Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 1
Novembre 2022
Je contemple la salle d'alchimie et les jeux de lumière que fait le plafonnier sur le sol le temps que tous les élèves arrivent. La pièce ne ressemble plus vraiment à celle du professeur Lambarna et pourtant, je ressens toujours la même atmosphère un peu mystérieuse et imperceptible dès que j'y mets les pieds. Les alchimistes doivent avoir un truc spécial en commun, un je ne sais quoi d'excentrique qui n'appartient qu'à eux. Je me demande d'ailleurs ce que fait le feu de cheminée allumé. Il ne fait pourtant pas froid dans la salle, peut-être cela a-t-il un lien avec l'atelier d'aujourd'hui. Ou peut-être pas. Qui sait avec Aliaume Delalande ? Je n'ai pas la moindre idée de ce qu'il nous a concocté pour aujourd'hui et avec lui, tout semble toujours possible. Une fois que je ne vois plus personne trainer dehors, je scelle la porte et rejoins les autres tandis que des symboles alchimiques s'illuminent partout et tirent des expressions surprises aux élèves les plus jeunes.
Le professeur Delalande entame son cours par une diatribe qui n'a pour moi pas le moindre sens. Au vu du silence qui suit ses premières paroles, il est évident que je ne suis pas le seul à être perplexe. Il faut dire que son introduction est plus qu'obscure, on dirait presque une devinette un peu retorse. Je suis du regard le sorcier lorsqu'il se lève et fait quelques pas en grognant de douleur - c'est qu'il commence à se faire vieux notre directeur ! - mais n'ai pas plus de réponse à donner avec les indices qu'il nous distille. Le Zodiaque ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Le terme ne m'évoque absolument rien du tout. Ce qui cette fois n'est pas le cas de tout le monde. Je suis un peu vexé de constater que plusieurs baguettes s'illuminent pour répondre tandis que la mienne reste résolument éteinte, ce n'est vraiment pas digne d'un délégué. Mais une élève de la confrérie de Lug semble savoir de quoi il en retourne, c'est d'ailleurs elle que le directeur désigne pour éclaircir ses propos.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 2
Je dois me concentrer pour comprendre ce que raconte la fille de Lug, son accent néerlandais étant plus que prononcé, d'autant plus qu'elle parle de notions que je ne connais pas. Mes connaissances lacunaires et les commentaires du professeur Delalande me permettent de refaire les mots mangés et de rétablir les liens qui me manquent. Ainsi, je comprends que l'on parle d'astronomie et de constellations. Les signes du zodiaque sont donc des constellations, il y en a treize et chacune possède un tracé alchimique. Très bien, c'est noté !
Je note également au passage que l'astronomie est liée aux centaures mais je ne saisis pas bien le lien avec l'élève de Lug. Encore un discours à demi mot du directeur que seuls les concernés peuvent comprendre. Je n'aime pas ces mystères mais je n'en saurai pas plus aujourd'hui alors autant ne pas me prendre la tête là-dessus. Savoir que les centaures sont des astronomes est finalement suffisant. Ici, même si les gargouilles ont constamment la tête sous les étoiles, elles passent plus de temps à lancer des rumeurs vulgaires et à faire des blagues nauséabondes qu'à regarder le ciel.
Le professeur Delalande pose une nouvelle question et c'est un nouveau blanc pour moi. Comme c'est frustrant. Comment suis-je censé savoir à quel élément appartient le Bélier ? Cette fois-ci par contre, ce sont majoritairement des filles qui allument leur baguette ce qui me rassure un peu. Ce n'est juste pas un domaine d'expertise courant pour un adolescent, je ne suis pas tout seul à ne pas savoir. Néanmoins, être quelque part et ne rien comprendre à ce qu'il se passe n'est pas un sentiment qui me mets le plus à l'aise. Je suis donc soulagé lorsque l'alchimiste entre dans un domaine qui me correspond bien plus : le tracé d'un cercle alchimique. Ça, c'est tout à fait dans mes cordes. Pas besoin de savoir de quoi on parle pour recopier un tracé, il faut simplement être méticuleux et connaître le sortilège du tracé alchimique. Je lance donc un lumos pour signifier que je suis prêt à tenter l'expérience.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 3
J'éteins ma baguette et la range dans son étui, que je place lui-même dans la poche de ma veste. Elle ne me sera d'aucune utilité finalement, un élève de Lug s'empressant en effet d'exécuter les consignes du nouveau professeur d'Alchimie sous sa demande. Il ne met pas longtemps à tracer le fameux cercle alchimique. En vérité, cela n'a rien de compliqué après plusieurs années d'entrainement. J'aurai bien entendu pu faire aussi bien. Ce n'est pas comme s'il était question de s'essayer à la métamorphose où j'aurai été aussi dépourvu qu'un élève de première année arrivant à son premier cours.
Il n'en reste pas moins que si la première étape est vite expédiée, la suivante s'avère plus compliquée et je m'empresse de sortir de quoi noter, ma mémoire ne sera pas suffisante à la fin de l'année si je m'en contente. Je reporte avec précision les différentes étoiles mentionnées - quatre en tout, avec des noms tous plus étranges les uns que les autres - et le tracé qui en découle ainsi que les conditions obligatoires qu'exigent la réalisation de ce tracé. Je n'ai pas le temps de me demander ce qu'il se passerait si les étoiles n'étaient pas reliées dans le même ordre, que le directeur en fait justement la démonstration. Le tracé fait l'effet d'un pétard explosif mouillé, ce n'est pas bien impressionnant. Tout le contraire de celui réalisé dans le bon ordre dont le résultat est nettement plus grandiose, je dirai même intimidant.
Deux grands murs de feu s'élèvent à présent entre nous et le vieil homme, qui les fait pivoter au gré de sa volonté. Contrôler le feu, cet élément à la fois vital et dangereux même pour celui qui le contrôle, il y a quelque chose de vraiment grisant là-dedans. Je ne regrette pas d'être là. Malgré mon impatience de m'y essayer, je reste calme et observateur. Si le feu brule à l'intérieur, il est toujours contenu dans un étau inflexible de bonnes manières et de maîtrise de soi. Enfin, presque toujours. Il est vrai que c'est un peu moins vrai dans certaines circonstances, avec une certaine personne notamment.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 4
Tout en observant les flammes, j'imagine toutes les possibilités que la maitrise d'un tel tracé pourrait offrir. Certes, il ne protègerait pas de certains sortilèges, mais il pourrait me masquer, détourner l'attention, contrer des attaques physiques de créatures magiques, voire plus encore ! Le directeur coupe court à mon émerveillement méditatif en rappelant les flammes et en les ramenant de là où elles étaient venues, à savoir dans l'âtre de la cheminée de la salle de cours. J'ai presque l'impression qu'elles sont conscientes et veulent s'en échapper à nouveau maintenant qu'elles ont goûté à la liberté, à la façon dont leurs mouvements se font violents et s'en prennent aux pierres pour les noircir. Je n'y laisserai pas un gratin dauphinois, à coup sûr, elles le dévoraient.
Je détourne finalement le regard pour me concentrer sur le vieux sorcier qui a repris ses machinations. Voilà maintenant qu'il trace, dans un silence des plus éloquents et ne laissant aucun doute sur sa maitrise parfaite de cette magie, un grand cercle alchimique avec pas moins de dix emplacements. Je n'ai pas besoin qu'il s'explique pour comprendre son intention : la partie pratique commence véritablement. Je laisse passer devant moi les premiers volontaires et m'insère dans les premiers de la file se formant dans les travées. Malgré le fait que je sois des plus impatients, il serait une erreur de me précipiter. Les premiers à passer seront les premiers à faire les erreurs. J'ai bien l'intention de profiter de leur passage pour noter ce qu'il faut ou ne pas faire, et ainsi d'éviter les faux-pas, notamment les plus simples. La stratégie avant tout pour garder la meilleure image de moi et éviter le mépris, voilà ce que m'a le plus appris mon oncle indirectement.
Néanmoins, la choses apparaissent rapidement bien moins évidentes que prévues. Rien que la première recommandation du sorcier me laisse perplexe. Relier les flammes de la cheminée à son propre feu intérieur...? Pendant que les premiers élèves initient leur tracé, je médite sur cette phrase et à son application. Quand viendra mon tour, je devrai absolument l'avoir comprise.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 5
Je ne peux pas me rapprocher des élèves comme le fait le directeur, mais je me redresse de toute ma taille pour mieux visualiser les gestes de chacun et chacune. Les premiers commentaires tombent dès le tracé. Je prends en note les mots du directeur, retient qu'il faut être vif, mais aussi pas trop courbé. Qu'il faut être sûr de soi et évidemment ne pas se tromper dans l'ordre des étoiles - comme la démonstration précédente l'a suffisamment montré -. Et enfin, une remarque que je pense avoir déjà noté : "se réchauffer le cœur", "libérer ses sentiments". J'imagine que ça revient à "notre feu intérieur". Expliqué ainsi, c'est quelque peu plus clair. Dans la pratique, reste à savoir ce qui me réchauffe vraiment le cœur. La colère ? Je l'imagine davantage comme une tempête de glace mais peut-être... L'amour ? Je n'ai pas tant que cela d'amour à donner, je pense d'ailleurs n'être jamais tombé amoureux. La détermination de vouloir être le meilleur pourrait peut-être faire l'affaire. Et si je mélangeai les trois ? Il me suffit de penser à Calypso et toutes ses émotions m'envahissent. Maudite Fleury.
Lorsque les tracés s'activent, rien de bien exceptionnel ne se passe. Dans le meilleur des cas, une ligne de feu se dresse devant un des élèves. Dans le pire, une pétarade et c'est tout. Je contemple avec un regard froid l'échec de mes camarades qui n'a pas l'air de contrarier plus que cela notre directeur. Il s'y attendait, évidemment. Moi aussi, à vrai dire, et j'ai bien l'intention de faire mieux qu'eux. Ce n'est pas pour rien que je suis resté à observer dans un premier temps. C'est d'ailleurs à mon tour d'y aller. J'avance vers le centre de la pièce et attends que le professeur d'alchimie retrace un cercle. Je garde en tête tout ce qu'il a dit et surtout, je pense à Calypso. Petit à petit, je sens mon esprit s'échauffer. Si je ne fais pas attention, je vais finir plus enflammé que l'elfe Groggy lorsqu'il parle de sa dulcinée - selon les dires du si peu discret premier année de Lug.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
Partie 6 & FIN
Mon tour se conclut comme pour les autres élèves, en un échec. Certes, ce n'est pas pire que certain, j'ai quand même réussi à invoquer quelques flammes, mais ce n'est rien en comparaison des murs de feu du directeur. J'ai eu beau appliqué à la lettre les conseils du vieux sorcier, il semblerait que seule la pratique me permettra d'arriver à mes fins. La pratique, mais aussi en me laissant complètement envahir par l'intensité du feu, sa violence et sa fureur. Je m'en rends compte dès le deuxième passage où ma colère m'échappe à force de penser à Calypso mais surtout à Lorie. Des flammes bien plus conséquentes prennent formes avec mon tracé, comme en réponse à mes émotions.
Sans compromis, comme un incendie ravageur... C'est exactement le sentiment qui m'habite maintenant. Celui que j'ai ressenti quand elle m'a volé. S'il faut tout détruire alors je vais tout détruire. Je crois que c'est bien le premier cours où je lâche autant prise, tout en maintenant malgré tout un semblant de contrôle. Le tracé nécessite tout de même de la précision, un ordre, il n'est pas question de faire n'importe quoi. Mais l'équilibre est difficile à maintenir, il est fragile, si bien qu'il me faut encore plusieurs essais malgré les conseils et rectifications de position du professeur pour maintenir en place et contrôler les murs - ou murets selon les points de vu - de flamme que je parviens finalement à créer. Bruts... déterminés... résolus à s'accomplir... voilà des préceptes que je ne vais pas oublier de sitôt.
Quand l'atelier s'achève et qu'il est temps de quitter la salle, je suis épuisé et j'ai la furieuse envie de détruire quelque chose... ou quelqu'un. Je suis à peu près certain que ça ne passera pas de la journée, pas tout seul en tout cas et qu'il faudra prendre sur moi-même pour garder mon impassibilité. En regardant les mines de mes camarades, je constate que je ne suis pas un cas isolé. J'espère que le professeur Delalande a prévenu ses collègues pour ce qui les attendait, le reste de la journée ne sera pas une bonne journée pour beaucoup.
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