorie m'intéresse davantage. L'imaginer atteindre le Grand Tournoi International m'est insupportable. Je n'ai pas totalement menti à Tobias et Abbie, je me sens réellement mieux. Je me sens calme. Très calme. J'ai plusieurs objectifs et ils se dessinent de plus en plus clairement - en tout cas jusqu'au prochain évènement majeur. Je les réaliserai. Sans compromis.
*Les paroles en italique sont en bulgare
FIN
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