Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
1. Le recrutement
Voilà une semaine que Natacha s'est faite prendre - non pas sur le fait, c'est moi qui l'ai vendu mais ça personne ne le sait - par notre oncle. Une semaine que les autres élèves d'Ogme la regarde avec colère vu le nombre de points qu'elle a fait perdre d'un seul coup en me suspendant dans les airs la tête en bas. Dès que oncle Thibérius m'avait libéré, je m'étais empressé d'aller me plaindre de son attitude aux autres, ainsi, rien de ce qu'elle a pu dire par la suite n'a pu apaiser les tensions. Une semaine qu'elle m'observe avec un regard assassin tout en ne tentant rien. Mais ce regard suffit pour me fouttre les jetons et savoir qu'elle recommencera. Peu importe les punitions que lui a donné le vieux Vaillant, ou plutôt, à cause des punitions qu'il a particulièrement bien choisi - récurer les box des abraxans, créatures qu'elle déteste, n'aurait pas pu être pire pour elle - je sais que sa vengeance sera terrible. Le problème, c'est que je n'ai pas la moindre idée de quand. Elle n'est pas bête, elle sait que pour l'instant, elle est surveillée.
Je n'ai aucune envie de me sentir sur mes gardes pour le reste de l'année ou de finir avec des furoncles quand elle aura trouver un angle mort. Les paroles de mon oncle résonnent dans ma tête "interroge-toi sur ce que tu aurais pu faire en amont...". Qu'est ce que je peux bien faire maintenant pour qu'elle ne veuille pas se venger plus tard ? J'ai eu un semblant d'idée... Une crinière rousse passe sous mes yeux et sautille d'un groupe à l'autre présents dans les couloirs comme un feu follet surexcité. Quand son propriétaire me voit, Tobias, il me rejoint immédiatement le sourire aux lèvres. Lui ne fait pas semblant, il ne sait pas mentir. Il ne sait d'ailleurs pas du tout quand je mens. Mais je l'aime bien, ce gars un peu fou, joyeux et d'une loyauté qui me laisse souvent perplexe. Je crois qu'il est amoureux de moi.
- Tout va bien ? me demande une voix féminine à côté de moi.
Abbie s'est faufilée discrètement à mes côtés. Ses grands yeux noirs m'observent. Là où Tobias est un grand naïf, Abigaël est d'une clairvoyance effrayante. Je n'ai pas besoin de lui répondre, elle n'a eu qu'à se plonger dans mes iris de glace pour avoir sa réponse. Elle lève un sourcil interrogateur. Ça sera sa seule invitation à en dire plus si je le souhaite. Sinon, elle laissera tomber. Elle n'aime pas se mêler des histoires des autres, comme moi. Je prends le temps de la réflexion. Les impliquer n'est pas anodin, je dois pouvoir leur faire entièrement confiance. Au sein de Beauxbâtons, ce sont les deux seuls qui se rapprochent le plus d'amis à mes yeux. Ça sera notre épreuve du feu, en quelque sorte.
- J'ai besoin de votre aide, dis-je finalement.
Tobias fait de grands yeux et saute de joie en lançant son poing en l'air comme pour souligner une victoire. J'ai du mal à comprendre son enthousiasme mais il m'arrache tout de même un vrai sourire amusé. Abbie, elle, se contente de hocher la tête avec sérieux. Les deux acceptent sans même connaître l'envers du décor.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
2. Les préparatifs
Maintenant que j'ai rallié mes deux copains à ma cause et que je leur ai expliqué mon plan qu'ils ont, à ma grande surprise, solidifié grâce à des idées pertinentes, il est temps de commencer les préparatifs qui s'annoncent non des moindre. Chacun d'entre nous a sa mission : Tobias doit convaincre la statue que l'on a ciblée ou en trouver une autre consentante pour participer à notre plan, Abbie doit trouver le meilleur moyen d'appâter ma sœur et moi je dois convaincre Madame Yapara de faire une bulle de silence à un des endroits stratégiques que l'on a définis. On s'est pris une marge de manœuvre et on adaptera le plan en fonction de nos résultats respectifs.
Comme l'endroit où se déroulera notre plan est primordial pour définir le reste, je suis le premier à me lancer vraiment tandis que les deux autres font des repérages furtifs. Convaincre la professeure de guérison ne sera pas trop compliqué je pense, elle nous encourage à nous entraîner. Le plus difficile restera de l'amener vers le lieu qui nous semblait idéal. Un coin de couloir avec une statue déjà présente et pas énormément fréquenté. Juste ce qu'il faut pour justifier l'exercice et pour trouver un moment tranquille pour piéger Natacha. Je me présente devant elle avec tous les arguments en main. Malheureusement, l'adulte ne l'entend pas de cette oreille. Si elle est d'accord pour réaliser la bulle, ça sera au mieux sur un coin de rempart. On devra se contenter de ça. Quand je serai prêt à commencer, je devrai revenir la voir.
Je m'en retourne auprès de mes compagnons du crime pour leur annoncer la nouvelle.
- Il n'y a pas tout le temps des statues sur les remparts, surtout en hiver, elles s'y gèlent la peinture, fait remarquer Tobias content de sa blague.
- C'est vrai, j'acquiesce. Il va falloir être très convainquant pour que l'une d'entre elle accepte de nous aider.
Un sourire énigmatique passe sur le visage du rouquin. Il a une idée en tête et bizarrement, je ne préfère pas savoir quoi.
- C'est un avantage pour attirer Natacha par contre, annonce Abigaël.
On se tourne vers elle surpris. Ce n'est pourtant pas ce qu'on en avait conclu en discutant plus tôt. Elle hausse les épaules négligemment.
- Tu cours le matin. Seul. Peu de chance que quelqu'un d'autre que toi ne soit sur les remparts. Ça serait idéal pour elle.
La logique se tient à une chose près.
- Je ne cours pas sur les remparts en plein milieu du mois de décembre, il fait trop froid, je rétorque.
- Eh bien tu vas changer ça pour les prochains jours, comme ça ma rumeur tiendra la route. Fais pas ta chochotte, ajoute-t-elle en me voyant grimacer.
À côté, Tobias se marre. Il n'a jamais compris mon besoin de faire du sport tous les matins. Que ça se retourne contre moi l'amuse beaucoup. Je soupire. L'idée d'Abbie se tient. Je courrai donc dehors pour le reste de la semaine tandis qu'elle s'arrangera pour l'information arrive jusqu'aux oreilles de ma sœur.
- OK, dans ce cas tout doit être prêt quand tu feras mine d'en parler devant elle. Statue en place et vous devrez vous aussi être cachés et prêt tous les matins. On ne sait pas quand elle mordra à l'hameçon.
Abbie acquiesce tandis que Tobias cesse immédiatement de rire. Il vient de comprendre que le plan de la sorcière de deuxième année implique que nous soyons tous dehors à 7h du matin pour le reste de la semaine. Il semble tout de suite beaucoup moins amusé mais il ne se dégonfle pas. Il se lève même déterminer pour partir à la recherche de la fameuse statue, cœur de notre scénario. Attention Natacha, ta chance va bientôt radicalement tourner. J'ai monté une escouade qui ne recule devant rien. Me brimer ne sera plus aussi simple.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
3. L'appât
Le lendemain, Tobias vient nous voir haletant. Il a couru dans tout le château pour nous retrouver et nous annoncer la nouvelle. Une statue a accepté de nous aider. Par contre, il faut qu'on la porte elle et son piédestal jusque dehors, elle ne veut pas toucher le sol. Je ne sais pas comment il en est arrivé à ça sachant que la statue ne parle pas mais qu'elle se déplace. Si la seule chose qu'elle peut faire, elle ne veut pas le faire, on n'est pas sorti du chaudron. Enfin, elle pourra toujours bouger le haut du corps... Il faudra se contenter de ça. Avant de la déplacer, on décide qu'il est préférable que la bulle de silence soit mise en place et je m'empresse alors de retrouver la professeure de guérison pour lui annoncer que je suis prêt. Le sortilège sera en place quelques jours seulement, j'espère que l'appât sera suffisamment alléchant pour que Natacha marche dans notre combine.
Ceci fait, nous nous retrouvons au pied de ladite statue sur l'heure du repas, moment où la fréquentation est bien moindre dans les couloirs. Il serait en effet mal avisé de déplacer la statue de deux mètres à la vue de tous. Nous devons tout de même rester prudent car si le passage est moins fréquent, des élèves se déplacent quand même de temps à autres. Ainsi, notre progression vers les remparts à coup de wingardium leviosa est très lente et ponctué d'arrêt. La statue y met d'ailleurs du sien, effrayée à l'idée qu'on la casse, elle nous fait comprendre à sa façon - c'est à dire à force de gesticulations et grimaces muettes - quand elle trouve que l'on va trop vite. Elle n'a vraisemblablement pas conscience qu'un reparo suffirait à la remettre d'aplomb. Tellement pas que dans un mouvement de panique, sa main de plâtre fini dans la tête de Tobias. Le temps qu'on parvienne enfin dehors, son œil a tourné au violacé. Il file au dispensaire tandis qu'Abbie et moi finissons d'ajuster la position de la statue. Son support est suffisamment large pour que deux jeunes élèves puissent se cacher derrière, ça sera parfait.
- A mon tour, dit Abbie, avant de disparaître elle aussi.
Quand le soir venu je retrouve mes deux compères dans le boudoir, tout est en place. Le plan est définitivement en marche. Il n'y a plus qu'à attendre que ma sœur morde à l'hameçon. Le lendemain, je me lève pour aller courir comme convenu. Abigaël et Tobias sont prêt eux aussi. Ils sont emmitouflés comme jamais, prêt à affronter le froid. Je n'ai malheureusement pas ce luxe si je veux créer l'illusion. De toute façon, je vais me réchauffer en faisant du sport. Nous restons sur les remparts une bonne demi-heure mais personne ne se pointe. Nous recommençons notre manège le lendemain puis le surlendemain. Ce n'est finalement que trois jours après notre début du plan qu'une voix m'interpelle.
- Tiens, tiens, tiens, je suis née sous une bonne étoile on dirait. Ou alors tu te crois vraiment intouchable ?
Natacha se tient devant moi, baguette à la main. Ses yeux bleus semblent plus foncés que d'habitude. Je retiens mon souffle mais n'ose pas regarder du côté de la statue. Je dois leur faire confiance. Je sais qu'ils sont là, c'est à eux de jouer. Finalement, moi, je ne suis que l'appât.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
4. L'imprévu
Elle se tient là, devant moi, pile au bon endroit, pile au bon moment. Je n'aurai pu rêver mieux. Je crois que ma sœur a un don pour tomber dans les pièges. Je ne lui réponds rien, lui lance seulement un air de défi pour la provoquer mais ne préfère pas prononcer le moindre mot de peur de me trahir.
- T'as perdu ta langue, doudou, dit-elle avec mépris en insistant sur le surnom ridicule qu'elle me donne. Je voulais justement te la prendre, c'est dommage, je vais devoir partir sur quelque chose d'autre, ajoute-t-elle en levant sa baguette vers moi. Je savais que la punition de notre oncle ne la retiendrait pas longtemps.
Au même instant, son mouvement à peine amorcé, un cri me fait sursauter. *ALERTE ! ALERTE !* Je m'y attendais et pourtant mon cœur a manqué un battement... Cela donne probablement encore plus de crédit à notre stratagème. Je colle mes mains sur mes oreilles, sachant pourtant pertinemment bien que tout se joue dans ma tête. Mais ça, Natacha n'a pas l'air de s'en rendre compte pour le moment. Elle fixe, mi-surprise, mi-effrayée, la statue qui la pointe du doigt et mime avec sa bouche le mot "alerte" qu'Abbie insinue dans nos esprit grâce au sortilège Voïteya.
J'ai peur que ça ne suffise pas. Non, je suis certain que ça ne suffit pas. A la voir, elle va vite reprendre ses esprits et nous percer à jour et là, tout sera fichu. Je dois trouver autre chose mais je suis à court d'idées et le mot alerte qui résonne dans ma tête me fracasse le crâne. C'est alors que la statue fait quelque d'inattendue : elle s'arrache à son piédestal et marche en direction de Natacha avec toujours un doigt menaçant pointé vers elle. Lorsqu'elle la surplombe de toute sa hauteur, le discours change.
* TU NE TOUCHERAS PLUS LE GAMIN ! NOUS TE SURVEILLONS ! *
Ce n'est pas du tout prévu. Je ne sais pas comment la statue arrive à mimer ça ni à quelle moment Abbie l'a prévenu, mais elle est convaincante. Le visage de ma sœur se décompose. Je profite que son attention soit occupée ailleurs pour jeter un coup d'œil vers le socle de la statue. Mes deux partenaires de la supercherie ont réussi à se dissimuler derrière. Il y a bien peut-être une mèche de cheveux roux qui dépasse mais ma sœur est bien trop concentrée sur la statue pour le voir. Mince alors ! Comment ils ont fait tous les deux ? La statue ne voulait pas mettre un orteil sur le sol ! Il me tarde de pouvoir leur poser la question. En attendant, je regarde avec une joie féroce ma sœur dont la main commence à trembler.
- Tu ?!... Commence-t-elle vivement en se tournant d'un seul coup vers moi, autant effrayée que furieuse.
Mais la frayeur l'emporte quand la statue s'avance encore d'un pas lourd vers elle, interrompant probablement une phrase rageuse et elle s'enfuit en courant. Quelques longues secondes passent sans que plus personne n’ose bouger. Nous restons vigilants à ce qu'elle ne revienne pas d'un seul coup. Mais au bout d'une longue minute, nous en sommes certains, elle ne reviendra pas. C'est alors l'explosion. Tobias sort de sa cachette en courant comme un fou mais se retient d'hurler sa victoire - on ne sait jamais - tandis que Abbie me fait un sourire complice que je lui rends. Je me tourne alors vers la statue restée contemplative.
- Merci, je lui dis simplement.
Elle incline la tête et je fais de même, avant de saisir son support sous un bras bien plus fort que les nôtres et de s'en retourner à pied avec vers l'intérieur du château. Quand elle a disparu, j'appelle Tobias.
- Dis, tu as fait comment pour qu'elle accepte de bouger ?
Le rouquin hausse les épaules négligemment.
- Oh pas grand-chose. Je lui ai chuchoté pleins de trucs et au bout d'un moment, elle a bougé.
Je regarde Abbie avec perplexité. Le sourire mutin qui flotte sur ses lèvres ne m'augure rien de bon.
- Il lui a dit que si elle bougeait, on lui nettoierait les pieds pendant tout le mois de janvier.
Je manque de m'étrangler ou plutôt d'étrangler Tobias mais le sournois a prévu le coup et est déjà hors de portée. Voilà encore quelque chose que je n'avais pas du tout prévu.
Drian Vaillant
7ᵉ année, Délégué, Ogme
5. Les statues
Suite à ce plan un peu tordu et qui aurait pu échouer de bien des manières, je ne peux que l'admettre, Natacha est restée à distance. Il faut dire que non content d'avoir une statue pour lui faire peur, j'ai compris le filon et en ai ajouté pléthore à ma solde. Respectant les engagements que Tobias a pris malgré moi, nous sommes, à tour de rôle, allé nettoyer les pieds de marbre de ma sauveuse durant tout le mois suivant les vacances de Noël. Il n'a pas été simple de rester discret mais cela était primordial pour que notre plan avec ma sœur reste un succès. Si elle venait à l'apprendre, tout aurait été ruiné. Heureusement, la statue a joué le jeu et a été coopérative jusqu'au bout, dans son intérêt bien évidemment.
Aussi surprenant que cela puisse être de la part d'une statue muette, la rumeur s'est répandue parmi les autres statues et, sachant qu'elles auraient ce qu'elles demandaient, d'autres ont voulu jouer mes yeux et mes oreilles concernant Natacha. Je me suis alors plié à leur demande qui, contrairement à celles que des humains pourraient avoir, étaient tout à fait simple à réaliser. Un service pour un service, et voilà mon réseau qui a commencé à naître. Je me suis toutefois arrangé pour ne jamais être vu, cela doit rester mon secret. Je n'en ai même pas parlé à Tobias et Abbie. On ne sait jamais, je ne peux pas non plus me fier complètement à eux.
J'ai bien l'intention de continuer sur cette lancée fructueuse. Il n'y a pas que des statues qui pourraient m'être utiles à Beauxbâtons, le château regorge de tableaux et autres objets qui parlent, entendent et voient, et il n'y a pas que Natacha à surveiller. Si je fais bien mon affaire, personne ne pourra jamais plus me lancer un sortilège dans le dos.
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