Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Dans ce RP, Teilo est en Première Année.
Partie 1
Et la serrure cliqueta. Ils étaient tous enfermés. Teilo s'en fichait. Il était bien, là, dans la salle de cours d'Alchimie, dos au mur au milieu de tous ses petits - et grands - camarades, son regard irrémédiablement attiré par les symboles qui illuminaient murs et plafond. Ils lui donnaient cette sensation d'être entré dans un autre monde. Il avait beau déjà avoir vu cet effet à l’œuvre, notamment dans le réfectoire, il en restait encore, deux mois après le début de ses cours d'alchimie, un peu médusé. Ce n'était plus tellement l'effet 'waouh' de l'ensemble qui le travaillait mais l'histoire que lui semblaient raconter les symboles. Chacun était encore une énigme à déchiffrer, un code crypté dont l'accès ne lui avait pas encore été délégué.
C'était fou. En toute logique, l'alchimie aurait du être la matière qu'il préférait le moins. Trop... alambiquée pour sa tête, comme les maths. Mais dès le premier cours, les mystères qui entouraient cette pratique - cet art - étaient parvenus sans peine à faire travailler son imagination. Le professeur Delalande y était très certainement pour quelque-chose. Il avait beau être vieux, ankylosé et tout ramolli, il se passait un truc quand il parlait. Teilo l'écoutait. Il l'écoutait même quand il ne comprenait pas, comme maintenant. Gné ? C'était quoi, cette histoire de deux univers en treize tracés dont douze sont un seul ? Le jeune Lug tenta de faire sens de tout ça en se grattant sous l'oreille gauche et son regard fut soudain attiré par la lumière multicolore que projetait le plafonnier au sol. Ahhh... ça, c'était disco ! Ça faisait une super piste de danse ! Et s'il-
Le rire (?) du professeur Delalande le ramena vite fait au cours et Teilo grinça un peu des dents quand il le vit avoir des difficultés à se lever. Il réprima son envie de fendre la foule de ses camarades pour aller l'aider : il l'avait tellement fait avec sa grand-mère malade que c'en était devenu presque un réflexe. A son grand soulagement, leur directeur se redressa tout seul et quelques claquements de bâton plus tard vint le moment que Teilo attendait par dessus tout, celui ou une question était posée aux élèves. Aussitôt, car il était au fait de ces codes-ci, le Première Année dégaina sa baguette de sa poche, fit le geste, chuchota un "Lumos" et la tendit haut, bien haut, en sautillant un peu dans l'espoir qu'on le remarque parmi tous les plus grands qui l'entouraient.
Peine perdue. Le professeur avait choisi quelqu'un d'autre. Pour contenir sa frustration, Teilo pensa rapidement à la réponse qu'il aurait donnée lui : *le Zodiaque c'est les signes astrologiques dans le ciel ! Moi je suis Poissons ! Mais il y a aussi Lion, Gémeaux, Cancer, Vierge et.. euh... Taureau ? En tout y'en a douze... ou.. treize ? Haaa, c'est ça qu'il voulait... attends, depuis quand y'en a treize ?* Plus très sûr de lui, il prêta oreille attentive à la suite.
Teilo Daroux
3ᵉ année, Délégué, Lug
Partie 2
*Ofioukousse ?*
Teilo avait d'abord cru que l'élève anglaise avait toussé en plein milieu de sa réponse mais il dut se rendre à l'évidence quand le professeur acquiesça. C'était ça, le treizième signe dont il n'avait jamais entendu parler. Intrigué par cette découverte, il nota dans un coin de sa tête qu'il devait absolument en faire mention à son grand frère Fabrice dans sa prochaine lettre. C'était quoi comme animal, un Ofioukousse ? Ah oui, mais le Cancer, déjà, c'était pas un animal. Et la Balance non plus. Et les Gém-
L'apparition de lumières au sol attira son attention. Rah, il y avait vraiment trop de grands devant lui. Profitant de sa relative petite taille (il était un peu plus grand que la moyenne pour son âge), il serpenta entre les uniformes et les baguettes avec suffisamment d'agilité pour ne rien perturber. Du premier rang, il put mieux voir la magnificence des tracés.
Et surtout leur.. complexité. Toutes ces formes, tous ces chiffres... le jeune Lug en eut instantanément des sueurs froides. Ses yeux ne savaient plus où se fixer, tout ça ne faisait aucun sens dans sa tête, ça donnait même le vertige ! Heureusement pour lui, le Professeur Delalande mit fin à cette sensation en dissipant douze des treize tracés. Teilo déglutit et murmura un "merci" du bout des lèvres. Comme il croyait encore voir quelques chiffres danser autour de lui, il tâcha de se concentrer sur la voix du vieil homme.
Ha, le Bélier ! Un.. noble animal qui... avec des... non, rien d'intéressant ne lui venait en tête. Personne dans sa famille proche n'était de ce signe. Quant à savoir à quel élément le Bélier était associé... euh, le bois ? Non, la terre ! Non, il n'en savait rien et n'alluma pas sa baguette, préférant l'effleurer avec son pouce. C'était une petite technique qu'il avait développé depuis une semaine et qui, pensait-il, l'aidait à se calmer. Ha. La bonne réponse était le feu. Fabrice aurait certainement su ça.
Les petits poils sur sa nuque se hérissèrent soudain. Le professeur demandait un volontaire pour 'descendre dans la fosse aux lions'. Teilo se doutait que c'était une image mais quelle image ! Se dandinant d'un pied à l'autre, il ne put s'empêcher de jeter des coups d’œil furtifs dans les zones d'ombre de la salle, juste au cas où. Une fois rassuré, il porta son regard sur l'assemblée de ses camarades puis sur leur Professeur. Leur Directeur. Le bonhomme qui leur avait appris à faire tomber le ciel et donner vie aux étoiles.
"Lumos."
Avec un sourire et un peu en retard, Teilo leva sa main gauche et sa baguette.
Teilo Daroux
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Partie 3
Monsieur Delalande avait à nouveau choisi quelqu'un d'autre. Pourtant, Teilo se sentait moins frustré cette fois-ci. Peut-être était-ce l'image de la fosse aux lions qui restait imprimée dans sa tête ou tout simplement l'idée même du feu. Il avait vite compris et admis, au gré de ses premiers cours d'alchimie, qu'il y avait des éléments avec lesquels chacun pouvait avoir plus ou moins d'affinités. Le feu n'était clairement pas son élément préféré. Il ne savait pas vraiment pourquoi, c'était juste un ressenti. Dangereux ? Destructeur ? Incontrôlable ? En tout cas, il lui préférait les cinq autres sans hésiter.
Dommage. Aujourd'hui, ils allaient devoir jouer avec le feu.
Le garçon, imitant la salle, observait son confrère de Lug dessiner un très joli cercle alchimique. Il regrettait de ne pas encore avoir le droit de faire de même. Ça, c'était frustrant. Ils avaient beau apprendre plein de tracés en Première Année, ils ne pouvaient pas s'exercer avec en dehors des cours parce qu'ils ne savaient pas faire de cercle. Teilo se doutait bien que c'était pour les empêcher de faire des bêtises mais quand même, à dix-onze ans, ils étaient responsables ! Ils n'allaient pas submerger, souffler ou ensevelir l'école !
En se mordillant les lèvres pour ronger son frein, Teilo continua d'observer la scène que leur proposait le Professeur et l'Eleve. M. Delalande leur montrait le tracé à exécuter, l'illustrant de manière très visuelle avec ses petites boules blanches dans l'air. Teilo appréciait cela, ça lui parlait tellement plus de cette manière : il voyait très bien la forme du tracé à effectuer et s'entraînait déjà, du premier rang, à le reproduire avec son bras gauche. Il ne se préoccupait pas des propos du directeur sur la nécessité d'être proche de l'élément qu'on 'aspirait', ça c'était déjà intégré et M. Delalande le précisait sûrement pour les novices en alchimie que devaient être les élèves d'Hogwarts et Durmstrang.
Puis le cercle luisit, les flammes y furent aspirées et...
Teilo eut un moment de recul quand l'immense mur de flammes surgit d'un coup. "Fais attention, Teilo", lui dit-on en le repoussant en avant. Il ne s'excusa pas auprès d'Oscar, son camarade de Lug, dont il n'avait jusque là même pas remarqué la présence. Ses yeux étaient rivés sur les flammes, non pas par admiration comme pouvaient l'être certains de ses camarades, mais bien de crainte. Un petit feu de bois, ça allait encore, un feu dans la cheminée, pourquoi pas, mais là...
Teilo Daroux
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Partie 4
Il n'y avait pas qu'un mur, il y en avait deux. Et ils pivotaient, en plus ! Teilo déglutit. Il se sentait bien trop proche d'eux. Il sentait la chaleur des flammes réchauffer son visage, un peu trop à son goût. Heureusement que c'était leur professeur, leur directeur qui les contrôlait. Il avait suffisamment confiance en M. Delalande pour ne pas prendre ses jambes à son cou. De toute manière, les portes de la salle étaient fermées à clef, il se souvenait très précisément du cliquètement. Non, ce n'était pas un piège, malgré tous les indices qui prouvaient le contraire.
Quand les flammes regagnèrent la cheminée, visiblement peu satisfaites d'avoir été ainsi maîtrisées, Teilo poussa un soupir de soulagement et s'épongea le front. Ah ! Même leur directeur pouvait se brûler, constata-t-il en avisant le coude rougeoyant de l'ancien. Ou... non, il n'y avait rien. Il avait mal vu.
Comme il s'en doutait, le cours n'était hélas pas terminé. Pire, ils allaient devoir eux aussi reproduire le tracé. Bizarrement, il n'avait plus du tout envie d'y aller. Peut-être qu'en se faisant discret, en laissant les autres y aller, en passant dans les derniers, le cours se terminerait avant que ce ne soit son tour ? C'était compter sans les deux mains fermes qui se posèrent sur ses épaules et la voix dans son oreille, incitatrice : "On est volontaires."
"Ah bon ?" répondit Teilo d'une voix bien trop aigüe. "Me dis pas que t'as peur. Allez, du nerf. C'est le Directeur qui le dit."
Teilo résista bien un peu quand Oscar poussa sur ses épaules, mais juste un peu. Il se laissa bien vite guider à travers les autres élèves et se retrouva bien malgré lui au centre de l'arène, la fosse, la scène, au centre de l'attention. Son cœur battait la chamade face au grand cercle alchimique devant lui. Avec ses dix emplacements, il était à lui seul impressionnant.
Le professeur passait derrière lui, prodiguant de sans doute sages conseils sur le feu intérieur qu'il fallait relier au feu de la cheminée. Si seulement il savait ce qu'était son feu intérieur. Une détermination ? Il n'en avait pas. Une passion ? Il en avait trop.
C'était à eux 'de jouer'. Oscar sur sa droite, baguette déjà en main, avait le sourire. Teilo fronça les sourcils en empoignant la sienne.
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Partie 5
Chacun son tour, les élèves traçaient leur tracé sous le regard attentif de Monsieur Delalande. Quand le professeur s'approcha d'Oscar, celui-ci, quoique en Première Année, exécuta son geste avec l'aisance d'un expert. L'alchimie n'était pas sa matière préférée pour rien, se dit Teilo tout en tordant un peu sa baguette. Le Directeur commenta la prestation de son voisin et, bien qu'il tendit l'oreille pour tenter d'entendre, Teilo ne perçut rien d'autre que le sourire fier du blond. Le Directeur venait à lui. Oscar se tournait vers lui. Le public observait. C'était son tour. Il tendit sa main gauche et sa baguette, les dents serrées et les pieds gigotants. Après avoir dégluti, il traça. Le résultat n'était... pas très courbe. On aurait dit... un serpent ?
«Vous tremblez. N’ayez pas peur. Il faut s’exposer à l’échec pour réussir et croyez-moi quand je vous dis qu’en Alchimie plus qu’en toute autre chose, il vous faut échouer.»
Les mots de Delalande, pourtant dits avec bienveillance, s'agitèrent dans la tête de Teilo. Il fallait échouer pour réussir ? C'était... contradictoire, il ne comprenait pas. Et oui, il avait bien eu peur, mais pas d'échouer. Il avait eu peur de réussir ! De faire un gros mur de flammes brulantes qu'il n'aurait pas réussi à contrôler. Mais... contrôler le mur faisait partie de l'exercice. Donc oui, le Directeur avait raison, il avait eu peur d'échouer.
Le cercle alchimique s'activa. Teilo observa avec intérêt le résultat de son pauvre tracé. Pouf. Littéralement pouf. C'était le seul effet, un bruit de pétard mouillé. Il soupira et se tourna vers Oscar qui, lui aussi, semblait mécontent de son résultat. "C'est pas vrai, quel nul", maugréait le blond entre ses dents, poing serré à en étouffer sa baguette. "Hé, au moins, t'as du feu", tenta de le rassurer Teilo en haussant les épaules, ce à quoi son voisin répondit par un regard agacé. "Tu te contentes vraiment de peu."
Ils rejoignirent le public, invités par le Directeur à ruminer leur échec, à le voir en face. Oscar avait la tête basse. Teilo, comme sous l'effet d'un Alegria, cherchait des têtes connues dans la masse avec un petit sourire soulagé : au moins, il n'avait cramé personne et personne ne l'avait cramé.
Teilo Daroux
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Partie 6 & Fin
Toujours au premier rang, toujours flanqué d'Oscar, Teilo observait les autres élèves passer, parmi lesquels il reconnut Thaïs (il sourit) et Drian (il arqua un sourcil curieux). Les autres groupes ne faisaient pas beaucoup mieux que le sien : quelque part, ça rassurait le Lug que maîtriser le feu soit difficile. C'était... normal. Dans l'ordre des choses ? Oscar, visage fermé, sourcils froncés et dos droit, observait tout sans mot dire. Teilo n'osa pas le déconcentrer.
Puis vint, plutôt vite, le moment d'y retourner. Comme un pantin, Teilo se laissa à nouveau guider par les mains d'Oscar sur ses épaules. "Allez, cette fois, on y arrive", assénait le blond dans son oreille d'un ton qui ne souffrait aucune contestation. Devant le trop grand cercle alchimique, baguette à la main, ils écoutèrent les nouveaux conseils du sage directeur. A chaque nouvelle phrase prononcée par leur professeur, les épaules de Teilo s'affaissaient un peu plus.
Puissance, feu intérieur, sans compromis, incendie, ravage, 'aucune place à l'hésitation', brut, déterminé, résolu.... rien, décidément rien de tout cela ne lui parlait. C'était embêtant parce qu'il ne voulait pas décevoir M. Delalande, surtout devant tout le monde. Il ne voulait pas avoir une mauvaise note ou qu'Oscar lui dise encore qu'il était nul. Mais il y avait autre chose qu'il ne voulait pas, plus importante que tout le reste : il ne voulait pas faire de mur de feu.
Oui, sa décision était prise. Il l'avait murie au fil de ses premières découvertes en Alchimie, mais ce qu'il ressentait depuis tout à l'heure et les propos du professeur l'avaient aidé à parvenir à cette irrémédiable conclusion. Il ne voulait pas contrôler le feu. Il ne voulait pas de cette puissance là, de cette absence de compromis, de cette capacité à ravager. Ce n'était pas lui. A onze ans, Teilo se pensait convaincu.
Comme il fallait quand même faire l'exercice, le garçon usa d'un stratagème qui lui était familier : il se prit pour quelqu'un d'autre. Pourquoi pas Gavroche, animé du feu de la révolution française de 1830, mort sur les barricades et qu'il avait déjà joué sur les planches ? Ou Simba, dont le désir de venger la mort de son père, quoi qu'il en coûte, avait bien failli lui coûter la vie ? Ces deux là étaient déterminés, résolus. La passion brulante qui les guidait leur empêchait d'avoir peur. A défaut de son propre feu intérieur, Teilo se nourrit des leurs au moment de tracer le sort. Et cette fois, il n'hésita pas.
Quand le cercle alchimique s'activa, le tracé d'Oscar produisit un muret de flammes inquiétantes, pas moins inquiétantes toutefois que le sourire satisfait qu'affichait le blondinet. L'ombre des flammes dansait sur son visage et Teilo, en voyant cela, ne put s'empêcher de déglutir. Quant à lui, il avait à peine pris à la cheminée une misérable flammèche. C'était toujours mieux qu'avant, se dit-il, ni content ni déçu. Ça lui éviterait trop de remarques et une attention spéciale du professeur qu'il ne désirait pas.
Une fois le cours terminé, la salle descellée, ils furent parmi les premiers à se diriger vers la sortie. Oscar tapa sur l'épaule de Teilo avec l'air supérieur, un peu goguenard et faussement compatissant qu'il prenait un peu trop souvent : "Tei, tei, tei, l'Alchimie je crois que c'est pas pour toi. Tu devrais faire des petits objets magiques comme Paolo... ou des recettes. C'est bien les recettes. C'est mignon." Teilo fronça les sourcils et haussa les épaules. Une question le taraudait depuis leur deuxième passage devant le cercle. "Dis, à quoi t'as pensé juste avant de faire le tracé ?" Ce devait être particulièrement fort, se disait Teilo, vu le résultat. En réaction, Oscar se raidit et retira sa main comme si l'épaule de Teilo le brûlait. "Ça te regarde pas."
Il leur fallut bien deux minutes pour oublier ça et recommencer à parler comme si de rien n'était.
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